Un bougon revendicateur ?

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laurent provost
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Re: Un bougon revendicateur ?

Message par laurent provost »

Bonsoir,
Comme a mon habitude, tout les mercredis, je suis allé me plonger dans les cotes des archives des Hôpitaux de Paris.
J'ai repris une cote qui englobe les établissements hospitaliers de cette vénérable institution qui ont hébergé des militaires. Ce soir je vous propose la lettre envoyé par l'ex soldat Pernin à mr le Directeur du Service de Santé du Gouvernement de Paris.
Le soldat Pernin Léon
A Mr le dDirecteur du Service de Santé du Gouvernement Militaire de Paris
Hôpital Cochin le 13 mars 1920.

Monsieur,
J’ai l’honneur d’attirer votre bienveillante attention sur ma situation:
Je suis réformé N°1 pour blessure de guerre en date du 14 octobre 1919, et réhospitalisé le 21 du même mois, vu la nécessité urgente d’une intervention chirurgicale.

Cette intervention m’ayant été faite, j’attends mon complet rétablissement, pour sortir de l’hôpital; mais je tiendrais à savoir pourquoi, vu ma situation ci-dessus énonce, je n’aurais pas droit aux mêmes avantages au point de vue nourriture que mes camarde e traitement non encore réformés.

Si, aussitôt après lla réformé passée, la France oublie ce qu’elle doit à ceux qui comme moi , ne possédant rien, ont été sacrifié ce qu’un être humain à de plus précieux ici-bas, c'est-à-dire la vie, pour la défendre. Je la trouve bien ingrate envers ses anciens défenseurs.

Enfin, je vous prie de bien vouloir me dire si tous es Français qui ont versé leur sang pour la défense de leur pays ne sont plus égaux devant la loi.

Bien respectueusement
Signé Pernin

Mr Pernin, ex soldat au 153 Régiment d’infanterie en traitement à l’hôpital cochin (salle Percepieds).
Le document que j'ai retranscrit est une copie dactylographié de la lettre, ce n'est pas l'original.
Voici la réponse du directeur de Cochin, dans une note adressé au directeur Général qui lui demande des éléments de réponses.
Mr Pernin, démobilisé, entré à Cochin le 14 novembre 1919 est soumis au régime ordinaire des malades de l’établissement. N’est pas signalé par le chef de service pour régime spécial qui lui serait bien entendu accordé s’il était prescrit …
Ce qui je constate dans ces deux documents, c'est l'émergence de l'idée de la reconnaissance du sacrifice consenti, qui est là pour plaider une égalité entre co-hospitalisé,
Mais la réponse, délicieusement bureaucratique du directeur, ne reprends pas l'argumentation quasi morale, il se retranche sur la prescription médicale, en insistant bien que le sieur Pernin, n'a plus de statut militaire, puisque démobilisé.

Ps je n'ai pas d'autre éléments concernant le dit Pernin, éclairant son dossier médical, je n'ai pas consulté les registres d'admission de cette période pour avoir une idée de son diagnostic d'entrée et de sortie , dérogation nécessaire compte tenu de la date
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antoinedeverdun
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Re: Un bougon revendicateur ?

Message par antoinedeverdun »

très interressant
Dulce et decorum est pro patria mori...
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Eric Mansuy
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Re: Un bougon revendicateur ?

Message par Eric Mansuy »

Bonjour Laurent,
Très intéressant "fil". Auquel tu me permettras d'ajouter ce que j'ai placé sur un forum voisin (sur lequel tu viens de t'inscrire je crois ;) ) il y a quelque temps.

Bien sincèrement,
Eric Mansuy

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Lundi 22 janvier 1917

A WESSERLING.
Visite au Général GRATIER, Commandant la Division ; absent.
Dîner sur invitation pressante chez le Colonel MESSIMY, ancien Ministre de la Guerre, Commandant de l’Infanterie de la Division, qui, après le dîner, soumet au M.A. [Médecin d’Armée] et à la Commission (1) la question délicate des très nombreuses propositions rétrospectives pour la Médaille Militaire ou la Légion d’Honneur adressées de l’Intérieur aux Corps de Troupe en faveur des blessés amputés, ou atteints d’une infirmité comparable. Il communique la Note ci-après N°7940 du 13 janvier 1917 du Général NIVELLE, Commandant en Chef, laquelle n’a jamais été adressée au Médecin de l’Armée.

(1) Les événements décrits sont se déroulés lors de la tournée vosgienne du Conseil Technique Chirurgical de la Commission Supérieure Consultative du Service de Santé, du 21 janvier au 23 janvier 1917.

GRAND QUARTIER GENERAL
ETAT MAJOR
BUREAU DU PERSONNEL
N°7940

Au G.Q.G. le 13 Janvier 1917

NOTE POUR LES ARMEES

Les avis émis par les différents échelons hiérarchiques sur les propositions individuelles de récompense (Légion d’Honneur ou Médaille Militaire) établis par les Cdts de Dépôts dénotent, depuis quelque temps, vis-à-vis des grands blessés évacués à l’Intérieur, une bienveillance uniforme qui évite la discrimination des titres réels et procède d’une fausse interprétation de la Note N°2798 du 8 Mars 1915.
On admet trop souvent que la gravité de la blessure est une condition suffisante pour l’obtention de la Légion d’Honneur ou de la Médaille, et peu à peu une doctrine tend à s’établir, d’après laquelle ces hautes récompenses doivent être accordées automatiquement aux amputés à la suite de leurs blessures, et aux grands blessés dont l’importance est équivalente à la perte de l’usage d’un membre.
Il est devenu nécessaire de réagir contre cette tendance qui peut diminuer à la longue, la valeur de nos décorations nationales.
Le § 2 de la Note 2798 du 8 Mars 1915 du Général Commandant en Chef s’exprime comme suit :
« Il a été décidé que, en principe, tous les militaires ayant subi une amputation pour blessure de guerre et dont la conduite et la tenue au feu n’auraient rien laissé à désirer, pourraient recevoir la Médaille Militaire ou la Légion d’Honneur. »
Il en résulte bien que la première condition pour que la Légion d’Honneur ou la Médaille Militaire puisse être accordée aux militaires amputés et aux grands blessés est la bonne tenue au feu.
Il s’ensuit qu’en aucun cas, la gravité de la blessure ne peut justifier l’attribution de la Médaille Militaire à un mauvais soldat.
Il appartient donc aux Chefs de Corps, quand une feuille individuelle de proposition en faveur d’un grand blessé de l’Intérieur leur est soumise, de bien mettre en lumière, tout d’abord, la conduite et la tenue au feu de l’intéressé.
Il est de leur devoir le plus stricte de refuser ou d’ajourner toute récompense aux grands blessés ou amputés, dont l’attitude devant l’ennemi a été reconnue mauvaise ou douteuse.

R. NIVELLE

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COMMANDEMENT DE L’INFANTERIE
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N°1040

Copie conforme notifiée à M.M. les Cdts de Groupe, 2° & 3° Cies de Skieurs, 49°, 55° & 57° R.I.T., 5°, 6° & 7° B.C.T. pour exécution ; au Commandant du Dépôt Divisionnaire à titre de renseignement.

L’attention des Cdts de Groupe et des Chefs de Corps est attirée sur le § VI de la Note ci-dessus.
Il y aura lieu à l’avenir de porter obligatoirement dans les avis émis, une mention relative à la tenue au feu des militaires proposés pour une récompense.

Le 22 Janvier 1917
Le Colonel MESSIMY, Cdt l’Infanterie de la 46° D.I.
Signé : MESSIMY

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Pendant la discussion, le Professeur QUENU fait notamment observer qu’il a vu récemment à Paris un blessé atteint de lésions graves du nez et des maxillaires supérieur et inférieur, qui, malgré une prothèse aussi heureuse que possible, a des mutilations telles qu’il ne trouve pas à se placer et à gagner sa vie, et que pour lui, l’état de ce blessé est au moins aussi intéressant que celui d’un amputé de la main ou du pied.
La Commission abonde dans ce sens et cite des exemples tels que : paraplégie et autres complications graves résultant de blessures de la moelle ou des nerfs.
Le M.A. fait observer que, d’autre part, pour arriver à l’équité nécessaire, il paraît opportun que tous ces certificats initiaux provenant la plupart de médecins du cadre complémentaire manquant d’expérience administrative soient complétés par l’expertise faite en présence d’une Commission de Réforme, dont les résultats seraient concretés et précisés, constituant ainsi un véritable certificat de contre visite.
Le M.A. serait d’avis que, comme cela se fait pour les accidents du travail, la Commission de Réforme évalue également par un chiffre le degré de l’infirmité et de l’invalidité résultant de l’amputation, de la mutilation ou de l’impotence consécutive à la blessure et qu’enfin une limite approximative (N %) soit fixée de façon à ce que les Corps de troupe soient nettement renseignés et que les propositions pour la Médaille Militaire et la Légion d’Honneur soient partout établies sur des bases identiques avec justice et équité.
La Mission partage cette manière de voir, et dès son retour soumettra la question à la Commission Supérieure Consultative du Service de Santé.
Le Colonel MESSIMY rédige la Note officieuse ci-après qui a été remise le lendemain matin à la Commission avant son départ :

46° DIVISION
COMMANDEMENT DE L’INFANTERIE
ETAT MAJOR
N°1066

Le 22 Janvier 1917

NOTE

Une Circulaire du G.Q.G., N°7940 du 13 Janvier, dont copie ci-jointe, rappelle au Commandement que la Légion d’Honneur et la Médaille Militaire ne peuvent être accordées aux grands blessés, qu’à la condition que la conduite et la tenue au feu de ses militaires n’aient rien laissé à désirer.
Mais cette Circulaire récente laisse entière la question suivante qui préoccupe à bon droit tous les Officiers, et particulièrement les Chefs de Corps, animés d’un esprit de stricte justice :
« A côté des amputés d’un membre, la guerre a fait un très grand nombre de blessés graves dont l’infirmité permanente et durable est pour le moins équivalente à celle résultant d’une amputation : ce sont tous les hommes atteints d’un très fort raccourcissement, d’une lésion de la moelle, ceux qui sont entièrement défigurés, etc., etc.
Nous recevons des hôpitaux des fiches, établies par des Médecins Militaires traitants, parfois même par des Médecins civils : ces fiches, toujours signées d’un seul nom, ont le double inconvénient suivant :
1° - Il est évident, à les lire, que la base d’appréciation instituant une commune mesure n’existe pas ;
2° - Il est fréquemment facile de lire entre les lignes que ces fiches ont été établies à la demande des intéressés – ou de leurs amis – et presque sous leur dictée.

Je demande :
A. – Qu’un barême précis soit établi par le Ministère, indiquant le degré d’invalidité, fixé en fraction mathématique, à partir duquel la Médaille Militaire (ou la Légion d’Honneur) pourra normalement, suivant les errements en cours, être accordée ;
B. – Qu’une juridiction compétente et sérieuse soit établie, qui fixera, après un examen médical approfondi, ce degré mathématique d’invalidité.

Si ces deux mesures ne sont pas prises, nous continuerons à nager en pleine incohérence – en l’espèce en pleine injustice.

Signé : MESSIMY
(extrait du JMO du Service de Santé de la VIIe Armée)
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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laurent provost
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Re: Un bougon revendicateur ?

Message par laurent provost »

Bonjour Eric,
Les documents que tu as ajouté en commentaire du mien , éclairent par l'autre bout , le sentiment d'équité revendiqué par notre Pernin. Il est aussi intéressant de percevoir cette dimension présente chez les officiers supérieur et généraux, alors qu'elle est absente chez le directeur de Cochin.
Ps, je vais mettre en ligne un article du médecin major GARNAUD , sur l'élaboration d'un dossier de réforme, patu dans la Presse médicale du 6 aout 1917
Ps2: je suis un bleu de bleu sur cet autre forum que je maîtrise pas encore ... :)


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