Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
- mireille salvini
- Messages : 1099
- Inscription : jeu. déc. 15, 2005 1:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
bonjour à tous,
je souhaite commencer la retranscription d'un étonnant petit livre paru en 1916 en France:
Parmi les blessés.../carnet de route d'une aide-doctoresse russe de Tatiana Alexinsky
si je le trouve étonnant,atypique et rare,c'est parce qu'il s'agit d'un témoignage d'une femme,d'une soignante et d'une Russe,qui nous fait part de son regard sur la guerre durant les années 1914-1915.
Tatiana est une jeune femme de la classe aisée,c'est une intellectuelle comme elle dit,elle parle russe,polonais,français,allemand.
elle a quitté son foyer pour se mettre au service des trains sanitaires:ce n'est pas à proprement parler une infirmière "diplômée",même si elle en fait tout le travail,c'est une "aide-doctoresse" avec un peu plus de responsabilités.
son style d'écriture est sans prétention littéraire,elle écrit comme elle pense même si elle choisit soigneusement ses expressions,je pense donc qu'elle a écrit son récit directement en français,avec quelques mots russes par-ci,par là.
et malgré les plus de 90 ans qui nous séparent d'elle,on découvre une jeune femme curieuse et sensible,très humaine et d'une modernité/liberté dans sa façon de penser très proche de la nôtre:c'est assez troublant.
et elle,elle nous fait découvrir une certaine Russie,celle de 1915,immense bien sûr,à la fois archaïque et moderne.
mais surtout, comme elle est très proche des lieux de bataille,elle donne la parole à différents témoins:
paysans,officiers,soldats,femmes-soldats,soldats blessés russes,autrichiens,allemands....
il en résulte un récit au charme indéniable en plus d'être un témoignage qui mérite d'être redécouvert à mon avis.
encore une précision: dans le récit,apparait souvent l'expression "ma petite soeur" pour désigner ces aides-doctoresses:c'est un terme générique de respect utilisé par les soldats car ces femmes n'étaient pas religieuses.
Mais,maintenant laissons parler Tatiana.
---------------------------------------------------------------
Parmi les blessés
Notre train sanitaire est tout à fait une ville roulante,une petite ville provinciale,avec ses petites affaires,ses petites occupations,ses petits intérêts.
Au milieu du train se trouve une voiture de première classe pour le personnel;il en vient ensuite une de troisième classe,dont une moitié nous sert de salle à manger,et l'autre de salle de pansement.Puis les voitures servant de cuisine,de glacière,de resserre pour le linge propre et pour le linge sale;une voiture est affectée au logement de nos sanitary,c'est à dire des infirmiers,des brancardiers,etc.Les sanitary exceptés,tout le personnel est "civil" et composé exclusivement de femmes.Notre train est un train féministe,ce qui m'inspire une sorte d'orgueil.
Les compartiments administratifs et ménagers de notre train sont précédés et suivis des voitures transportant les blessés: pour les officiers,une voiture de deuxième classe;pour les soldats,quatorze wagons à marchandises,aménagés en ambulances et appelés tieplouchki,et huit voitures de quatrième classe.Ces dernières sont occupées par les hommes légèrement atteints;les quatorze autres wagons sont ceux des grands blessés.Certains sont pourvus de huit lits mobiles spéciaux avec des matelas mous,sur lesquels on place les brancards où sont étendus les hommes.
Tout le temps,notre train est en mouvement.Formé à Moscou,il a quitté son point de départ,au commencement de la guerre,à l'état embryonnaire,emportant tout le matériel médical et le personnel,mais n'ayant pas encore son nombre actuel de voitures:les nouvelles lui furent "accrochées" dans une des grandes villes proches de la bataille;et il est devenu ce qu'il est aujourd'hui:un long "train sanitaire" à trois dizaine de wagons.
Quand je commençai à faire connaissance avec mes collègues,je ne fus pas peu surprise,je l'avoue,en entendant pour la première fois les noms de nos infirmiers:tous ces noms sont à consonnance germanique;pas un seul Russe parmi eux.
Beaucoup de nos sanitary ont aussi l'aspect typique des Allemands:les yeux clairs,les cheveux blonds ou roux,les traits mous et les mouvements lents et méthodiques.Et ce n'est pas une illusion:ils sont allemands en effet.
Ce sont des menonites,c'est à dire des membres d'une secte évangélique venus en Russie sous la grande Catherine,qui aimait les philosophes français et les colons allemands.Ils se sont réfugiés chez nous pour échapper aux persécutions religieuses qu'on leur avait fait subir d'abord dans les Provinces-Unies,ensuite en Prusse.
La Russie est vraiment un pays de possibilités illimitées:son gouvernement,qui poursuivait les sectes chez ses propres sujets,accueillit ces hommes à qui l'étranger refusait la liberté de conscience.Il leur donna des terres cultivables dans le midi du pays,il les exempta des impôts,et,respectueux de leur religion,qui interdit de tuer et de faire la guerre,il les dispensa du service militaire armé,en les réservant pour les services auxilliaires et sanitaires.
Comme infirmiers,ces Allemands russes sont parfaits:très doux pour les blessés,très ponctuels et très intelligents.Chacun de nous voit bien qu'on peut avoir toute confiance en eux.
(à suivre)
je souhaite commencer la retranscription d'un étonnant petit livre paru en 1916 en France:
Parmi les blessés.../carnet de route d'une aide-doctoresse russe de Tatiana Alexinsky
si je le trouve étonnant,atypique et rare,c'est parce qu'il s'agit d'un témoignage d'une femme,d'une soignante et d'une Russe,qui nous fait part de son regard sur la guerre durant les années 1914-1915.
Tatiana est une jeune femme de la classe aisée,c'est une intellectuelle comme elle dit,elle parle russe,polonais,français,allemand.
elle a quitté son foyer pour se mettre au service des trains sanitaires:ce n'est pas à proprement parler une infirmière "diplômée",même si elle en fait tout le travail,c'est une "aide-doctoresse" avec un peu plus de responsabilités.
son style d'écriture est sans prétention littéraire,elle écrit comme elle pense même si elle choisit soigneusement ses expressions,je pense donc qu'elle a écrit son récit directement en français,avec quelques mots russes par-ci,par là.
et malgré les plus de 90 ans qui nous séparent d'elle,on découvre une jeune femme curieuse et sensible,très humaine et d'une modernité/liberté dans sa façon de penser très proche de la nôtre:c'est assez troublant.
et elle,elle nous fait découvrir une certaine Russie,celle de 1915,immense bien sûr,à la fois archaïque et moderne.
mais surtout, comme elle est très proche des lieux de bataille,elle donne la parole à différents témoins:
paysans,officiers,soldats,femmes-soldats,soldats blessés russes,autrichiens,allemands....
il en résulte un récit au charme indéniable en plus d'être un témoignage qui mérite d'être redécouvert à mon avis.
encore une précision: dans le récit,apparait souvent l'expression "ma petite soeur" pour désigner ces aides-doctoresses:c'est un terme générique de respect utilisé par les soldats car ces femmes n'étaient pas religieuses.
Mais,maintenant laissons parler Tatiana.
---------------------------------------------------------------
Parmi les blessés
Notre train sanitaire est tout à fait une ville roulante,une petite ville provinciale,avec ses petites affaires,ses petites occupations,ses petits intérêts.
Au milieu du train se trouve une voiture de première classe pour le personnel;il en vient ensuite une de troisième classe,dont une moitié nous sert de salle à manger,et l'autre de salle de pansement.Puis les voitures servant de cuisine,de glacière,de resserre pour le linge propre et pour le linge sale;une voiture est affectée au logement de nos sanitary,c'est à dire des infirmiers,des brancardiers,etc.Les sanitary exceptés,tout le personnel est "civil" et composé exclusivement de femmes.Notre train est un train féministe,ce qui m'inspire une sorte d'orgueil.
Les compartiments administratifs et ménagers de notre train sont précédés et suivis des voitures transportant les blessés: pour les officiers,une voiture de deuxième classe;pour les soldats,quatorze wagons à marchandises,aménagés en ambulances et appelés tieplouchki,et huit voitures de quatrième classe.Ces dernières sont occupées par les hommes légèrement atteints;les quatorze autres wagons sont ceux des grands blessés.Certains sont pourvus de huit lits mobiles spéciaux avec des matelas mous,sur lesquels on place les brancards où sont étendus les hommes.
Tout le temps,notre train est en mouvement.Formé à Moscou,il a quitté son point de départ,au commencement de la guerre,à l'état embryonnaire,emportant tout le matériel médical et le personnel,mais n'ayant pas encore son nombre actuel de voitures:les nouvelles lui furent "accrochées" dans une des grandes villes proches de la bataille;et il est devenu ce qu'il est aujourd'hui:un long "train sanitaire" à trois dizaine de wagons.
Quand je commençai à faire connaissance avec mes collègues,je ne fus pas peu surprise,je l'avoue,en entendant pour la première fois les noms de nos infirmiers:tous ces noms sont à consonnance germanique;pas un seul Russe parmi eux.
Beaucoup de nos sanitary ont aussi l'aspect typique des Allemands:les yeux clairs,les cheveux blonds ou roux,les traits mous et les mouvements lents et méthodiques.Et ce n'est pas une illusion:ils sont allemands en effet.
Ce sont des menonites,c'est à dire des membres d'une secte évangélique venus en Russie sous la grande Catherine,qui aimait les philosophes français et les colons allemands.Ils se sont réfugiés chez nous pour échapper aux persécutions religieuses qu'on leur avait fait subir d'abord dans les Provinces-Unies,ensuite en Prusse.
La Russie est vraiment un pays de possibilités illimitées:son gouvernement,qui poursuivait les sectes chez ses propres sujets,accueillit ces hommes à qui l'étranger refusait la liberté de conscience.Il leur donna des terres cultivables dans le midi du pays,il les exempta des impôts,et,respectueux de leur religion,qui interdit de tuer et de faire la guerre,il les dispensa du service militaire armé,en les réservant pour les services auxilliaires et sanitaires.
Comme infirmiers,ces Allemands russes sont parfaits:très doux pour les blessés,très ponctuels et très intelligents.Chacun de nous voit bien qu'on peut avoir toute confiance en eux.
(à suivre)
- laurent provost
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- Inscription : lun. juin 11, 2007 2:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Bonsoir, Mireille
Entre le feuilleton de notre ami ar Brav et celui qui s'annonce on est gâté pour les fêtes de Noël. Je me disais, curieux, Mireille n'intervient pas beaucoup, et pour cause, elle nous prépare une version de guerre et paix.
Si , Tatiana , n'a point de talent littéraire, il se dégage pourtant un force évocatrice de ces premières lignes.
Merci
Entre le feuilleton de notre ami ar Brav et celui qui s'annonce on est gâté pour les fêtes de Noël. Je me disais, curieux, Mireille n'intervient pas beaucoup, et pour cause, elle nous prépare une version de guerre et paix.
Si , Tatiana , n'a point de talent littéraire, il se dégage pourtant un force évocatrice de ces premières lignes.
Merci

- mireille salvini
- Messages : 1099
- Inscription : jeu. déc. 15, 2005 1:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
(..suite)
Dans chaque tieplouchka,il y a place pour douze blessés.
Le tieplouchka est un wagon à marchandises avec un poêle au milieu;des lits sont placés sur le plancher ou accrochés aux parois,sur trois étages.Le total des voitures pour les blessés est,dans notre train,de vingt-trois.Une aide-doctoresse,assistée d'une soeur,a sous sa surveillance dix wagons avec des "blessés légers" ou six avec de "grands blessés".
Moi,je suis chargée de six wagons de "grands blessés".
Avant le départ du train,nous devons interroger chaque blessé,savoir quand il a été pansé pour la dernière fois et quel est son état.
On monte dans les tieplouchki par des marchepieds mobiles,qu'on enlève au départ.Il faut se hâter pour parvenir à examiner tous les blessés avant que le train se mette en marche.Au cas contraire,on risque de rester dans la tieplouchka jusqu'au prochain arrêt,parce que les véhicules ne communiquent pas et qu'on ne peut passer de l'un à l'autre sans descendre.Or,on ne sait même pas quand viendra la halte:il n'y a pas d'horaire fixe en temps de guerre.Parfois,le train roule pendant plusieurs heures de suite;parfois,il s'arrête toutes les dix minutes.
Pendant que je courais à la pharmacie,installée dans une voiture de troisième classe,le train est parti.
J'ai donc dû monter dans la tieplouchka la plus proche et y rester.Je refais les pansements si c'est nécessaire,je m'assieds sur un lit et j'entame la conversation avec les hommes.Chacun me raconte comment il a été blessé et évacué,me donne ses impressions.
"- Ma petite soeur,dit un des soldats,on nous transporte à N..,et ma famille habite à V..;notre train passera par V..;permettez-moi d'y descendre.Je verrai mes parents et puis je viendrai tout seul à N...."
Je réponds que je n'ai pas le droit de l'autoriser à quitter le train et que même le médecin en chef ne peut pas le faire,parce que cela regarde les autorités militaires.
"- Il ne me reste donc qu'à descendre à V...sans permission? dit le soldat mi-interrogativement.
- Si je ne peux pas vous donner la permission,je ne peux pas non plus vous retenir de force dans ce wagon,lui dis-je.En tout cas,n'oubliez pas que votre lieu de destination est N.. et, après avoir passé deux ou trois jours à V.. chez les vôtres,allez à N.. et présentez-vous au commandement de la place."
Deux autres blessés expriment aussi le désir de rester quelques temps à V.. pour des raisons semblables.Je ris et leur dis que tout un wagon de blessés ne peut pas s'esquiver à V.. sans qu'on s'en aperçoive.
Le train s'arrête.Je passe dans une autre tieplouchka.De nouveau le pansement,la conversation.Un nouvel arrêt du train,et je suis dans la troisième voiture.Je les visite ainsi tous les six.
La nuit vient.Très fatiguée,je termine mon travail et je vais au wagon-salle à manger.Mes collègues sont déjà là,et nous nous mettons à table:il est l'heure de dîner.
La gare de V..; je descends sur le quai.Deux des blessés qui peuvent marcher descendent aussi.
Une foule d'habitants de V.. les entoure: des vieilles femmes,de jeunes garçons,des ouvriers,des moujiks,des employés de chemin de fer.Ils interrogent les blessés:
D'où viennent-ils? Contre qui se sont-ils battus? Quel air ont les Allemands,et sont-ils braves?
Chaque soldat répond à sa manière.Il y en a qui admirent la préparation technique des Allemands:
"- Savez-vous comment ils construisent leurs tranchées? Une automobile traîne une charrue qui creuse une tranchée d'un seul coup,une tranchée telle qu'on y est bien protégé contre les shrapnells et les obus.Et nous? Nous ne creusons qu'avec une petite bêche.Il nous est très difficile de les vaincre."
La foule écoute ces paroles avec tristesse,la tête basse.Une vieille femme essuie des larmes.Elle songe sans doute à son fils,qui est allé combattre cet ennemi si puissant.
Un autre soldat ne partage aucunement l'avis pessimiste de son camarade.Il n'a que du mépris pour les Allemands.
"- Ils pourront faire durer la guerre autant qu'ils voudront et rester dans leurs tranchées des années entières,mais ils ne nous vaincrons jamais.Nous les briserons,bien sûr,nous les briserons.Nous avons déjà brisé les Autrichiens.Quant aux Allemands,il faut seulement avoir de la patience.Il ne faut pas se hâter de faire la paix.Il n'est pas difficile de la faire,mais qu'est-ce qui en sortirait? Voilà à quoi il faut penser....",disait ce blessé en pérorant.
Son langage encourageait visiblement la foule.
Le lendemain,vers midi,nous étions à N..
On déchargeait le train.Je me trouvais sortie de la gare et aidais à placer les blessés dans les traîneaux,qui les emmenaient aux hôpitaux en glissant rapidement sur la neige épaisse.Le train contenait quatre cents blessés;et leur transport dans les traîneaux dura plus d'une heure.La population fit aux soldats un chaud accueil.On leur donnait du pain,des baranki,des pommes,des cigarettes.Chacun apportait ce qu'il pouvait.
(à suivre..)
Dans chaque tieplouchka,il y a place pour douze blessés.
Le tieplouchka est un wagon à marchandises avec un poêle au milieu;des lits sont placés sur le plancher ou accrochés aux parois,sur trois étages.Le total des voitures pour les blessés est,dans notre train,de vingt-trois.Une aide-doctoresse,assistée d'une soeur,a sous sa surveillance dix wagons avec des "blessés légers" ou six avec de "grands blessés".
Moi,je suis chargée de six wagons de "grands blessés".
Avant le départ du train,nous devons interroger chaque blessé,savoir quand il a été pansé pour la dernière fois et quel est son état.
On monte dans les tieplouchki par des marchepieds mobiles,qu'on enlève au départ.Il faut se hâter pour parvenir à examiner tous les blessés avant que le train se mette en marche.Au cas contraire,on risque de rester dans la tieplouchka jusqu'au prochain arrêt,parce que les véhicules ne communiquent pas et qu'on ne peut passer de l'un à l'autre sans descendre.Or,on ne sait même pas quand viendra la halte:il n'y a pas d'horaire fixe en temps de guerre.Parfois,le train roule pendant plusieurs heures de suite;parfois,il s'arrête toutes les dix minutes.
Pendant que je courais à la pharmacie,installée dans une voiture de troisième classe,le train est parti.
J'ai donc dû monter dans la tieplouchka la plus proche et y rester.Je refais les pansements si c'est nécessaire,je m'assieds sur un lit et j'entame la conversation avec les hommes.Chacun me raconte comment il a été blessé et évacué,me donne ses impressions.
"- Ma petite soeur,dit un des soldats,on nous transporte à N..,et ma famille habite à V..;notre train passera par V..;permettez-moi d'y descendre.Je verrai mes parents et puis je viendrai tout seul à N...."
Je réponds que je n'ai pas le droit de l'autoriser à quitter le train et que même le médecin en chef ne peut pas le faire,parce que cela regarde les autorités militaires.
"- Il ne me reste donc qu'à descendre à V...sans permission? dit le soldat mi-interrogativement.
- Si je ne peux pas vous donner la permission,je ne peux pas non plus vous retenir de force dans ce wagon,lui dis-je.En tout cas,n'oubliez pas que votre lieu de destination est N.. et, après avoir passé deux ou trois jours à V.. chez les vôtres,allez à N.. et présentez-vous au commandement de la place."
Deux autres blessés expriment aussi le désir de rester quelques temps à V.. pour des raisons semblables.Je ris et leur dis que tout un wagon de blessés ne peut pas s'esquiver à V.. sans qu'on s'en aperçoive.
Le train s'arrête.Je passe dans une autre tieplouchka.De nouveau le pansement,la conversation.Un nouvel arrêt du train,et je suis dans la troisième voiture.Je les visite ainsi tous les six.
La nuit vient.Très fatiguée,je termine mon travail et je vais au wagon-salle à manger.Mes collègues sont déjà là,et nous nous mettons à table:il est l'heure de dîner.
La gare de V..; je descends sur le quai.Deux des blessés qui peuvent marcher descendent aussi.
Une foule d'habitants de V.. les entoure: des vieilles femmes,de jeunes garçons,des ouvriers,des moujiks,des employés de chemin de fer.Ils interrogent les blessés:
D'où viennent-ils? Contre qui se sont-ils battus? Quel air ont les Allemands,et sont-ils braves?
Chaque soldat répond à sa manière.Il y en a qui admirent la préparation technique des Allemands:
"- Savez-vous comment ils construisent leurs tranchées? Une automobile traîne une charrue qui creuse une tranchée d'un seul coup,une tranchée telle qu'on y est bien protégé contre les shrapnells et les obus.Et nous? Nous ne creusons qu'avec une petite bêche.Il nous est très difficile de les vaincre."
La foule écoute ces paroles avec tristesse,la tête basse.Une vieille femme essuie des larmes.Elle songe sans doute à son fils,qui est allé combattre cet ennemi si puissant.
Un autre soldat ne partage aucunement l'avis pessimiste de son camarade.Il n'a que du mépris pour les Allemands.
"- Ils pourront faire durer la guerre autant qu'ils voudront et rester dans leurs tranchées des années entières,mais ils ne nous vaincrons jamais.Nous les briserons,bien sûr,nous les briserons.Nous avons déjà brisé les Autrichiens.Quant aux Allemands,il faut seulement avoir de la patience.Il ne faut pas se hâter de faire la paix.Il n'est pas difficile de la faire,mais qu'est-ce qui en sortirait? Voilà à quoi il faut penser....",disait ce blessé en pérorant.
Son langage encourageait visiblement la foule.
Le lendemain,vers midi,nous étions à N..
On déchargeait le train.Je me trouvais sortie de la gare et aidais à placer les blessés dans les traîneaux,qui les emmenaient aux hôpitaux en glissant rapidement sur la neige épaisse.Le train contenait quatre cents blessés;et leur transport dans les traîneaux dura plus d'une heure.La population fit aux soldats un chaud accueil.On leur donnait du pain,des baranki,des pommes,des cigarettes.Chacun apportait ce qu'il pouvait.
(à suivre..)
- bernard larquetou
- Messages : 1337
- Inscription : mer. oct. 05, 2005 2:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Bonjour à toutes et à tous,
Bonjour Mireille,
Merci pour ce carnet de route de Tatiana.
C'est passionnant, et j'apprécie son souci du détail, les explications sur ces Allemands arrivés au pays sous le règne de la Grande Catherine, l'organisation de ce train sanitaire, etc...
On attend la suite avec impatience....
Cordialement
BL
Bonjour Mireille,
Merci pour ce carnet de route de Tatiana.
C'est passionnant, et j'apprécie son souci du détail, les explications sur ces Allemands arrivés au pays sous le règne de la Grande Catherine, l'organisation de ce train sanitaire, etc...
On attend la suite avec impatience....
Cordialement
BL
- Jean RIOTTE
- Messages : 5774
- Inscription : sam. nov. 05, 2005 1:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Bonjour Mireille,
Merci pour cette mise en ligne sous forme de feuilleton.
Très intéressant et petit suspense assuré...
Bien cordialement.
Jean RIOTTE.
Merci pour cette mise en ligne sous forme de feuilleton.
Très intéressant et petit suspense assuré...
Bien cordialement.
Jean RIOTTE.
- Stephan @gosto
- Messages : 5598
- Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
- Localisation : Paris | Chartres | Rouen
- Contact :
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Bonjour,
Merci Mireille pour ce nouveau feuilleton que je vais essayer de suivre avec le plus grand intérêt.
Subitement, je pense à une chose : il serait sympa que ce document rare reste accessible le plus longtemps possible au plus grand nombre - et pourquoi pas, même à ceux qui pourraient y trouver un intérêt bien que ne fréquentant pas forcément ce forum. Que penseriez-vous de le transmettre à Didier afin qu'il le mette en ligne sur son site (Chtimiste) qui est une sorte de grande base de données sur la Grande Guerre. Il y sera peut-être plus facimement accessible lorsque, les mois passant, votre mise en ligne sous forme de feuilleton manquera de visibilité directe sur ce forum.
L'un n'empêchant pas l'autre, bien évidemment.
Amicalement,
Stéphan
Merci Mireille pour ce nouveau feuilleton que je vais essayer de suivre avec le plus grand intérêt.
Subitement, je pense à une chose : il serait sympa que ce document rare reste accessible le plus longtemps possible au plus grand nombre - et pourquoi pas, même à ceux qui pourraient y trouver un intérêt bien que ne fréquentant pas forcément ce forum. Que penseriez-vous de le transmettre à Didier afin qu'il le mette en ligne sur son site (Chtimiste) qui est une sorte de grande base de données sur la Grande Guerre. Il y sera peut-être plus facimement accessible lorsque, les mois passant, votre mise en ligne sous forme de feuilleton manquera de visibilité directe sur ce forum.
L'un n'empêchant pas l'autre, bien évidemment.
Amicalement,
Stéphan
-
- Messages : 40
- Inscription : jeu. juin 28, 2007 2:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Le système russe était dans les grandes lignes similaires au nôtre, avec les mêmes carences dans le nombre de trains sanitaires organisés au début de la guerre, mais avec une grosse différence : les distances !! Car la distance Varsovie-Moscou n'est pas tout à fait la même qu'un Paris-Bordeaux....et on connait tous les conséquences de l'évacuation à tout prix sur les blessés français...alors imaginer sur 2 000 Km
Les carences vont être comblés par les organisations des grandes-duchesses et de l'impératrice, qui feront organiser des trains, ainsi que la Croix-Rouge ou les Unions des Villes ou de Zemstvo.
http://www.grwar.ru/pictures/pictures.html?id=27
Trains militaires sanitaires de campagne pour les premiers soins avancés
http://www.grwar.ru/pictures/pictures.html?id=173
Hôpital de campagne à Suwalki
http://feb-web.ru/feb/esenin/pictures/el1-690-.jpg
http://photoarchive.spb.ru:9090/www/sho ... 2001836823
Les carences vont être comblés par les organisations des grandes-duchesses et de l'impératrice, qui feront organiser des trains, ainsi que la Croix-Rouge ou les Unions des Villes ou de Zemstvo.
http://www.grwar.ru/pictures/pictures.html?id=27
Trains militaires sanitaires de campagne pour les premiers soins avancés
http://www.grwar.ru/pictures/pictures.html?id=173
Hôpital de campagne à Suwalki
http://feb-web.ru/feb/esenin/pictures/el1-690-.jpg
http://photoarchive.spb.ru:9090/www/sho ... 2001836823
- Jean RIOTTE
- Messages : 5774
- Inscription : sam. nov. 05, 2005 1:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
Bonjour Sylvain,
Merci beaucoup de venir illustrer le "feuilleton" de Mireille et de nous faire bénéficier de vos connaissances de la langue russe.
Pourrait-on savoir ce que disent les légendes de ces 4 photos? Merci d'avance.
Cordialement, tovaritch !
Jean RIOTTE.
Merci beaucoup de venir illustrer le "feuilleton" de Mireille et de nous faire bénéficier de vos connaissances de la langue russe.
Pourrait-on savoir ce que disent les légendes de ces 4 photos? Merci d'avance.
Cordialement, tovaritch !
Jean RIOTTE.
- mireille salvini
- Messages : 1099
- Inscription : jeu. déc. 15, 2005 1:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
bonjour à tous,
bonjour Laurent,Bernard,Stephan,Jean et Sylvain,
merci pour vos messages d'intérêt
j'avoue que j'ai eu un véritable coup de coeur pour ce récit,mais évidemment cela peut être partial;
enfin,vous verrez bien avec la suite ce que vous en penserez.
la forme "feuilleton" me permet d'avancer petit à petit dans la retranscription:je mets 1 heure pour 10 pages,et il y a près de 165 pages.
alors,pour répondre à la question de Stephan,oui bien sûr j'aimerais que ce témoignage soit mis sur un site,non pas pour moi,mais pour que ce carnet de route ait comme une seconde vie,à nouveau sorti de l'oubli.
le forum permet aussi une interactivité:ainsi le message de Sylvain
oui,en Russie,les distances sont énormes,les voies carrossables encore presque moyennâgeuses,seule reste la voie ferrée assez bien développée,ce qui accentue l'importance du train sanitaire qui va très loin dans les zones de combat,presqu'en 1ère ligne.
les photos sont très intéressantes,je me suis permise de "piquer" la seule qui avait une traduction en anglais (dernier lien)
Octobre 1914,soldats blessés dans le wagon d'un train les emmenant à l'hôpital.

on voit également sur les autres photos la tenue des soignantes,qui explique ce terme de "ma petite soeur" employé par les soldats,
elles se désignent comme des "soeurs de charité",mais en fait ce ne sont pas des religieuses (vous le découvrirez)
amicalement,
Mireille
(allez,encore un petit bout pour ce soir ci-dessous)
bonjour Laurent,Bernard,Stephan,Jean et Sylvain,
merci pour vos messages d'intérêt

j'avoue que j'ai eu un véritable coup de coeur pour ce récit,mais évidemment cela peut être partial;
enfin,vous verrez bien avec la suite ce que vous en penserez.
la forme "feuilleton" me permet d'avancer petit à petit dans la retranscription:je mets 1 heure pour 10 pages,et il y a près de 165 pages.
alors,pour répondre à la question de Stephan,oui bien sûr j'aimerais que ce témoignage soit mis sur un site,non pas pour moi,mais pour que ce carnet de route ait comme une seconde vie,à nouveau sorti de l'oubli.
le forum permet aussi une interactivité:ainsi le message de Sylvain
oui,en Russie,les distances sont énormes,les voies carrossables encore presque moyennâgeuses,seule reste la voie ferrée assez bien développée,ce qui accentue l'importance du train sanitaire qui va très loin dans les zones de combat,presqu'en 1ère ligne.
les photos sont très intéressantes,je me suis permise de "piquer" la seule qui avait une traduction en anglais (dernier lien)
Octobre 1914,soldats blessés dans le wagon d'un train les emmenant à l'hôpital.

on voit également sur les autres photos la tenue des soignantes,qui explique ce terme de "ma petite soeur" employé par les soldats,
elles se désignent comme des "soeurs de charité",mais en fait ce ne sont pas des religieuses (vous le découvrirez)
amicalement,
Mireille
(allez,encore un petit bout pour ce soir ci-dessous)
- mireille salvini
- Messages : 1099
- Inscription : jeu. déc. 15, 2005 1:00 am
Re: Carnet de route d'une aide-doctoresse russe
(..suite)
Le personnel médical de notre train compte treize personnes,dont onze femmes.Oui,c'est vraiment un train féministe.
Le médecin en chef est une "doctoresse" de quarante ans.Pour l'énergie,elle ne le cède à aucun homme.
Pour l'hospitalité,elle ressemble à une châtelaine:tous les hôtes trouvent chez elle un bon accueil.
Elle traite bien ses subordonnés,mais elle a ses petits caprices,ou plutôt ses bizarreries.Elle surveille étroitement la vie sentimentale des jeunes filles qui travaillent dans son train et intervient,parfois très maladroitement,toutes les fois qu'elle soupçonne un commencement de roman.
De temps en temps,elle leur adresse des discours où elle combat violemment ce qu'elle appelle avec une sorte de mépris "l'instinct sexuel" et se révolte contre la "faiblesse" des femmes.
Son androphobie s'explique peut-être par des raisons personnelles.Elle a divorcé depuis dix ans.Elle menait avant la guerre une vie indépendante,remplissant un emploi de médecin dans un zemstvo provincial.Elle a un fils,élève d'un collège.
La guerre déclarée,elle quitta ses occupations habituelles,ses malades,son fils,et alla où l'on se battait.
Les autres femmes qui travaillent dans notre train sont pour la plupart de vraies "intellectuelles" russes,qui ne peuvent pas se satisfaire de la vie ordinaire dans les coins provinciaux de l'immense empire et cherchent un débouché à leurs forces morales et à leurs aspirations sociales.
La guerre les attire,comme faisaient précédemment toutes les luttes et les souffrances du peuple.
Une de mes collègues est venue chercher un salutaire oubli de ses malheurs:elle a perdu son fils,qu'elle aimait follement,et son mari,qui était pour elle non seulement l'homme aimé,mais un ami et un camarade véritable.
Une autre,encore jeune,a déjà réussi à passer une dizaine d'années à la campagne comme maîtresse d'école.Elle cultivait le champ de l'instruction populaire dans des conditions très désavantageuses,parmi une population grossière et illettrée,sous la lourde autorité de la bureaucratie et de la police.
Elle est aigrie et dure,et la première impression qu'elle fait n'est pas bonne.Mais,quand elle soigne les blessés,le vrai fond de son âme s'aperçoit,et à travers un ton volontairement rude,brille une parole de caresse,un sourire d'amour,dont elle encourage ceux qui souffrent:
"-Il n'y a pas de quoi gémir! Aie de la patience pour une petite minute! ça te fait mal,mon pansement? Mais ça te guérira tout de même,n'est-ce-pas?"
Et elle le regarde à travers ses lunettes comme si elle voulait lui demander pardon.....
Une troisième soeur est maîtresse d'école de village,elle aussi.Elle a connu la misère et les labeurs.Son vieux père habitait un village distant de dix verstes.Elle l'aimait beaucoup.Elle voulait le voir le plus souvent possible.
Mais,n'ayant pas d'argent pour prendre une voiture,elle allait le retrouver plusieurs fois par semaine,en fille pieuse,à pied,malgré la boue et les intempéries.
"-Je mets mes pieds dans de grosses bottes de moujik et je vais voir mon père.Je me suis accoutumée à marcher longtemps",disait-elle,comme pour s'excuser,quand elle me faisait part de son rêve secret:s'engager comme volontaire dans l'armée active.
Elle n'est venue dans notre train que pour être plus près de la bataille et se faire enrôler,à la première occasion,dans un régiment qui se bat,devenir soldat et partager le sort des soldats.
Elle a passé une moitié de sa vie au milieu des paysans,à élever leurs enfants.Et,maintenant qu'ils sont devenus soldats,elle veut continuer à être avec eux et parmi eux.
Heureusement,son désir sera bientôt exaucé.
(à suivre..)
Le personnel médical de notre train compte treize personnes,dont onze femmes.Oui,c'est vraiment un train féministe.
Le médecin en chef est une "doctoresse" de quarante ans.Pour l'énergie,elle ne le cède à aucun homme.
Pour l'hospitalité,elle ressemble à une châtelaine:tous les hôtes trouvent chez elle un bon accueil.
Elle traite bien ses subordonnés,mais elle a ses petits caprices,ou plutôt ses bizarreries.Elle surveille étroitement la vie sentimentale des jeunes filles qui travaillent dans son train et intervient,parfois très maladroitement,toutes les fois qu'elle soupçonne un commencement de roman.
De temps en temps,elle leur adresse des discours où elle combat violemment ce qu'elle appelle avec une sorte de mépris "l'instinct sexuel" et se révolte contre la "faiblesse" des femmes.
Son androphobie s'explique peut-être par des raisons personnelles.Elle a divorcé depuis dix ans.Elle menait avant la guerre une vie indépendante,remplissant un emploi de médecin dans un zemstvo provincial.Elle a un fils,élève d'un collège.
La guerre déclarée,elle quitta ses occupations habituelles,ses malades,son fils,et alla où l'on se battait.
Les autres femmes qui travaillent dans notre train sont pour la plupart de vraies "intellectuelles" russes,qui ne peuvent pas se satisfaire de la vie ordinaire dans les coins provinciaux de l'immense empire et cherchent un débouché à leurs forces morales et à leurs aspirations sociales.
La guerre les attire,comme faisaient précédemment toutes les luttes et les souffrances du peuple.
Une de mes collègues est venue chercher un salutaire oubli de ses malheurs:elle a perdu son fils,qu'elle aimait follement,et son mari,qui était pour elle non seulement l'homme aimé,mais un ami et un camarade véritable.
Une autre,encore jeune,a déjà réussi à passer une dizaine d'années à la campagne comme maîtresse d'école.Elle cultivait le champ de l'instruction populaire dans des conditions très désavantageuses,parmi une population grossière et illettrée,sous la lourde autorité de la bureaucratie et de la police.
Elle est aigrie et dure,et la première impression qu'elle fait n'est pas bonne.Mais,quand elle soigne les blessés,le vrai fond de son âme s'aperçoit,et à travers un ton volontairement rude,brille une parole de caresse,un sourire d'amour,dont elle encourage ceux qui souffrent:
"-Il n'y a pas de quoi gémir! Aie de la patience pour une petite minute! ça te fait mal,mon pansement? Mais ça te guérira tout de même,n'est-ce-pas?"
Et elle le regarde à travers ses lunettes comme si elle voulait lui demander pardon.....
Une troisième soeur est maîtresse d'école de village,elle aussi.Elle a connu la misère et les labeurs.Son vieux père habitait un village distant de dix verstes.Elle l'aimait beaucoup.Elle voulait le voir le plus souvent possible.
Mais,n'ayant pas d'argent pour prendre une voiture,elle allait le retrouver plusieurs fois par semaine,en fille pieuse,à pied,malgré la boue et les intempéries.
"-Je mets mes pieds dans de grosses bottes de moujik et je vais voir mon père.Je me suis accoutumée à marcher longtemps",disait-elle,comme pour s'excuser,quand elle me faisait part de son rêve secret:s'engager comme volontaire dans l'armée active.
Elle n'est venue dans notre train que pour être plus près de la bataille et se faire enrôler,à la première occasion,dans un régiment qui se bat,devenir soldat et partager le sort des soldats.
Elle a passé une moitié de sa vie au milieu des paysans,à élever leurs enfants.Et,maintenant qu'ils sont devenus soldats,elle veut continuer à être avec eux et parmi eux.
Heureusement,son désir sera bientôt exaucé.
(à suivre..)