Entre les Lignes...

[A Malinowski]

154 ème Division d’Infanterie
Etat Major
Le 26 mai 1917


Rapport du capitaine Millet de l’état-major de l’ID/154, au sujet d’une ronde sur le plateau de Californie.

Départ de PC Monastir : 20 heures 20.
par Fillot - boyau du Jutland - Electra.
Le boyau du Jutland, bon il y a quelques jours, est devenu impraticable (fond creusé en biseau, boue gluante). On prend la piste à côté. Arrivée à Electra : 20 heures 50. Assez gros tir sur toutes les pentes nord.
Vu le chef de Bataillon, commandant Dangaix. Il vient de recevoir l’ordre de reconnaissance en vue de relève du bataillon Clot. Il observe que ses hommes ont eu, à Electra, un repos illusoire : travail et corvées journalières, bombardement presque ininterrompu. L’air du tunnel d’Electra est extrêmement vicié, la chaleur y est très élevée. Nécessité d’une ventilation. Au retour, en traversant le tunnel, à 2 heures 30, je trouve d’ailleurs la moitié des hommes, qui avaient terminé leur corvée, le torse nu à cause de la chaleur; beaucoup de vermine.
Départ d’Electra : 21 heures 30. Itinéraire : Chemin des Dames - relai de coureurs - PC du quartier N. (commandant Clot). Arrivée 21 heures 50.
De grosses rafales de 105 passent constamment la crête nord en la rasant et tombent sur la contre-pente. Pas de boyau.
Le commandant Clot parle de la question de l’eau, qui est primordiale. L’eau arrive en quantité infime. L’explication en est facile : les hommes venant de Craonnelle, porteurs de pots laitiers, subissent, sur cette lèvre nord du plateau, les mêmes réflexes que le coureur qui me guide, lequel s’est couché deux fois pendant le parcours. L’eau ne se relève pas. Je soumets au commandant Clot l’idée de constituer un point d’eau à proximité de la lèvre Nord du plateau : le ravitaillement y viendrait de l’arrière. Les compagnies du plateau y enverraient elles-mêmes leurs corvées avec des bidons. Il trouve l’exécution de ce projet tout à fait urgente si l’on veut diminuer les souffrances des hommes.
Vu le poste radio (récepteur et émetteur) qui fonctionne parfaitement et donne toute satisfaction.
Départ : 22 heures 50. Escalade du plateau (aucune piste ni boyau), puis par boyau Van Hauser, arrivé au PC de la 3ème compagnie, Capitaine de Juvigny.
Récit de l’attaque du 22 mai. Les hommes et les gradés ont été merveilleux. Les actions individuelles ne se comptent pas. Et le moral de la compagnie est resté extrêmement élevé. Deux sous-officiers, chefs de section, blessés, sont restés. Le Capitaine de Juvigny n’a appris la blessure de l’un d’eux que 24 heures après, le chef de section craignant que le capitaine ne le fasse évacuer s’il apprenait la blessure.
Si l’attaque a manqué, malgré cette ardeur de tous, le Capitaine de Juvigny l’explique :
1°) par la présence de quelques fils de fer qui ont arrêté la vague et donné aux ennemis le temps de se reprendre.
2°) par l’allongement prématuré du barrage roulant. Ce barrage a été excellent : très net. Les hommes le suivent très bien. Il fait trois bonds d’une trentaine de mètres; ce qui l’amène en avant de Van Böhn, puis brusquement part à l’encagement de sorte que la vague, qui n’était qu’à la tranchée des Landes s’est trouvée devant les Boches ressaissis. Un bond de plus du barrage aurait peut-être tout changé.
Visite des lignes - parallèle de départ - puis tranchée de première ligne (Landes). Nous allons à droite de Hauser voir les liaisons avec le 5ème B.C.A..
La nouvelle occupation est faite : les chasseurs occupent l’extrémité du boyau de Craonne et détachent deux hommes au bout de la tranchée des Landes ( solution de continuité). Cette extension a été retardée par la présence de quelques hommes du 413ème restés après la relève.
La tranchée de première ligne est bonne, profonde, bien pourvue de grenades. Les hommes y sont actifs comme surveillance et entretien. Une patrouille partait de la droite de la ligne (près du boyau de Craonne) quand j’y passais; quelques balles auxquelles nos hommes répondent par des V.B.
Leur fatigue tient surtout à la soif, rendue très pénible par la poussière soulevée le jour par le bombardement et l’ennui d’avoir à réparer chaque jour notre tranchée abîmée par notre canon. On me montre des trous de 155, du jour, dans la parallèle de départ.
Parcouru toute la ligne de la 3ème compagnie, une partie de la ligne de la 2ème compagnie (ouvrage Eitel Fritz). Arrivée au PC de la compagnie (sous-lieutenant Chaiffre) à 1 heure 30.
Mêmes plaintes au sujet du 75 et du 155. On me montre l’abri (contre la pluie), des agents de liaison de la compagnie démoli par un 75 le 22 mai : 4 tués, 2 blessés. Quelques plaintes au sujet du ravitaillement qui n’est arrivé convenablement que depuis deux jours. Le lieutenant Chaiffre préférerait, en temps normal, envoyer sa corvée de quatre hommes par section aux cuisines roulantes.
Mêmes récits au point de vue du moral splendide malgré les pertes (24 tués - pertes totales : 54 à la 2ème compagnie).
La section (sergent Brot) qui occupe la nouvelle tranchée devant Eitel Fritz refusant d’être relevée par une autre section de la compagnie, mettant son honneur à tenir jusqu’au bout le terrain conquis.
Arrivée chez le Colonel Fray à 2 heures 10. Je rends compte de ma mission. question du point d’eau à aménager : le Colonel en est tout à fait partisan. Il pourrait être conçu ainsi : Un abri largement ouvert dans une saignée de la pente, plus haute que le PC ( voir schéma) donnant abri à 4 tonneaux de 250 litres avec robinets et entonnoirs larges. L’eau y serait amenée par pots laitiers ( peut-être des ânes - question à étudier). Les compagnies du plateau y enverraient leurs corvées porteur des bidons des hommes, ce qui assurerait la conservation des récipients et la distribution. Travail à éxécuter d’urgence par le Génie.
Départ du PC 3415 à 2 heures 25.
Arrivée au PC Monastir à 3 heures.
Le Capitaine Millet de l’E.M. ID/154.

Vu et transmis. Ronde très bien faite.
On a travaillé à l’amélioration du ravitaillement. Celui-ci en est primordial. Il faudrait le confier au Génie avant le départ du Lieutenant-Colonel Fray. Le séjour d’Electra que je connais bien pour y avoir été plusieurs fois, n’est pas un repos et ne peut pas être considéré comme tel. Un grand pas sera fait par la création du point d’eau. Je n’insiste pas sur l’artillerie.
Le 26 mai 1917
Signé : (illisible)

CCM 1er décembre 2006

[Charraud Jerome]

Bonsoir

Merci pour ce rapport de ronde.
Plein de préconisations et d'enseignements qui nous semblent, à nous autres, essentiels voir évidents, mais qui bien souvent furent sans suite.

Cordialement
Jérôme Charraud

[dede]

Bonsoir à toutes et tous,
Bonsoir Mr malinowski
Je lis avec beaucoup d'attention vos interventions sur le forum et j'aimerais savoir d'ou sont extrait ces differents rapport, compte rendu....
est ce que par hasard, le 157° et le 159° RI feraient ils l'objet de " entre les lignes" ?

merci

[A Malinowski]

Bonsoir à toutes et tous,
Bonsoir Mr malinowski
Je lis avec beaucoup d'attention vos interventions sur le forum et j'aimerais savoir d'ou sont extrait ces differents rapport, compte rendu....
est ce que par hasard, le 157° et le 159° RI feraient ils l'objet de " entre les lignes" ?

merci

Bonsoir. Ces documents, pour la plupart, ont pour origine le SHD. Je ne peux vous dire si je possède quelque chose sur le 157°. Sur le 159° de la 77ème DI, c’est fort probable mais aucun n’a encore été informatisé à ce jour. Cordialement. Alain malinowski

[dede]

bonsoir,

merci de votre réponse
bonne soirée