« Quant à savoir si ce dernier militaire [Racenet] est bien l’auteur du coup de feu qui amena le trépas du sous-lieutenant allemand, c’est une autre histoire. […] Peut-être le soldat Bonzon ? Mais comme tous ses camarades de la troupe du caporal Peugeot revendiquèrent aussi la gloire d’avoir vengé leur chef, ce mystère-là risque fort de demeurer à jamais entier… »
Pour le moins, puisque Le Petit Parisien avait publié ceci : « Mon conducteur, un de Verdun, le capitaine de réserve d’artillerie Chapolard, freine en douce. Le dernier élan de la voiture vient mourir devant une porte à clairevoie, plantée dans l’épaisseur d’une haie vive, tardivement fleurie d’aubépine. A l’abri de l’auvent, une voiturette de mutilé ; au mur, une pancarte : « Débit de tabac. » Nous entrons.
- Pierre Cointet ?
- C’est moi.
Un homme à la bonne figure ronde, aux joues pleines, aux yeux bien ouverts, se lève. D’une main au dossier de sa chaise, il se tient sans effort en équilibre sur ses deux « pitons. »
- Vous étiez là quand le caporal Peugeot a été tué par le lieutenant Mayer ?
- Oui.
- C’est vous qui avez tué le lieutenant Mayer ?
- C’est moi.
Prenant un temps :
- « Pi » les autres.
[…] Peugeot sort de la maison, qui était à une cinquantaine de mètres, prend la position du tireur à genou, fait feu sur l’officier allemand et le touche. On a vu après qu’il avait une balle dans l’aine, en haut de la cuisse gauche. Le Boche, arrivé sur Peugeot, riposte par trois coups de browning. Je me relève, et, à mon tour, je lui envoie une balle dans le dos, en même temps que Devaux et Simon tirent aussi. L’officier allemand tombe, son cheval se sauve jusqu’à Joncherey. Le caporal Peugeot fait deux, trois pas, et roule mort, traversé d’une épaule à l’autre. Le Boche avait reçu une balle de lebel derrière l’oreille gauche et moi un coup de sabre qui, en glissant sur ma boucle de cartouchière, avait coupé ma capote. »
Le commandant Grand a tenté de faire le point sur ce « mystère » en 1966, dans la revue L’As de Pique. Il a procédé chronologiquement, en trois étapes essentiellement.
En 1927, Jules Racenet a revendiqué le coup de feu mortel sur Mayer. Je cite Grand : « Son abracadabrant récit ne relève que du ridicule ; il n’a pas d’autre intérêt. » Edouard Bey, également du 11e régiment de dragons, a lui aussi revendiqué le coup de feu, avant de se rétracter.
En 1953, c’était au tour de Cointet et de Bonzon d’entrer en jeu.
En 1965, Emile Mazue postulait enfin.
Une chose est sure : le 4 août 1914, après s’être réfugié dans les bois, le cavalier Peters a décidé de se rendre. S’avançant vers Racenet, Peters a reçu de sa part, une balle qui lui a perforé le poumon gauche. Peters, transporté vers Delle dans un premier temps, dans un état grave, a survécu à sa blessure.
Racenet n’est plus là pour dire à qui appartenait ce sabre, ce qui permet donc au « mystère » de perdurer, malgré des éléments confondants.
Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.