Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

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Eric Mansuy
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Les chapitres "Incarcérer les défaillants" et "Un gigantesque labyrinthe administratif", du Justice militaire, 1915-1916, du général Bach, exposent dans le détail la problématique de l'éloignement du front, des hommes faisant l'objet de certaines condamnations. Le positionnement de l'autorité militaire face à leur situation paradoxale y est très clairement présenté.

Bien cordialement,
Eric Mansuy

"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
scapin51
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par scapin51 »

je vous remercie de me faire partager vos connaissances. C'est un sujet, entre autre, où j'ai pas mal de lacunes. les livres des anciens combattants mentionnant rarement les déportés au bagne. Sans doute ne s'agissait il pas de "pour l'exemple", car j'imagine que beaucoup auraient préféré troquer la boue des Eparges pour la chaleur du Maroc. Peut être s'agissait il de "droit commun" pour larcins, vol, crimes (viols)?

pour cette triste histoire de ce poilu condamné pour avoir refuser de servir au sein d'un peloton, c'est ça. C'est à ne pas y croire, comme celle du pantalon. C'est tellement bête qu'on fini a sec, qu'on en a plus la force d'en pleurer. Si les grands galonnés avaient été aussi durs avec eux même qu'avec les hommes au moins... Un Staline aurait renouvelé les effectifs. Il faisait fusiller les hommes, mais aussi les généraux. Sans parler du Bushido de l'armée japonaise. Il y aurait eu place nette sur le parking de Chantilly. C'est une argumentation stupide, mais ça vient comme ça :o

A ce propos, j'ai lu (peut être de Nicolas Offenstadt) qu'il y avait une certaine disproportion dans le nombre de syndicalistes chez les fusillés, notamment lors des évènements de 1917. cela peut de prime abord sembler logique, leur expérience des mouvements de grève les désignant d'office comme porte parole des grévistes (terme que je préfère à mutins, mais qui n'engage que moi), et donc les plaçant en première ligne. cela se confirme t'il pour les envoyés au bagne, ou dans des cas de "pour l'exemple"? A t'on purgé l'armée (les conscrits j'entends) d'éléments douteux "moralement"?

merci

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Patrice Pruniaux1
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par Patrice Pruniaux1 »

Bonjour à tous,
Bonjour scapin51


[quotemsg=10480,26,12671] A t'on purgé l'armée (les conscrits j'entends) d'éléments douteux "moralement"?

Qu'entendez-vous par " éléments douteux moralement " ?
Pour moi, si c'est au front, j'opte pour ce qu'écrit le Général Bach, savoir:

" Dans un tel environnement de furie destructrice, le système neuro-végétatif joue des tours et on peut un jour être perçu comme héroïque tout en étant victime le lendemain d’un moment de défaillance. Les impressions ne sont pas des états, mais des fulgurances, et elles se succèdent sans solution de continuité. Des nerfs moins solides que d’autres, et voilà des soldats qui ont succombé aux névroses de guerre. Que leurs noms soient connus, débarbouillés de l’épithète inappropriée de “lâches”. Qu’ils reçoivent publiquement notre compassion."

Si c'est à l'arrière, dans les usines, je parlerais d'éléments douteux politiquement.
Cordialement, Patrice Pruniaux.

scapin51
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par scapin51 »

bonjour,

ce que j'entends par "moralement" douteux, est plus politique que neurologique :pt1cable: Plus proche de la seddition que de l'obusite. Des soldats remettant en cause la poursuite de la guerre, les buts de guerre etc...jusqu'à plus simplement des protestations sur les conditions de vie. le poilu est naturellement râleur, jusqu'à une certaine limite.
je n'ai pas les références concernant l'étude que mènerait N Offenstadt concernant le taux élevé de syndicalistes parmi les fusillés. peut être G pédroncini aborde t'il ce thème dans ses ouvrages sur Pétain et les événements de 1917, il expliquait que, habitués à porter les revendications des ouvriers auprès de la hiérarchie, ils étaient naturellement prédestinés à faire de même entre les poilus et les galonnés, et donc tout autant exposés à la répression. enfin d'après mes souvenirs, ça commence à dater un peu.

et je me demande si ce type de traitement se retrouve chez les "bagnards" de la grande guerre, les "éloignés du front", terme bourrés de sens.
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Patrice Pruniaux1
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par Patrice Pruniaux1 »

Bonjour à tous,
Bonjour scapin51
ce que j'entends par "moralement" douteux, est plus politique que neurologique
Merci pour les explications et je vous rejoins.
Je crois qu'il faut nuancer.
Bonjour Pierre,
Certainement si nous parlions d'actions syndicales ou autres à l'arrière. Mais en l'espèce, je ne pense pas qu'elles soient en rapport avec le moral des soldats du front.
Bonne journée, Patrice Pruniaux.
chanteloube
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par chanteloube »

Bonjour à toutes et à tous,

Ayant suivi la discussion et compris, il me semble, l'évolution de la pensée des uns et des autres, j'ajouterai modestement ma petite pierre. Historiquement -je choisis cet adverbe imprudent à dessein- ce sont quelques antimilitaristes, des penseurs libres, des syndicalistes, des familles éprouvées et stigmatisées qui ont porté le problème devant l'opinion les premiers. Les mots et les méthodes qu'ils utilisaient les ont parfois fait taxer, abusivement, d'antimilitaristes primaires ce qui n'était pas toujours le cas. En accolant ces termes aux militants concernés et au non militants on disqualifiait le propos de façon réductrice et on éliminait de fait la critique sous-jacente. Quand on écrit le Général Machin et le Commandant Truc sont des salauds on rend inaudible la réalité des faits.
Depuis quelques années -ces choses ont été dites par les autres intervenants- le problème a été abordé de façon plus sereine, plus scientifique et par des gens dont on ne peut pas éliminer le propos par une simple pirouette du genre : " les gens qui traitent de ce sujet sont de dangereux malades mentaux qui réduisent toute la guerre à ce seul sujet", en sous-entendant -je choisis toujours à dessein ces mots- qu'il s'agirait que d'un détail de l'histoire ! ( 700 fusillés ne pèseraient pas lourd face aux millions de victimes )
On peut éliminer les travaux d'un ou de plusieurs universitaires en affirmant d'un air entendu, "ce ne sont que des thèses", ce qui sous-entend encore qu'il ne s'agit que de points de vue, on peut, tout aussi bien, railler tel ou tel au prétexte qu'il ne sait pas combien il y avait de boutons à la capote du soldat de 1917 (c'est ce que l'on a reproché souvent à Miquel), il est plus difficile d’appliquer un traitement aussi sommaire aux travaux du Général Bach qui cumule deux qualités : il est Général, il a aussi une formation universitaire. On peut donc difficilement lui reprocher d’être antimilitariste. Il a surtout analysé le fonctionnement de la justice en profondeur et mis en évidence la lutte farouche qui a opposé le GQG et le pouvoir législatif. Après tout la justice, la justice militaire, à mon sens, n’y échappe pas, est rendue au nom du Peuple et le législatif qui en est l’émanation a le devoir de contrôler ce que l’on fait en son nom !
Le Général Bach, a le mérite de ne pas défendre un point de vue, son point de vue…il donne à penser, dans une langue limpide donc très facile à lire. Libre ensuite à chacun de se faire une opinion, en ayant dans les mains les documents.
Pour ce qui concerne les commémorations, sur ce sujet précis, je suis convaincu qu’il arrivera à se faire entendre.
A bientôt. CC
chanteloube
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par chanteloube »

Petite suite:

Ayant relu avec une attention renforcée l'interview du Général Bach, -ce qui aurait du être le cas à première lecture-, je sors cet extrait, certes, de son contexte -mais chacun ici peut lire ce qui l'entoure.

Reste ma solution, iconoclaste peut-être, qui bouscule les usages : faire la transparence avec l’arrière-pensée que le citoyen est capable sans maîtres penseurs de décréter en son for intérieur ceux à qui il rend leur honneur foulé aux pieds dans les égarements d’un monde en folie... Pour cela, décider, en visant la transparence, l'ouverture aux citoyens de la réalité d’une des facettes de ce conflit qui a meurtri notre nation, me paraîtrait un signe fort de la volonté de l'Etat, en cette veille de la commémoration du centenaire de la guerre de 1914-1918, de contribuer à faire connaître la vérité tout en offrant aux descendants de fusillés un moyen d'apaiser une amertume et une souffrance qui les taraudent encore aujourd’hui .

Je partage totalement ce point de vue mais je suis un peu moins certain que ce matin qu'il arrivera à se faire entendre.
En rendant public les documents on expose aussi les noms de ceux qui ont condamné.
On a accepté pendant cent ans que soit "humiliée" la mémoire de certains soldats, -songez aux Mairies qui publiaient les noms et associaient les familles à la « faute » d’un de ses membres- je ne suis pas convaincu qu'il soit accepté que les décisions un peu rapides de certains tribunaux militaires soient publiquement mis en lumière.
A bientôt
CC
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Eric Mansuy
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir Claude,
Bonsoir à tous,

« En rendant public les documents on expose aussi les noms de ceux qui ont condamné. » : c’est en effet inévitable. Cependant, il me semble qu’être officier subalterne, supérieur ou général, implique d’endosser des responsabilités et de les assumer. La pratique du commandement n’est certainement pas anodine, et il a dû être bien difficile, pour nombre d’officiers tout à fait compétents, d’émettre des ordres d’opération qui envoyaient des hommes à la mort, mais cela paraît faire partie de la chose militaire. Quid de faire fusiller des hommes de son propre camp...?

Or, donc, des officiers ont condamné. Des hommes - président, juge, commissaire du gouvernement - ont statué sur les faits reprochés à d’autres hommes, parfois dans l’urgence, mais parfois aussi dans une latence surprenante. En l’espèce, ils ont eu à prendre leurs responsabilités, en conscience a priori. Aussi est-ce pourquoi je ne serais pas totalement dérangé par la publication du nom de ces hommes. En revanche, si leur action n’est pas expliquée en contexte par l'historien, j’en viens à rebondir sur la formule : « je ne suis pas convaincu qu’il soit accepté que les décisions un peu rapides de certains tribunaux militaires soient publiquement mis en lumière ». Dans ce cas, je crains que des procès à charge ou à décharge ne soient instruits envers divers officiers ayant participé à des conseils de guerre. J’entends par là que la lecture d’un seul et unique dossier de justice militaire, par exemple, n’est pas forcément éclairant en tous points sur la psychologie d’un officier, sa déontologie, son approche et son application des textes, etc. En l’occurrence, il faut croiser bien des dossiers, de condamnés, d’acquittés, pour commencer à se faire une idée de la manière dont la justice militaire a été rendue dans un secteur donné, à un moment donné.

C’est là que l’historien réapparaît, qui est censé disposer de la formation idoine et des outils intellectuels adéquats, pour mettre en perspective des données rendues publiques, sans quoi le lecteur lambda pourrait en faire une lecture inappropriée.

Mais ce n’est que mon avis.

Bien sincèrement,
Eric
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
chanteloube
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par chanteloube »

Bonsoir à toutes et à tous,
Bonsoir Eric,

Quand je dis "on a accepté" je parle évidemment de l'opinion publique dans sa grande majorité et quand je dis "qu'il soit accepté" j'entends l'opinion publique d'aujourd'hui. Ceci étant posé, je partage tout à fait ton point de vue et reprends à mon compte tes propos:
il faut croiser bien des dossiers, de condamnés, d’acquittés, pour commencer à se faire une idée de la manière dont la justice militaire a été rendue dans un secteur donné, à un moment donné.
C’est là que l’historien réapparaît, qui est censé disposer de la formation idoine et des outils intellectuels adéquats, pour mettre en perspective des données rendues publiques, sans quoi le lecteur lambda pourrait en faire une lecture inappropriée

Finalement nous sommes tous les deux sur la position du Général Bach qui a largement commencé le travail!
Nous ne sommes pas les seuls tant mieux.
Cordialement.
CC
VIGIE
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Re: Réhabilitation des fusillés : la position du général Bach

Message par VIGIE »

Bonjour à TOUS,

L'expression de vos constats, tenant compte des travaux du Général BACH et de ses commentaires, m'amène à constater que si le but réel de la réflexion était d'aboutir à réhabiliter ou pas, totalité ou partie des fusillés de 1914-1918, nous risquons, et nos enfants aussi de disparaitre avant qu'une décision soit prise !

N'étant animé que d'un souci de réconciliation, voulant éviter l'animosité, n'étant ni libre penseur, ni anti militariste, confiant envers les juges et la Justice, je réclame de nos décideurs actuels, ceux d'hier et d'avant hier ayant failli ou s'étant dérobé, une décision claire et précise sur le sujet en question : c'est en 2013 voir début 2014, avant le début de la commémoration du centenaire de la grande guerre, qu'un signe fort venu du pouvoir exécutif devrait enfin affirmer qu'avoir donné sa vie, où avoir été tué en raison de la guerre restait mémorable. Ce fait permettrait de faire sortir de l'ombre, du néant dans lequel plusieurs générations successives de décideurs n'ayant pas assumé leurs responsabilités laissaient la situation "pourrir".

Simple citoyen, animé des meilleurs sentiments, je ne manque jamais de rappeler à mes semblables, ni à ceux qui nous gouvernent, avec politesse mais fermeté, que si nous sommes là, à la place que nous occupons, et particulièrement à nos élites, c'est en partie grâce à ceux qui ont versé leur sang, sont morts, souvent sans contrepartie pour les générations d'après, et ont été plus ou moins passés en "pertes".

Alors, un peu de respect envers les morts victimes de la guerre, en leur mémoire à rappeler sans cesse.

Rêvons un peu....
et si le 11 novembre 2013, jour de commémoration des Morts pour la France devenait simultanément le jour de réhabilitation des soldats français fusillés en 1914-1918 ?

la face de la France et du Monde n'en serait pas changée ! du moins je le souhaite et ce serait tant mieux !
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