Je vous remercie pour votre réponse parce qu'elle me donne un nouvel argument pour l'utilité de l'archéologie contemporaine pour mon mémoire, à développer, le fait d'humaniser la guerre, à notre échelle en tous cas, je n'y avais jamais pensé mais c'est vrai !
Bien cordialement,
Sarah
archéologie
Re: archéologie
Bonjour Sarah et Sol,
Cette discussion me permet de mieux cerner ce qui me laissait perplexe dans les conclusions archéologiques : c'est peut-être une tendance à vouloir rattacher à des rites funéraires (ou en réaliser une typologie comme le tente Guy Flucher), alors que bon nombre de corps, sur certains types de champ de bataille (no man's land bouleversé) ont été enfouis dans la terre sans intervention humaine.
En dehors de ces cas extrêmes, les récits, aussi bien que les JMO de groupes de brancardiers ou services sanitaires, évoquent ce qui est mis en oeuvre pour tenter de donner une sépulture digne aux camarades - voire aux adversaires - quand cela peut se faire sans danger : cimetières, tombes individuelles, indications de leur position, clôtures, fleurs... L'humanité est bien présente dans ce cataclysme !
Pour moi, un apport essentiel de l'archéologie réside dans ce qu'écrit Sol : chaque vestige raconte une histoire et un destin. Dégager ces vestiges parfois ténus, les identifier, les mettre en relation avec d'autres qui les entoure, permet d'apporter une autre vision, concrète, du quotidien des soldats, et de leur leur donner une proximité.
Bien cordialement,
Régis
Cette discussion me permet de mieux cerner ce qui me laissait perplexe dans les conclusions archéologiques : c'est peut-être une tendance à vouloir rattacher à des rites funéraires (ou en réaliser une typologie comme le tente Guy Flucher), alors que bon nombre de corps, sur certains types de champ de bataille (no man's land bouleversé) ont été enfouis dans la terre sans intervention humaine.
En dehors de ces cas extrêmes, les récits, aussi bien que les JMO de groupes de brancardiers ou services sanitaires, évoquent ce qui est mis en oeuvre pour tenter de donner une sépulture digne aux camarades - voire aux adversaires - quand cela peut se faire sans danger : cimetières, tombes individuelles, indications de leur position, clôtures, fleurs... L'humanité est bien présente dans ce cataclysme !
Pour moi, un apport essentiel de l'archéologie réside dans ce qu'écrit Sol : chaque vestige raconte une histoire et un destin. Dégager ces vestiges parfois ténus, les identifier, les mettre en relation avec d'autres qui les entoure, permet d'apporter une autre vision, concrète, du quotidien des soldats, et de leur leur donner une proximité.
Bien cordialement,
Régis
- Alain Dubois-Choulik
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Re: archéologie
Bonjour,(...)depuis bien longtemps les corps des défunts sont enterrés dès que possible(..)
Et les gens sont souvent particulièrement étonnés du peu de traitement des morts et leur grand argument est justement que nous sommes "civilisés", ce qui pour eux s'oppose à si peu de traitement des corps.
Je ne fréquente plus "le terrain" depuis longtemps (quand j'ai commencé à rencontrer des gens qui tapaient au marteau-burin sur les obus pour récupérer le cuivre) mais il y a une 40aine d'années, l'archéologie était limitée à une période révolue depuis longtemps,(paléo, archéo, il manque un terme pour le récent) et sauf à être à coté d'un ossuaire connu, les restes humains qui étaient mis à jour par simple labours ne recevaient aucun traitement ... Je me suis demandé ensuite si l'attention portée à ces restes ne relevaient pas d'une curiosité morbide, vite submergée par un réflexe de rejet du style "ce ne sont que de vieux os". Le "civilisé" ( même militaire

On peut considérer comme irrespectueux de déplacer un squelette d'une époque révolue pour l'exhiber dans un musée, (au nom de l'archéologie), on ne peut nier qu'une "mode 14-18" est à l'origine du respect, non pour les restes, mais pour la mémoire des vivants qu'ils représentent, respect que nous ressentons, et j'en suis, alors que -pour ma part- pour un mort "normal", le sentiment n'est pas le même (il suffit pour cela de tomber sur un vieux cimetière à l'abandon, caveaux cassés ouverts pour réaliser). Mais ce respect n'est-il pas le début de l'Archéologie et son aboutissement ? Il faut un certain temps pour que les deux apparaissent.
Un petit exemple : une place dans une ville, un endroit non bâti parce que c’était le cimetière d'une des églises détruites. Place devenue - bien avant "notre guerre" lieu de marché puis parking, j'oserai dire " sur le ventre des morts". Il y a une petite 20aine d'années, fouilles archéologiques, (des vraies, au pinceau, bénévoles formés & encadrés) et études, puis on a recouvert l'endroit (composé de nombreuses couches superposées préservées) pour en faire un jardinet ordinaire ; aujourd'hui, ce jardin va devenir un "jardin de curé", minimisant le piétinement, supprimant le bouloir, ajoutant une touche de respect.
Cordialement
Alain
Les civils en zone occupée
Ma famille dans la grande guerre
Les Canadiens à Valenciennes
"Si on vous demande pourquoi nous sommes morts, répondez : parce que nos pères ont menti." R. Kipling
Ma famille dans la grande guerre
Les Canadiens à Valenciennes
"Si on vous demande pourquoi nous sommes morts, répondez : parce que nos pères ont menti." R. Kipling
- RADET Frederic
- Messages : 2259
- Inscription : lun. oct. 18, 2010 2:00 am
Re: archéologie
Bonjour,
Y'a du boulot pour les archéologues pourtant mais cela coûte trop chère apparemment.
http://www.20minutes.fr/lille/1477079-2 ... sepultures
Cordialement,
Frédéric
Y'a du boulot pour les archéologues pourtant mais cela coûte trop chère apparemment.
http://www.20minutes.fr/lille/1477079-2 ... sepultures
Cordialement,
Frédéric
Courage on les aura !
http://www.ouvragedelafalouse.fr/
http://www.ouvragedelafalouse.fr/
Re: archéologie
Bonjour à tous,
En effet Régis, redécouvrir le quotidien des soldats fait parti des buts premiers de l'archéologie de la Grande Guerre et le quotidien est un enjeux important dans toutes les périodes archéologiques, car c'est ce qui laisse le moins de traces dans les textes.
Merci Alain pour votre réflexion que je partage, il est vrai que le "devoir de mémoire" est d'autant plus présent que les morts sont proches et victimes d'un conflit sans commune mesure avec les précédents (qui ont pourtant pu être à l'origine d'un nombre de morts très importants, comme les batailles napoléoniennes, dont quelques charniers sont fouillés).
Frédéric, à la lecture de l'article il m'apparait que ces restes ne semblent pas menacés de disparition immédiate (construction d'un bâtiment, parking...), c'est pour cela qu'à moins d'entamer des fouilles programmées pour lesquelles il faut encore trouver à la fois un programme scientifique avec une problématique cohérente validé par le Service Régional d'Archéologie et des financements (c'est en général le plus dur), rien ne peut être fait.
Bien cordialement,
Sarah
En effet Régis, redécouvrir le quotidien des soldats fait parti des buts premiers de l'archéologie de la Grande Guerre et le quotidien est un enjeux important dans toutes les périodes archéologiques, car c'est ce qui laisse le moins de traces dans les textes.
Merci Alain pour votre réflexion que je partage, il est vrai que le "devoir de mémoire" est d'autant plus présent que les morts sont proches et victimes d'un conflit sans commune mesure avec les précédents (qui ont pourtant pu être à l'origine d'un nombre de morts très importants, comme les batailles napoléoniennes, dont quelques charniers sont fouillés).
Frédéric, à la lecture de l'article il m'apparait que ces restes ne semblent pas menacés de disparition immédiate (construction d'un bâtiment, parking...), c'est pour cela qu'à moins d'entamer des fouilles programmées pour lesquelles il faut encore trouver à la fois un programme scientifique avec une problématique cohérente validé par le Service Régional d'Archéologie et des financements (c'est en général le plus dur), rien ne peut être fait.
Bien cordialement,
Sarah
Re: archéologie
Bonjour,
Deux objectifs de l'archéologie "de guerre" se dégagent de ce fil :
1 - le traitement de corps lors de leur découverte
2 - la compréhension de l'environnement quotidien des soldats
Le premier sujet est bien sensible - émotionnel - il concerne notamment ces dizaines de milliers de disparus pour lesquelles des familles s'interrogent toujours (travail de deuil inachevé...). A ma connaissance la quête des corps n'est pas l'objet de l'archéologie. Le soin minutieux mis en oeuvre par l'INRAP lors d'une découverte peut étonner et conduire à la question : mais que fait-on pour "les autres" ?
Dans les années 70-80, j'ai le souvenir que les "restes" étaient traités sans grand intérêt, poussés dans un fossés, recouverts de branchages...
Sur le deuxième point, le quotidien d'une époque quasi-révolue reste à mettre en relief : les photos, les récits (souvent auto-censurés par pudeur), les lettres permettent de se construire une première image. Les découvertes liées à l'approche archéologique permettent d'affiner, de nuancer. J'ai sous les yeux une étude des dépotoirs effectuée par Michaël Landolt et Frank Lesjean, j'y apprends les nombreux aspects de la conservation des aliments (bouteilles, conserverie). Dans l'ouvrage de Frédéric Adam sur la fosse de Saint Rémy la Calonne, je découvre un état sanitaire (les dentitions !) qui atténue les clichés d'une jeunesse saine et vigoureuse ! "L'archéologie de la grande Guerre" (Yves Desfossés) révèle aussi des objets du quotidien (comme les fouilles des Diggers) que l'on voit peu ailleurs.
Pour ma part je continue à rendre visite aux sous-bois et labours. Juste mon appareil photo, un bâton pour ne pas me casser la g... et un canif (pour les champignons !).
Je croise des "déchets", comme sur cette photo :
Se posent alors des questions : quoi - qui - quand... Qu'est-ce que ça m'apprends ? Parfois, souvent, les déchets n'ont rien à voir avec la guerre...
Bien cordialement,
Régis
Deux objectifs de l'archéologie "de guerre" se dégagent de ce fil :
1 - le traitement de corps lors de leur découverte
2 - la compréhension de l'environnement quotidien des soldats
Le premier sujet est bien sensible - émotionnel - il concerne notamment ces dizaines de milliers de disparus pour lesquelles des familles s'interrogent toujours (travail de deuil inachevé...). A ma connaissance la quête des corps n'est pas l'objet de l'archéologie. Le soin minutieux mis en oeuvre par l'INRAP lors d'une découverte peut étonner et conduire à la question : mais que fait-on pour "les autres" ?
Dans les années 70-80, j'ai le souvenir que les "restes" étaient traités sans grand intérêt, poussés dans un fossés, recouverts de branchages...
Sur le deuxième point, le quotidien d'une époque quasi-révolue reste à mettre en relief : les photos, les récits (souvent auto-censurés par pudeur), les lettres permettent de se construire une première image. Les découvertes liées à l'approche archéologique permettent d'affiner, de nuancer. J'ai sous les yeux une étude des dépotoirs effectuée par Michaël Landolt et Frank Lesjean, j'y apprends les nombreux aspects de la conservation des aliments (bouteilles, conserverie). Dans l'ouvrage de Frédéric Adam sur la fosse de Saint Rémy la Calonne, je découvre un état sanitaire (les dentitions !) qui atténue les clichés d'une jeunesse saine et vigoureuse ! "L'archéologie de la grande Guerre" (Yves Desfossés) révèle aussi des objets du quotidien (comme les fouilles des Diggers) que l'on voit peu ailleurs.
Pour ma part je continue à rendre visite aux sous-bois et labours. Juste mon appareil photo, un bâton pour ne pas me casser la g... et un canif (pour les champignons !).
Je croise des "déchets", comme sur cette photo :

Se posent alors des questions : quoi - qui - quand... Qu'est-ce que ça m'apprends ? Parfois, souvent, les déchets n'ont rien à voir avec la guerre...
Bien cordialement,
Régis