Le ravin de Puisaleine dans l'Oise. En septembre 1914, la guerre s'est arrêtée là aux lendemains de la bataille de la Marne. Situé à une quinzaine de kilomètres de Noyon et de Vic-sur-Aisne, ce site, situé près de la Ferme de Quennevières, des communes de Carlepont, Tracy-le-Mont-Tracy-le-Val et Moulin sous Touvent, va se retrouver pendant près de trois ans et demi, sur la ligne de feu. C'est ici que les prémices de la Course à la Mer s'engagent, à l'extrême aile gauche de l'armée von KLUCK qui vient de se replier du champ de bataille de l'Ourcq, et que les premières tranchées vont être édifiées, après une dernière tentative de l'armée allemande de rejeter les troupes françaises du 4e Corps d'Armée, pour l'essentiel composée de Parisiens, de Normands et de Bretons, dans la vallée de l'Aisne, au cours d'une offensive menée dans la nuit du 19 au 20 septembre 1914. Les Allemands, qui dévalent dans le ravin de Puisaleine, remontent jusqu'à la ferme de Quennevières qu'ils arrachent aux Français. Il faut plus d'un mois de combats aux Français pour récupérer cette position (30 octobre 1914), qui formera désormais un saillant au coeur des lignes ennemies. C'est pour cette raison, que le 6 juin 1915, le général NIVELLE dont le PC est établi au château d'Offémont, près de Tracy-le-Mont, décide de lancer une attaque contre les positions du 86e Régiment de Fusiliers de la Reine. L'attaque est menée par les zouaves et tirailleurs de la 37e DI et remporte, contre toute attente, un succès inespéré, les zouaves dévalant dans le ravin de Puisaleine et se dirigeant vers Moulin sous Touvent. Malgré les pertes importantes, zouaves et tirailleurs emportent les deux premières lignes allemandes, menacent la 3e, capturent plusieurs centaines de prisonniers, des mitrailleuses et même une batterie de canons de 77. C'est un succès total qui sème le trouble jusqu'à l'état major allemand qui envisage un moment de... se replier vers Blérancourt, dans l'Aisne... Mais les Allemands se ressaisissent, d'autant que les Français n'envoient pas de renforts pour exploiter le succès. Les zouaves et tirailleurs, aventurés très en avant des lignes allemandes doivent battre en retraite, abandonnant le terrain conquis de haute lutte. Le 8 juin, les Allemands contre-attaquent. Le 16 juin, NIVELLE tente une nouvelle offensive pour reprendre le terrain abandonné une semaine plus tôt. Mais entre-temps, les Allemands se sont renforcés, ont consolidé leurs positions et les nids de mitrailleuses sont inexpugnables et terriblement efficaces contre les troupes françaises qui regagnent leurs tranchées avec de lourdes pertes. C'est la fin de l'offensive Nivelle sur le saillant de Quennevières qui se solde par un échec et par une sorte de modus vivendis... Au cours de ces attaques de juin 1915, un groupe de zouaves a disparu, volatisé, dans la cuvette de Puisaleine. C'est la raison pour laquelle, aux lendemains de la guerre, un monument sera édifié non loin de là, sur le territoire communal de Moulin sous Touvent : la Butte des Zouaves. Ce secteur du front a aussi connu la guerre des crapouillots, la guerre des mines (Bois Saint-Mard), des expériences de guerre des gaz,notamment en 1916, avant que les Allemands n'abandonnent provisoirement ce front, en mars 1917, lors de l'opération Alberich. Un an plus tard, ils reviennent, au cours de leurs attaques de mars, puis de juin 1918, et réoccupent les tranchées abandonnées un an plus tôt. Ce n'est qu' en août et septembre 1918 que les troupes françaises, épaulées par les chars Renault, parviendront à dégager définitivement cette région de l'Oise.
Ce résumé historique semblera sans doute à certains un peu long. J'ai simplement voulu restituer dans les grandes lignes le contexte historique et mettre en avant l'intérêt de sauvegarder ce secteur situé au Nord Est de l'Oise, pour tous les passionnés de la Grande Guerre qui méconnaîtraient le site. A l'issue de la Grande Guerre, cette zone dénommée "plateau de Quennevières" ou "plateau de Nampcel", a peu à peu retrouvé sa vocation de terre agricole. Mais il n'empêche qu'elle a conservé bien des stigmates du conflit jusqu’à nos jours. Les innombrables sous-bois alentours, dont le Bois Saint-Mard (qui a fait dès l’époque l’objet d’une abondante production iconographique), rappellent encore les événements qui se sont produits là il y a plus de 90 ans maintenant : entrées de souterrains, de galeries (où inscriptions et graffiti sont encore bien visibles), cagnas, fourneaux de mines, taillés à même la pierre calcaire des souterrains, entonnoirs, vestiges de tranchées, abris bétonnés, positions d'observation, positions de minenwerfer ou de crapouillots, positions de mitrailleuses, vestiges de toutes natures sont encore bien présents et rappellent, en marge des innombrables plaques et monuments, les événements qui ont à jamais meurtris les lieux. Ici, comme au Chemin de Dames ou à Verdun, l'histoire du premier conflit mondial se lit comme dans un livre grand ouvert, en plein air, au détour des chemins et sous le couvert des bois...
Or il se trouve que depuis une trentaine d'années, une société de traitement de "déchets ultimes" s'est installée dans une partie du Bois Saint-Mard, haut-lieu de la guerre des mines, où certains vestiges sont tout à fait comparables à ce qui peut subsister à la Cote 108 ou les Eparges par exemple. Sans effectuer la moindre campagne de fouille archéologique, cette société a détruit et dénaturé une partie importante de ce bois. Aujourd'hui, en 2009, cette décharge arrive à saturation, et alors même que pour des raisons diverses, pas uniquement liées au fait que ce site soit un lieu de mémoire (il s'agit aussi d'une question d'environnement, d'écologie et de santé publique, le plateau possédant plusieurs sources qui sont captées pour la consommation d'eau des riverains), élus locaux, riverains, associations historiques et écologistes s'opposent à la création d'une nouvelle décharge, cette société persiste quant à elle à vouloir s'étendre toujours davantage. Cette fois-ci, elle a jeté son dévolu sur une importante partie du ravin de Puisaleine, où étaient situées les positions françaises en 1915-1916 - 1917. Se moquant éperdument des vestiges importants qui demeurent encore sur place, et qui n'ont jamais fait l'objet du moindre relevé archéologique, autant que de l'opposition des riverains et des élus, pourtant concernés au premier chef, l'exploitant de cette décharge a obtenu cet été l'autorisation de la DDEA de déboiser une large partie du ravin de Puisaleine et s’est aussitôt empressé de dévaster les parties boisées (détruisant au passage une position empierrée de mitrailleuse française et les restes de boyaux de communications et de tranchées), alors que, dans le même temps, le Préfet de l'Oise s'est opposé à toute extension de décharge sur ce site. Mais, le responsable de la décharge ne désarme pas et entend bien casser la décision du Préfet de l'Oise devant les tribunaux pour anéantir ce site, où reposent encore des soldats français et allemands, dont les corps ont disparu ici et n'ont jamais été retrouvé. Le "devoir de mémoire" n'est pas l'affaire de cet exploitant, qui compte bien ensevelir ce site historique et les restes des combattants, jamais retrouvés et encore enfouis sur place, sous une montagne de détritus (des ossements ont été mis à jour sous les manoeuvres des grues de la société, corroborant certaines archives militaires de l'époque, attestant la présence de corps de "portés disparus" sur place). Pour cette raison, habitants, élus, associations écologistes et historiques locales, associations d'anciens combattants se sont mobilisés pour dire "non" à ce projet de décharge sur un lieu sacré. Samedi 19 septembre 2009, une grande manifestation qui a attiré à la Butte des Zouaves près de 350 opposants a eu lieu, largement relayée par les médiats locaux et France3 Picardie, mais cette action ne suffit pas devant l'entêtement de la société de traitement des déchets, qui entend bien se répandre encore sur ce site que nous voudrions valoriser comme site historique de la Grande Guerre, ce qui est la juste logique des choses, eu égard aux sacrifices consentis ici par les poilus de la Grande Guerre. Aussi, une nouvelle manifestation à l'initiative du maire de Tracy-le-Mont, et des élus des communes limitrophes, doit se dérouler le 11 novembre prochain à nouveau à la Butte de Zouaves, pour redire encore une fois "non" à ce projet insensé. Et une carte pétition est disponible, dont je joins ici une copie. Tous ceux qui veulent agir immédiatement contre ce projet odieux peuvent dès à présent imprimer, compléter cette carte et la renvoyer à Monsieur le Maire de Tracy-le-Mont (Mairie de TRACY-LE-MONT - 60170) ou à M. Didier Guénaff, président de l’association « Patrimoine de la Grande Guerre » (siège social de l’association : mairie de NOYON – 60400), qui les collationneront et les transmettront à Monsieur le Préfet de l'Oise. Toutes les énergies et les bonnes volontés, pour qui le "devoir de mémoire" et le respect de nos valeureux "poilus" de la Grande Guerre et de leur mémoire ne sont pas de vains mots sont invitées à signer cette pétition et à venir dire et répéter avec nous le 11 novembre prochain "non à la décharge sur un lieu de mémoire". Nous devons sauver le ravin de Puisaleine et préserver le champ de bataille de Quennevières, qui est un des sites les plus remarquables de la Grande Guerre dans l’Oise et doit être mis en valeur comme tel.
[/b]
Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonsoir,
Inquiétant en effet. Pourrait-on avoir une carte avec l'emprise de l'extension envisagée ?
Sauf erreur de ma part, je n'ai pas trouvé la pièce jointe mentionnée dans la dernière partie du message ?
Inquiétant en effet. Pourrait-on avoir une carte avec l'emprise de l'extension envisagée ?
Sauf erreur de ma part, je n'ai pas trouvé la pièce jointe mentionnée dans la dernière partie du message ?
Eric
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonsoir, je débute sur le forum et ne maîtrise pas encore la gestion des fichiers joints... J'ai réédité le message avec le lien contenant la carte postale pétition... normalement... Concernant la carte de l'emprise, je puis vous la communiquer si vous avez une adresse mail... et vous enverrai la carte pétition si vous ne pouvez accéder au document joint... Cordialement.
JMN02
- Christophe Schlegel
- Messages : 339
- Inscription : lun. mars 21, 2005 1:00 am
- Localisation : Sampigny 55
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonsoir à toutes et tous,
Dans certaine partie de la France, ils font sauter la maison de ce genre de personnage.
[:alain dubois:1]
Cordialement.
Dans certaine partie de la France, ils font sauter la maison de ce genre de personnage.
[:alain dubois:1]
Cordialement.
Christophe Schlegel
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonsoir,
Inquiétant en effet. Pourrait-on avoir une carte avec l'emprise de l'extension envisagée ?
Sauf erreur de ma part, je n'ai pas trouvé la pièce jointe mentionnée dans la dernière partie du message ?
A priori, je ne puis mettre en ligne de document au format PDF, format dans lequel la carte que vous me réclamez se trouve. Laissez moi un message privé si vous le souhaitez et je vous transmettrai le document souhaité. Cordialement.
JMN02
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonsoir,
Inquiétant en effet. Pourrait-on avoir une carte avec l'emprise de l'extension envisagée ?
Sauf erreur de ma part, je n'ai pas trouvé la pièce jointe mentionnée dans la dernière partie du message ?
Voici la carte pétition (verso) et recto-verso accolés... Si vous ne parvenez pas à ouvrir et télécharger ce document, envoyer moi un message avec votre adresse mail et je vous la transmettrai... Cordialement


JMN02
- RIO Jean-Yves
- Messages : 1169
- Inscription : mer. oct. 20, 2004 2:00 am
- Localisation : VANNES (Morbihan)
- Contact :
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonsoir à tous.
Ma position sur le sujet est ici :
pages1418/Pages-d-aujourd-hui-actualite ... _893_1.htm
Je n'avais pas lu le texte de la pétition.
Se préoccuper de l'environnement c'est très bien, mais il me semble que le respect du lieu pour ceux qui y sont tombés et ceux qui y reposent toujours - Français comme Allemands - prévaut, ce qui d'ailleurs semble prendre le dessus si j'en crois la manifestation déjà faite et celle prévue le 11.11.
Je n'irais peut-être pas jusqu'à la proposition de Christophe concernant l'entreprise gougnafière (quoique ...) mais pourquoi ne pas imaginer des actions telle "bombarder" l'adresse mail de celle-ci - si elle en possède une - avec le nom de tous les Poilus qui sont tombés dans le secteur ? Nom par nom bien sûr avec la fiche en pièce jointe ..... et jusqu'à saturation, histoire de bien lui pourrir la vie
.
Cordialement
Jean-Yves
Ma position sur le sujet est ici :
pages1418/Pages-d-aujourd-hui-actualite ... _893_1.htm
Je n'avais pas lu le texte de la pétition.
Se préoccuper de l'environnement c'est très bien, mais il me semble que le respect du lieu pour ceux qui y sont tombés et ceux qui y reposent toujours - Français comme Allemands - prévaut, ce qui d'ailleurs semble prendre le dessus si j'en crois la manifestation déjà faite et celle prévue le 11.11.
Je n'irais peut-être pas jusqu'à la proposition de Christophe concernant l'entreprise gougnafière (quoique ...) mais pourquoi ne pas imaginer des actions telle "bombarder" l'adresse mail de celle-ci - si elle en possède une - avec le nom de tous les Poilus qui sont tombés dans le secteur ? Nom par nom bien sûr avec la fiche en pièce jointe ..... et jusqu'à saturation, histoire de bien lui pourrir la vie

Cordialement
Jean-Yves

Recherches sur les régiments vannetais (116e & 316e RI, 28e & 35e RAC) et l'histoire de VANNES
http://vannes1418.canalblog.com/
http://vannes1418.canalblog.com/
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonjour à tous,
Voici deux textes en rapport direct avec ce projet aberrant, et qui dit toute la volonté et l'acharnement de cette société de traitement des déchets à vouloir à tout prix détruire le site historique de Quennevières/Puisaleine, et le danger bien réel de disparaître si rien n'est fait... Le premier texte est tiré du bulletin d'information n°57 de l'association "Patrimoine de la Grande Guerre", en date de juin 2009 :
Le CSDU de Moulin-sous-Touvent : acte II
Le Tribunal Administratif d’Amiens a rendu son
verdict et a cassé la décision du Préfet de l’Oise interdisant
l’implantation d’un nouveau Centre de Stockage de Déchets
Ultimes à Moulin-sous-Touvent. Le plateau qui domine
Nampcel et Moulin-sous-Touvent fait partie de notre
histoire, il n’est pas qu’une simple page que l’on tourne, il est
temps de bien le comprendre. Si le T. A. d’Amiens juge que
l’on ne peut pas empêcher le développement économique
sous le seul prétexte de l’histoire, c’est la façon de lire notre
histoire que nous devrions revoir. La mienne est autre :
Facile de s’exprimer ainsi alors que le dernier Poilu a fermé
les yeux, plus personne directement concernée pour crier à la
honte et au scandale !
Les ossements ne parlent pas malgré le leitmotiv de Jacques
Péricard au crie de « Debout les morts ! » que l’on aurait
envie de reprendre ici. Mais poussons la réflexion : si le
sacrifice pour notre liberté, si les monuments construits et
érigés par nos grands-parents et arrières grands-parents ne
doivent plus exister au nom de l’économie et du progrès,
ouvrons toutes les portes de l’absurdité. Puisque l’on ne sait
que faire de nos déchets radioactifs, pourquoi pas les enfouir
dans les souterrains des nombreuses creutes de l’Aisne et de
la Meuse ? Ou encore dans ceux de nos nombreux châteaux
de France, Chambord, Coucy, Chantilly…. Soyons sérieux,
sans faire de politique, nous voyons aujourd’hui, plus que
jamais où mène le « tout pour de l’économie que cache un
tout pour le profit. »
D’autre part, nous venons d’apprendre par France 3
Picardie que les Australiens avaient octroyé 5 millions
d’euros pour la sauvegarde des sites de la Grande Guerre
dans la Somme. Ils ont bien compris l’intérêt de la
sauvegarde de ce patrimoine qui est une partie de leur
histoire.
En parallèle, nous continuons plus que jamais nos
recherches afin que découvrir la vérité sur la Butte des
Zouaves et ses alentours. Déjà en 1973, des recherches
auprès de témoins ont été entreprises. Elles confirment les
combats, la présence des Zouaves, des explosions
souterraines, mais n'apportent aucune certitude car les
témoins ne sont ni spécialistes, ni anciens combattants de la
Grande Guerre. Il convient donc de chercher encore.
Dernièrement, sur un plan datant des combats de
juin 1918, en ligne sur le site du ministère dans le J.M.O du
134e R.I., se trouve un emplacement qui mérite la plus
grande attention. On peut y lire : « chapelle des Zouaves ».
Cette « chapelle » située entre l'actuelle « butte des zouaves »
et les ruines de Puisaleine (donc, sur l'emplacement exact du
CSDU projeté) n'a, à ce jour, jamais été retrouvée. Sa
présence est attestée par la carte en un endroit où de
nombreux souterrains existent encore. Il apparaît évidement
qu'il y a un rapport de cause à effet entre cette chapelle des
zouaves (qui a été créée pendant la Grande Guerre en ce
lieu) et l'endroit choisi par les amicales de zouaves après la
guerre pour créer le monument de la butte des Zouaves.
Nous voyons ici que les archives ont encore
beaucoup de secrets à nous livrer et que l’on ne peut pas se
contenter de faire de l’histoire en étudiant uniquement
l’impact souterrain des lieux sur les quatre années de guerre.
Pour conclure, je retranscrits ci-dessous l’extrait du
JMO du 3e Régiment de Tirailleurs en date du 26 janvier 1915.
« Même situation, journée remarquablement calme. A 10 heures, parait une note
de la division prescrivant qu'en raison de l'anniversaire de la naissance de
l'Empereur Guillaume II, qui tombe le 27 janvier, il y aura lieu de redoubler de
surveillance pendant la soirée du 26 et la journée du 27. Soirée tranquille. A 22
heures, au bois St Mard, les Allemands commencent une vive fusillade sur la
tranchée de 1ère ligne du 5e bataillon (Commandant Delom). Cette tranchée est
aussitôt garnie de tireurs pour riposter au feu de l'ennemi. La batterie de 75
ouvre le feu de son côté. Quelques instants après de nombreuses explosions se
produisent, la tranchée saute sur une longueur de 50 mètres. L'excavation
produite à 7 à 8 mètres de profondeur. Environ 45 hommes de la 17e compagnie
(commandée par le Lieutenant Françon) sont ensevelis. Les hommes de la 1ère
ligne font preuve d'un sang froid remarquable en continuant à garder la tranchée
et à tirer pendant qu'un certain nombre d'entre eux se précipitent au secours de
leurs camarades ensevelis et cherchent à les dégager. Le tir de la batterie de 75 est
aussitôt accéléré et une partie de la tranchée ennemie d'en face est démolie. Les
Allemands arrêtés net ne se portent pas à l'attaque. En même temps que l'on
fait dégager les morts et les blessés, le commandant Delom fait reconstruire de
nouveau retranchement et mettre en place une dizaine de chevaux de frise. Une
demi-compagnie de Zouaves du bataillon Reversy et la section de pionniers de ce
bataillon sont envoyés en renfort pour accélérer le travail de mise en état de
défense qui est rapidement mené malgré le feu intense des Allemands. Pendant
tout le reste de la nuit, la batterie de 75 tire pour assurer la sécurité des
travailleurs.
L'appel fait le lendemain matin dans les unités de première ligne permet de
constater qu'il y a au total 3 tués, 22 blessés et 24 disparus. Les 24 disparus
sont vraisemblablement ensevelis sous les débris de la tranchée qui a sauté, il n'a
pas été possible de les dégager. »
Le second texte est le compte rendu fait par le "Courrier Picard" lundi 21 septembre 2009. Et puisque je n'arrive pas à vous l'insérer sur cette page, je vous joins le lien afin que vous puissiez quand même le consulter :
http://tracy-le-mont.org/_upload/ressou ... -09-09.pdf
Voilà, à la lumière de ces textes, pourquoi il est plus que nécessaire de se mobiliser en masse contre ce projet révoltant...
La révolte, c'est précisément le sentiment que j'ai ressenti, ce 6 août 2009, lorsqu'une amie de mon association ("Patrimoine de la Grande Guerre") nous a transmis par mail l'image de grues, allant et venant dans le ravin de Puisaleine, au lieu-dit "Le Château Gautier", en plein sur les anciennes positions françaises, aux limites de la Butte des Zouaves, remuant le sol, écrasant tranchées et anciens points d'appui fortifiés français, arrachant les arbres qui protégeaient et formaient une sorte d'écrin pour tous ces vestiges de la Grande Guerre dans cette partie de l'Oise, et aujourd'hui si menacés. C'est la révolte qui m'a inspiré le texte qui suit, et que j'ai lu publiquement, à la Butte des Zouaves, samedi 19 septembre, à la demande de M. le Maire de Tracy-le-Mont, et des élus de Carlepont, de Tracy-le-Val, de Bailly et de Saint-Léger aux Bois, ainsi que des représentants d'associations. Ce texte, que j'ai dû retoucher légèrement pour les nécessités du discours, le voici à présent pour les lecteurs du Forum :
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Communautés de Communes,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’Associations,
Mesdames et Messieurs,
Cette fois, ça y est, nous y sommes ! Depuis que tout le monde en parlait comme d'une fatalité inéluctable : l'agonie du ravin de Puisaleine a commencé... Finies, les balades dans les chemins creux, les champs et les sous-bois sur les traces des combattants de la Grande Guerre pour qui ce furent autant de chemins de croix...
*
Comme le bois des Loges avant lui, un des hauts-lieux de la Grande Guerre dans l'Oise, déjà condamné depuis des décennies à l'oubli, est en passe de disparaître physiquement, et avec lui les ultimes traces qu'il recèle encore du plus grand affrontement humain de tous les temps, sous les coups de pelleteuses et de bulldozers... Bientôt, en lieu et place des champs, rendus à la culture après la grande bataille, et des sous-bois, qui abritaient encore nombre de réseaux de tranchées, de cagnas, d'abris bétonnés, et de vestiges de toutes natures, on trouvera des fosses entièrement remplies de déchets industriels venus de tout le Nord de la France et de l'Europe... Quand l'intérêt financier, à peine voilé sous de prétendus enjeux écologiques, l'indifférence et le mépris le disputent à l'oubli, le sacrifice des poilus de la Grande Guerre ne pèse plus d'un poids très lourd... Et d'autant moins qu'il n'en reste désormais plus un pour élever la voix et pousser un cri de révolte face à tant d'incurie !...
*
Eh oui, Parisiens, Normands, Bretons, Zouaves, Tirailleurs, fantassins, artilleurs, sapeurs, équipages de chars, ..., vous pouvez bien tous vous retourner au fond de vos tombeaux, ou dans le trou où la mort est venue vous faucher et que les godets des pelleteuses viendront bientôt fouiller et anéantir... Vous et vos combats, vos camarades morts ou disparus, les survivants hantés à jamais par des visions d'horreur, appartenez à un passé révolu et que plus personne ne semble vouloir regarder en face et dont on veut à tout prix effacer toutes les traces, jusque sur le théâtre autrefois sacré de vos combats et de vos actions d'éclats jadis citées en exemple jusque dans les écoles.
Les survivants de la Grande Hécatombe avaient clamé aux lendemains de cette tuerie sans précédent : "Plus jamais cela", en pensant aux générations futures... Eh bien, voilà comment, moins de 100 ans après le début de la Grande Guerre, les générations d'aujourd'hui honorent votre mémoire et ce voeu pieu... Déjà, il ne se trouvait plus grand monde pour venir se recueillir devant les monuments aux morts les 11 novembre, et les rangs des participants se clairsèment toujours davantage (on masque parfois les trous des absents en obligeant, dans certaines communes, les écoles à venir se recueillir, presque contraintes et forcées)... Vous saurez désormais que votre sacrifice ne vaut pas plus, pour l'immense majorité de nos concitoyens, que les énormes dépôts d'immondices que l'on ambitionne de déverser sur les lieux de vos combats et de vos sacrifices, et où reposent encore les corps disloqués de ceux que l'on a jamais retrouvés et que l'on a désignés pudiquement sous le terme aseptisé et énigmatique de "portés disparus"...
*
Depuis quelques décennies, une certaine historiographie tend à démontrer l'absurdité de la Grande Guerre, "guerre fratricide du peuple européen", et à prouver qu'elle fut totalement inutile, ce qui incite d'autant plus nos sociétés à refouler cette guerre dans les abîmes de la mémoire. On voudrait en faire une aberration où le gaspillage des hommes, autant que le gaspillage de matériels, a connu un pic sans précédent et surtout sans aucune justification véritable. C'est oublier de dire que certains ont profité du sacrifice du peuple de paysans et d'ouvriers pour prospérer sur la mort de ces derniers, pendant et après la guerre. On voit en tout cas aujourd'hui le résultat appliqué sur le terrain de ces grands théories sur l'inutilité de cette guerre : puisqu'elle fut inutile, quelle utilité de conserver tous ces champs de bataille qui furent les vôtres ? Et puisqu'il ne se trouve plus de représentants ou presque pour vous défendre, et que leur voix a si peu d'écho, qui pourrait bien s'opposer à ce qu'on présente comme la marche en avant du progrès ?
Poilus des champs de bataille de l'Aisne, de l'Oise, du Matz, du Santerre, vous vous êtes battus pour défendre la terre de vos ancêtres, pour protéger vos femmes et vos enfants, pour que ces derniers vivent dans un monde de paix, dans le souvenir de vos sacrifices. Eh bien force est de constater que si les enfants ont gardé le souvenir (et parfois le traumatisme) du sacrifice de leurs pères, on ne peut guère en dire autant des petits-enfants, des arrière-petits-enfants, et des arrière-arrière petits enfants qui eux n'ont plus au mieux qu'indifférence, et au pire mépris pour vous autres. Votre guerre ne les concerne plus aujourd'hui. Ni plus encore, vos valeurs. Il n'en existe plus qu'une aujourd'hui, qui s'appelle l'argent. C'est elle qui régit tout, y compris la place qu'on doit accorder à votre souvenir...
*
Et les champs de bataille peuvent bien tous disparaître les uns après les autres, dans une indifférence presque générale, puisque même les acteurs de la vie publique et économique locale ne sont plus là pour vous défendre, vous qui avez défendu sans compter votre pays, jusqu'au sacrifice suprême. Même si la bataille de Quennevières (qui englobait en réalité une zone géographique bien plus importante que les seules limites de cette ferme, puisque le ravin de Puisaleine était en pleine zone d'action) a été une des seules batailles "gagnées" de l'année 1915, par un général dont on parlerait beaucoup quelques années plus tard - le général Nivelle -, quelle utilité aujourd'hui d'entretenir sur site le souvenir de cette bataille ? Tous les champs de bataille de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale ont leurs lieux de mémoire et leur espace muséographique (souvent eux-mêmes de plus en plus menacés...), l'Oise est le seul département qui fasse exception. Le Mémorial de l'Armistice étant comme son nom l'indique un musée consacré aux derniers mois de la guerre, aucun espace n'existe en effet dans l'Oise qui évoque jusque sur le terrain les traces des combats menés localement sur cette terre isarienne, à l'image de Notre Dame de Lorette, de Péronne, Albert, du Chemin des Dames, de Clermont-en-Argonne et Varennes-en-Argonne, de Vauquois, de Verdun, des Eparges, de Saint-Mihiel, de l'Hartmannswillerkopf, du Linge, pour n'évoquer que les sites les plus connus... A la place, on aura une belle décharge qui cherche d'année en année à s'étendre toujours davantage !
*
Après le bois Saint-Mard mutilé, le bois des Loges sacrifié, eux aussi pour faire place à de grandes décharges, le ravin de Puisaleine, en attendant que les appétits et les convoitises ne finissent de faire totalement disparaître ce qui n'a pu être saccagé la première fois du Bois Saint-Mard, qui reste perpétuellement menacé... Et à quand, tant que nous y sommes, la disparition de la butte du Plémont ou du ravin de Mareuil-la-Motte, où se sont sacrifiés les alpins de Briançon et les cuirassiers à pied, entre mars et juin 1918 ? Ou celle du Chauffour ou des Cinq Piliers, qui furent pour nombre de combattants français et allemands de la Grande Guerre, un havre de paix providentiel entre deux séjours en ligne ? Tous ces champs de bataille et ces lieux de vie et de souffrances des poilus de la Grande Guerre étaient pourtant (et restent toujours) classés en "zones rouges" : ils devaient demeurer à perpétuité impropres à toutes formes d'exploitation économique et de mise en culture... Si ce n'est à cause de la dangerosité de ces sites, était-ce du fait des événements qui s'y étaient produits... Mais tout cela est désormais bien loin...
*
Oui, Poilus de la Grande Guerre, vous êtes bien morts pour rien, puisque vos descendants, qui sont aussi les dépositaires de votre histoire, se montrent aujourd'hui incapables d'entretenir durablement votre souvenir, et pire encore puisqu'ils sont capables d'anéantir sans aucun égard, sans le moindre respect ni le moindre scrupule tous les témoignages et vestiges, aussi ténus soient-ils, de vos combats, de votre misère, de vos souffrances...
Naturellement, chacun appréciera ce que j'ai appelé mon "coup de gueule". Les mots sembleront peut-être un peu forts à certains. Ils sont à la hauteur de l'entêtement, de la surdité, de la cécité et de la cupidité (il faut bien dire les choses comme elles sont !) de cet exploitant qui ne voit que les profits qu'il pourra tirer de l'exploitation de ce site, qui lui garantira encore pour au moins une décennie la prospérité liée à l'exploitation des déchets ménagers, sur le "dos", au sens propre comme au sens figuré, de nos valeureux poilus de la Grande Guerre, et par la même occasion des habitants qui ont bien compris la valeur de ce site naturel et historique qui est aussi le leur....
Bien cordialement,
Jean-Michel
Voici deux textes en rapport direct avec ce projet aberrant, et qui dit toute la volonté et l'acharnement de cette société de traitement des déchets à vouloir à tout prix détruire le site historique de Quennevières/Puisaleine, et le danger bien réel de disparaître si rien n'est fait... Le premier texte est tiré du bulletin d'information n°57 de l'association "Patrimoine de la Grande Guerre", en date de juin 2009 :
Le CSDU de Moulin-sous-Touvent : acte II
Le Tribunal Administratif d’Amiens a rendu son
verdict et a cassé la décision du Préfet de l’Oise interdisant
l’implantation d’un nouveau Centre de Stockage de Déchets
Ultimes à Moulin-sous-Touvent. Le plateau qui domine
Nampcel et Moulin-sous-Touvent fait partie de notre
histoire, il n’est pas qu’une simple page que l’on tourne, il est
temps de bien le comprendre. Si le T. A. d’Amiens juge que
l’on ne peut pas empêcher le développement économique
sous le seul prétexte de l’histoire, c’est la façon de lire notre
histoire que nous devrions revoir. La mienne est autre :
Facile de s’exprimer ainsi alors que le dernier Poilu a fermé
les yeux, plus personne directement concernée pour crier à la
honte et au scandale !
Les ossements ne parlent pas malgré le leitmotiv de Jacques
Péricard au crie de « Debout les morts ! » que l’on aurait
envie de reprendre ici. Mais poussons la réflexion : si le
sacrifice pour notre liberté, si les monuments construits et
érigés par nos grands-parents et arrières grands-parents ne
doivent plus exister au nom de l’économie et du progrès,
ouvrons toutes les portes de l’absurdité. Puisque l’on ne sait
que faire de nos déchets radioactifs, pourquoi pas les enfouir
dans les souterrains des nombreuses creutes de l’Aisne et de
la Meuse ? Ou encore dans ceux de nos nombreux châteaux
de France, Chambord, Coucy, Chantilly…. Soyons sérieux,
sans faire de politique, nous voyons aujourd’hui, plus que
jamais où mène le « tout pour de l’économie que cache un
tout pour le profit. »
D’autre part, nous venons d’apprendre par France 3
Picardie que les Australiens avaient octroyé 5 millions
d’euros pour la sauvegarde des sites de la Grande Guerre
dans la Somme. Ils ont bien compris l’intérêt de la
sauvegarde de ce patrimoine qui est une partie de leur
histoire.
En parallèle, nous continuons plus que jamais nos
recherches afin que découvrir la vérité sur la Butte des
Zouaves et ses alentours. Déjà en 1973, des recherches
auprès de témoins ont été entreprises. Elles confirment les
combats, la présence des Zouaves, des explosions
souterraines, mais n'apportent aucune certitude car les
témoins ne sont ni spécialistes, ni anciens combattants de la
Grande Guerre. Il convient donc de chercher encore.
Dernièrement, sur un plan datant des combats de
juin 1918, en ligne sur le site du ministère dans le J.M.O du
134e R.I., se trouve un emplacement qui mérite la plus
grande attention. On peut y lire : « chapelle des Zouaves ».
Cette « chapelle » située entre l'actuelle « butte des zouaves »
et les ruines de Puisaleine (donc, sur l'emplacement exact du
CSDU projeté) n'a, à ce jour, jamais été retrouvée. Sa
présence est attestée par la carte en un endroit où de
nombreux souterrains existent encore. Il apparaît évidement
qu'il y a un rapport de cause à effet entre cette chapelle des
zouaves (qui a été créée pendant la Grande Guerre en ce
lieu) et l'endroit choisi par les amicales de zouaves après la
guerre pour créer le monument de la butte des Zouaves.
Nous voyons ici que les archives ont encore
beaucoup de secrets à nous livrer et que l’on ne peut pas se
contenter de faire de l’histoire en étudiant uniquement
l’impact souterrain des lieux sur les quatre années de guerre.
Pour conclure, je retranscrits ci-dessous l’extrait du
JMO du 3e Régiment de Tirailleurs en date du 26 janvier 1915.
« Même situation, journée remarquablement calme. A 10 heures, parait une note
de la division prescrivant qu'en raison de l'anniversaire de la naissance de
l'Empereur Guillaume II, qui tombe le 27 janvier, il y aura lieu de redoubler de
surveillance pendant la soirée du 26 et la journée du 27. Soirée tranquille. A 22
heures, au bois St Mard, les Allemands commencent une vive fusillade sur la
tranchée de 1ère ligne du 5e bataillon (Commandant Delom). Cette tranchée est
aussitôt garnie de tireurs pour riposter au feu de l'ennemi. La batterie de 75
ouvre le feu de son côté. Quelques instants après de nombreuses explosions se
produisent, la tranchée saute sur une longueur de 50 mètres. L'excavation
produite à 7 à 8 mètres de profondeur. Environ 45 hommes de la 17e compagnie
(commandée par le Lieutenant Françon) sont ensevelis. Les hommes de la 1ère
ligne font preuve d'un sang froid remarquable en continuant à garder la tranchée
et à tirer pendant qu'un certain nombre d'entre eux se précipitent au secours de
leurs camarades ensevelis et cherchent à les dégager. Le tir de la batterie de 75 est
aussitôt accéléré et une partie de la tranchée ennemie d'en face est démolie. Les
Allemands arrêtés net ne se portent pas à l'attaque. En même temps que l'on
fait dégager les morts et les blessés, le commandant Delom fait reconstruire de
nouveau retranchement et mettre en place une dizaine de chevaux de frise. Une
demi-compagnie de Zouaves du bataillon Reversy et la section de pionniers de ce
bataillon sont envoyés en renfort pour accélérer le travail de mise en état de
défense qui est rapidement mené malgré le feu intense des Allemands. Pendant
tout le reste de la nuit, la batterie de 75 tire pour assurer la sécurité des
travailleurs.
L'appel fait le lendemain matin dans les unités de première ligne permet de
constater qu'il y a au total 3 tués, 22 blessés et 24 disparus. Les 24 disparus
sont vraisemblablement ensevelis sous les débris de la tranchée qui a sauté, il n'a
pas été possible de les dégager. »
Le second texte est le compte rendu fait par le "Courrier Picard" lundi 21 septembre 2009. Et puisque je n'arrive pas à vous l'insérer sur cette page, je vous joins le lien afin que vous puissiez quand même le consulter :
http://tracy-le-mont.org/_upload/ressou ... -09-09.pdf
Voilà, à la lumière de ces textes, pourquoi il est plus que nécessaire de se mobiliser en masse contre ce projet révoltant...
La révolte, c'est précisément le sentiment que j'ai ressenti, ce 6 août 2009, lorsqu'une amie de mon association ("Patrimoine de la Grande Guerre") nous a transmis par mail l'image de grues, allant et venant dans le ravin de Puisaleine, au lieu-dit "Le Château Gautier", en plein sur les anciennes positions françaises, aux limites de la Butte des Zouaves, remuant le sol, écrasant tranchées et anciens points d'appui fortifiés français, arrachant les arbres qui protégeaient et formaient une sorte d'écrin pour tous ces vestiges de la Grande Guerre dans cette partie de l'Oise, et aujourd'hui si menacés. C'est la révolte qui m'a inspiré le texte qui suit, et que j'ai lu publiquement, à la Butte des Zouaves, samedi 19 septembre, à la demande de M. le Maire de Tracy-le-Mont, et des élus de Carlepont, de Tracy-le-Val, de Bailly et de Saint-Léger aux Bois, ainsi que des représentants d'associations. Ce texte, que j'ai dû retoucher légèrement pour les nécessités du discours, le voici à présent pour les lecteurs du Forum :
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Communautés de Communes,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’Associations,
Mesdames et Messieurs,
Cette fois, ça y est, nous y sommes ! Depuis que tout le monde en parlait comme d'une fatalité inéluctable : l'agonie du ravin de Puisaleine a commencé... Finies, les balades dans les chemins creux, les champs et les sous-bois sur les traces des combattants de la Grande Guerre pour qui ce furent autant de chemins de croix...
*
Comme le bois des Loges avant lui, un des hauts-lieux de la Grande Guerre dans l'Oise, déjà condamné depuis des décennies à l'oubli, est en passe de disparaître physiquement, et avec lui les ultimes traces qu'il recèle encore du plus grand affrontement humain de tous les temps, sous les coups de pelleteuses et de bulldozers... Bientôt, en lieu et place des champs, rendus à la culture après la grande bataille, et des sous-bois, qui abritaient encore nombre de réseaux de tranchées, de cagnas, d'abris bétonnés, et de vestiges de toutes natures, on trouvera des fosses entièrement remplies de déchets industriels venus de tout le Nord de la France et de l'Europe... Quand l'intérêt financier, à peine voilé sous de prétendus enjeux écologiques, l'indifférence et le mépris le disputent à l'oubli, le sacrifice des poilus de la Grande Guerre ne pèse plus d'un poids très lourd... Et d'autant moins qu'il n'en reste désormais plus un pour élever la voix et pousser un cri de révolte face à tant d'incurie !...
*
Eh oui, Parisiens, Normands, Bretons, Zouaves, Tirailleurs, fantassins, artilleurs, sapeurs, équipages de chars, ..., vous pouvez bien tous vous retourner au fond de vos tombeaux, ou dans le trou où la mort est venue vous faucher et que les godets des pelleteuses viendront bientôt fouiller et anéantir... Vous et vos combats, vos camarades morts ou disparus, les survivants hantés à jamais par des visions d'horreur, appartenez à un passé révolu et que plus personne ne semble vouloir regarder en face et dont on veut à tout prix effacer toutes les traces, jusque sur le théâtre autrefois sacré de vos combats et de vos actions d'éclats jadis citées en exemple jusque dans les écoles.
Les survivants de la Grande Hécatombe avaient clamé aux lendemains de cette tuerie sans précédent : "Plus jamais cela", en pensant aux générations futures... Eh bien, voilà comment, moins de 100 ans après le début de la Grande Guerre, les générations d'aujourd'hui honorent votre mémoire et ce voeu pieu... Déjà, il ne se trouvait plus grand monde pour venir se recueillir devant les monuments aux morts les 11 novembre, et les rangs des participants se clairsèment toujours davantage (on masque parfois les trous des absents en obligeant, dans certaines communes, les écoles à venir se recueillir, presque contraintes et forcées)... Vous saurez désormais que votre sacrifice ne vaut pas plus, pour l'immense majorité de nos concitoyens, que les énormes dépôts d'immondices que l'on ambitionne de déverser sur les lieux de vos combats et de vos sacrifices, et où reposent encore les corps disloqués de ceux que l'on a jamais retrouvés et que l'on a désignés pudiquement sous le terme aseptisé et énigmatique de "portés disparus"...
*
Depuis quelques décennies, une certaine historiographie tend à démontrer l'absurdité de la Grande Guerre, "guerre fratricide du peuple européen", et à prouver qu'elle fut totalement inutile, ce qui incite d'autant plus nos sociétés à refouler cette guerre dans les abîmes de la mémoire. On voudrait en faire une aberration où le gaspillage des hommes, autant que le gaspillage de matériels, a connu un pic sans précédent et surtout sans aucune justification véritable. C'est oublier de dire que certains ont profité du sacrifice du peuple de paysans et d'ouvriers pour prospérer sur la mort de ces derniers, pendant et après la guerre. On voit en tout cas aujourd'hui le résultat appliqué sur le terrain de ces grands théories sur l'inutilité de cette guerre : puisqu'elle fut inutile, quelle utilité de conserver tous ces champs de bataille qui furent les vôtres ? Et puisqu'il ne se trouve plus de représentants ou presque pour vous défendre, et que leur voix a si peu d'écho, qui pourrait bien s'opposer à ce qu'on présente comme la marche en avant du progrès ?
Poilus des champs de bataille de l'Aisne, de l'Oise, du Matz, du Santerre, vous vous êtes battus pour défendre la terre de vos ancêtres, pour protéger vos femmes et vos enfants, pour que ces derniers vivent dans un monde de paix, dans le souvenir de vos sacrifices. Eh bien force est de constater que si les enfants ont gardé le souvenir (et parfois le traumatisme) du sacrifice de leurs pères, on ne peut guère en dire autant des petits-enfants, des arrière-petits-enfants, et des arrière-arrière petits enfants qui eux n'ont plus au mieux qu'indifférence, et au pire mépris pour vous autres. Votre guerre ne les concerne plus aujourd'hui. Ni plus encore, vos valeurs. Il n'en existe plus qu'une aujourd'hui, qui s'appelle l'argent. C'est elle qui régit tout, y compris la place qu'on doit accorder à votre souvenir...
*
Et les champs de bataille peuvent bien tous disparaître les uns après les autres, dans une indifférence presque générale, puisque même les acteurs de la vie publique et économique locale ne sont plus là pour vous défendre, vous qui avez défendu sans compter votre pays, jusqu'au sacrifice suprême. Même si la bataille de Quennevières (qui englobait en réalité une zone géographique bien plus importante que les seules limites de cette ferme, puisque le ravin de Puisaleine était en pleine zone d'action) a été une des seules batailles "gagnées" de l'année 1915, par un général dont on parlerait beaucoup quelques années plus tard - le général Nivelle -, quelle utilité aujourd'hui d'entretenir sur site le souvenir de cette bataille ? Tous les champs de bataille de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale ont leurs lieux de mémoire et leur espace muséographique (souvent eux-mêmes de plus en plus menacés...), l'Oise est le seul département qui fasse exception. Le Mémorial de l'Armistice étant comme son nom l'indique un musée consacré aux derniers mois de la guerre, aucun espace n'existe en effet dans l'Oise qui évoque jusque sur le terrain les traces des combats menés localement sur cette terre isarienne, à l'image de Notre Dame de Lorette, de Péronne, Albert, du Chemin des Dames, de Clermont-en-Argonne et Varennes-en-Argonne, de Vauquois, de Verdun, des Eparges, de Saint-Mihiel, de l'Hartmannswillerkopf, du Linge, pour n'évoquer que les sites les plus connus... A la place, on aura une belle décharge qui cherche d'année en année à s'étendre toujours davantage !
*
Après le bois Saint-Mard mutilé, le bois des Loges sacrifié, eux aussi pour faire place à de grandes décharges, le ravin de Puisaleine, en attendant que les appétits et les convoitises ne finissent de faire totalement disparaître ce qui n'a pu être saccagé la première fois du Bois Saint-Mard, qui reste perpétuellement menacé... Et à quand, tant que nous y sommes, la disparition de la butte du Plémont ou du ravin de Mareuil-la-Motte, où se sont sacrifiés les alpins de Briançon et les cuirassiers à pied, entre mars et juin 1918 ? Ou celle du Chauffour ou des Cinq Piliers, qui furent pour nombre de combattants français et allemands de la Grande Guerre, un havre de paix providentiel entre deux séjours en ligne ? Tous ces champs de bataille et ces lieux de vie et de souffrances des poilus de la Grande Guerre étaient pourtant (et restent toujours) classés en "zones rouges" : ils devaient demeurer à perpétuité impropres à toutes formes d'exploitation économique et de mise en culture... Si ce n'est à cause de la dangerosité de ces sites, était-ce du fait des événements qui s'y étaient produits... Mais tout cela est désormais bien loin...
*
Oui, Poilus de la Grande Guerre, vous êtes bien morts pour rien, puisque vos descendants, qui sont aussi les dépositaires de votre histoire, se montrent aujourd'hui incapables d'entretenir durablement votre souvenir, et pire encore puisqu'ils sont capables d'anéantir sans aucun égard, sans le moindre respect ni le moindre scrupule tous les témoignages et vestiges, aussi ténus soient-ils, de vos combats, de votre misère, de vos souffrances...
Naturellement, chacun appréciera ce que j'ai appelé mon "coup de gueule". Les mots sembleront peut-être un peu forts à certains. Ils sont à la hauteur de l'entêtement, de la surdité, de la cécité et de la cupidité (il faut bien dire les choses comme elles sont !) de cet exploitant qui ne voit que les profits qu'il pourra tirer de l'exploitation de ce site, qui lui garantira encore pour au moins une décennie la prospérité liée à l'exploitation des déchets ménagers, sur le "dos", au sens propre comme au sens figuré, de nos valeureux poilus de la Grande Guerre, et par la même occasion des habitants qui ont bien compris la valeur de ce site naturel et historique qui est aussi le leur....
Bien cordialement,
Jean-Michel
JMN02
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Bonjour Jean Michel
Félicitations pour l'action engagée,et bon courage pour la poursuite de l'action.
Je pense que vous avez certainement communiqué envers les députés de la région,des ministéres compétants,et autres organismes gérants le patrimoine culturel,historique ect....
Le dossier serait certainement garanti de succés si vous pouviez trouver les traces présumées de vestiges préhistoriques(Dynausores ou autres)voir à défaut du gallo romain,il serait étonnant qu'il n'y en ai pas dans cette région car la champagne en a regorgé.
Dans ce cas le site serait gelé pour au moins vingt ans;car à la petite cuillére et à la brosse a dents.......
Il serait peut-être intéréssant de faire des recherches géologiques sur la région,car ayant bien connu la vallée de la Vesle et de la Marne ou l'on trouve des zones importantes de sable de mer:Chalons sur vesle,hermenonville ect,vôtre région devrait être de la même configuration.
Dans l'attente de connaitre les suites je le souhaite positives de ce dossier au combien important.
Encore bon courage
Cordialement
Rémy
Félicitations pour l'action engagée,et bon courage pour la poursuite de l'action.
Je pense que vous avez certainement communiqué envers les députés de la région,des ministéres compétants,et autres organismes gérants le patrimoine culturel,historique ect....
Le dossier serait certainement garanti de succés si vous pouviez trouver les traces présumées de vestiges préhistoriques(Dynausores ou autres)voir à défaut du gallo romain,il serait étonnant qu'il n'y en ai pas dans cette région car la champagne en a regorgé.
Dans ce cas le site serait gelé pour au moins vingt ans;car à la petite cuillére et à la brosse a dents.......
Il serait peut-être intéréssant de faire des recherches géologiques sur la région,car ayant bien connu la vallée de la Vesle et de la Marne ou l'on trouve des zones importantes de sable de mer:Chalons sur vesle,hermenonville ect,vôtre région devrait être de la même configuration.
Dans l'attente de connaitre les suites je le souhaite positives de ce dossier au combien important.
Encore bon courage
Cordialement
Rémy
REFO
Re: Le ravin de Puisaleine menacé de disparaître sous une décharge !
Aïe!!!!! Au secours les modérateurs... je viens de m'appercevoir que ce sujet évolue sur plusieurs dossiers à la fois... Pas évident pour la synchronisation... Je maintiens ma proposition faites ailleurs de se retrouver sur place pour une reco pédestre suivie d'une discussion autour du case croute. La présence de cent pinpins sur place au jour dit (avec la com qui va bien) est au moins aussi efficace qu'un sac de pétitions dans le fond du bureau du Maire ..Cordialement Nono