Bonjour Bruno,
Bonjour à tous,
J'ai toujours beaucoup de mal avec l'identification de Porchon et Genevoix sur les photographies. Malgré l'indication écrite sur un de vos clichés et les différentes interventions (j'ai du mal à suivre de gauche à droite...), je trouve (attention, je suis dans le subjectif !) que le soldat avec une barbe ressemble plus à Porchon et celui avec une moustache et une petite barbe à Genevoix. La seule piste pour étayer cette impression est l'observation des clichés des deux hommes : Genevoix porte une moustache fine (voir message supra), Porchon a le visage plus long.

Mais on ne va pas loin avec ce type d'impression...
Pour avancer un peu, et que nous nous y retrouvions tous, je propose d'utiliser les deux images qui suivent (elles ne sont pas de bonne qualité, je ne peux pas mieux, si quelqu'un a des clichés plus nets, cela nous aiderait aussi).
Je lance le bal avec les informations que j'ai pu collecter dans les légendes des images telles qu'elles apparaissent dans les livres cités plus haut.
Photographie 2 :
1. Bord
2. Porchon
Photographie 3 :
A. Porchon
B. Genevoix
C. Lagarrigue
D. Bord
[Edit] Pour cette dernière photographie, le catalogue de l'exposition sur Genevoix en 1990-1991 tenu à la bibliothèque historique de Paris donne bien comme légende : Photographie de (de gauche à droite) Porchon-Genevoix-Lagarrigue et Bord.
Pour les photographies du docteur Lagarrigue, Genevoix l'évoque dans un passage très précis dans son livre pages 556-557 (édition Points).
Bonne lecture,
Amicalement,
Arnaud
X
LA BOUE
5-11 janvier.
"Ça va comme ça, monsieur l'major ?"
L'homme s'est campé au milieu de la rue, devant le kodak du toubib. Les jambes empaquetées de grosse toile, le buste couvert d'une peau de mouton hirsute, il a la tête enveloppée d'un passe-montagne qui s'effiloche en toison déteinte, qui ne laisse voir, de tout le visage, qu'un nez minuscule sur un débordement de poils et des yeux clignotants sous la cascade des sourcils.
"Tournez-vous un peu, dit Le Labousse. Encore un peu... Décidément, la lumière ne vaut rien."
L'homme, docile, meut ses jambes informes avec une lourdeur de plantigrade.
"Est-il beau, l'animal ! Quel dommage de louper un pareil cliché !... Ah ! tant pis : ne bouge plus... Ça y est."
L'homme approche en se dandinant :
"C'est réussi, monsieur l'major ?... Quand c'est-il qu'on pourra voir ? Y en aura pour moi, n'est-ce pas ?"
Il avance la patte vers la boîte noire, comme s'il voulait l'ouvrir et tout de suite y trouver son image.
"Pas encore, dit le docteur. Il faut que j'envoie le rouleau de pellicules à Paris. Mais sitôt qu'on m'aura renvoyé les épreuves, je te promets que je t'en donnerai.
- Vous n'oublierez pas ? Léon Marchandise, première compagnie du 5-4, première section, troisième escouade. C'est pas pour moi, monsieur l'major. C'est pour eux..."
L'homme s'arrête, hésitant, les yeux voilés d'une vague tristesse. Baissant les yeux, il considère son accoutrement, son torse laineux, ses cuissards de toile rude.
"Ah ! murmure-t-il, c'est qu'on a changé ; rudement changé dehors et dedans... Alors j'voudrais..."
Il relève la tête, nous regarde ; nous nous sentons remués par la lumière qui soudain ennoblit ces yeux d'homme.
"J'voudrais; comprenez-vous, qu'ils me r'voient pas tel que j'étais quante j'ai parti. J'voudrais pour qu'ils pensent bien à moi, qu'i's m'voient comme je suis aujourd'hui... C'est pour ça monsieur l'major... Dites que vous n'oublierez pas.
- Je n'oublierai pas" , promet Le Labousse.
L'homme rentre dans sa grange et nous regagnons la caserne. Il pleut sur les rues désertes, les gouttières gargouillent au pied des murs, les feux noirs des cuistots s'éteignent en sifflant.
"A quoi pensez-vous, vieux toubib ?
- A rien d'intéressant.
- Mais encore ?
- Je pense aux abris de Calonne, à la pluie qui délaye leurs toits, au bruissement des gouttes sur la paille, à l'odeur de litière pourrie... Et vous ?
- Je ne pense plus à rien. Même pas à la peine que nous recevrons demain ; même pas à la boue dans quoi nous pataugerons ; même pas à la guerre... A rien du tout."