soldats tués

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francois noury
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Re: soldats tués

Message par francois noury »

Bonjour,

Si je me réfère aux effectifs d’un régiment (chiffres extraits de ce site), je trouve 96,5% d’hommes du rang pour 3,5% d’officiers.

Si je prends le nombre de « suicidés morts pour la France » cités ici, j’en trouve 7 dont 6 officiers.

Si j’applique mes taux : nous devrions trouver 171 « suicidés morts pour la France » parmi les soldats pour retrouver l’équilibre (6 officiers pour 171 hommes du rang).

A ma charge : les bibliographies et citations historiques ne suivent pas ces proportions, il semble logiquement plus aisé de trouver l’histoire malheureuse d’un officier.

A ma charge : la remarque de Stéphan stipulant que des conclusions à partir d’un si petit échantillon sont hasardeuses. (il faudrait qu’Alain Dubois nous donne son avis la dessus)

A ma décharge : la remarque de Jérôme exposant que le suicide est parfois justifié par les conséquences des blessures ou maladies contractées (là encore, le soldat est plus exposé et surtout, en bien plus grand nombre)

Ma question est donc : peut-on en tirer des conclusions, qu’en pensez-vous ?

Cordialement, François.

PS: a t'on réponse à ma question précédente (mort au domicile)?
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Charraud Jerome
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Re: soldats tués

Message par Charraud Jerome »

Bonjour à tous
En se mettant dans l'optique de l'époque, ne peut on considérer le suicide comme une conséquence d'une maladie psychologique induit par la guerre?

Jérôme
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francois noury
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Re: soldats tués

Message par francois noury »

Bien sûr jérôme et merci de considérer mes messages,

mais dans ce cas, et je ramène aux proportions (basés sur 7 cas cités), l'officier est (calcul statistique fait) sujet à cette affection 28 fois plus fréquemment qu'un homme du rang!

Ca ne colle pas tellement c'est gros, sauf à considérer que l'expertise médicale (ou la considération hiérarchique) est en faveur de l'officier, ou alors que ceux-ci sont psychologiquement bien plus fragiles...

Cordialement, François
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Jean-Claude Poncet
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Re: soldats tués

Message par Jean-Claude Poncet »

Bonjour,
Le soldat, vigneron-cultivateur de la région d’Auxerre qui écrit le texte objet de cette communication appartient au 2-9-9 RI. Il est en secteur à Nomeny, (secteur 195), la lettre est datée du 6 avril 1916 :

« ... Le temps est couvert, il tombe des giboulées de pluie de temps en temps.
Je viens de recevoir aussi ta carte-lettre du 2, où que tu me dis que ça ne te gène pas de m’envoyer des paquets ; où que je suis, ils me sont bien utiles ; je crois que d’ici trois ou quatre jours nous allons retourner à L.[Lunéville], où que nous étions auparavant. Là on trouve tant bien que mal ce que l’on a besoin. Et encore il y a des compagnies qui viennent pour 3 ou 4 jours et il y a qu’une épicerie et elle a bientôt fait de vendre ce qu’elle a ; il faut qu’ils retournent en chercher car ils ne sont pas tranquilles, d’un jour à un autre on peut les faire en aller.
Je fais toujours le même métier, toujours à mettre ces fils de fer la nuit, toujours assez tranquille, quelques coups de canon de jour et de nuit. Hier au soir il y en a un qui s’est tué en se tirant une balle dans la tête. Je ne sais pourquoi ; peut-être qu’il en avait assez de la guerre. Il était d’une compagnie de mitrailleuses.
Toujours sur le journal on voit des attaques et toujours ça n’avance à rien.
Je vais bien et j’envoie bien le bonjour à tous. Je termine en t’embrassant de tout cœur pour toutes les trois. »

Cordialement.
JCP.
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francois noury
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Re: soldats tués

Message par francois noury »

Bonjour,

merci pour ce témoignage. Il est bien évident que l'officier n'est sûrement pas plus fragile que le soldat. Il m'intéresse cependant de savoir ce qu'il advient ensuite. Donc le soldat suicidé de cet exemple: "mort pour la France" ou pas?

Cordialement,

François Noury
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Stephan @gosto
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Re: soldats tués

Message par Stephan @gosto »

Bonjour,

Voici quelques données supplémentaires pour François.

J'essaie de répertorier les MPF du 74e R.I., car à ma connaissance aucune liste complète n'existe. A ce jour, j'en ai retrouvé environ 2300. Cet échantillon, bien qu'incomplet (un bon millier doit encore manquer), permet néanmoins d'avoir déjà quelques indications.

Concernant les suicidés au sein de ce régiment, j'en ai, à ce jour, retrouvé cinq. Voici quelques précisions :

- Pas d'officiers, tous sont soldats.

- Ces cinq cas se répartissent régulièrement sur les cinq années de la guerre (un en 1914, un en 1915, un en 1916, un en 1917 et un en 1918).

- Aucun de ces hommes n'apparaît sur le fichier des MPF.

- Chacun de ces suicides a eu lieu dans des périodes de repos relatif, ou juste après quelques coup durs. Jamais avant un coup dur prévisible. L'un d'eux s'est notamment pendu quelques jours après avoir pris part à l'attaque sur Douaumont - combat extrêmement meurtrier pour le régiment.

Si cela vous intéresse, je pourrai (ultérieurement, car je n'en ai pas le temps à cet instant) vous transcrire l'extrait des souvenirs d'un combattant du 74e R.I. relatant un de ces cinq cas et expliquant comment ce drame a permis à certains d'arroser plus que de raison leur dîner... ;-)

Sur les raisons qui conduisent au suicide, je crois qu'il est très hasardeux de conclure trop hâtivement. Mais, il est à peu près certain que la guerre et la vie impensable qu'elle fit mener à ces hommes fut à l'origine de bien des cas.

J'ai en tête le cas très émouvant d'un combattant du 274e R.I., qu'Alain Chaupin connait bien et qu'il ne m'en voudra pas, j'espère, d'évoquer ici, qui fit l'aveu d'avoir été à deux doigts de commettre ce geste. C'était en pleine retraite, après les combats de Charleroi. La retraite, pour les soldats de l'aile gauche, fut terrible. Terrible au point que cet homme souhaita en finir... Mais il était père et mari... c'est, en ce cas, ce qui arrêta in extremis son geste et lui fit retirer la cartouche de son fusil.

Amicalement,

Stéphan
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alain chaupin
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Re: soldats tués

Message par alain chaupin »

Bonsoir
Bien vu Stéphan, voici l'extrait de la lettre du 8/11/1914 adressée par mon Grand-Père à son épouse :
"Quant à moi je vais très bien, je t’assure que j’en ai vu des cruelles. Nous avons été en Belgique et c’est là que poussés par le nombre écrasant des allemands, nous avons reculé jusque dans l’Aube. – Oh ces combats, et ces marches épouvantables. Nous marchions des semaines avec 2 ou 3 heures de repos par jour –
Nous étions des hommes que par la volonté et parfois il arrivait du manque de courage. Songe donc que j’ai armé une nuit mon fusil pour me faire sauter la tête. Je ne pouvais plus. – Les épaules, le corps, et surtout les pieds complètement en sang, tout m’empêchait, les allemands étaient sur nous. – Je voyais la mort préférable que prisonnier et puis le courage m’abandonnait. J’ai réfléchi, j’ai encore marché 2 heures et nous avons eu 3 heures de repos, ce qui m’a remis d’aplomb. A part 3 ou 4 jours, ma bonne humeur a toujours été la même. Je t’assure que je ne me fais pas de bile et ma foi, je me trouve presque heureux – Je ne pense plus que je suis en guerre. Si toutefois lorsque la pluie s’amène. C’est là la grande misère. "
et d'écrire 3 semaines avant sa mort :
« Ceux qui reviendront de cette guerre et qui auront comme moi passés par toutes les misères q’un homme peut endurer avant de mourir, devra s’en souvenir, car chaque jour qu’il vivra sera pour lui un bonheur. »
le 22 Décembre 1914
Bien cordialement
Alain Chaupin
cat74
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Re: soldats tués

Message par cat74 »

au vu de tout ce qui a été dit ci-dessus, il faut penser aux femmes des soldats qui sont morts à la guerre et qui pour les différentes raisons évoquées n'ont pas été considérés comme "mort pour la france" et n'ont pas reçu de pension. cela n'a pas dû être facile pour elles de faire vivre leur famille, surtout qu'il y a apparemment une injustice flagrante entre soldats et officiers. Mon arrière grand mère et ma grand mère étaient veuves de guerre, les pensions n'étaient pas très importantes mais elles les aidaient quand même à vivre. Y a t'il des témoignages de ces femmes qui n'ont pas été considérées comme veuves de guerre ?
Cordialement
Catherine
Anthony Verove
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Re: soldats tués

Message par Anthony Verove »

Bonjour,

"Y a t'il des témoignages de ces femmes qui n'ont pas été considérées comme veuves de guerre ?"

Des témoignages, je ne sais pas mais je ne le pense pas. La pression sociale était telle qu'il fallait vraiment avoir une forte personnalité pour "revendiquer" ce "statut". Trois facteurs me semblent nécessaires pour que de tels témoignages existent : une forte personnalité féminine (déjà dit), une culture suffisante (maîtrise de l'écrit) et une injustice flagrante à dénoncer (difficile à établir dans le cas d'un suicide).

Quelques lectures qui pourraient peut-être vous intéresser :

- "Le Fusillé" de Blanche Maupas. Un forte femme (réunissant les trois facteurs...) qui parvint à réhabiliter la mémoire de son mari et des trois autres caporaux fusillés à Souain en mars 1915. Réédité en 1994 par Isoète. Epuisé. Disponible uniquement chez les bouquinistes.

- "Fusillés pour l'exemple. Les caporaux de Souain, le 17 mars 1915". Jacqueline Laisné. Editions Alan Sutton. 2002. Un excellent petit livre sur l'affaire Maupas. L'auteur(e) évoque souvent la personnalité et le combat de Blanche Maupas.

- "Le Boucher des Hurlus" de Jean Amila [pseudonyme de Jean Meckert]. Gallimard, collection Série Noire, 1982. C'est un roman écrit par le fils d'un fusillé de 1917. Le narrateur évoque la vie sa mère. Vous comprendrez alors qu'il était difficile de se revendiquer veuve d'un soldat qui n'était pas "Mort pour la France".

Cordialement

Anthony
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LABARBE Bernard
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Re: soldats tués

Message par LABARBE Bernard »

A propos du suicide d'Anus, j'ai trouvé dans mémoire des hommes: tapez ANUS Napoleon et tout est dit: "suicide cause maladie contractée en service". J'arrive sûrement après la bataille...
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