Somme 1916 - attaque au gaz - Cie Z

Arnaud Lejaille
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Re: Somme 1916 - attaque au gaz - Cie Z

Message par Arnaud Lejaille »

Bonjour à toutes et à tous,

Voici une photo qui pourra vous paraître anodine, mais qui ne l’est pas…

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Intitulée attaque au gaz, somme 1916, elle présente en effet des hommes des compagnies Z mettant en œuvre des cylindres de gaz.
Et les photos de ce type d’opération sont peu fréquentes.

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Nous voyons ici au premier plan des sapeurs munis d’appareils Tissot grand modèle (avec cartouche additionnelle destinée à la protection contre les fumigènes), appareils distribués à partir de juillet 1916 aux compagnies Z, manœuvrant des cylindre de chlore-opacite (ce dernier étant un fumigène).

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http://www.guerredesgaz.fr/Protection/L ... Tissot.htm

Au deuxième plan, nous apercevons des hommes courant dans le nuage de chlore.

A l’évidence, il s’agit d’un exercice. A la hauteur du nuage formé, l’opération serait un fiasco complet. On comprend ici que les conditions ne sont pas optimales et que le nuage est très dilué. On recherchait en général a obtenir un nuage qui en roulant, collait au sol en ne dépassant pas quelques mètres de hauteur.

Ensuite, les cylindres de gaz étaient stockés en première ligne, au plus près des troupes ennemies, dans des abris souterrain à l’épreuve des bombardements. Ici, en plein air, il seraient vulnérables au premier tir allemand. Ils étaient en général regroupés par douze, avec une nourrice réunissant les bouteilles entre-elles, pour obtenir des débit plus importants et donc des nuages de gaz plus concentrés.

Ces abris étaient creusés en première ligne, espacés de 20 à 25 mètres, profond de plusieurs mètres. On en construisait ainsi de 100 à 250 sur plusieurs kilomètres de front. Ce travail préparatoire durait des semaines, parfois des mois. On y plaçait ensuite les cylindres de gaz, de nuit et en les convoyant à pied au travers du terrain bouleversé. Enfin, on attendait que les conditions météorologiques soient favorables, en montant en ligne dès qu’elle semblaient se confirmer.

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http://www.guerredesgaz.fr/Agression/Le ... hnique.htm


Régulièrement, l’alerte était annulée, jusqu’au jour final. Selon un plan d’opération fixé à l’avance, les cylindres étaient ouverts dans un ordre précis et selon un minutage défini. A chaque groupe de poste, on surveillait à chaque minute la vitesse, la force et la direction du vent. En cas d’anomalie, on pouvait ainsi stopper l’émission sur un poste, ou plusieurs, ou sur plusieurs centaines de mètre ou sur tout le front. Cela nécessitait la construction d’un réseau téléphonique reliant tout le secteur au poste de commandement de l’émission…


Enfin, après l’émission, des groupes de volontaires étaient envoyés dans les lignes adverses pour constater les effets de l’opérations sur les troupes ennemies, alors à cran et prêtent à en découdre jusqu’au bout… Ces troupes étaient parfois munies d’explosifs qui avaient pour but de faire sauter les entrées des abris dans les lignes adverses. Imaginez que pendant ces opérations qui duraient des heures, les allemands essayaient de survivre tapis au fond d’abris qu’ils ventilaient tant bien que mal… L’opération était ainsi plus « rémunératrice », terme alors utilisé dans ces circonstances… J’ai noté que dans la phase préparatoire de ces attaques, on répertoriait parfois les abris dans lesquels il y avait vraisemblablement le plus d’hommes.

En 1916 et dans la Somme, il y eu de nombreuses opérations de ce type. J’ai travaillé de nombreuses années pour tenter de dresser un historique de ces attaques et des compagnies Z :

http://www.guerredesgaz.fr/Agression/Le ... caises.htm

Il n’existe, à ma connaissance, quasiment aucun témoignage direct des compagnies Z ce qui contribue à la méconnaissance complète de ces opérations absolument incroyables.

« Au cours de l'année 1916, les émissions furent concentrées sur quelques secteurs géographique. La région au nord de Roye, coupée en deux une petite rivière de Picardie, la Avre, fut l'objet de plus de 50 lâchers de gaz contre les troupes allemandes, dans le cadre de 11 opérations successives menées par le 31e bataillon du génie. Ces attaques locales, planifiées dans le cadre de la grande offensive franco-britannique de la Somme, avaient pour objet de harceler l'adversaire, de lui causer le plus de pertes possible et surtout de l'obliger à maintenir sur ce front une quantité de troupe importante, en lui faisant craindre une action offensive sur ce secteur à la limite de la grande offensive. Ces troupes allemandes, maintenues dans un secteur qui s'avèrera stratégiquement insignifiant, manquèrent sur le front de la bataille qui se jouait à quelques kilomètres de là ».

Chacune de ces opérations fut finement planifiée ; la tactique de l’opération changeait à chaque fois, de façon à surprendre l’adversaire. A partir du 28 octobre 1916, il fut ajouté aux émissions du phosgène (6 bouteilles de petit modèle par poste en plus des 12 de chlore. Elle furent stockées dans des niches aménagées à l’extérieur de l’abri d’émission, les fuites sur les tubulures pouvant se révéler mortelles pour les sapeurs manipulateurs). Les vagues claires (transparentes et donc indétectables sinon l’odeur de chlore) alternaient avec les vagues opaques (avec adjonction d’un fumigène rendant la visibilité nulle et empêchant de discerner le terrain à plus d’un mètre…). Les bouteilles pouvaient être ouvertes au déclenchement d’un bombardement sur les premières lignes qui masquait le bruit de l’émission. Ou encore, les bouteilles étaient ouvertes quelques instants avant la fin d’un bombardement sur les lignes ennemies ; l’adversaire qui bondissait brusquement des abris, pensant à un assaut des français, se retrouvait au milieu d’une vague de chlore ou de phosgène à concentration maximale ; des émissions eurent lieu la nuit, à l’aube, au lever du jour, etc… espacées de quelques minutes, quelques heures, d’une journée ou plus…

Les quantités de gaz déversées varièrent à chacune des opérations. La première libera 220 tonnes de gaz avec une densité de 31 tonnes par km.

Voilà donc une simple photographie qui permet d’évoquer brièvement ce que fut les opérations menées par les compagnies Z. Leur rôle, leur vie et leurs souffrances pendant ce conflit restent aujourd’hui inconnues.

La dernière opération de ce type fut menée par la Cie 31/1 au Mont sans Nom, le 13 mai 1918. Dans un secteur de l’opération, une saute de vent provoque immédiatement le décès de 55 sapeurs en lignes ; 28 décèderont à l’ambulance et 73 seront gravement intoxiqués.




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