Bigre, il est mort à Branges ! Tu auras un portrait physique et un tas d'autres renseignements sur sa fiche matricule aux archives départementales. Autrement, il est sans doute cité dans l'anthologie des écrivains morts à la guerre. Je ne dispose pas de ces volumes mais voici un lien à ce sujet :
L'homme en campagne a les mêmes besoins qu'en temps de paix ; ces besoins deviennent même plus impérieux, étant exacerbés par une existence plus active et plus énervante.(Henry Mustière)
• V. la notice biographique rédigée par Jean PAULHAN pour l' « Anthologie des écrivains morts à la guerre (1914 ~ 1918) » (Bibliothèque du Hérisson, Edgar Malfère, Amiens, 1924, Tome I., p. 615 à 621).
— « Anthologie des écrivains morts à la guerre (1914 ~ 1918) », Bibliothèque du Hérisson, Edgar Malfère, Amiens, 1924, Tome I., p. 615 et 616.
GEORGES SABIRON
1882~1918
Georges Sabiron est né à Paris, près du Jardin des Plantes, le 22 décembre 1882. Il étudia au lycée Henri IV, puis à la Faculté de Droit.
Quand il eut passé sa licence, il se consacra entièrement aux lettres.
Il était, depuis sa jeunesse, orphelin. Réfléchi et grave, il vivait assez seul. Il avait quelques amis, connaissait peu d’écrivains. Il habitait Montmartre, mais descendait prendre ses repas chez sa sœur, rue de l’Ancienne-Comédie.
Il aimait sans réserve Victor Hugo. II aima plus tard Rimbaud. Quand la guerre commença, il travaillait à un roman, dont tous les personnages devaient être des animaux. Il avait publié des poèmes au Mercure de France, à La Vie, aux Soirées de Paris d’André Billy. Il écrivait difficilement : la méthode l’occupait autant que l'œuvre. Mais il avait parfois des explosions de joie, et, je pense, de génie.
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« ... La guerre qui a interrompu l’œuvre et qui m'a pris comme soldat me donne le loisir de rassembler ces pages. Je les publie, certain que leur gravité n'est pas une offense au temps où nous vivons. »
Par cet avertissement, Georges Sabiron présente les dix-huit poèmes achevés d’un long poème de poèmes qu’il projetait. Il songeait à les publier dès 1916 ; il avait choisi lui-même ce titre : Fragments d’un grand dessein. Ce sont plus encore aujourd’hui des fragments.
« La guerre qui m’a pris... », disait-il. Mais il s’était engagé. Malgré l’appareil qui lui maintenait la rotule en place, il ne supportait pas la marche, et restait en arrière de ses camarades ; « Soldat excellent au point de vue moral, détestable au point de vue physique », dit une note de son commandant. Ses chefs demandaient qu’il fût envoyé à l’arrière : il demeura dans sa compagnie, la 3e du 149e de ligne, jusqu’au jour où ses camarades furent tués ou faits prisonniers, au combat d'Arcy-Sainte- Restitue, le 29 mai 1918. Lui fut tué.
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Ses lettres parlaient peu de sa santé. Pourtant,
« la chaleur me donne des forces, et ce n’est pas une illusion : j’ai le contrôle des kilomètres et du sac »,
écrivait-il, six jours avant le combat d’Arcy. Mais l’humidité, le froid le faisaient souffrir. Les manœuvres d’exercice lui étaient un plus grand souci. Pas un jour, pendant ces trois années, ses amis ne l’ont senti au repos. Une fois seulement en première ligne :
« Il n’y a pas de tranchée continue. Nous gardons un ravin dans ce pays difficile, et la pente d’un mont. L’impression d’être en mer vient-elle de cet abri, parce que les murs et le plafond sont des troncs de sapin juxtaposés où s’accrochent des couchettes — ou plutôt du sentiment que tout est rompu avec la vie ordinaire, que je n’ai que quelques objets sur moi, et autour de moi un infini où je ne possède rien ? »
Lorsqu’il écrivait des vers, il savait donner cependant l’illusion de ce repos ; la sagesse et le calme, qu’il se voulait, trompaient ici ses amis. Ainsi, de telle œuvre difficile :
« ... J’avais bien le sentiment que tous nous dépendions de Ronsard, mais je me refusais à cet examen de peur de tomber dans un vide. Je comptais sur le temps et l’âge, et les efforts qui appuieraient un élément nouveau sur des habitudes anciennes — et la crainte aussi d’être incompréhensible. Écrire, c’est se résigner à n’être pas absolument original... »
Je ne puis faire tout à fait entendre quelle est sa noblesse. Lui non plus n’y parvient pas : il n’est pas tout entier dans les Fragments d’un grand dessein. Une étrange sincérité, une absolue bonté, une bonté sans honte nous promettaient pourtant que tout ce qu’il avait commencé de savoir serait par lui plus tard exprimé. Ses amis fondaient sur lui plusieurs de leurs sentiments.