François de Veillechèze de la Mardière

Parcours individuels & récits de combattants
Mondiion
Messages : 28
Inscription : ven. sept. 09, 2011 2:00 am

Re: François de Veillechèze de la Mardière

Message par Mondiion »

Image
François de Veillechèze de La Mardière
Docteur en droit
sous-lieutenant
Croix de Guerre 14-18
Né le 21 janvier 1891 - Poitiers (86)
Décédé le 22 juin 1923 - Boulogne (92)
À l'âge de 32 ans



Ecoutons ce que dit de lui son petit fils Yves-Marie Adeline* dans "Histoire des Adeline", recueil non publié destiné à ses descendants:

"François de la Mardière était né à Poitiers le 31 janvier 1891 et avait fait à Saint Joseph des études brillantes. En 1907, le prix des anciens élèves couronne ses succès scolaires, dus à une vive et facile intelligence, qui se prolongèrent lorsque François commença à Paris et continua à Poitiers sa licence, puis son doctorat en Droit. Le jour où il soutint sa thèse de docteur à 22 ans, il portait l’uniforme de cuirassiers.

« Quand vint la guerre, François gagna le front dès que le lui permit la convalescence d’une maladie contractée en service et qui avait failli l’emporter. Mais le calme des secteurs de cavalerie au cours de ces deux longues années 1915 et 1916, où, disait-il, ‘ la forme du courage était la patience’, le lassèrent bientôt ; et il eut la générosité de demander comme une faveur, sans compensation de grade, son passage dans l’infanterie où, simple caporal, il rejoignait son frère Yves au 325ème. La vie des deux frères suivait, dès lors, le calvaire de ce beau régiment : François recevait le galon de sous-lieutenant à Verdun ; Yves tombait en avril 1918 en défendant Amiens découvert par les Anglais ; François était grièvement blessé le 28 août en reconquérant Soissons ; depuis avril il portait la croix de guerre. « Il vit dans sa blessure l’occasion de réaliser un bonheur préparé depuis trois mois : le 24 octobre, convalescent, il épousait à Paris Mademoiselle Madeleine de Boisbrunet. Il la quittait quelques semaines plus tard pour l’entrée triomphale de son régiment en Lorraine. Ainsi son mariage avec une femme aimée, la victoire enfin atteinte, et bientôt la naissance de son premier enfant [ma mère] se réunissaient pour lui donner confiance dans une vie par laquelle il paraissait devoir être comblé. Nommé au Haut Commissariat de France en Rhénanie, il y emenait quelque temps sa jeune femme et sa fille. De retour en France, il entrait au contentieux des Aciéries de la marine, puis devenait l’agent général de l’Industrielle Foncière à Lille. C’est au service de cette compagnie qu’il devait être tué.

« Le 21 juin 1923, rentrant le soir d’une tournée d’affaires, conduit pas un de ses employés, il suivait la route de Boulogne à Lille en automobile lorsqu’au hameau des Herlettes une voiture surgit brusquement d’un croisement. Pour l’éviter, le conducteur fit faire à l’automobile une embardée telle qu’il n’en put reprendre la direction ; elle se retourna et se renversa, projetant à terre ses deux occupants. Horriblement atteint, les deux avant-bras brisés, la tête ensanglantée de plusieurs blessures, la poitrine enfoncée, François de la Mardière se releva pourtant tout de suite et tout seul alla s’assurer que les occupants de l’autre voiture n’avaiant point de mal. Puis il revint près de son compagnon, tué sur le coup d’une fracture d’une crâne, mais qu’il espérait seulement blessé. Il ne songeait qu’à ce ‘pauvre camarade’ lorsque les habitants du village, accourus, le firent entrer dans l’une de leurs maisons. Avant de laisser paraître ses souffrances, il tint à régler toutes choses, demanda, pour son compagnon, un prêtre auquel il se confessa, dicta trois télégrammes, un pour sa femme, s’efforçant de l’inquiéter le moins possible, un autre pour sa mère, le troisième pour l’Industrielle Foncière. Il fit soigneusement mettre en sûreté les papiures qu’il transportait pour celle-ci ; ensuite seulement il consentit à prendre le peu de repos que lui permit une nuit de souffrances.

« Cependant un médecin, rapidement appelé sur place, ayant jugé que le seul espoir de salut résidait dans une opération, François fut transporté à Boulogne en automobile au cours de la nuit. Le lendemain il accepta volontiers une opération et se laissa endormir après avoir reçu l’Extrême-Onction [ses dernières paroles avant de s’endormir avaient été : ‘Mon Dieu, ayez pitié de moi… ma pauvre femme… mes petits enfants…quel coup pour eux…’] ; il ne se réveilla pas.

« Deux traits résument le caractère de François de la Mardière ; sa fougue ardente et joyeuse, sa fidélité à son idéal.

« Sa fougue était bien connue des siens et de ses amis ; elle s’échappait dès le premier mouvement en un flux de paroles imagées, toutes remplies de verve et de spontanéité. Elle se marquait aussi par un besoin physique de vivre intensément, de dépenser toute son activité, de se fatiguer, ce à quoi il ne réussissait jamais.

« Elle faisait de lui un entraîneur, ‘cette fougue joyeuse qui, écrit un de ses amis, mettait tant de vie dans nos rapports d’enfants d’abord, puis de jeunes gens’ ; grâce à elle, comme l’écrit un autre, ‘François était fait pour donner et goûter le bonheur de vivre’ ; ami il la mettait dans son amitié ; soldat il la dépensa pour la patrie ; c’est par cette fougue qu’il voulut passer dans l’infanterie pour agir et être en danger, avec elle ; qu’il fut toujours volonatire pour les missions périlleuses, et, quand son frère tomba, désira farouchement le venger. Devenu plus tard agent d’une société, il mit au service de celle-ci la même activité, trouvant plaisir à courir en automobile, d’affaire en affaire, sur les routes de ces provinces du nord à la reconstruction desquelles travaillait l’Industrielle foncière. Ce fut enfin avec ce même allant qu’il se releva seul après l’accident, malgré ses épouvantables blessures, et entra sans aide dans la maison qui l’accueillait. Même après une nuit de souffrances et un voyage en automobile où il s’était évanoui de douleur, alors qu’une infirmière soutenait pourtant ses pauvres bras brisés, il trouva encore la force de monter seul l’escalier de la clinique de Boulogne où il accepta sans hésiter l’opération. Un témoin de son attitude après l’accident a dit à un membre de sa famille qu’ ‘ayant fait toute la guerre, il n’avait point vu d’exemple semblable de courage’. Ce qui avait surtout frappé ce témoin, c’était la manière dont François de la Mardière consacrait alors cette force morale à penser à tous sauf à lui-même. « En effet, il avait appris de longue date, dans les choses graves, à discipliner sa fougue et à l’orienter vers un idéal auquel il était passionnément fidèle. Deux hommes l’y avaient beaucoup aidé : son père s’était employé, dès son enfance, à maîtriser rudement les emportements et les aspirations à l’indiscipline de cette riche nature ; l’empreinte d’une telle éducation s’y marqua profondément. L’exemple de son frère Yves ‘ce frère charmant’, ‘cet être exquis’, comme lui-même l’appelait, avait en ême temps enseigné à François de la Mardière comment diriger ses forces utilement et se connaître soi-même. Sous cette double influence il avait dévoué toute son activité, toute sa fougue, à sa famille et aux traditions de celle-ci. Un de ses amis a écrit : ‘Il était -une longue conversation que j’avais eue avec lui en 1919 à Paris m’avait permis de m’en rendre compte- la personnification de l’amour de la famille, de l’amour conjugal, de l’amour paternel’. Il remontait plus haut encore, et regardait plus loin, aimant profondément, de sa race, le passé comme l’avenir. Il en voyait la tradition sociale dans la continuation du rôle de son père en Vendée; dans la paroisse de famille, autour d’une vieille demeure qu’il chérissait, tous les paysans étaient ses amis, et leur affection pour ‘Monsieur François’ entoura ses obsèques d’une douleur touchante. Les traditions patriotiques et royalistes des siens lui étaient également chères. Il défendit la première sur le champ de bataille et se passionna pour la seconde. « Enfin il s’imposa, en Rhénanie, avec la foi religieuse de ses ancêtres, à un entourage français en grande partie incroyant, et ce fut dans cette foi des siens, à laquelle toute sa vie avait été fidèle, qu’il s’endormit pieusement. Il était vraiment en droit de prononcer, quelques jours avant sa mort, ces paroles qui resteront la devise de ses enfants : ‘Je mets mon honneur et mon devoir au-dessus même de mes plus chères affections ».


* Yves-Marie Adeline est l'auteur d'un ouvrage publié en 2011 aux éditions Ellipse "1914, une tragédie Européenne"

Répondre

Revenir à « Parcours »