
Saint-Cyr 1914, lieutenant au 22e bataillon de chasseurs alpins
Né le 7 novembre 1895 - Paris 7e
Décédé le 14 janvier 1916 - Halsenfirst (Haute-Alsace)
Ecoutons ce que dit de lui son petit neveu Yves-Marie Adeline* dans '"Histoire des Adeline", recueil non publié destiné à ses descendants:
Reçu à Saint-Cyr, il ne peut pas y faire ses études puisque la guerre éclate. Il s’engage comme simple soldat le 24 août 1914 au 48ème Régiment d’Infanterie. Nommé caporal le 20 octobre 1914. Le 25 décembre 1914, promu par décision ministérielle sous-lieutenant pour la durée de la guerre. Affecté au 22e Bataillon de Chasseurs Alpins le 2 janvier 1915. C’est l’année terrible pour cette arme, car nos chasseurs alpins s’opposèrent farouchement à l’ennemi pour la conquête et la maîtrise de l’arête sommitale des Vosges. Nos soldats se battront avec une vaillance telle que les Allemands les surnommeront "Schwartze Teufel", c’est-à-dire les Diables Noirs. Gérard de Boisbrunet est blessé par balle au bras droit à Metzeral (Alsace) et évacué le 21 juin 1915. Le 24 juin, nos troupes conquièrent le massif de l’Hilsenfirst où mon oncle viendra trouver la mort. Mais il faut imaginer quel enthousiasme animait ces soldats privilégiés, qui étaient alors les seuls à pouvoir se vanter de reconquérir une portion de nos territoires perdus depuis 1870 ! Gérard est blessé à nouveau le 11 novembre 1915 dans un combat à la grenade au Reichakerkopf (Alsace). Il reçoit la Croix de Guerre avec étoile d’argent le 21 décembre 1915. Il n’a que vingt ans ! Par décision du généralissime Joffre, il est promu lieutenant à titre temporaire le 9 janvier 1916. Mort pour la France cinq jours plus tard sur le massif de l’Hilsenfirst (côte 1270) à quelques kilomètres au nord-ouest de Lautenbach, à Linthal (68) et de la façon la plus bête pour un soldat qui s’était battu avec tant de vaillance : pendant la nuit du 13 au 14 janvier, il neigea abondamment, la neige boucha l’orifice de la cheminée de sa cahute. On retrouva mon oncle et son ordonnance asphyxiés. Au moins étaient-ils morts paisiblement. Du moins est-ce l’histoire que ma mère m’a racontée, mais je précise que j’ai trouvé dans une source officielle (memorial-genweb.org) qu’il est mort asphyxié par des gaz de combat. Gérard de Boisbrunet fut fait Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume le 20 juillet 1920. Il est inscrit sur le monument aux morts de Montboucher-sur-Jabron (Drôme, 26). Le nom s’éteignait en ligne masculine avec lui.*
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Nous avons conservé une lettre du 22 janvier 1916 écrite par le capitaine Charnier (quel nom prédestiné pour cette guerre !) à l’oncle et tuteur de ma grand-mère et de son frère :
A Monsieur le Comte de La Baume
à Montboucher (Drôme)
Nous avons l’honneur de vous informer que nous avons reçu de Mme la Comtesse de Boisbrunet, grand-mère du Lieutenant de Boisbrunet, votre pupille, une demande de renseignements au sujet de son petit-fils, et que nous ne pouvons, hélas, que lui apprendre une bien triste nouvelle. Nous venons vous prier de vouloir bien la préparer au grand malheur qui la frappe, ainsi que la sœur du Lieutenant, au profit de qui il avait fait une délégation de solde. La nouvelle vient de nous parvenir que le Lieutenant de Boisbrunet est décédé le 14 janvier 1916, par asphyxie. Nous n’avons pas d’autres détails. La nouvelle n’est qu’officieuse, mais certaine cependant.
L’avis de décès officiel vous sera transmis par la mairie dès que nous l’aurons reçu du ministère de la guerre.
Veuillez agréer, Monsieur, avec nos biens vives condoléances, nos sentiments très distingués.
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**Comme le prévoit la république française lorsque le dernier porteur du nom est mort pour la France, par décret du 27 juillet 2000 Yves-Marie Adeline et ses frères ont pu relever son nom pour s'appeler désormais "Adeline Soret de Boisbrunet"
* Yves-Marie Adeline est l'auteur d'un ouvrage publié en 2011 aux éditions Ellipse "1914, une tragédie Européenne"