Bonjour à tous,
Bonjour M. Pierret,
Bonjour Mathilde,
Les corps de Martignon ont été relevés après guerre, au moment de la constitution de la nécropole de Ban-de-Sapt. Pour information, cette nécropole a reçu des dépouilles venant des cimetières "Croix de Lorraine", la Vercoste, la Fontenelle, "Martignon", "Huguenet" / "Floquet", Croix de Gemainfaing, Hermanpère, Denipaire, et Celles-sur-Plaine.
Côté témoignages, un petit texte original :
Sonnet pour le Livre d’Or du 23e
Salut à vous, Guerriers, fils d’un sol généreux,
Bressans et Lyonnais, d’illustre renommée,
A vos fiers étendards brille votre épopée :
ZURICH, WAGRAM, LUTZEN, MAGENTA – noms fameux !
Aux jours de durs combats, l’élan victorieux
De vos assauts brisa l’attaque forcenée
D’une horde sans foi, pour toujours abhorrée…
Aux JOURNAUX, à MANDRAY, vous fûtes courageux !
Plus tard quand le succès vint à LA FONTENELLE
Couronner vos efforts d’une splendeur nouvelle,
Vos chefs ont célébré « LEURS BRAVES DU VINGT-TROIS ».
La fleur de vos Héros, dans un linceul de gloire,
Dort à l’HARTMANNWILLER, témoin de vos exploits,
Sublime sacrifice, augure de Victoire !
Charles GRIFFON,
in Profils Divisionnaires, poèmes de guerre de la 41e Division d’Infanterie (Vosges, 1914-1916)
Bien cordialement,
Eric Mansuy
23eme RI 24 juillet 1915
- Eric Mansuy
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Re: 23eme RI 24 juillet 1915
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonjour, Mathilde,
Habitant pas très loin de Bourg en Bresse je m'intéresse particulièrement au 23°RI et je me permet de vous conseiller le livre de Rémi RICHE " Destin Brisés" qui traite du 23° RI. Editions de La Catherinette. Il traite également e l'épisode de LA FONTENELLE.(je possède aussi l'historique) si cela peut vous aider.
Cordialement
MICHEL
Habitant pas très loin de Bourg en Bresse je m'intéresse particulièrement au 23°RI et je me permet de vous conseiller le livre de Rémi RICHE " Destin Brisés" qui traite du 23° RI. Editions de La Catherinette. Il traite également e l'épisode de LA FONTENELLE.(je possède aussi l'historique) si cela peut vous aider.
Cordialement
MICHEL
MICHEL
Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonjour Mathilde,
Michel a eu une excellente idée pour votre "petit Noël", c'est là :
http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOO ... 19149.aspx
Je laisse la place.... Cordialement Jean Michel
Cordialement Jean Michel
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Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonsoir à tous!
Merci Jean-Louis et Eric pour les photos et témoignages. J'essaie maintenant de réaliser, grâce à vous, dans quel enfer mon arrière grand-père a vécu son dernier jour.
Merci Michel et Jean-michel pour la référence: je pense commander le livre dès demain.En cliquant sur le lien j'ai lu qu'il était disponible sous trois jours:effectivement je l'aurais peut-être pour mon "petit Noël"! Tout cela est vraiment émouvant;
A bientôt,
Mathilde
Merci Jean-Louis et Eric pour les photos et témoignages. J'essaie maintenant de réaliser, grâce à vous, dans quel enfer mon arrière grand-père a vécu son dernier jour.
Merci Michel et Jean-michel pour la référence: je pense commander le livre dès demain.En cliquant sur le lien j'ai lu qu'il était disponible sous trois jours:effectivement je l'aurais peut-être pour mon "petit Noël"! Tout cela est vraiment émouvant;
A bientôt,
Mathilde
matlec
- Eric Mansuy
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Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonjour à tous,
Bonjour Mathilde,
Un nouveau témoignage dans lequel l’horreur du secteur ne nous est pas épargnée : une lettre de Louis Chevrier de Corcelles, du 23e R.I., à sa mère.
« 28 juillet 1915
Ma chère Ma,
J’ai reçu votre tendre lettre qui m’a plus touché que je ne saurais le dire ! Que vous êtes donc bonne. Mais surtout ne vous affolez donc pas à ce point à propos de ma santé. Je vais bien, mais vous comprendrez facilement que deux mois de marches, contre-marches, attaques, avances et reculs m’ont un peu abruti ; c’est le mot et c’est tout. Rien de bien défini mais un léger abrutissement général. C’est la pure vérité et je ne vous cache rien. Il n’y a à cela rien que de fort naturel. A part cela ma santé est de toute beauté ! Je vous en conjure encore, ne vous affolez pas. Quelques jours de repos à Denipaire où nous venons d’arriver, descendant du Ban-de-Sapt, feront disparaître cette lassitude dont la cause principale est le bombardement perpétuel ou presque. L’obus qui tombe près de vous (ce qui m’est arrivé maintes fois ces temps-ci) sans vous atteindre, vous coupe la respiration, vous donne un coup à l’estomac et vous tape un peu sur l’esprit. Quand cela se répète plus de 25 fois par jour, on finit par s’en ressentir un peu.
Le 23e a fait tomber, le 24 juillet, la dernière portion allemande sur le plateau de la F., portion déjà entamée par nous le 8. C’était le redoutable réduit du bois Caduc.
Je n’ai jamais tant vécu au milieu des cadavres nauséabonds que ces jours-ci. Nous avons passé une semaine inoubliable dans une tranchée allemande conquise et prise entre deux feux. Pendant la journée, il était littéralement impossible de bouger. On restait tapi au fond de niches creusées dans les talus ; et tout le temps bombardement et pluie. Le soir seulement, vers 8 h. ½, on recevait les vivres, carottes, rôti, vin, cognac, et toujours l’odeur de ces cadavres allemands contre lesquels je butais à chaque instant en allant placer des fils de fer devant la ligne. Un obus vint une fois à tomber juste sur un de ces corps putréfiés et tout chauds de fermentation. Un de mes hommes eut la figure inondée de cervelle pourrie. Nous avons dû le laver à l’eau-de-vie. C’était horrible. J’ai pu rapporter avec moi, du Ban-de-Sapt, un fusil allemand, une baïonnette, un bidon, des chargeurs, etc. La revue du général Joffre s’est passée à Robache. »
Et pour vous situer le bois Caduc :
Bien cordialement, et au plaisir,
Eric Mansuy
Bonjour Mathilde,
Un nouveau témoignage dans lequel l’horreur du secteur ne nous est pas épargnée : une lettre de Louis Chevrier de Corcelles, du 23e R.I., à sa mère.
« 28 juillet 1915
Ma chère Ma,
J’ai reçu votre tendre lettre qui m’a plus touché que je ne saurais le dire ! Que vous êtes donc bonne. Mais surtout ne vous affolez donc pas à ce point à propos de ma santé. Je vais bien, mais vous comprendrez facilement que deux mois de marches, contre-marches, attaques, avances et reculs m’ont un peu abruti ; c’est le mot et c’est tout. Rien de bien défini mais un léger abrutissement général. C’est la pure vérité et je ne vous cache rien. Il n’y a à cela rien que de fort naturel. A part cela ma santé est de toute beauté ! Je vous en conjure encore, ne vous affolez pas. Quelques jours de repos à Denipaire où nous venons d’arriver, descendant du Ban-de-Sapt, feront disparaître cette lassitude dont la cause principale est le bombardement perpétuel ou presque. L’obus qui tombe près de vous (ce qui m’est arrivé maintes fois ces temps-ci) sans vous atteindre, vous coupe la respiration, vous donne un coup à l’estomac et vous tape un peu sur l’esprit. Quand cela se répète plus de 25 fois par jour, on finit par s’en ressentir un peu.
Le 23e a fait tomber, le 24 juillet, la dernière portion allemande sur le plateau de la F., portion déjà entamée par nous le 8. C’était le redoutable réduit du bois Caduc.
Je n’ai jamais tant vécu au milieu des cadavres nauséabonds que ces jours-ci. Nous avons passé une semaine inoubliable dans une tranchée allemande conquise et prise entre deux feux. Pendant la journée, il était littéralement impossible de bouger. On restait tapi au fond de niches creusées dans les talus ; et tout le temps bombardement et pluie. Le soir seulement, vers 8 h. ½, on recevait les vivres, carottes, rôti, vin, cognac, et toujours l’odeur de ces cadavres allemands contre lesquels je butais à chaque instant en allant placer des fils de fer devant la ligne. Un obus vint une fois à tomber juste sur un de ces corps putréfiés et tout chauds de fermentation. Un de mes hommes eut la figure inondée de cervelle pourrie. Nous avons dû le laver à l’eau-de-vie. C’était horrible. J’ai pu rapporter avec moi, du Ban-de-Sapt, un fusil allemand, une baïonnette, un bidon, des chargeurs, etc. La revue du général Joffre s’est passée à Robache. »
Et pour vous situer le bois Caduc :

Bien cordialement, et au plaisir,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonjour à tous,
Bonjour Eric,
Merci beaucoup. Comment pouvaient ils s'adapter à la chute de 25 obus par jour...Je comprends mieux en lisant ces témoignages à quel point ceux qui s'en sont sortis vivants devaient avoir du mal à essayer de revivre normalement avec les autres.
Encore merci et à bientôt,
Mathilde
Bonjour Eric,
Merci beaucoup. Comment pouvaient ils s'adapter à la chute de 25 obus par jour...Je comprends mieux en lisant ces témoignages à quel point ceux qui s'en sont sortis vivants devaient avoir du mal à essayer de revivre normalement avec les autres.
Encore merci et à bientôt,
Mathilde
matlec
- Eric Mansuy
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Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Rebonjour,
Autre texte, bien plus connu, celui d’André Maillet (in Sous le fouet du destin, pages 6 à 8), à la veille du départ du 23e R.I. pour l’Hartmannswillerkopf, autre calvaire du régiment :
« Nous devions, hier soir, remonter aux tranchées. Mais, au dernier moment, un contrordre inattendu nous a brusquement déséquipés et rejetés sur la paille de nos greniers. Pourquoi ? C’est la question que chacun se pose anxieusement.
Nous aurions préféré regagner nos positions de la Fontenelle, non parce que nous sommes las de cette semaine de repos, mais parce que, restant ici, nous constituons une unité disponible qu’ont peut appeler dans un autre secteur. Et nous tenons à celui que nous occupons.
La Fontenelle ! Notre Fontenelle ! Le régiment, dès le début de la guerre, l’a disputée aux Boches et, après un an de luttes obscures et sanglantes, l’a définitivement conquise. Depuis six mois, nous la réorganisons. Nous connaissons tous ses recoins, abris sûrs ou points dangereux, par leur nom. Et le "poste du Noyer", le "Métro", la "tranchée Daubar", ont gardé de chacun de nous beaucoup de souffrance et beaucoup de rêve.
La Fontenelle ! Nous lui sommes attachés, comme on s’attache à sa maison, à son champ, à son chez soi. C’est notre village, notre Patrie. C’est tout ce qui nous reste au monde. C’est pour elle que nous avons jusqu’à ce jour beaucoup souffert. C’est pour elle que nous étions prêts à souffrir encore !
Et voici qu’on va peut-être nous arracher à ces lieux familiers. Voici que toutes nos habitudes de vie vont être brisées. Nous allons abandonner tous les camarades tombés dans la lutte, et les cimetières où nous fleurissions leurs tombes. Nous allons délaisser tous ces chers Morts qui revivaient encore dans nos mémoires et dont les âmes venaient nous parler bas, aux soirs longs et froids des factions pensives. […] »
Et pour vous faire une idée du terrain, un superbe site : http://www.itsmi.eu/mag/ww1-adam/
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Autre texte, bien plus connu, celui d’André Maillet (in Sous le fouet du destin, pages 6 à 8), à la veille du départ du 23e R.I. pour l’Hartmannswillerkopf, autre calvaire du régiment :
« Nous devions, hier soir, remonter aux tranchées. Mais, au dernier moment, un contrordre inattendu nous a brusquement déséquipés et rejetés sur la paille de nos greniers. Pourquoi ? C’est la question que chacun se pose anxieusement.
Nous aurions préféré regagner nos positions de la Fontenelle, non parce que nous sommes las de cette semaine de repos, mais parce que, restant ici, nous constituons une unité disponible qu’ont peut appeler dans un autre secteur. Et nous tenons à celui que nous occupons.
La Fontenelle ! Notre Fontenelle ! Le régiment, dès le début de la guerre, l’a disputée aux Boches et, après un an de luttes obscures et sanglantes, l’a définitivement conquise. Depuis six mois, nous la réorganisons. Nous connaissons tous ses recoins, abris sûrs ou points dangereux, par leur nom. Et le "poste du Noyer", le "Métro", la "tranchée Daubar", ont gardé de chacun de nous beaucoup de souffrance et beaucoup de rêve.
La Fontenelle ! Nous lui sommes attachés, comme on s’attache à sa maison, à son champ, à son chez soi. C’est notre village, notre Patrie. C’est tout ce qui nous reste au monde. C’est pour elle que nous avons jusqu’à ce jour beaucoup souffert. C’est pour elle que nous étions prêts à souffrir encore !
Et voici qu’on va peut-être nous arracher à ces lieux familiers. Voici que toutes nos habitudes de vie vont être brisées. Nous allons abandonner tous les camarades tombés dans la lutte, et les cimetières où nous fleurissions leurs tombes. Nous allons délaisser tous ces chers Morts qui revivaient encore dans nos mémoires et dont les âmes venaient nous parler bas, aux soirs longs et froids des factions pensives. […] »
Et pour vous faire une idée du terrain, un superbe site : http://www.itsmi.eu/mag/ww1-adam/
Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
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Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonsoir à tous,
Bonsoir Eric
Je suis désolée de répondre aussi tard, mais ce n'est pas par manque d'intérêt, soyez en sûr.
Je suis surprise encore une fois de lire autant de témoignages de cette période de la guerre.Un grand merci.
A très bientôt,
mathilde
Bonsoir Eric
Je suis désolée de répondre aussi tard, mais ce n'est pas par manque d'intérêt, soyez en sûr.
Je suis surprise encore une fois de lire autant de témoignages de cette période de la guerre.Un grand merci.
A très bientôt,
mathilde
matlec
- Eric Mansuy
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Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonjour à tous,
Bonjour Mathilde,
Il n'y a pas de mal, mes messages ne sont pas faits pour être lus dans la seconde. Cela étant, côté témoignages, je peux continuer pendant un bon moment avec ceux d'hommes d'autres unités engagées aux côtés du 23e RI, tels les 133e ou 359e RI, 43e RIT, etc. Dites-moi si cela vous intéresse et sur quelle(s) date(s) me concentrer en dehors du 24 juillet, le cas échéant.
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Bonjour Mathilde,
Il n'y a pas de mal, mes messages ne sont pas faits pour être lus dans la seconde. Cela étant, côté témoignages, je peux continuer pendant un bon moment avec ceux d'hommes d'autres unités engagées aux côtés du 23e RI, tels les 133e ou 359e RI, 43e RIT, etc. Dites-moi si cela vous intéresse et sur quelle(s) date(s) me concentrer en dehors du 24 juillet, le cas échéant.
Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Re: 23eme RI 24 juillet 1915
Bonjour Mathilde, Bonjour M Mansuy, Bonjour vous tous.
Quelques lignes extraites de "La Guerre dans les Vosges" du Capitaine E Dupuy sur mes combats de La Fontenelle" les 23 et 24 juillet 1915.
"23 Juillet – L'opération a été préparée avec le même esprit de méthode que celle du 8 juillet, peut-être même avec d'avantage de précisions. La prise de la cote 627 n'a pas été sans mettre en lumière certaines imperfections de détail : les leçons ne sont pas oubliées ; ces défectuosités ne se renouvelleront pas. La conception du plan d'attaque est des plus simples : une attaque principale menée par deux compagnies du 23ièmeRI et deux compagnies du 133ième RI ayant pour premiers objectifs les ouvrages Uc 44-45-46-33 et Ud 1-2-6-7. Vdl et pour objectifs définitifs les abords de la route et du village de Launois ; et deux attaques en couverture sur les flancs, menées à gauche par une demie compagnie du 23ième RI en prolongement de l'attaque principale, à droite par le groupe cycliste de la 6ième Division de Cavalerie. Les troupes de 1ière ligne devront franchir leurs premiers objectifs sans s'y arrêter et s'installer dans leur objectif définitif. Les troupes de renforts, fournies par le 23ième et le 133ième RI et le 43ième Territorial (bataillon Schwob), seront partagées en deux fractions ; l'une sera chargée exclusivement du nettoyage des ouvrages tombées entre nos mains, l'autre, munie d'outils et de matériel, organisera immédiatement la position conquise. Les renforts devront suivre pas à pas les troupes de 1ière ligne et rester "sur leurs talons" dans la ligne ennemie. La préparation d'artillerie : tirs de destruction, tir de protection contre les flanquements, tire contre les batteries a été l'objet d'une étude particulièrement minutieuse. Tout est prêt pour attaquer l'ennemi. Mais le temps est si mauvais que l'opération, au dernier moment, est renvoyée au lendemain. L'ennemi ne perd rien pour attendre.
24 Juillet – La pluie a cessée ; le ciel s'est éclairci ; le temps est favorable ; on en profite immédiatement. Dans l'après-midi, la "saucisse" monte lentement, puis de Corcieux, nos avions d'observations accourent et remplissent l'atmosphère de leurs ronflements sonores. Depuis le matin, les troupes qui prennent part à l'attaque sont sur leurs emplacements de combat ; elles calment maintenant leur impatience en suivant avec intérêt les évolutions aériennes. A 16 heures, un premier coup de canon : du 220. C'est le commencement de la danse ; à la détonation sourde des mortiers, s'ajoute bientôt la voix bruyante des 155. Ensuite c'est le crachement strident des 75, pareil au halètement de quelque énorme machine. La précision du tir réglé la veille paraît, encore plus grande que lors des combats du 8 juillet. Petit à petit Launois s'est effacé ; le creux où sont groupés ses maisons s'est rempli, comme à pleins bords, d'une brume épaisse. Plus au loin, sur les hauteurs où les batteries ennemies ont été décelées, nos gros obus soulèvent d'énormes panaches de poussière et de fumée. Vers 17H30, notre tir s'interrompt : le temps d'observer ses résultats. Ils sont insuffisants. Entre les Bois Martignon et Drogan, les défenses ennemies sont intactes. La pluie d'obus recommence.
A18h15 l'artillerie ennemie se met bruyamment de la partie. L'ennemi n'a plus de doute maintenant sur nos intentions, et il tente de les prévenir en déclenchant un tir de toute violence sur nos parallèles de départ. Deux de nos compagnies sont fortement éprouvées.
A 18h30, nos troupes bondissent hors des places d'armes. Comme sur les hauteurs de La Fontenelle, on les voit disparaître dans le brouillard de poudre d'un même élan. Le tir de barrage allemand a redoublé d'intensité : mais il n'arrête pas nos soldats.
En quelques minutes, les deuxième et troisième bataillons du 23ième RI (Commandant Raullet et Bonnotte) atteignent la ligne qui leur a été fixée. A leur droite le groupe cycliste de la 6ième division de cavalerie se heurte, dans le Bois Drogan, à des défenses accessoires imparfaitement détruites par nos canons : on entend le claquement multiplié à l'infini des mitrailleuses et des fusils allemands que n'arrive pas à couvrir l'écrasant tumulte de l'artillerie. On voit nettement, à travers la fumée, les groupes de nos chasseurs se disjoindre en de multiples points noirs sous le feu meurtrier qui les accueille, puis se regrouper presque instantanément et s'élancer de nouveau sur les tranchées ennemies. Bien des uniformes bleus gisent à terre. Mais leur héroïsme et leur ténacité ont leur récompense. L'une après l'autre, les mitrailleuses se taisent ; elles ont été dépassées, débordées. Maintenant les essaims noirs ont disparu dans les maisons de Launois ; on les retrouve quelques instants plus tard sur la route blanche, près de l'Eglise au clocher démoli. Le crépitement de la fusillade reprend : nos chasseurs, cette fois, ne peuvent aller plus loin. Ils n'ont rien, d'ailleurs, à y faire, et ils se replient lentement sur la ligne qui leur avait été assignée comme but et qu'ils ont conquise.
il est à peine 19h00 et déjà nos troupes ont atteint tous leurs objectifs. Seul, entre le Bois Drogan et la route de Launois à Saint Jean d'Ormont, un blockhaus résiste encore ; il est coupé de toutes communications ; il se rendra plus tard.
le "nettoyage" des ouvrages allemands ne traîne pas. Des abris souterrains, des boyaux bouleversés, des caves de maisons incendiées et ruinées, des groupes et des paquets de "Kameraden" sortent, hébétés, abrutis par notre coup de massue. Docilement, l'uniforme déchiré, la figure tuméfiée, les yeux bouffis par les explosions, ils se laissent conduire, courbant le dos pour échapper aux projectiles dont le cauchemar les poursuit. Toute la nuit, ils afflueront ainsi ; dès qu'ils se sentiront définitivement en sécurité, ils ne dissimuleront plus leur joie de vivre après une semblable alerte. Il y en aura au total 836 dont 11 officiers ; ils appartiennent au 8ième bataillon de chasseurs, au 3ième brigade-ersatz-bataillon et au 14ième régiment de réserve bavaroise.
Parmi les officiers, c'est le même refrain sur notre artillerie : Furchtbar ! Schrecklich !
L'un deux, tout jeune, n'a pas mangé depuis la veille, ni bu surtout ; un morceau de gâteau et une bouteille de bière bien fraîche le mettent en veine de confidences et d'impressions ressenties ; il parle, presque ingénument, sans se soucier des regards furibonds, des gestes d'impatience d'un de ses camarades, dont la loquacité n'a pu être réveillée.
Un autre avoue qu'en voyant la saucisse et les avions, en entendant nos premiers coups de canon, il ne s'est pas fait d'illusions sur son sort ; il s'est dit : "A la fin de la journée, ou je serai tué, ou je coucherai à Saint-Dié". Il ne s'est pas trompé ; il couchera, vivant, à Saint-Dié ; il a d'ailleurs fait ses préparatifs de voyage car il n'a jamais perdu l'espoir d'échapper à notre ouragan d'acier. Dans un sac il a accumulé linge de rechange, savonnette, rasoir, parfums, livres et même un appareil de photographie, dont il déplore d'être obligé de se séparer.
Cependant, vers 21 heures, les allemands ont tenté une contre-attaque en partant des pentes nord-ouest de 587 ; elle a été immédiatement arrêtée par notre feu. Certaines de nos unités ont perdu beaucoup d'hommes et sont épuisées par cette journée de lutte. Le Lieutenant-colonel Sohier, commandant l'infanterie des attaques, obtient qu'un des bataillons du 133ième RI soit mis à sa disposition pour étayer sa ligne.
25 Juillet – le 3ième bataillon du 23 (Commandant Bonnotte) a commencé à organiser le terrain conquis le long de la route Launois-Moyenmoutier, au pied de la cote 587. Le 2ième bataillon de même régiment (Commandant Roullet) prolonge la ligne à droite ; il est en liaison avec le 6ième groupe cycliste qui occupe le pâté sud des maisons de Launois. Deux compagnies du 133ième RI son en réserve dans l'ancienne ligne au nord du Bois Martignon, tandis qu'une troisième compagnie est poussée en réserve immédiatement derrière le groupe cycliste. Après sa contre-attaque de la nuit, l'ennemi reste calme et son artillerie tire peu ; les allemands sont certainement déprimés par la continuité des échecs qui leur sont infligés dans la région.
Dans la matinée, le blockhaus qui résistait encore au milieu du terrain conquis a mis bas les armes. Le déblaiement des ouvrages dont nous nous sommes emparés nous livre encore un butin considérable : huit mitrailleuses, un lance bombes et une grande quantité de fusils, de grenades, de cartouches et de matériel de toutes sortes. Et les vainqueurs, de leurs perquisitions dans les abris vidés de leurs occupants antérieurs, rapportent de quoi améliorer notablement leur ordinaire pendant plusieurs jours.
Le 23ième RI s'est bien vengé ; il s'est aussi couvert de gloire. 23ième, 133ième, le Colonel Bulot peut être fier de sa brigade. Nos pertes s'élèvent à trois officiers tués, 10 blessés, 109 hommes de troupe tués, 400 blessés.
Désormais la hauteur de La Fontenelle ne connaîtra plus l'occupation allemande ; elle sera l'objet de représailles de l'artillerie adverse, mais elle ne sera plus abordée"
Bien cordialement
Jean-Louis Pierret
Quelques lignes extraites de "La Guerre dans les Vosges" du Capitaine E Dupuy sur mes combats de La Fontenelle" les 23 et 24 juillet 1915.
"23 Juillet – L'opération a été préparée avec le même esprit de méthode que celle du 8 juillet, peut-être même avec d'avantage de précisions. La prise de la cote 627 n'a pas été sans mettre en lumière certaines imperfections de détail : les leçons ne sont pas oubliées ; ces défectuosités ne se renouvelleront pas. La conception du plan d'attaque est des plus simples : une attaque principale menée par deux compagnies du 23ièmeRI et deux compagnies du 133ième RI ayant pour premiers objectifs les ouvrages Uc 44-45-46-33 et Ud 1-2-6-7. Vdl et pour objectifs définitifs les abords de la route et du village de Launois ; et deux attaques en couverture sur les flancs, menées à gauche par une demie compagnie du 23ième RI en prolongement de l'attaque principale, à droite par le groupe cycliste de la 6ième Division de Cavalerie. Les troupes de 1ière ligne devront franchir leurs premiers objectifs sans s'y arrêter et s'installer dans leur objectif définitif. Les troupes de renforts, fournies par le 23ième et le 133ième RI et le 43ième Territorial (bataillon Schwob), seront partagées en deux fractions ; l'une sera chargée exclusivement du nettoyage des ouvrages tombées entre nos mains, l'autre, munie d'outils et de matériel, organisera immédiatement la position conquise. Les renforts devront suivre pas à pas les troupes de 1ière ligne et rester "sur leurs talons" dans la ligne ennemie. La préparation d'artillerie : tirs de destruction, tir de protection contre les flanquements, tire contre les batteries a été l'objet d'une étude particulièrement minutieuse. Tout est prêt pour attaquer l'ennemi. Mais le temps est si mauvais que l'opération, au dernier moment, est renvoyée au lendemain. L'ennemi ne perd rien pour attendre.
24 Juillet – La pluie a cessée ; le ciel s'est éclairci ; le temps est favorable ; on en profite immédiatement. Dans l'après-midi, la "saucisse" monte lentement, puis de Corcieux, nos avions d'observations accourent et remplissent l'atmosphère de leurs ronflements sonores. Depuis le matin, les troupes qui prennent part à l'attaque sont sur leurs emplacements de combat ; elles calment maintenant leur impatience en suivant avec intérêt les évolutions aériennes. A 16 heures, un premier coup de canon : du 220. C'est le commencement de la danse ; à la détonation sourde des mortiers, s'ajoute bientôt la voix bruyante des 155. Ensuite c'est le crachement strident des 75, pareil au halètement de quelque énorme machine. La précision du tir réglé la veille paraît, encore plus grande que lors des combats du 8 juillet. Petit à petit Launois s'est effacé ; le creux où sont groupés ses maisons s'est rempli, comme à pleins bords, d'une brume épaisse. Plus au loin, sur les hauteurs où les batteries ennemies ont été décelées, nos gros obus soulèvent d'énormes panaches de poussière et de fumée. Vers 17H30, notre tir s'interrompt : le temps d'observer ses résultats. Ils sont insuffisants. Entre les Bois Martignon et Drogan, les défenses ennemies sont intactes. La pluie d'obus recommence.
A18h15 l'artillerie ennemie se met bruyamment de la partie. L'ennemi n'a plus de doute maintenant sur nos intentions, et il tente de les prévenir en déclenchant un tir de toute violence sur nos parallèles de départ. Deux de nos compagnies sont fortement éprouvées.
A 18h30, nos troupes bondissent hors des places d'armes. Comme sur les hauteurs de La Fontenelle, on les voit disparaître dans le brouillard de poudre d'un même élan. Le tir de barrage allemand a redoublé d'intensité : mais il n'arrête pas nos soldats.
En quelques minutes, les deuxième et troisième bataillons du 23ième RI (Commandant Raullet et Bonnotte) atteignent la ligne qui leur a été fixée. A leur droite le groupe cycliste de la 6ième division de cavalerie se heurte, dans le Bois Drogan, à des défenses accessoires imparfaitement détruites par nos canons : on entend le claquement multiplié à l'infini des mitrailleuses et des fusils allemands que n'arrive pas à couvrir l'écrasant tumulte de l'artillerie. On voit nettement, à travers la fumée, les groupes de nos chasseurs se disjoindre en de multiples points noirs sous le feu meurtrier qui les accueille, puis se regrouper presque instantanément et s'élancer de nouveau sur les tranchées ennemies. Bien des uniformes bleus gisent à terre. Mais leur héroïsme et leur ténacité ont leur récompense. L'une après l'autre, les mitrailleuses se taisent ; elles ont été dépassées, débordées. Maintenant les essaims noirs ont disparu dans les maisons de Launois ; on les retrouve quelques instants plus tard sur la route blanche, près de l'Eglise au clocher démoli. Le crépitement de la fusillade reprend : nos chasseurs, cette fois, ne peuvent aller plus loin. Ils n'ont rien, d'ailleurs, à y faire, et ils se replient lentement sur la ligne qui leur avait été assignée comme but et qu'ils ont conquise.
il est à peine 19h00 et déjà nos troupes ont atteint tous leurs objectifs. Seul, entre le Bois Drogan et la route de Launois à Saint Jean d'Ormont, un blockhaus résiste encore ; il est coupé de toutes communications ; il se rendra plus tard.
le "nettoyage" des ouvrages allemands ne traîne pas. Des abris souterrains, des boyaux bouleversés, des caves de maisons incendiées et ruinées, des groupes et des paquets de "Kameraden" sortent, hébétés, abrutis par notre coup de massue. Docilement, l'uniforme déchiré, la figure tuméfiée, les yeux bouffis par les explosions, ils se laissent conduire, courbant le dos pour échapper aux projectiles dont le cauchemar les poursuit. Toute la nuit, ils afflueront ainsi ; dès qu'ils se sentiront définitivement en sécurité, ils ne dissimuleront plus leur joie de vivre après une semblable alerte. Il y en aura au total 836 dont 11 officiers ; ils appartiennent au 8ième bataillon de chasseurs, au 3ième brigade-ersatz-bataillon et au 14ième régiment de réserve bavaroise.
Parmi les officiers, c'est le même refrain sur notre artillerie : Furchtbar ! Schrecklich !
L'un deux, tout jeune, n'a pas mangé depuis la veille, ni bu surtout ; un morceau de gâteau et une bouteille de bière bien fraîche le mettent en veine de confidences et d'impressions ressenties ; il parle, presque ingénument, sans se soucier des regards furibonds, des gestes d'impatience d'un de ses camarades, dont la loquacité n'a pu être réveillée.
Un autre avoue qu'en voyant la saucisse et les avions, en entendant nos premiers coups de canon, il ne s'est pas fait d'illusions sur son sort ; il s'est dit : "A la fin de la journée, ou je serai tué, ou je coucherai à Saint-Dié". Il ne s'est pas trompé ; il couchera, vivant, à Saint-Dié ; il a d'ailleurs fait ses préparatifs de voyage car il n'a jamais perdu l'espoir d'échapper à notre ouragan d'acier. Dans un sac il a accumulé linge de rechange, savonnette, rasoir, parfums, livres et même un appareil de photographie, dont il déplore d'être obligé de se séparer.
Cependant, vers 21 heures, les allemands ont tenté une contre-attaque en partant des pentes nord-ouest de 587 ; elle a été immédiatement arrêtée par notre feu. Certaines de nos unités ont perdu beaucoup d'hommes et sont épuisées par cette journée de lutte. Le Lieutenant-colonel Sohier, commandant l'infanterie des attaques, obtient qu'un des bataillons du 133ième RI soit mis à sa disposition pour étayer sa ligne.
25 Juillet – le 3ième bataillon du 23 (Commandant Bonnotte) a commencé à organiser le terrain conquis le long de la route Launois-Moyenmoutier, au pied de la cote 587. Le 2ième bataillon de même régiment (Commandant Roullet) prolonge la ligne à droite ; il est en liaison avec le 6ième groupe cycliste qui occupe le pâté sud des maisons de Launois. Deux compagnies du 133ième RI son en réserve dans l'ancienne ligne au nord du Bois Martignon, tandis qu'une troisième compagnie est poussée en réserve immédiatement derrière le groupe cycliste. Après sa contre-attaque de la nuit, l'ennemi reste calme et son artillerie tire peu ; les allemands sont certainement déprimés par la continuité des échecs qui leur sont infligés dans la région.
Dans la matinée, le blockhaus qui résistait encore au milieu du terrain conquis a mis bas les armes. Le déblaiement des ouvrages dont nous nous sommes emparés nous livre encore un butin considérable : huit mitrailleuses, un lance bombes et une grande quantité de fusils, de grenades, de cartouches et de matériel de toutes sortes. Et les vainqueurs, de leurs perquisitions dans les abris vidés de leurs occupants antérieurs, rapportent de quoi améliorer notablement leur ordinaire pendant plusieurs jours.
Le 23ième RI s'est bien vengé ; il s'est aussi couvert de gloire. 23ième, 133ième, le Colonel Bulot peut être fier de sa brigade. Nos pertes s'élèvent à trois officiers tués, 10 blessés, 109 hommes de troupe tués, 400 blessés.
Désormais la hauteur de La Fontenelle ne connaîtra plus l'occupation allemande ; elle sera l'objet de représailles de l'artillerie adverse, mais elle ne sera plus abordée"
Bien cordialement
Jean-Louis Pierret
133° RI "Les Lions du Bugey"
"Pas s'en faire, pas s'en fichtre .... Le Lion atteint toujours sa proie"
"Pas s'en faire, pas s'en fichtre .... Le Lion atteint toujours sa proie"