Du tableau d'honneur à la condamnation à mort

Parcours individuels & récits de combattants
Avatar de l’utilisateur
RV
Messages : 894
Inscription : sam. déc. 11, 2004 1:00 am

Re: Du tableau d'honneur à la condamnation à mort

Message par RV »

Bonjour à tous et bonne année 2009
Un drôle de parcours à évoquer, celui du capitaine François Marius SIBOULOTTE
Né en 1871 à Lyon
engagé volontaire en 1889 au 30e RI comme soldat, caporal, puis sergent
Ecole de Saint-Cyr en 1894
S/lieutenant au 162e RI en 1896, lieutenant en 1898 au 72e, puis 22e RI, capitaine en 1911 au 30e RI
Blessé le 23/08/14 en tant que chef de la 2e cie du 30e RI
au 414e RI le 28/02/14, commande la 6e cie de 1915 à 1916 puis la 4e cie de 1916 à 1918.
Cité à l'ordre de l'Armée le 24/09/14, Chevalier de la LH le 20/11/14
Et puis le 5/11/18 par un ordre général de la 154e DI :
condamnation : le capitaine Siboulotte du 414e RI. Présumé prisonnier en Allemagne, n'a pas exécuté dans un des combats de l'Ardre de fin mai dernier, tout ce que lui commandait le devoir et l'honneur. Préoccupé de sa sécurité personnelle et frappé d'inertie, il n'eu en particulier, donné aucun ordre à la compagnie qu'il commandait et qui luttait courageusement contre l'ennemi.
Déféré au conseil de guerre de la 154e DI, dans sa séance du 28 octobre 1918 à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi.

Lieutenant-colonel FRAY, commandant le 414e RI

Acquitté par le conseil de guerre de la 154e DI dans sa séance du 10/02/19 par 3 voix contre 2

En instance de mise en réforme par un rapport adressé au ministre le 15/02/19

Réside à Lyon

Mise en réforme par mesure disciplinaire par décision ministérielle du 2/04/19, rayé des cadres le 10/04/19

Marié le 9/08/1919 à Jeanne BARIOZ née le 10/06/1871

Décédé le 10/09/1955 à Corbas (Rhône)
Image

Etrange destinée, passer du tableau d'honneur de l'Illustration à une condamnation à mort...
J'aurais bien aimé savoir ce qu'il se serait passé si le conseil de guerre n'avait pas voté l'acquittement.
Si il y a eu acquittement, pourquoi le faire partir de l'armée par mesure disciplinaire ???
Si vous avez d'autres infos, merci de votre particpiation.

A bientôt

Hervé FAURE

Avatar de l’utilisateur
RV
Messages : 894
Inscription : sam. déc. 11, 2004 1:00 am

Re: Du tableau d'honneur à la condamnation à mort

Message par RV »

Bonjour
Mes sources, tout simplement son dossier matricule au SHD de Vincennes, y compris le texte en italique.
Hervé
Avatar de l’utilisateur
Achache
Messages : 9956
Inscription : sam. sept. 13, 2008 2:00 am
Contact :

Re: Du tableau d'honneur à la condamnation à mort

Message par Achache »

Bonjour,
Merci, RV, pour ces informations qui ont attiré mon attention sur un épisode qui s'est produit tout près de chez moi. La "disparition" du capitaine SIBOULOTTE est bien notée dans le JMO du 414e.
A replacer dans le grand craquement de la 6e A en cette fin Mai 18...
Je retiens les termes "frappé d'inertie": faut-il y voir une défaillance mentale, dans la panique de cette retraite précipitée ? Je serais preneur de toute info complémentaire, qui confirmerait, ou pas, cette hypothèse qui penche plus vers le "médical" que vers le "moral". La décision d'acquittement est-elle circonstanciée ?
Bien à vous,
Achache.
Avatar de l’utilisateur
Guilhem LAURENT
Messages : 653
Inscription : dim. nov. 21, 2004 1:00 am

Re: Du tableau d'honneur à la condamnation à mort

Message par Guilhem LAURENT »

Bonjour à toutes et à tous,

Merci Hervé d'avoir mis ce destin en lumière.

Je n'ai pas d'informations sur le fonds de l'affaire. Juste un petit complément qui ne fait pas avancer le schimili, je le conçois.

Le capitaine Siboulotte, a été cité à l'ordre de l'armée avec d'autre officiers du 30e RI. Une citation collective comme il y en a eu beaucoup dans les premiers mois de la guerre.

Lanusse, chef de bataillon au 30e rég. d'infanterie
Siboulotte, capitaine au 30e rég. d'infanterie
Plisson, médecin-major de 2e classe au 30e rég. d'infanterie
Lévy, médecin-major de 2e classe au 30e rég. d'infanterie
Cadot, adjudant-chef au 30e rég. d'infanterie

Pour leur brillante conduite au feu (ordre du 24 septembre 1914)


Source : Journal officiel du 8 octobre 1914 page 8218 colonne 3

Amicalement

Guilhem
On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
Avatar de l’utilisateur
RV
Messages : 894
Inscription : sam. déc. 11, 2004 1:00 am

Re: Du tableau d'honneur à la condamnation à mort

Message par RV »

Bonsoir à tous
Avec un témoignage, le portrait d'un officier qui me trouble depuis plusieurs années se précise un peu plus. Dans le témoignage suivant : Lettres et carnets de la Der des der, publié par Architecture Patrimoine Histoire et Techniques en novembre 2006 (encore merci a éric mansuy), il y a le carnet du caporal Joseph Marchand du 30e RI au début de la guerre.

Page 68, son carnet cite un capitaine S., des lieutenants et sous-lieutenants (grades que le témoin mélange) nomémment cités cette fois, Bertrand, Gonon et Chaussier. Nous sommes donc en présence de la 2e compagnie du 30e RI, que commandait le capitaine Siboulotte à la mobilisation (voir JMO sur MDH). Voila ce que dit le caporal Marchand sur le capitaine S. que l'on peut appeler maintenant Siboulotte :
21 août 1914, village de Fouday
(...)la fusillade fait rage, les 2 s/lieutenants de la compagnie, messieurs Gonon et Chaussier occupaient le chemin creux en avant du village faisant face à l'ennemi. Le s/lieutenant Bertrand se trouvait à notre droite sur le versant d'une colline. Depuis plusieurs heures nous n'avions pas d'ordre. J'avais essayé de me mettre en liaison avec la compagnie qui se trouvait à notre gauche mais sans y parvenir. Les sections de cette compagnie s'étaient retirées en arrière. Je reçus l'ordre du lieutenant Gonon de chercher le capitaine et de lui expliquer la situation. Je descendis au village et me rendis dans tous les endroits où je voyais des uniformes français. Le capitaine était introuvable. J'allais cesser nos recherches lorsque le soldat de 1° classe Repellin m'indiqua qu'il l'avait vu monter dans un fenil. Je me rendis à cet endroit et je trouvais notre capitaine dormant comme un bien heureux couché dans le foin, à l'abri des balles. Pour le réveiller il me fallut l'appeler deux fois. Quand il me vit devant lui, il fut tout surpris et ne put cacher son trouble. A la demande que je lui fis, il me répondis simplement de rester sur nos positions mais il ne vint pas vérifier lui-même. Pendant que je rejoignais ma section et que j'allais rendre compte à mon lieutenant de mes recherches, le capitaine resta prudemment à l'abri derrière la maison. Il me semble que sa place était au milieu de ses hommes et non caché en arrière.
Le lieutenant Chaussier et l'adjudant Viallis sont morts. Les lieutenants Gonon et Bertrand sont blessés. Tous se sont conduits bravement mais seul leur vaillant chef, le capitaine S. est cité à l'ordre.
Un peu plus loin, toujours page 68, : (...) Toujours le capitaine S., blessé le 22 août (1914), d'une assez curieuse façon puisqu'il ne s'est aperçu de sa blessure que le lendemain à la pointe du jour alors que nous allions reprendre à la baïonnette un col que nos réservistes s'étaient laisser enlever par les allemands. (fin de citation)
Que penser de ce témoignage et du capitaine Siboulotte ? Est-ce que des témoins d'août 1914 ont "chargés" le capitaine pour l'affaire de mai 1918 ? Est-ce que la hiérarchie avait eu vent de certains faits qui auraient amener à la condamnation à mort d'octobre 1918. Ce qui est sûre, c'est que certains officiers d'active n'étaient pas tous du même niveau en août 1914.
Par la suite le caporal, puis sergent Marchand, sera blessé, puis passera au 175e RI, plusieurs fois évacué pour blessure et maladie, il sera prisonnier devant Monastir fin 1916 par les bulgares...

Une autre question : comment cet homme a vécu avec cette expérience après la guerre, les regards des autres soldats, quel a été son rapport avec le souvenir de cette guerre. Je tente parfois de me mettre à sa place, entre oubli et introspection, chance d'être vivant et courage... Mais en 2010, cela semble un peu trop facile, personne n'est parfait...

Merci pour vos réactions

Hervé Faure
Répondre

Revenir à « Parcours »