Bon Mardi après le déjeuner!
Je suis en train de lire The road to Verdun de Ian Ousby. Dans un passage émouvant il parle de l'incident qui conduisit à l'éxécution de Herduin et Milan. Quelqu'un d'entre vous aurait-il des textes en Français sur le sujet?
Merci d'avance.
O.
Lieutenant Herduin et Second Lieutenant Milan
Re: Lieutenant Herduin et Second Lieutenant Milan
Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été.
Albert Camus
Albert Camus
Re: Lieutenant Herduin et Second Lieutenant Milan
Bonjour Oratorio,
Bonjour à tous et à toutes,
Extrait du livre de Nicolas OFFENSTADT "Les Fusillés de la grande guerre et la mémoire collective" :
Le 11 juin 1916 à Fleury devant Douaumont les sous-lieutenants Herduin et Milan étaient passés par les armes sans jugement pour abandon de poste. Ils s'étaient repliés après que les Allemands eurent enfoncés les lignes. cf. Témoignage du Caporal Perrier sur leur exécution.
2eme extrait :
En février 1921, Louis Barthou alors Ministre de la guerre, écrit aux familles de Herduin et Milan en affirmant que les deux fusillés sont morts pour la France. A ces compensations honorifiques et militaires s'ajoutent des réparations pécuniaires. Les familles obtiennent des pensions alors qu'aucun de ces fusillés n'est réhabilité juridiquement.
Je regarde dans le livre du Général Bach "Fusillés pour l'exemple" si je trouve quelque chose.
Amicalement,
Sylvie LAMBEY
Bonjour à tous et à toutes,
Extrait du livre de Nicolas OFFENSTADT "Les Fusillés de la grande guerre et la mémoire collective" :
Le 11 juin 1916 à Fleury devant Douaumont les sous-lieutenants Herduin et Milan étaient passés par les armes sans jugement pour abandon de poste. Ils s'étaient repliés après que les Allemands eurent enfoncés les lignes. cf. Témoignage du Caporal Perrier sur leur exécution.
2eme extrait :
En février 1921, Louis Barthou alors Ministre de la guerre, écrit aux familles de Herduin et Milan en affirmant que les deux fusillés sont morts pour la France. A ces compensations honorifiques et militaires s'ajoutent des réparations pécuniaires. Les familles obtiennent des pensions alors qu'aucun de ces fusillés n'est réhabilité juridiquement.
Je regarde dans le livre du Général Bach "Fusillés pour l'exemple" si je trouve quelque chose.
Amicalement,
Sylvie LAMBEY
- Frederic Avenel
- Messages : 152
- Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
Re: Lieutenant Herduin et Second Lieutenant Milan
Bonsoir à tous,
En d'autres temps et d'autres lieux, un fil avait traité de cette question. Voici les éléments de réponse qui avaient été apportés:
1)Rapporté par Alain Malinowski:
Le rapport ci-dessous a été rédigé le 7 novembre 1921 par le lieutenant-colonel Aubry du 347e régiment d’infanterie.
“ C’est dans les circonstances les plus tragiques de l’attaque allemande sur Verdun, en juin 1916 ( prise du fort de Vaux, avance vers Souville), qu’est mort le lieutenant Herduin.
Le signataire de ce rapport a très bien connu Herduin pendant dix ans de paix et deux ans de guerre, bien que celui-ci n’appartint pas au 6e bataillon. Très grièvement blessé lui-même en menant le 8 juin au soir la contre-attaque, qui put réussir à arrêter et refouler l’ennemi, il ne peut exposer ici que le résumé de ce qu’il a recueilli de ces tristes épisodes.
Monté en ligne dès son arrivée à Verdun, le 4 juin, le 5e bataillon, gauche de la division était placé autour de la ferme de Thiaumont où la 17e compagnie formait réserve. Le
bombardement intense et continu de ces journées a été cent fois décrit : dans les trous d’obus, remplaçant les tranchées nivelées, les sections s’émiettaient vite, et le 7 au soir, elles étaient tombées à moitié de leurs effectifs, le ravitaillement en vivres ne pouvait arriver, les réserves
de bataillon suffisaient à grand peine à ravitailler en munitions les premières lignes constamment attaquées.
Le 7, le fort de Vaux tombait; dans la nuit du 7 au 8, le bombardement prenait, à deux heures du matin. Une intensité encore inconnue, maintenue sans interruption toute la journée du 8, pendant que, sur le front de la brigade ( ferme de Thiaumont, bois de la Caillette) attaquaient, on l’a su depuis, trois divisions entières.
Sous ce bombardement, la première ligne était peu à peu pulvérisée. Vers 8 heures, une vague d’assaut, surgissant à l’improviste submerge les quelques survivants de la 20e compagnie et parvient du premier bond sur le sommet du P.C. du chef du 5e bataillon.
La section de réserve, la section de mitrailleuses de réserve, qui sortent aussitôt, sont massacrées à la grenade; dans le poste, incendié par des grenades, les fusées et les munitions éclatent au milieu des blessés, qui encombrent tout.
La première ligne est brisée. L’ennemi veut élargir la trouée, il trouve une résistance irréductible; à la crête de Thiaumont, la 17e compagnie, sous les ordres d’Herduin, repousse toutes les attaques; elle les repoussera toute la journée.
Sur le versant du ravin, l’adversaire pousse vers l’abri 320, P.C. du colonel de Lamirault. Sans nouvelles, ne voyant revenir aucun de ces coureurs, le colonel, avec les 30 ou 40 pionniers, mitrailleurs, qui lui restent, est prêt à la riposte et, galvanisant chacun par sa magnifique attitude, est tué d’une balle à 30 mètres, de l’assaillant. Il est trois heures de l’après-midi.
Du haut de Thiaumont, Herduin et ses soldats voient, à la droite, l’ennemi cerner et détruire, groupe par groupe, les débris des 19e, 20e et 18e compagnies. Ils voient la résistance acharnée de la 21e compagnie, qui soutient, plus au sud, la résistance des pionniers du colonel. Il lutte toujours de son mieux.
Mais, à l’arrière, toutes communications rompues, on ne peut avoir aucune notion sur le combat qui se livre là. Aucun signe optique ne première ligne : les Boches lancent à
profusion les fusées trouvées dans les P.C. de la 19e et brouillent les signaux. Sur 14 coureurs envoyés de Fleury, 11 sont tués, 3 parvenus au poste du colonel y sont restés; le colonel ne croyait pas possible qu’ils ne franchissent le tir d’engagement.
Pourtant, à Souville, le bruit a couru de la prise de la ferme de Thiaumont. Confirmée, cette fausse nouvelle motive un tir intense de 75, qui, pendant 20 à 30 minutes, écrase la malheureuse 17e et la section Millant, seul reste de la 19e, tuant la moitié des survivants. Malgré l’effroyable dépression morale amenée par cet épisode, Herduin réussit à maintenir ses hommes à leur poste et à repousser toute tentative ennemie.
Mais la nuit vient; les hommes épuisés, qui ont vu, sur les pentes l’encerclement progressif de leurs camarades, supplient le lieutenant de se replier...
A la nuit tombée, s’étant dérobé vers l’ouest, sans savoir que le 6e bataillon, alors parvenu au P.C. 320, allait le rejoindre et l’étayer, le lieutenant Herduin, le lieutenant Millant et les 35 hommes qui leur restaient sur 200, se seraient présentés au lieutenant-colonel du régiment de
droite de la division voisine ( 293 e RI?) vers l’ouvrage de Thiaumont, lui demandant des instructions. Cet officier les aurait durement malmenés, déclarant qu’il n’avait pas besoin
de pareils soldats. Les deux officiers et les 35 hommes descendirent à Verdun quartier d’Anthouard où les rejoignirent les corvées de ravitaillement, arrêtées dans la journée et la nuit précédente par les barrages.
Mais, se jugeant relevés après avoir rendu compte à la place, ils restèrent là et ne remontèrent en ligne qu’après plus de 48 heures.
Ils traversèrent, au ravin de Fleury, le 6e bataillon réduit à 200 hommes sur 600 et relevé depuis quelques heures. Un ordre venait d’être donné aux deux derniers capitaines survivants d’avoir à faire fusiller, dès leur arrivée, les lieutenants Herduin et Millant.
A cette nouvelle, les soldats remontés avec les deux officiers voulurent se révolter et les défendre; mais, aussitôt, Herduin leur déclara, que bien qu’ils eussent fait, dans la journée du 8 plus qu’ils ne croyaient pouvoir faire, lui, le chef, les ayant laissé fléchir, il voulait, bien que la sanction soit trop dure, leur donner un dernier exemple, mais commander le feu.
Il embrassa les officiers chargés de l’exécution, exhorta les hommes à bien servir, et termina en criant :”Vive la France, Feu!”
Tel est le résumé de tous les renseignements, concordants que j’ai pu rassembler sur ce triste épisode, qu’expliquait l’extrême gravité de l’heure.
Pour sa conduite au feu pendant la campagne, pour son attitude au moment suprême, les camarades d’Herduin qui lui gardent leur sympathie, eussent désiré qu’il fut cru tué à l’ennemi et que sa mémoire ne put être discutée par d’autres que ceux qui l’avaient vu et qui restent unanimes de son compte.
Son attitude devant la mort a rendu au pays le seul service qu’il pût encore lui rendre, et quand 10 jours après, les 23 et 24 juin, les survivants du 347e R.I. arrivèrent à Fleury et devant Souville, la suprême ruée ennemie, le dernier exemple d’Herduin...
2)Rapporté par Stéph@n:
le témoignage du soldat Perrier André, caporal à la 23e compagnie du 347e R.I. [in R. Boutefeu, "Les camarades", Fayard, 1966, pp. 329-331.] , qui relate également cette affaire :
" En arrivant à Verdun, le 4 juin 1916, nous fîmes halte à la caserne Anthouard ; c'était la fin de l'après-midi. Les officiers furent rassemblés. Lorsque notre chef de section, le lieutenant André de Rouey, nous rejoignit, il nous déclara tout net :
- Les amis, ici, ce n'est pas Reims, mais Verdun ; aucune défaillance n'est permise ; le premier qui recule...
Il porta une main à son étui à revolver.
Nous devions tenir coûte que coûte. Il avait l'ordre d'abattre tout poilu qui refuserait d'obéir ou d'avancer !
Dans la soirée, nous montâmes en ligne, au Bois de Fleury. Nous devions aller faire des travaux du côté de Le Chapitre. La violence du tir des canons allemands était telle que nous fûmes obligés de revenir à notre point de départ.
A Fleury, lors d'une attaque allemande, je me trouvais à l'extrême droite de la section. A la nuit tombante, je me rendis compte que je restais seul avec trois hommes : les soldats Lebihau, Martinache et Sauvage. Il devait y avoir eu un ordre de changement de position, mais celui-ci ne nous était pas parvenu.
La nuit était arrivée et l'attaque avait cessé. Je décidai avec mes trois hommes de marcher vers la gauche pour tâcher de retrouver la compagnie. De temps en temps, des coups de feu et quelques obus tombaient parci par-là ; l'un de ceux-ci explosa près du soldat Lebihau, qui tomba en poussant un cri.
Je rebroussai chemin et aidé de mes deux autres camarades, je le relevai ; il était fortement commotionné. Je pris dans ma musette ma cuillère et avec le manche, lui desserrai les mâchoires ; enfin, il se mit à respirer. Au bout d'un moment, reprenant ses sens, il me serra contre lui en me remerciant de lui avoir sauvé la vie. Des larmes coulaient de ses yeux.
A un certain moment, une fusillade se fit entendre. Nous nous dirigeâmes dans cette direction. C'était 'un groupe de Français. Je demandai qui était le chef ; un homme s'avança vers moi et me dit :
- C'est moi, lieutenant de St-Ronceau.
- Caporal Perrier, trois hommes avec moi ; j'ai perdu ma compagnie à la droite de Fleury.
- Mettez-vous avec mes hommes.
Les paroles du lieutenant de Rouey me revinrent à la mémoire ; être portés déserteurs, cela nous coûterait cher. Nous repartons et arrivons à une maison démolie, sans doute la ferme de Thiaumont ; lors d'une pause, nous entendons parler français. Je criai
- Halte-là ! Qui vive ! On me répondit
- France!
Je lançai :
- Avance au ralliement.
Deux hommes s'avancèrent vers nous en nous disant
- Lieutenant Herduin, lieutenant Millau.
- Caporal Perrier.
Nous étions du même régiment, mais eux du 5e bataillon et nous du 6e. Le lieutenant Herduin nous expliqua :
- Voilà quatre jours que nous sommes à Thiaumont ; nous n'avons eu ni renfort, ni ravitaillement ; nous descendons à Verdun pour nous réconforter et nous remonterons en ligne ensuite.
Ils avaient avec eux une dizaine de poilus et un prisonnier allemand. Comme ils avaient soif, le prisonnier allemand prit le casque d'un des hommes et alla chercher de l'eau dans un trou d'obus.
Les officiers, leurs hommes et leur prisonnier, nous quittèrent. Fatigués, on s'installa tant bien que mal dans des trous d'obus pour attendre le jour. A l'aube, je vis arriver un poilu de mon escouade, le soldat Rompteau, détaché comme agent de liaison :
- Te voilà Perrier ; il faut vite rejoindre la compagnie, tu es porté disparu.
- Où est-elle ?
- A la redoute, directement sur la gauche.
Deux jours après, je me retrouvais au Ravin de Fleury pour assister au drame dans toute son horreur. Les deux malheureux officiers rencontrés de nuit étaient passés en conseil de guerre. On les ramenait pour les fusiller.
J'arrivai à l'instant même où l'adjudant Amiable, chef de la 3e section de ma compagnie, donnait le coup de grâce. Il prit son revolver dans la main droite et, se cachant le visage avec son bras gauche, il tira au hasard, sans viser les corps des victimes qui étaient étendus à terre. Ce souvenir me hante encore ! "
3)Par ailleurs:
* le "CRAPOUILLOT" n°50 d'octobre 1960 dans "vraies et fausses erreurs judiciaires" parle de cette affaire dans un article écrit par Jean BERNIER : "La mort du sous-lieutenant HERDUIN".
(HERDUIN qui était médaillé militaire)Article qui dit en substance qu'il y eut des tentatives pour éviter qu'il ne soit fusillé et pour cela il y eut trois rapports: un du général BOYER exigeant la fusillade;un du général LEBRUN blâmant le général BOYER et un du général NIVELLE l'approuvant.
* le numéro (qui a été saisi) du Crapouillot d'aout 34. L'article consacré aux lieutenants fusillés commence par cette citation de Nardy : " Mais où sont-ils ces hommes que la Justice n'inquiéta jamais et que les remords ne doivent pas, malgré tout, laisser dormir en paix ? "
Le copier-coller a parfois du bon...
à bientôt,
frédéric Avenel
En d'autres temps et d'autres lieux, un fil avait traité de cette question. Voici les éléments de réponse qui avaient été apportés:
1)Rapporté par Alain Malinowski:
Le rapport ci-dessous a été rédigé le 7 novembre 1921 par le lieutenant-colonel Aubry du 347e régiment d’infanterie.
“ C’est dans les circonstances les plus tragiques de l’attaque allemande sur Verdun, en juin 1916 ( prise du fort de Vaux, avance vers Souville), qu’est mort le lieutenant Herduin.
Le signataire de ce rapport a très bien connu Herduin pendant dix ans de paix et deux ans de guerre, bien que celui-ci n’appartint pas au 6e bataillon. Très grièvement blessé lui-même en menant le 8 juin au soir la contre-attaque, qui put réussir à arrêter et refouler l’ennemi, il ne peut exposer ici que le résumé de ce qu’il a recueilli de ces tristes épisodes.
Monté en ligne dès son arrivée à Verdun, le 4 juin, le 5e bataillon, gauche de la division était placé autour de la ferme de Thiaumont où la 17e compagnie formait réserve. Le
bombardement intense et continu de ces journées a été cent fois décrit : dans les trous d’obus, remplaçant les tranchées nivelées, les sections s’émiettaient vite, et le 7 au soir, elles étaient tombées à moitié de leurs effectifs, le ravitaillement en vivres ne pouvait arriver, les réserves
de bataillon suffisaient à grand peine à ravitailler en munitions les premières lignes constamment attaquées.
Le 7, le fort de Vaux tombait; dans la nuit du 7 au 8, le bombardement prenait, à deux heures du matin. Une intensité encore inconnue, maintenue sans interruption toute la journée du 8, pendant que, sur le front de la brigade ( ferme de Thiaumont, bois de la Caillette) attaquaient, on l’a su depuis, trois divisions entières.
Sous ce bombardement, la première ligne était peu à peu pulvérisée. Vers 8 heures, une vague d’assaut, surgissant à l’improviste submerge les quelques survivants de la 20e compagnie et parvient du premier bond sur le sommet du P.C. du chef du 5e bataillon.
La section de réserve, la section de mitrailleuses de réserve, qui sortent aussitôt, sont massacrées à la grenade; dans le poste, incendié par des grenades, les fusées et les munitions éclatent au milieu des blessés, qui encombrent tout.
La première ligne est brisée. L’ennemi veut élargir la trouée, il trouve une résistance irréductible; à la crête de Thiaumont, la 17e compagnie, sous les ordres d’Herduin, repousse toutes les attaques; elle les repoussera toute la journée.
Sur le versant du ravin, l’adversaire pousse vers l’abri 320, P.C. du colonel de Lamirault. Sans nouvelles, ne voyant revenir aucun de ces coureurs, le colonel, avec les 30 ou 40 pionniers, mitrailleurs, qui lui restent, est prêt à la riposte et, galvanisant chacun par sa magnifique attitude, est tué d’une balle à 30 mètres, de l’assaillant. Il est trois heures de l’après-midi.
Du haut de Thiaumont, Herduin et ses soldats voient, à la droite, l’ennemi cerner et détruire, groupe par groupe, les débris des 19e, 20e et 18e compagnies. Ils voient la résistance acharnée de la 21e compagnie, qui soutient, plus au sud, la résistance des pionniers du colonel. Il lutte toujours de son mieux.
Mais, à l’arrière, toutes communications rompues, on ne peut avoir aucune notion sur le combat qui se livre là. Aucun signe optique ne première ligne : les Boches lancent à
profusion les fusées trouvées dans les P.C. de la 19e et brouillent les signaux. Sur 14 coureurs envoyés de Fleury, 11 sont tués, 3 parvenus au poste du colonel y sont restés; le colonel ne croyait pas possible qu’ils ne franchissent le tir d’engagement.
Pourtant, à Souville, le bruit a couru de la prise de la ferme de Thiaumont. Confirmée, cette fausse nouvelle motive un tir intense de 75, qui, pendant 20 à 30 minutes, écrase la malheureuse 17e et la section Millant, seul reste de la 19e, tuant la moitié des survivants. Malgré l’effroyable dépression morale amenée par cet épisode, Herduin réussit à maintenir ses hommes à leur poste et à repousser toute tentative ennemie.
Mais la nuit vient; les hommes épuisés, qui ont vu, sur les pentes l’encerclement progressif de leurs camarades, supplient le lieutenant de se replier...
A la nuit tombée, s’étant dérobé vers l’ouest, sans savoir que le 6e bataillon, alors parvenu au P.C. 320, allait le rejoindre et l’étayer, le lieutenant Herduin, le lieutenant Millant et les 35 hommes qui leur restaient sur 200, se seraient présentés au lieutenant-colonel du régiment de
droite de la division voisine ( 293 e RI?) vers l’ouvrage de Thiaumont, lui demandant des instructions. Cet officier les aurait durement malmenés, déclarant qu’il n’avait pas besoin
de pareils soldats. Les deux officiers et les 35 hommes descendirent à Verdun quartier d’Anthouard où les rejoignirent les corvées de ravitaillement, arrêtées dans la journée et la nuit précédente par les barrages.
Mais, se jugeant relevés après avoir rendu compte à la place, ils restèrent là et ne remontèrent en ligne qu’après plus de 48 heures.
Ils traversèrent, au ravin de Fleury, le 6e bataillon réduit à 200 hommes sur 600 et relevé depuis quelques heures. Un ordre venait d’être donné aux deux derniers capitaines survivants d’avoir à faire fusiller, dès leur arrivée, les lieutenants Herduin et Millant.
A cette nouvelle, les soldats remontés avec les deux officiers voulurent se révolter et les défendre; mais, aussitôt, Herduin leur déclara, que bien qu’ils eussent fait, dans la journée du 8 plus qu’ils ne croyaient pouvoir faire, lui, le chef, les ayant laissé fléchir, il voulait, bien que la sanction soit trop dure, leur donner un dernier exemple, mais commander le feu.
Il embrassa les officiers chargés de l’exécution, exhorta les hommes à bien servir, et termina en criant :”Vive la France, Feu!”
Tel est le résumé de tous les renseignements, concordants que j’ai pu rassembler sur ce triste épisode, qu’expliquait l’extrême gravité de l’heure.
Pour sa conduite au feu pendant la campagne, pour son attitude au moment suprême, les camarades d’Herduin qui lui gardent leur sympathie, eussent désiré qu’il fut cru tué à l’ennemi et que sa mémoire ne put être discutée par d’autres que ceux qui l’avaient vu et qui restent unanimes de son compte.
Son attitude devant la mort a rendu au pays le seul service qu’il pût encore lui rendre, et quand 10 jours après, les 23 et 24 juin, les survivants du 347e R.I. arrivèrent à Fleury et devant Souville, la suprême ruée ennemie, le dernier exemple d’Herduin...
2)Rapporté par Stéph@n:
le témoignage du soldat Perrier André, caporal à la 23e compagnie du 347e R.I. [in R. Boutefeu, "Les camarades", Fayard, 1966, pp. 329-331.] , qui relate également cette affaire :
" En arrivant à Verdun, le 4 juin 1916, nous fîmes halte à la caserne Anthouard ; c'était la fin de l'après-midi. Les officiers furent rassemblés. Lorsque notre chef de section, le lieutenant André de Rouey, nous rejoignit, il nous déclara tout net :
- Les amis, ici, ce n'est pas Reims, mais Verdun ; aucune défaillance n'est permise ; le premier qui recule...
Il porta une main à son étui à revolver.
Nous devions tenir coûte que coûte. Il avait l'ordre d'abattre tout poilu qui refuserait d'obéir ou d'avancer !
Dans la soirée, nous montâmes en ligne, au Bois de Fleury. Nous devions aller faire des travaux du côté de Le Chapitre. La violence du tir des canons allemands était telle que nous fûmes obligés de revenir à notre point de départ.
A Fleury, lors d'une attaque allemande, je me trouvais à l'extrême droite de la section. A la nuit tombante, je me rendis compte que je restais seul avec trois hommes : les soldats Lebihau, Martinache et Sauvage. Il devait y avoir eu un ordre de changement de position, mais celui-ci ne nous était pas parvenu.
La nuit était arrivée et l'attaque avait cessé. Je décidai avec mes trois hommes de marcher vers la gauche pour tâcher de retrouver la compagnie. De temps en temps, des coups de feu et quelques obus tombaient parci par-là ; l'un de ceux-ci explosa près du soldat Lebihau, qui tomba en poussant un cri.
Je rebroussai chemin et aidé de mes deux autres camarades, je le relevai ; il était fortement commotionné. Je pris dans ma musette ma cuillère et avec le manche, lui desserrai les mâchoires ; enfin, il se mit à respirer. Au bout d'un moment, reprenant ses sens, il me serra contre lui en me remerciant de lui avoir sauvé la vie. Des larmes coulaient de ses yeux.
A un certain moment, une fusillade se fit entendre. Nous nous dirigeâmes dans cette direction. C'était 'un groupe de Français. Je demandai qui était le chef ; un homme s'avança vers moi et me dit :
- C'est moi, lieutenant de St-Ronceau.
- Caporal Perrier, trois hommes avec moi ; j'ai perdu ma compagnie à la droite de Fleury.
- Mettez-vous avec mes hommes.
Les paroles du lieutenant de Rouey me revinrent à la mémoire ; être portés déserteurs, cela nous coûterait cher. Nous repartons et arrivons à une maison démolie, sans doute la ferme de Thiaumont ; lors d'une pause, nous entendons parler français. Je criai
- Halte-là ! Qui vive ! On me répondit
- France!
Je lançai :
- Avance au ralliement.
Deux hommes s'avancèrent vers nous en nous disant
- Lieutenant Herduin, lieutenant Millau.
- Caporal Perrier.
Nous étions du même régiment, mais eux du 5e bataillon et nous du 6e. Le lieutenant Herduin nous expliqua :
- Voilà quatre jours que nous sommes à Thiaumont ; nous n'avons eu ni renfort, ni ravitaillement ; nous descendons à Verdun pour nous réconforter et nous remonterons en ligne ensuite.
Ils avaient avec eux une dizaine de poilus et un prisonnier allemand. Comme ils avaient soif, le prisonnier allemand prit le casque d'un des hommes et alla chercher de l'eau dans un trou d'obus.
Les officiers, leurs hommes et leur prisonnier, nous quittèrent. Fatigués, on s'installa tant bien que mal dans des trous d'obus pour attendre le jour. A l'aube, je vis arriver un poilu de mon escouade, le soldat Rompteau, détaché comme agent de liaison :
- Te voilà Perrier ; il faut vite rejoindre la compagnie, tu es porté disparu.
- Où est-elle ?
- A la redoute, directement sur la gauche.
Deux jours après, je me retrouvais au Ravin de Fleury pour assister au drame dans toute son horreur. Les deux malheureux officiers rencontrés de nuit étaient passés en conseil de guerre. On les ramenait pour les fusiller.
J'arrivai à l'instant même où l'adjudant Amiable, chef de la 3e section de ma compagnie, donnait le coup de grâce. Il prit son revolver dans la main droite et, se cachant le visage avec son bras gauche, il tira au hasard, sans viser les corps des victimes qui étaient étendus à terre. Ce souvenir me hante encore ! "
3)Par ailleurs:
* le "CRAPOUILLOT" n°50 d'octobre 1960 dans "vraies et fausses erreurs judiciaires" parle de cette affaire dans un article écrit par Jean BERNIER : "La mort du sous-lieutenant HERDUIN".
(HERDUIN qui était médaillé militaire)Article qui dit en substance qu'il y eut des tentatives pour éviter qu'il ne soit fusillé et pour cela il y eut trois rapports: un du général BOYER exigeant la fusillade;un du général LEBRUN blâmant le général BOYER et un du général NIVELLE l'approuvant.
* le numéro (qui a été saisi) du Crapouillot d'aout 34. L'article consacré aux lieutenants fusillés commence par cette citation de Nardy : " Mais où sont-ils ces hommes que la Justice n'inquiéta jamais et que les remords ne doivent pas, malgré tout, laisser dormir en paix ? "
Le copier-coller a parfois du bon...
à bientôt,
frédéric Avenel
Re: Lieutenant Herduin et Second Lieutenant Milan
bonsoir, nous pouvons peut-être attendre de nouveaux éléments avec le tome 2 à paraître des "fusillés pour l'exemple" du général André Bach.