Je rebondissais sur vos propros pour faire savoir que la mémoire des soldats français de la Somme semble souvent être la grande oubliée dans la mémoire collective de la France. Anne
Bonjour Anne, bonjour à toutes et à tous
Anne, je suis vraiment d'accord. Pour appuyer ce constat rien de mieux que quelques citations du livre de l'historien renommé de la Première Guerre Mondiale Pierre Miquel:"Les oubliés de la Somme (juillet-novembre 1916)", éditions Tallandier.
Donc pour ceux qui n'ont pas le livre sous la main, je recopie quelques passages qui permettent d'entrevoir quelques raisons de cet "oubli":
Début de l'introduction: "En 1916, alors que les pertes françaises dépassent le million d'hommes, la Picardie est le théâtre d'un des carnages les moins connus, les mieux enterrés de la Grande Guerre..." "La rivière la Somme et son affluent l'Ancre ont été le centre d'une des rencontres les plus sanglantes et les plus acharnées de la première Guerre Mondiale."
Page 266, il écrit: "Les pertes de la Somme étaient tenues cachées, comme signe de faiblesse ... puisque le seul enjeu de la bataille était devenu la guerre d'usure... Oubliés, les morts de la Somme, ils représentaient l'aveu d'un échec, d'une mauvaise conscience, presque de la honte des états-majors. Ils suscitaient la zizanie dans le commandement, Fayolle contre Foch. Ils marquaient une impuissance.... Les lieux ne disaient rien aux lecteurs des communiqués de presse: une multitude de villages en ruine, inconnus du public. Pas une seule ville comme enjeu du combat. On n'osait pas dire que l'on convoitait Péronne ou Bapaume. La route était trop longue et trop sanglante pour espérer sa reconquête. Les Mémoires des politiques parleraient volontiers, plus tard, de Verdun, ou de Salonique. Ils seraient presque muets sur la Somme. Après l'échec, Haig le héros resterait en place. Pas Foch. Il irait rejoindre le Falkenhayn de verdun au placard des généraux oubliés."
page 270- 271: "Les Anglais, avec 413 00 combattants, auront fait l'effort maximal dans l'armée interalliée, mais les Français, avec plus de 2000 000 pertes, dont 52 115 tués, seront plus durement éprouvés qu'en 1917, lors de l'affaire malheureuse du Chemin des Dames (139 000 hommes dont au moins 30 000 morts en quelques jours. ... mais la bataille de la Somme, comme celle de Verdun, porte sur plusieurs mois ... les pertes s'étalent sur un temps long de cinq mois... L'hémorragie est continue...
La répulsion des politiques pour cette bataille est manifeste....
D'autant que les succès de l'armée de Nivelle-Mangin à Verdun compensent les déconvenues des armées de Foch sur la Somme...
Plus on monte en épingle les succès de Verdun, plus on diminue les efforts des généraux du front de Somme...
Le président sait-il que sur les 17 943 disparus de la bataille, la plupart, selon Weygand, sont ensevelis vivants dans la boue?..."
"Non seulement la Somme est oubliée, mais elle est en plus maudite. Comment étaler une série d'échecs sanglants alors que l'on veut enchâsser la victoire de Verdun"
Page 275: "Pour les poilus de la Somme, cette double disgrâce est un désaveu. les deux généraux qui les ont maintenus cinq mois dans la boue de la Somme sont limogés. ... Qui fait considérer, en France, la Somme comme un inutile carnage... Personne n'aura l'idée d'élever des monuments commémoratifs, ni des ossuaires géants, sur les bords de la Somme."
La 4ème de couverture: ... "Ils ont fait la pire des guerres contre des forteresses imprenables, sans autre résultat que d'alimenter la stratégie de l'usure, monstrueuse conception des états-majors de l'époque, qui ne cherchaient plus la victoire que dans l'anéantissement de l'adversaire. ... Seul l'Anglais Haig a tiré son épingle du jeu, parce qu'il avait réussi à faire combattre et mourir ensemble les soldats volontaires de l'armée nationale et les professionnels des régiments du roi.
Pas de pitié pour les poilus de la Somme, soumis aux plus rudes épreuves, sous la pluie glacée d'un été pourri et d'un automne mortel.
Ni gloire ni victoire, la boue de l'oubli, l'ensevelissement dans les creux de la mémoire, après la craie de la Picardie.
Il était temps qu'on les réveille, ces soldats d'une morne et dure bataille, celle dont on n'aime pas parler."
Ma famille restait muette à l'évocation de la 1re GM. Moi, je le suis aujourd'hui. Je remercie Pierre Miquel de l'évoquer pour nous tous.
Cordialement
Geneviève