Bonjour à tous,
L’échouement du croiseur cuirassé Kléber survenu le 30 mai 1915
en baie de Scala-Nova (Empire ottoman)
Fin Mai 1915, le croiseur cuirassé Kléber, commandé par le capitaine de frégate Henri Marie Léandre Du COUËDIC de KÉRÉRANT, reçut l’ordre de repérer et de détruire des casernements et dépôts de munitions turcs dans la baie de Scala-Nova, sise en mer Égée, sur la côte d’Asie mineure de l’Empire ottoman (Au-jourd’hui Kuşadası, Turquie). Arrivé sur place le 30 mai, après avoir longé le rivage pour reconnaître ses objectifs, il s’échoua sur un banc de sable à quelques encablures de la terre, à portée des batteries turques, par suite d’une erreur d’appréciation de l’officier de navigation. Une chaloupe et une vingtaine d’hommes allèrent alors mouiller à bâbord une ancre reliée à un câble en solide fil d’acier. Puis, sous la conduite des officiers, l’équipage commença à vider le charbon des soutes arrières pour alléger le bâti-ment, travail pénible compte tenu de l’exiguïté des lieux et de la chaleur qui y régnait. Vers 19 h.00, alors que les hommes étaient rassemblés sur le pont pour une courte pose, des balles de mitrailleuses sifflèrent, tuant et blessant plusieurs d’eux. Le commandant fit rappeler au poste de combat et ordonna l’ouverture du feu sur des mouvements suspects qui avaient été observés sur le crêtes environnantes. La nuit faite, le tir ennemi cessa et l’équipage reprit son travail harassant de vidage des soutes.
Le lendemain, à l’aube, le tir ennemi reprit, mais avec des canons de 77 mm que les turcs avaient amenés durant la nuit. Le Kléber riposta toute la journée, tandis qu’était poursuivi le travail d’allégement de son arrière. Le soir, le commandant reçut par radio de l’amiral français qui commandait à Moudros un message l’avisant qu’il avait appris par son service de renseignements qu’un sous-marin allemand était parti de Smyrne afin de torpiller le navire au petit jour.
Vers minuit, il fut donc décidé de tenter une dernière manœuvre pour déséchouer le croiseur, en utilisant toute la puissance de ses trois machines et en s’aidant du câble qui avait été fixé à l’ancre. En cas d’é-chec, la décision avait été prise de le saborder, puis de tenter de gagner la côte au moyen des embar-cations du bord et de quelques radeaux, ce qui eut permis d’évacuer au mieux un dixième des hommes d’équipage, assurés d’une capture certaine par les Turcs, pour autant encore que leur fut laissée la vie sauve... Exposé à ce triste sort, l’équipage redoubla d’efforts.
A une heure du matin, par nuit noire, l’ultime manœuvre fut entreprise et, alors que tout espoir semblait perdu de le sortir de cette périlleuse situation, le Kléber glissa lentement vers l’arrière, puis à nouveau flotta. L’équipage entonna spontanément la Marseillaise et le navire put appareiller pour Moudros. Au petit matin, le sous-marin l’aperçut et, surpris de le voir à flot, lança deux torpilles qui, heureusement, man-quèrent leur cible.
Conformément au règlement, le capitaine de frégate Du COUËDIC de KÉRÉRANT fut traduit devant un Tribunal de guerre maritime. Il revendiqua l’entière responsabilité de l’échouement, couvrant ainsi l’of-ficier de navigation à qui incombait seul l’erreur de route. Il fut démis de son commandement pour avoir dangereusement exposé son bâtiment et fut remis à la disposition du Ministre de la Marine. Lui succéda le capitaine de frégate Louis Marie Joseph RENARD, nommé à ce commandement par un décret du 19 juin 1915 (J.O. 21 juin 1915, p. 4.127).
Il ne lui fut semble-t-il pas tenu grief de ce fâcheux événement de mer. Par un décret du 17 novembre 1915 (J.O. 17 nov. 1915, p. 8.364), il fut en effet nommé au commandement du croiseur auxiliaire Champagne. Puis, ayant été promu au grade de capitaine de vaisseau par un décret du 17 juin 1916 (J.O. 19 juin 1916, p. 5.391), il fut nommé au commandement du croiseur cuirassé Jules-Michelet par un décret du 24 juin 1917 (J.O. 26 juin 1917, p. 4.904). En outre, par un arrêté du Ministre de la Marine en date du 17 janvier 1917 (J.O. 18 janv. 1917, p. 574), il fut inscrit au tableau spécial de la Légion d’honneur pour le grade d’officier.
• D’après l’ouvrage du Commandant Pierre Louis THOREUX : « J'ai commandé Normandie », Presses de la Cité, Paris, 1963, 282 p. — spécialement p. 50 à 53.
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Marins victimes de l’engagement avec les forces terrestres turques
— CARRÈRE Jean Gabriel, né le 22 décembre 1892 à Anglet (Basses-Pyrénées — aujourd’hui Pyrénées-Atlantiques), maison Herret, quartier de Brindos, tué à l’ennemi le 31 mai 1915. Matelot de 2e classe chauffeur, matricule n° 56.165–3 ; classe 1912, n° 1.707 au recrutement de Bayonne. [Acte de décès trans-crit à Anglet le 13 octobre 1915].
• Fils de Jean-Marie CARRÈRE, né le 27 décembre 1865 à Anglet, laboureur, et de Francine CAMPOSET, née le 17 octobre 1864 à Anglet, « ménagère » ; époux ayant contracté mariage dans cette commune, le 8 août 1891 (Registre des actes de mariage de la commune d’Anglet, Année 1891, acte n° 19 ~ Registre des actes de naissance de la commune d’Anglet, Année 1892, acte n° 99).
□ Cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O. 1er août 1915, p. 5.287) : « Carrère (Jean), matelot chauffeur du Kléber, tué à l’ennemi en accomplissant son devoir à son poste de combat. » Cita-tion emportant concession de la Croix de guerre avec palme.
[Incorporé à compter du 9 octobre 1913 ; arrivé au 3e Dépôt des équipages de la flotte, à Rochefort-sur-Mer ; apprenti marin le même jour, matricule n° 56.165 – 3. Nommé matelot de 2e classe chauffeur breveté à compter du 18 février 1915 étant embarqué sur le croiseur cuirassé Kléber.]
— MONFORT François Pierre, né le 1er mai 1894 à Logona-Daoulas (Finistère) et y domicilié, décédé en mer le 1er juin 1915 à 11 h. 00, par 38° 30’ N. et 23° E., des suites de blessures reçues le 31 mai 1915 (Acte de décès transcrit le 11 octobre 1915 à Lagona-Daoulas : Registre des actes de décès, Année 1915, acte n° 30). Matelot de troisième classe sans spécialité, inscrit au quartier de Brest, n° 13.416 ; classe 1914, n° 1.951 au recrutement de Brest.
• Fils de Nicolas Marie MONFORT, né le 17 mars 1861 à Irvillac (Finistère), cultivateur, et de Marie LE CANN, née le 21 janvier 1868 à Logana-Daoulas, cultivatrice ; époux ayant contracté mariage dans cette commune, le 9 juillet 1893 (Registre des actes de mariage de la commune de Lagona-Daoulas, Année 1893, acte n° 9 ~ Registre des actes de naissance de la commune de Lagona-Daoulas, Année 1894, acte n° 23). Célibataire.
□ Cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O. 1er août 1915, p. 5.287) : « Montfort (François), matelot sans spécialité, 13.416 Brest, du Kléber, mort des suites de ses blessures reçues en accomplissant son devoir à son poste de combat. » Citation emportant concession de la Croix de guerre avec palme.
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Marins blessés lors de l’engagement avec les forces terrestres turques
— BIANIC Joseph Marie, né le 7 juin 1895 à Bohars
(Finistère), au lieu-dit
« Kéramézec », décédé le 16 février 1976 à Guillers
(– d° –).
Matelot de 2e classe canonnier breveté, matricule n° 105.298 – 2 ; classe 1915, n° 3.200 au recrutement de Brest.
• Fils de
Guillaume Marie BIANIC, né le 16 décembre 1854 au Bourg-Blanc
(Finistère), cultivateur, et de
Marie STÉPHAN, née le 7 octobre 1868 à Plabennec
(– d° –), cultivatrice ; époux ayant contracté mariage à Bohars, le 10 juin 1894
(Registre des actes de mariage de la commune de Bohars, Année 1894, f° 2, acte n° 2 ~ Registre des actes de naissance de la com-mune de Bohars, Année 1895, acte n° 11).
□ Cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O. 1er août 1915, p. 5.287) : « Bianic (J.-M.), matelot canonnier breveté, 105.298 – 2, du Kléber. Son bâtiment ayant été attaqué par des troupes à terre, a été griè-vement blessé. Conduite héroïque pendant toute l’action. » Citation emportant concession de la Croix de guerre avec palme.
□ Par décret du Président de la république en date du 30 juin 1937 (J.O. 1er juill. 1937, p. 7.455 et 7.456), nommé au grade de chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur dans les termes suivants : « Bianic (Joseph-Marie), mie 105.298-2, premier maître canonnier de réserve, médaillé du 16 juin 1920 ; 21 ans 7 mois de services, dont 15 ans 10 mois à la mer ; réserve : 2 ans 1 mois ; 6 campagnes ; 4 blessure de guerre ; 1 citation armée. »
[Engagé volontaire pour cinq ans le 15 octobre 1915 à la mairie de Brest au titre du 2e Dépôt des équipages de la flotte, à Brest. Arrivé au corps et matelot de 2e classe le même jour, matricule n° 105.298 – 2. Promu matelot de 2e classe canonnier breveté le 20 février 1915. Promu matelot de 1re classe canonnier breveté à compter du 1er juillet 1917. Promu au grade de quartier-maître canonnier à compter du 1er janvier 1919.
Rengagé pour trois ans le 9 septembre 1918 à compter du 1er septembre 1919. Rengagé pour trois ans le 29 mars 1922 à compter du 1er septembre 1922. Inscrit au quartier de Brest le 10 juillet 1925. Par décision ministérielle du 1er octobre 1926 (J.O. 3 oct. 1926, p. 10.975), promu au grade de second maître canonnier à compter du 1er juillet 1926. Promu au grade de maître canonnier à compter du ... Radié de l’inscription maritime le 15 dé-cembre 1935.
Fait prisonnier le 19 juin 1940 à Brest et interné au Stalag IV-B, de Mühlberg an der Elbe (Land de Brandebourg, Allemagne). Rapatrié en Juillet 1941.]
— GÉLIN Brieuc Yves Marie, né le 15 avril 1893 à Pléguien
(Côtes-du-Nord — aujourd’hui Côtes-d’Armor), décédé le ... à ... (...).
Matelot de ... classe canonnier breveté, inscrit au quartier de Binic le 25 juillet 1911, n° 8.130 ; classe 1913, n° 1.640 au recrutement de Saint-Brieuc.
• Fils d’
Yves GÉLIN, né le 24 septembre 1854 à Pléguien, laboureur, et d’
Anne DRILLET, née le 26 mai 1859 à Pléguien,
« ménagère » (Registre des actes de mariage de la commune de Pléguien, Année 1879, f° 7, acte n° 6 ~ Registre des actes de naissance de la commune de Pléguien, Année 1893, f° 3, acte n° 4).
• Époux de
Léonie Marie Françoise BURLOT, née le 6 juin 1892 à Pléguien
(Registre des actes de naissance de la commune de Pléguien, Année 1892, f° 6, acte n° 10), avec laquelle il avait contracté ma-riage dans cette commune, le 28 juillet 1920
(Registre des actes de mariage de la commune de Pléguien, Année 1920, f° 12, acte n° 11).
□ Cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O. 1er août 1915, p. 5.287) : « Gélin (Brieuc-Yves), matelot canonnier breveté, Binic 8.130, du Kléber. Blessé à bord de deux balles, dès le début d’un enga-gement avec des troupes à terre, a fait preuve du plus grand courage. » Citation emportant concession de la Croix de guerre avec palme.
□ Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 28 juillet 1921 (J.O. 10 août 1921, p. 9.408 et 9.416), inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire dans les termes suivants : « Gélin (Brieuc-Yves-Marie), Binic 8.130, quartier-maître. Beaux services à bord du Kléber et du Condé, notamment au cours d’un en-gagement à terre. Une citation. Une blessure. »
[Incorporé au 2e Dépôt des équipages de la flotte le 9 juin 1913 ; arrivé au corps et matelot de 3e classe le même jour. Promu matelot de 2e classe le 1er avril 1914. Embarqué le 1er janvier 1915. Promu quartier-maître canonnier le 1er juillet 1915. Rentré à terre au 4e Dépôt des équipages de la flotte à compter du 6 mars 1917, puis passé le 13 au 2e Dépôt des équipages de la flotte. Embarqué le 20 juillet 1918. Renvoyé dans ses foyers et placé en congé illimité de démobilisation le 5 juillet 1919.]
— LÉOST Jean François Louis, né le 16 juillet 1875 à Saint-Renan (Finistère), décédé le ... à ... (...). Second maître canonnier, inscrit au quartier de Brest le 2 janvier 1908, f° et n° 4.736 ; classe 1895, n° 3.140 au recrutement de Brest.
• Fils de René Marie LÉOST, né le 12 avril 1844 à Ploudalmézeau (Finistère), village de Kerlanou (Registre des actes de mariage de la commune de Ploudalmézeau, Année 1844, acte n° 27), et d’Anne Marie CONQ.
• Veuf en premières noces de Marie Yvonne LE ROUX, décédée le 6 décembre 1906 à Saint-Renan. Veuf en deuxième noces de Marie Jeanne Yvonne SALAUN, décédée le 12 août 1913 à Saint-Renan.
Époux en troisièmes noces de Marie Louise CLOÎTRE, née le 24 octobre 1873 à Saint-Renan, sans profes-sion, avec laquelle il avait contracté mariage à Ploumoguer (Finistère), le 21 septembre 1915 (Registre des actes de mariage de la commune de Ploumoguer, Année 1915, f° 2, acte n° 1). Veuve de Vincent Félix CLOATRE, menuisier, décédé le 17 avril 1909 à Ploumoguer (Registre des actes de décès de la commune de Ploumoguer, Année 1909, acte n° 9).
□ Cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O. 1er août 1915, p. 5.287) : « Léost (J.-F.), second maître canonnier, Brest 3.736, du Kléber. A pris spontanément le commandement de la section de 47, la plus exposée. A été blessé pendant le combat. » Citation emportant concession de la Croix de guerre avec palme.
□ Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 3 janvier 1917 (J.O. 4 janv. 1917, p. 147 et 148), inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire.
[Engagé volontaire le 24 juillet 1891 à la mairie de Brest au titre du 2e Dépôt des équipages de la flotte, à Brest ; arrivé au corps et apprenti marin le même jour, matricule n° 66.703 – 2. Nommé matelot de 3e classe le 16 juillet 1893. Promu matelot de 2e classe le 16 janvier 1894. Promu matelot de 1re classe le 1er avril 1898. Ren-gagé pour trois ans le 14 août 1899, avec effet au 1er novembre 1899. Rengagé pour trois ans le 18 janvier 1902, avec effet au 1er novembre 1902. Rengagé pour trois ans le 27 octobre 1905 à Toulon, avec effet au 1er no-vembre 1905. Par décision ministérielle du 15 février 1906 (J.O. 16 févr. 1906, p. 1.027 et 1.028), promu au grade de quartier-maître canonnier de 2e classe. Inscrit au quartier de Brest le 2 janvier 1908, n° 4.736, avec effet au 27 octobre 1908. Par décision ministérielle du 28 juin 1914 (J.O. 30 juin 1914, p. 5.700 et 5.701), pro-mu au grade de second maître canonnier.]