Aristide Bouju, le soldat-ouvrier miraculé de la poudrerie Vandier.

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Le 4 mai 1916, soit trois jours après la terrible explosion de la poudrerie Vandier & Despret qui secoua jusqu'au centre-ville de La Rochelle brisant les vitraux de la Cathédrale, la foule rochelaise et les officiels, très nombreux, se pressaient à la Gare Maritime pour la cérémonie ordonnée par monseigneur Eyssautier évêque du Diocèse. Ce jour des obsèques le ciel semblait accompagner les victimes en revêtant sa couleur de deuil, des nuages noirs laissant filtrer quelques gouttes de pluie tandis que les vagues d’une mer toute proche venaient mourir sur le rivage. Les pavillons des navires du port de La Pallice étaient mis en berne, les commerces, les magasins de La Rochelle fermés, les quatre-vingts cercueils recouverts de drapeaux tricolores et de couronnes de fleurs alignés, attendant d’être chargés sur des camions militaires qui les conduiraient vers leur dernière demeure au cimetière de La Rossignolette.
Soudain, après les chants exécutés par la maîtrise de la cathédrale, les personnes présentes se figèrent, frappées d’étonnement d’abord, de stupeur ensuite. De l’un des cercueils, celui portant le nom d’Aristide Bouju, âgé de 39 ans, s’élevaient des coups sourds…
Quelques employés municipaux présents s'empressèrent de déclouer le cercueil contenant le corps mutilé d’Aristide. On s’aperçut alors que cette victime de l’explosion était toujours en vie et respirait faiblement. Sortant d’un coma de trois jours, l’ultime appel d’un agonisant avait été entendu, et ce soldat des services auxiliaires échappa au terrible supplice des enterrés vivants.
Le miraculé fut pris en charge par un médecin et une équipe d’infirmières, dirigé vers l’hôpital le plus proche afin d’y être soigné et ramené à la vie, une vie qui faillit s’arrêter là mais qui se prolongerait encore 36 années alors que beaucoup de médecins ne croyaient pas qu’il survivrait longtemps à ses blessures. Il ne revint pas dans sa maison du hameau du Gué à Sainte-Soulle et c’est dans une maison d’Usseau, chez sa petite-fille Simone Vasseur qu’il vivra, atteint de paralysie à la suite de la trépanation qu’il dut subir, ne pouvant se mouvoir qu’aidé d’une canne et accompagné de quelqu’un. Son épouse Augustine décéda en avril 1943, époque où Aristide devra prendre une servante, madame Yvonne Massé, qui le soigna avec dévouement jusqu’à ce qu’il s’éteignît tout doucement à son tour le 5 février 1952.
Aristide Bouju était né le 8 février 1876 à Loiré, commune de Vérines, fils de Jean, cultivateur et d’Hortense Gaucher. Il avait épousé Augustine Dumonté à Sainte-Soulle, le 20 juin 1899. Cultivateur, après avoir fait ses obligations militaires en 1900 au sein d’un régiment d’artillerie, à l’entrée en guerre, en 1914, il fut affecté au 123ème d’Infanterie de La Rochelle puis se vit maintenu en tant que Réformé n°2. Affecté en 1915 comme ouvrier à la poudrerie Vandier & Despret, il touchera ensuite une pension de 3000 francs suite à ses graves blessures reçues lors de l’explosion.Le 4 mai 1916, deux compagnies de soldats et de marins rendirent les honneurs militaires aux victimes de l’explosion de la poudrerie Vandier au nombre desquels Aristide Bouju le miraculé ne serait pas.
A la fin, un silence grandiose plana sur cette partie du sol de France….
(Cet article a été réalisé avec le support d’un article, « Un rescapé » paru dans le journal « La Nouvelle République » du 14 mars 1952 - L’histoire de l’explosion de la poudrerie Vandier & Despret est relatée dans mon article paru dans les Écrits d’Ouest n°22 paru en 2014 - A lire également le roman « La voiture de Vandier » aux éditions des Indes savantes – 2015)
Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - "Le manuscrit de Magerøya ou le Tombeau des quatre ours" (Éditions des Indes Savantes)