je suis l'arrière-arrière petite fille d'Ernest Couillebault. Hélène avait parlait à ma mère, la fille de Roger Richard de votre travail. Je viens d'en terminer la lecture ayant une jambe dans le plâtre j'ai enfin eu du temps . Etant une passionnée d'histoire (j'ai fait des études en ce sens), j'ai beaucoup aimé votre travail de titans. Mais ce que j'ai encore plus apprécié, c'est de suivre mon aïeul dans cette grande guerre et tous ses copains qui portent des noms qui ont bercé mon enfance. Je passais bcp de temps avec mon grand-père au cimetière de Frontenay car il y entretenait les tombes de sa maman et de son frère. Alors les noms que vous évoquez, je les ai lu à maintes reprises sur les tombes comme celle de Roger Aubourg qui jouxte celle de mon arrière grand-père Camille Richard. Votre travail c'est pour moi comme une madeleine de Proust car je n'ai malheureusement plus bcp l'occasion de venir à Frontenay car les personnes de ma famille proche sont soit décédées, soit ont quitté le village, comme Hélène par exemple. Pour en revenir à mon aïeul, je crois savoir qu'il n'a pas vu son fils Louis naitre et même pendant plusieurs mois. Vous évoquiez une seule naissance en 1915, je crois que c'était mon tonton Louis. Bravo pour votre travail, j'espère encore vous lire.
Bonjour Blandine,
eh bien, je suis ravi de vous faire revivre votre enfance dans ce paisible village de Frontenay-sur-Dive.
On pense que c'est une bourgade où il n'y a rien ou presque rien à voir.
C'est toujours faux quand il s'agit de son pays natal comme moi ou celui de ses racines comme vous.
Les constructions du bourg n'ont quasiment pas évolué depuis cinquante ans et je connais presque chaque maison avec les habitants qui les occupaient à ce moment-là.
Avec cinq anciens de Frontenay, dont le plus jeune a 85 ans, j'ai encore plus remonté le temps et découvert les relations familiales qui existaient avec tous ces braves jeunes gens du pays qui sont allés se faire broyer le corps et le moral dans cette sale guerre 14/18.
En contactant une centaine de personnes environ dont votre cousine Hélène, j'ai récupéré des centaines de portraits des gens de cette période 1910-1920, dont 101 portraits de soldats (sur 140 recensés) nés à Frontenay ou y habitant en 1911, date du recensement le plus proche de 1914 et environ 150 photos de mariages où nous identifions au maximum possible chaque participant.
C'est un travail immense, mais quand on y met le petit doigt, le corps entier est avalé........
Puissent mes quelques commentaires comme l'attention portée par les lecteurs occasionnels ou réguliers leur rendre hommage et les faire garder dans notre mémoire.
Il y a cent ans, jour pour jour, le 26 mars 1917……...
Ce 26 mars 1917, Damien Valançon, né à Frontenay en 1878, père de Robert et Camille, qui a été victime de « pieds de tranchées » et parésie (perte de mobilité) des membres inférieurs au mois de janvier précédent, envoie une carte postale depuis Bar-le-Duc, à sa cousine Marie Panier, qui deviendra plus tard ma grand-mère. Il écrit :
« Le 26 mars 1917,
Ma chère Marie,
C'est de sur mon lit que je vous
envoi* un bonjour car malgré que lon*
pourré* se levé* on a* pas le droit s'est*
tenue* militairement pour ma santé sa*
ne va pas plus mal mais je ne cause pas
tant que vous. J'espère que vous soyez* tous
en bonne santé. Votre cousin qui vous embrasse
tous, Valançon Jules (Damien) hôpital Central
Pavillon Larrey Salle 6/5 Bar-le-Duc (Meuse) »
* = écrit ainsi dans le texte
Ce 26 mars 1917, Damien Valançon en est à deux mois et demi de convalescence. Il y restera jusqu'au mois d'août 1917, pour repartir à nouveau au front, cette fois-ci avec le 8è Escadron du train des Equipages …........
Il y a cent ans, jour pour jour, le 27 mars 1917……...
Ce 27 mars 1917, Joseph Depoys, mon grand-père, né à Frontenay en 1890, envoie une carte postale à Marie Panier, sa future, avec un peu d'humour et en précisant quelques conditions de sa vie au front:
« Mardi 27 mars 1917,
Ma chère Marie,
à l'occasion du 1er avril, je t'envoie ces quelques petits poissons,
c'est par hasard que je t'ai trouvé cette petite carte qui m'a fait envie.
En songeant à toi, je te la fais parvenir aussitôt car nous n'avons
pas tout ce que l'on désire. Nous sommes en lignes depuis le commen-
cement du mois et en pleine forêt, on ne voit personne, que les soldats,
c'est nouveau pour nous ?
Le plus embêtant, c'est le pinard qui manque. Voilà 3 jours
qu'il n'y en avait pas, on avait simplement notre demi-litre ordinaire.
Ce n'est pas beaucoup pour une journée, vu qu'il n'y a pas
de bonne eau pour boire. Aujourd'hui, nous avons eu du vin à 23 sous le
litre, c'est un peu cher pour un soldat. A part cela, tout va bien, mais
le mauvais temps sévit toujours, (avec) la neige et le froid.
Bonne santé. Ton ami dévoué qui t'aime et qui t'embrasse bien fort. Depoys Joseph »
Il y a cent ans, jour pour jour, le 30 mars 1917……...
Ce 30 mars 1917, Marcel Valançon, né à Frontenay en 1874 et cordonnier de son état, rentre, toujours dans le cadre de sa mobilisation, à la maison Gounin à Amboise.
Cette entreprise, comme pour la maison Maurice à Châtellerault que Marcel Valançon vient de quitter, travaille dans la chaussure. Une rapide recherche sur internet initiée par des amis généalogistes précise dans le répertoire numérique de la série U des AD 37 : Gounin et Godiveau, puis Gounin frères, fabricant de chaussures (Amboise, 1895-1932).
Marcel Valançon, mon arrière-grand-oncle, va y rester jusqu'au 22 juin 1917 avant de rejoindre ................le 144ème RI, basé à Bordeaux où il habite depuis 1910 environ.
Ce même 30 mars 1917, André Valançon, né à Frontenay en 1896, le fils de Marcel précédemment cité, se bat toujours avec le 319ème RI. Installé à la limite de l'Oise et de l'Aisne d'août à décembre 1916, le régiment combat toujours dans le triangle Compiègne-St Quentin-Soissons, en ce début 1917, selon l'historique du régiment.
Ce 30 mars 1917, le régiment compte ses victimes des combats des 2 jours précédents : 10 le 28 et 15 le 29, tout ça pour garder le contrôle d'un bois et établir avec d'autres régiments des passerelles sur un ruisseau.
L'Allemand recule, mais ne s'avoue pas vaincu............
le 319ème RI et André Valançon vont rester dans l'Aisne jusqu'en décembre 1917 et combattre au tristement célèbre « Chemin des Dames » ainsi qu'au Plateau de Californie.
Ce 01 avril 1917, c'est la réorganisation des Régiments d'Artillerie. Pas moins de 8 soldats de Frontenay sont ainsi mutés :
- Joseph Amauger, né à Frontenay en 1895, engagé militaire depuis 1913, quitte le 62ème RA effectuant des travaux en Alsace pour rejoindre le 224ème RA qui se bat en Lorraine, à Parroy au nord-est de Lunéville, avant de se retrouver dans l'Aisne en juillet 1917,
- Maurice Amauger, né à Frontenay en 1897, frère du précédent, du 20ème RA de Poitiers d'où il vient de faire ses classes, se retrouve au front ce 01 avril 1917 avec le 226ème RA du côté des Monts de Champagne avant d'aborder Verdun à compter d'août 1917. Il restera dans ce régiment appelé en Orient jusqu'en septembre 1919,
- Lucien Courlivant, au front durant toute la guerre, né à Aulnay (86) mais habitant Frontenay, épicier et traiteur bien connu dans cette bourgade, père de Pierre et Jean, est muté du 4ème groupe au 5ème groupe d'Artillerie d'Afrique,
- Hyacinthe Depoys, né à Frontenay en 1894, mais qui habite Usseau (86) en 1914 après avoir suivi ses parents à Parçay-sur-Vienne (37), au front d'avril 1915 à juillet 1917, quitte le 45 ème RA. Ce dernier est en train de préparer l'offensive du Chemin des Dames dans l'Aisne lorsque Hyacinthe Depoys rejoint le 245ème RA qui va se battre …............ au même endroit durant toute l'année 1917,
- Octave Marsault, né à Frontenay en 1880, au front d'avril 1915 à juin 1917, passe du 49ème RA, qui vient de batailler dans la Somme d'octobre 1916 à janvier 1917, au 256ème RA, qui va se battre au printemps au Chemin des Dames, à Craonne, au Plateau de Californie, puis en Champagne au début de l'été avant de …..........rejoindre l'Italie en novembre 1917,
- Omer Négrault, né à Frontenay en 1883, père de Marcel, au front sans discontinuer de juin 1915 à mars 1919, quitte le 20ème RA en poste dans la Somme pour intégrer le 5ème groupe d'Artillerie d'Afrique, le même que Lucien Courlivant,
- Octave Sergent, né à Frontenay en 1885, maréchal-ferrand du bourg comme le sera plus tard son fils Adrien, durant toute la guerre au front, laisse le 33ème RA, en place dans la Somme de juillet 1916 à février 1917 et au Chemin des Dames depuis février 1917, pour occuper une place au 220ème RA affecté essentiellement en Lorraine pour le reste de 1917,
- Onésime Thiollet, né à Frontenay en 1886, père de Rémy et de Marie, future Edgard Barbier, qui quitte le 49ème RA comme Octave Marsault précédemment cité, pour rejoindre le 53ème RA, appelé à combattre autour de St Quentin dans l'Aisne d'avril à juillet 1917, puis à la Cote 304 de juillet à septembre 1917.
En ce début avril 1917, après plusieurs reculs de l'armée allemande, parfois surprenants pour certains, obligeant les armées alliées à se déplacer sans cesse, beaucoup d'efforts vont se concentrer sur l'Aisne et le Chemin des Dames. Mais quand l'ennemi s'arrête de reculer, il est tenace et ne lâche pas facilement le combat............
Un peu plus loin que l'Aisne, à la Cote 304, Onésime Thiollet va en subir les conséquences, au mois d'août 1917...........
Il y a cent ans, jour pour jour, le 09 avril 1917……...
Ce 09 avril 1917, Joseph Depoys, mon grand-père, né à Frontenay en 1890, envoie une carte postale de Lorraine à Marie Panier, sa future :
Lundi 9 avril 1917,
Ma chère Marie,
je n'ai pas voulu laisser passer les fêtes de Pâques sans te donner
un peu de mes nouvelles qui sont naturellement toujours les
mêmes. Je suis toujours en ligne et je ne sais pas pour combien de
temps. Je voulais t'écrire hier, et nous avons eu une petite
alerte, notre corvée de soupe fut attaquée par les boches. Je vous en
expliquerais* le récit si je peut* aller en permission, heureusement que
j'avais reçu un colis aujourd'hui. Les boches ont voulu remettre ça, mais
ce coup-ci, ils ne reviendront plus, pas les mêmes toujours. Enfin, pour les
fêtes de Pâques, c'est bien remarquable, on s'en rappellera. A part cela ici, le
temps est très beau depuis 8 jours.
Bonne santé, c'est ainsi que je te souhaite.
Ton ami qui t'aime et qui t'embrasse. Joseph
J'ai recherché cette attaque allemande sur le ravitaillement du 8 avril 1917. En vain, car aucun JMO ne le mentionne, que ce soit celui du 346ème RI de Joseph Depoys, tout comme ceux des 356ème et 367ème en poste à côté du premier cité.
Dans le texte de Joseph Depoys, certaines lettres sont soulignées. son code est toujours le même et la censure militaire ne doit pas être trop exigeante. Joseph Depoys est en poste à Emberménil, en Meurthe-et-Moselle, à 40 km à l'est de Nancy.
Il y a cent ans, jour pour jour, le 11 avril 1917……...
Depuis le 15 novembre 1916, Elie Recouppé, né à Frontenay en 1876, est en poste avec le 327ème RI.
Le 06 avril 1917, il cantonne à Beaurieux, dans l'Aisne, entre St Quentin (02) et Reims (51)
Les travaux d'organisation à l'offensive du Chemin des Dames étant bien préparés, le 327ème RI passe à l'attaque avec les autres régiments de sa division.
Le 10 avril, quelques échauffourées ont lieu entre les différentes parties, faisant une dizaine de victimes.
Ce 11 avril 1917, même si l'offensive du Chemin des Dames ne commence officiellement que quelques jours plus tard, Elie Recouppé participe à l'attaque du jour, à Craonnelle.
D'après le JMO, une fausse attaque ne fait pas réagir l'artillerie de l'ennemi comme prévue.
Puis a lieu une reconnaissance offensive d'une compagnie du 327ème RI qui prend momentanément possession de tranchées adverses de premières lignes. De violents tirs de barrage de l'artillerie allemande et la reprise des tranchées par les Germains empêchent une grande partie des soldats de cette compagnie de regagner ses lignes.
Les pertes du jour s'élèvent à 12 tués, 50 blessés et 15 disparus. Parmi les blessés figure Elie Recouppé, blessé par un éclat d'obus à la main gauche.
Elie Recouppé va être retiré du front pour être soigné. Pas pour longtemps, car le 16 mai suivant, il est de nouveau « aux Armées »..........
Il y a cent ans, jour pour jour, le 12 avril 1917……...
Ce 12 avril 1917, Raphaël Depoys, né à Frontenay en 1897, change de régiment. Selon le JMO, le 95ème RI de Raphaël Depoys s'est battu près de Verdun en juillet 1916, puis dans la Somme en décembre suivant, enfin au Four de Paris à 40 km à l'est de Verdun de janvier à mars 1917.
C'est à ce moment que Raphaël Depoys rejoint le 265ème RI qui se bat dans l'Aisne depuis décembre 1917. Raphaël Depoys va rester dans le même secteur jusqu'en mai …..........1918.
Ce 12 avril 1917, le 265ème RI cantonne à Ly-Fontaine, à 15 km en dessous de St Quentin dans l'Aisne. Ce jour est plutôt calme. Confections de réseaux de tranchées, pose de barbelés, transports de matériels sont au programme.
Et puis il fait laisser parler l'historique du régiment : " Depuis quelques jours, il fait un temps épouvantable : pluie, neige, grêle, un vent glacial ; chaque nuit de fortes gelées, chaque jour des averses continuelles. Aucun abri : nous campons, trempés, dans la boue que le froid durcit ; nous y creusons, sous les obus, quelques tranchées où l'eau s'amasse. Impossible de faire du feu, de se sécher, de réchauffer les aliments ; partout, les Allemands nous guettent des hauteurs qui nous dominent. La moindre fumée révèle aussitôt notre présence et attire un bombardement".
Ce qui fait que chaque jour de ce mois d'avril 1917 va apporter son lot de victimes.
Le 265ème RI ne sera lancé sur le plateau du Chemin des Dames qu'en septembre 1917.
C'est dans ce contexte que Raphaël Depoys va intégrer le 265ème RI. Il n'est pas au bout de ses peines, le petit gars de Frontenay. Il va rester pendant plus d'un an au Chemin des Dames et alentours, le Chemin des Dames avec ses 200 000 morts en deux mois d'offensives.....................
Il y a cent ans, jour pour jour, le 13 avril 1917……...
Ce 13 avril 1917, Samuel Savattier, né à Frontenay en 1897, affecté au 214ème RI depuis octobre 1916, est envoyé au front. C'est dramatique pour ce soldat exempté de service militaire pour cause de cataracte !
Je ne sais pas s'il en a été soigné et si les soins existaient à l'époque, toujours est-il que Samuel Savattier va se retrouver en cantonnement avec son nouveau régiment à Plancher-les-Mines (Haute-Saône), entre Belfort et Remiremont.
Pendant un mois environ, le régiment va changer de cantonnement quasiment tous les jours naviguant entre les Vosges, la Haute-Saône et le Haut-Rhin.
Le 29 avril 1917, alors que depuis un mois, la situation est plutôt calme, ordre d'attaquer est donné au groupe franc du régiment à Ueberstass, dans le Haut-Rhin. Le coup de main, éventé par un guetteur ennemi, bousculé par un feu nourri de l'artillerie allemande, ne donne pas le résultat espéré. Même si tous se sont bien battus, l'opération est un échec, laissant 3 tués et 16 blessés sur 70 combattants français.
Samuel Savattier doit savoir que le secteur n'est pas si tranquille que ça, d'autant plus que d'autres coups de main français sont programmés, sans compter les impromptues attaques allemandes....................