Le jour de deuil de l'armée française par J.C Delhez

Publications anciennes & récentes
Règles du forum
Publicité pour un ouvrage : Les membres qui contribuent aux échanges sur le forum peuvent faire la promotion des livres dont ils sont l’auteur et de ceux auxquels ils ont participé. La présentation d’un ouvrage coup de cœur est autorisée à condition de ne pas inclure dans le message de liens vers un bon de souscription ou un site marchand. Les messages postés par un membre qui s’est inscrit uniquement pour déposer une publicité sur le forum ne seront pas validés.
JC Delhez
Messages : 17
Inscription : lun. janv. 02, 2012 1:00 am

Re: Le jour de deuil de l'armée française par J.C Delhez

Message par JC Delhez »

Messieurs,

Les pertes du 22 août 1914, je les ai obtenues par une méthode que je ne peux vous détailler ici (cela représente la taille d'un chapitre dans le tome 2), mais que je vais essayer de résumer. J'ai travaillé bataille par bataille, rassemblant toutes les sources existantes (publications, archives de tous pays), les recoupant et y appliquant une formule que l'expérience m'a dictée. Cela m'a permis de déterminer les pertes de chaque affrontement, françaises comme allemandes, pertes totales comme morts. A partir de là, il ne restait plus qu'à les additionner. Dans ce total de plusieurs dizaines de milliers de morts, j'estime la marge d'erreur à quelques centaines. Mais je n'ai étudié que le front central, certes le plus touché par la journée du 22 août. Il m'a fallu ensuite réunir un maximum d'informations chiffrées sur les deux ailes, que j'ai ajoutées à mon premier chiffre. Voilà comment je trouve environ 25.000 morts français pour ce jour-là. Contamine ayant postulé 27.000, le bon chiffre se trouve dans ces eaux-là.
Pour ce qui est de la méthode employée pour septembre 1915, je suis assez d'accord avec Arnaud Carobbi, à savoir que multiplier un échantillon par un facteur 100 n'est pas exempt d'imprécision. Il doit être possible de trancher le débat en recourrant aux archives du service historique. Je ne parle pas ici des statistiques générales du conflit, celles publiées par le député Louis Marin après le conflit et dont on peu trouver des versions parfois divergentes au SHD. Elles sont fausses (comme les statistiques allemandes d'ailleurs). Malgré tout, elles donnent un ordre de grandeur. Ainsi, le tableau mensuel apporte un peu d'eau au moulin de Pat 56 : selon lui, la période la plus sanglante de la guerre est août-septembre 1914, suivi par septembre 1915. Dans ce domaine, les deux journées pointées par Pat 56 doivent bel et bien être les pires (et non, comme on pourrait l'imaginer, Verdun, la Somme ou le Chemin des Dames).
Pour en savoir plus sur septembre 1915, il faudrait ouvrir les archives des 1er bureaux des unités concernées et procéder à une addition. L'offensive de Champagne s'étant déroulée à l'époque du front fixe et sur une surface réduite, il était plus facile d'y recenser les pertes que le 22 août 1914. Au besoin, il est possible de recourir aux sources allemandes pour compléter ce travail.
D'ici là, pour ma part, j'en reste à mon idée première : le jour de deuil de l'armée française est le 22 août 1914. A noter que j'emploie cette expression "jour de deuil" non seulement au premier degré, mais aussi au sens figuré, à savoir l'échec de la première offensive majeure de la guerre et pour une autre raison, bien plus importante, mais que je ne peux divulguer pour le moment dans la mesure où elle figure dans le tome 2, qui n'est pas paru.

Jean-Claude
Avatar de l’utilisateur
IM Louis Jean
Messages : 2741
Inscription : dim. mars 22, 2009 1:00 am

Re: Le jour de deuil de l'armée française par J.C Delhez

Message par IM Louis Jean »

Bonjour à toutes et à tous,

La lecture des différentes interventions m'inspire une question sur la fiabilité de "Mémoire des Hommes", et donc de la pertinence de son utilisation sans correction, comme source pour le calcul du nombre de tués dans le cas de la bataille des frontières. Je m’explique (enfin j'essaie) :

Dans un certain nombre de combats de la bataille des frontières, les troupes françaises se replient soit le 22 soit le 23 matin, elles laissent donc un nombre important de blessés aux mains des Allemands. Ces blessés sont classés parmi les "disparus" dans les JMO, mais une partie d'entre eux décèdera de ses blessures les jours suivant. Le niveau du Service de Santé à cette date et la confusion engendrée par une bataille de rencontre ont vraisemblablement causé la mort d'un nombre significatif de blessés graves. Or, les fiches MDH datent, après jugement, le décès à la date de leur disparition, soit très souvent le 22 août. Par contre, le 25 septembre, le Service de Santé a pu évacuer la presque totalité des blessés encore vivants dans les jours qui ont suivi l'offensive. Le jour de la mort indiqué sur les fiches MDH de ceux qui décèderont dans les ambulances et hôpitaux sera donc postérieur au 25 septembre.

Si mon raisonnement se tient (il n'est basé que sur des lectures partielles) le nombre de tués d'après les fiches MDH est beaucoup moins fiable pour le 22 août que pour le 25 septembre. Ce chiffre devrait donc être revu à la baisse pour le 22 août ... ce qui renforce le résultat des calculs de pat56.

Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
JC Delhez
Messages : 17
Inscription : lun. janv. 02, 2012 1:00 am

Re: Le jour de deuil de l'armée française par J.C Delhez

Message par JC Delhez »

Bonjour,

Au sujet de la fiabilité des fiches MdH : je publierai (tome 2) la liste de 410 officiers tués du 22 au 25 août 1914, front central, du grade de capitaine à celui de général, français et allemands. Dans ce nombre, 42 sont morts de leur blessure, entre le 23 août 1914 et le 29 septembre 1918, soit 10% du total. Pour ma part, j'attribue ces pertes à la date du 22 août, dans la mesure où c'est ce jour-là qu'ils ont reçu la blessure dont ils sont morts, et non au moment de leur décès. Sinon, un blessé du 22 août, qui viendrait à mourir le 25 septembre 1915 serait mis sur le compte de l'offensive de Champagne, ce qui serait un contresens.
Parmi ces 410 officiers, certains ne figurent pas dans les fiches MdH. Je n'ai pas noté la proportion. Or, ils sont bien morts en août 1914, certains sont même encore enterrés aujourd'hui sur le champ de bataille. Il y a donc des lacunes dans les fiches. D'autre part, il apparaît que la même personne peut figurer plusieurs fois dans les fiches (suivant le nombre de prénoms employés, par exemple). Tout cela me fait penser que les fiches MdH ne sont pas une source statistique fiable à 100%.

JC
Avatar de l’utilisateur
e-Storial
Messages : 653
Inscription : mer. juin 04, 2008 2:00 am

Re: Le jour de deuil de l'armée française par J.C Delhez

Message par e-Storial »

Bonjour

Je suis interrogatif suite à la lecture de ce dossier et à ce genre d'écrit publié ici:
http://www.checkpoint-online.ch/CheckPo ... aines.html

L'importance quantitative des pertes subies par la France entre 1914 et 1918 est analysée de manière approfondie dans deux rapports consultables aux archives du Service Historique de l'Armée de Terre au château de Vincennes. Le premier, signé du colonel Roure, rend compte de l'utilisation des effectifs ; le second, signé du député Louis Marin, vise à estimer le coût financier des pensions à verser22. Ces rapports publiés à la fin du premier conflit mondial donnent des chiffres de pertes extrêmement précis, et on ne peut que s'étonner d'une telle performance de la statistique eu égard aux conditions propres de l'époque.

La consultation des archives montre qu'il fut difficile et long de parvenir à un tel résultat. En fait, l'armée n'avait mis en place aucun système de recueil de ses pertes. " Le sous-secrétariat d'état du service de santé a émis lui-même l'avis qu'on ne pouvait tirer aucune statistique certaine des chiffres fournis en 1915 ". Elle dût brutalement s'en préoccuper lorsque le pouvoir politique, le 19 janvier 1916, commença à lui demander quelques comptes.


Si j'en crois son auteur, comment donc, un siècle après, et même avec la méthodologie la plus pointue, estimer précisément des pertes pour lesquelles aucun système de recueil n'existait ?
Peut-être que la méthode américaine de comptabilisation des pertes et bien que décriée, faisant état du "hors de combat" regroupant "mort, blessé, ou porté disparus" au rapport du soir, est peut-être "suffisante" sur l'instant, laissant à d'autres instances la comptabilité et les enquêtes afférentes aux portés disparus (prisonniers - blessés ou non -, perdus, disparus corps et bien ou non relevés…).

J'ai lu aussi par ailleurs que les Allemands ne connaissaient pas ce genre de problèmes puisque n'ayant publié aucun rapport sur leurs propres pertes (tout au moins pour cette période)

En attendant, 28 € pour plus de six-cent pages, c'est un cadeau !

Cordialement
JF Genet
«La loi n'y entend rien, c'est affaire de coeur». André Bellard, initiateur en 1921 de l'association dites des "Malgré-nous" et destinée aux soldats lorrains.
http://e-storialdelorraine.com
JC Delhez
Messages : 17
Inscription : lun. janv. 02, 2012 1:00 am

Re: Le jour de deuil de l'armée française par J.C Delhez

Message par JC Delhez »

Bonsoir,

Merci pour le cadeau, c'est effectivement comme cela que je l'ai voulu.
L'état des pertes est un vaste sujet qu'il n'est pas possible d'aborder en détail dans un forum, comme je l'ai dit plus haut. Il est effectivement plus facile de s'en tenir aux victimes totales plutôt que de se focaliser sur les tués. Ces victimes, on peut les retrouver dans de nombreux JMO (et les archives des 1er bureaux) et les gros bataillons de disparus qui s'y trouvent indiquent bien à quel point on peine à faire la part des tués, des blessés et des prisonniers. Personnellement, pour les morts cette fois, j'ai eu notamment recours à des listes d'inhumés dans les premiers cimetières militaires, ainsi qu'à des documents divers, commes les historiques allemands, qui donnent souvent le nombre des tués, parfois sous forme de liste nominative. Par comparaison entre le nombre des tués et des blessés là où c'était possible, j'ai pu tirer une proportion chiffrée, largement recoupée, que j'ai ensuite appliquée quand le nombre des tués faisait défaut, en l'adaptant au surplus au contexte local.
Il est clair qu'il n'existe aucune statistique militaire précise pour cette période. Les chiffres des archives et le texte de Marin sont, au minimum, imprécis. J'ai pu le constater en dépouillant les archives de Vincennes, mais Prost avait déjà publié une étude critique à ce sujet il y a quelques années. Quant aux chiffres globaux avancés par divers historiens pour le début de la guerre, avec ou sans la Marne, chiffres qui divergent d'ailleurs entre eux, je ne sais s'ils les ont trouvés quelque part ou s'ils les ont inventés.

JC
Répondre

Revenir à « LIVRES & REVUES 14-18 »