Maman, tais-toi.

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Stephan @gosto
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Re: Maman, tais-toi.

Message par Stephan @gosto »

Bonjour à tous,

Je reviens avec quelques lignes de Jean. Mais avant, voici les références du livre duquel je les extrais :

"Les lettres de Jean, fantassin", Imprimerie Nouvelle L'Avenir, Nevers, 1921, 187 p.

Ce livre, voulu par la famille de Jean, donne les lettres qu'il envoya du front à ses parents et à quelques amis. Elles sont précédées d'une préface de M. Pottecher qui eut également à pleurer la mort de "son" Jean (*). Livre sans doute rare car tiré hors commerce et à très peu d'exemlaire ; le mien porte le lettre G manuscrite !
**Et bien sur leurs idées ont évolué au gré des évènements.**
Bien sûr Bruno. Plus précisément, elles se sont nuancées, surajoutées, en plusieurs strates. Au fil des évènements, des faits, de la pression, une tonalité dominait avant d'être chassée par une autre, dictée par de nouveaux évènements, à son tour elle-même étouffée - momentanément - par un autre état d'esprit... et ainsi de suite.

Mais le fond de la pensée restait souvent le même, agissant un peu comme un liant solide permettant de faire cohabiter dans le temps et dans la tête des sentiments souvent extrêmes et parfois contradictoires... Et c'est ainsi qu'à l'abattement succédait le sentiment de puissance, cédant le pas au désinterssement, puis

Jean, dont on a lu les premières lettres un peu plus haut, conserva tout au long de sa vie au front la même volonté de bien faire, "d'être à la hauteur" toujours. Ca, c'est ce qui soutenait tout le bonhomme... Les fondations, quois... Mais cela ne l'empêchait pas, comme les autres, de souffrir, de récriminer, de haïr la guerre, de vouloir rentrer voir ses parents, d'être las...

Quelques mots là-dessus de Jean :

17 juin 1915, à ses parents :
"[...] Ce qu'elle contient d'ennui cette cagna ! Ce qu'elle dit de jeunesse perdue (**) ! Mais avec une gaie résignation, il est vrai !"
13 octobre 15, à son père :
"[...] La guerre est laide tout le temps."
9 mai 1916, à sa soeur :
"[...] Je te remercie de m'avoir affectueusement rappeler mes 21 ans, auxquels j'avais oublié de penser. Majeur ? Homme libre responsable. Non, servitude militaire, armé d'une pénible et piètre expérience qui n'est pas celle de la vie."
Quelques jours avant, à son père :
"[...] Pour moi, je porte à mon métier moins d'intérêt que jamais. Je souffre du vide moral que quelques lectures au galop ne comblent pas, du stupide de l'affaire et de l'obligation constante à être meurtrier. Je te parle franchement, mon papa, de la stupidité d'être occis... comme à un vieil ami. Cependanr, je cotinuerai à faire mon travail et à m'offrir tout au danger à l'occasion."
Amicalement,

Stéphan

(*) J. Pottecher, "Lettres d'un fils", Emile Paul, 1926 et de son père, M. Pottecher : "Un d'eux, nommé Jean", J. Snell, 1926.

(**) Cela rappelle bougrement les quelques lignes de J. Meyer concluant sa préface à "La Guerre, mon vieux..." ainsi: "La guerre mon vieux, c'est notre jeunesse ensevelie et secrète."
ICI > LE 74e R.I.
Actuellement : Le Gardien de la Flamme

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alain chaupin
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Re: Maman, tais-toi.

Message par alain chaupin »

Bonjour Stéphan
A mon avis, il n'y avait que le sentiment de patriotisme qui pouvait justifier leur présence dans ce traquenard, et il fallait ne rien laisser paraître vis à vis de la famille, la mort au combat, face à l'ennemi était l'issue honorable souhaitée !
Beaucoup l'ont envisagée en ayant soin d'écrire une dernière lettre qu'ils tenaient constamment sur eux.
Jean vient de nous en donner un exemple très émouvant.
Bien cordialement
Alain
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Nico56
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Re: Maman, tais-toi.

Message par Nico56 »

Bonsoir à tous, bonsoir Alain

Je ne suis pas d'accord.. Je pense que beaucoup de soldats ne se sont pas "retrouvés dans ce traquenard par patriotisme" mais tout simplement parce qu'ils n'avaient pas le choix !!!

Allez demander à un breton de 22 ans en août 14 si il a envie d'aller à la guerre en pleine saison des moissons?
Je pense que le pragmatisme était plus de rigueur que l'héroisme. Je ne conteste pas un esprit patriotique. Un même uniforme, un même drapeau ca forge l'idée de patrie.
Evidemment il y a la culture anti-germanique, la culture patriotique développée sous la IIIe république mais rappelons tout de même que la guerre n'a pas ammené de scènes de liesses collectives. Dans beaucoup de lettres que je possède je vois des jeunes dire qu'ils souhaitent rentrer au plus vite chez eux, pas qu'ils veulent mourir pour la France.
Je pense que travail de l'Historien et de toute personne qui veut défendre la mémoire collective est surtout de ne pas généraliser un sentiment perceptible.
Evidemment on ne peut être qu'ému du patriotisme affiché dans certaines lettres. Je pense néanmoins qu'il faut se replonger dans le contexte patriarcal de l'époque. La famille, les parents sont un socle auprès duquel on on veut faire bonne figure et surtout on veut les préserver. Combien de fois dans les correspondances voit on des poilus dire : "Ma santé est bonne tout va pour le mieux !". Il suffit de regarder la date, le N° de régiement et on peut vite se rendre compte que ce soldat est en zone critique.
Quoi de plus naturel que de protéger ses proches en leur épargnant les horreurs de la guerre.

Evidemment ce n'est que mon humble avi ;) :pt1cable:
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