Je reviens avec quelques lignes de Jean. Mais avant, voici les références du livre duquel je les extrais :
"Les lettres de Jean, fantassin", Imprimerie Nouvelle L'Avenir, Nevers, 1921, 187 p.
Ce livre, voulu par la famille de Jean, donne les lettres qu'il envoya du front à ses parents et à quelques amis. Elles sont précédées d'une préface de M. Pottecher qui eut également à pleurer la mort de "son" Jean (*). Livre sans doute rare car tiré hors commerce et à très peu d'exemlaire ; le mien porte le lettre G manuscrite !
Bien sûr Bruno. Plus précisément, elles se sont nuancées, surajoutées, en plusieurs strates. Au fil des évènements, des faits, de la pression, une tonalité dominait avant d'être chassée par une autre, dictée par de nouveaux évènements, à son tour elle-même étouffée - momentanément - par un autre état d'esprit... et ainsi de suite.**Et bien sur leurs idées ont évolué au gré des évènements.**
Mais le fond de la pensée restait souvent le même, agissant un peu comme un liant solide permettant de faire cohabiter dans le temps et dans la tête des sentiments souvent extrêmes et parfois contradictoires... Et c'est ainsi qu'à l'abattement succédait le sentiment de puissance, cédant le pas au désinterssement, puis
Jean, dont on a lu les premières lettres un peu plus haut, conserva tout au long de sa vie au front la même volonté de bien faire, "d'être à la hauteur" toujours. Ca, c'est ce qui soutenait tout le bonhomme... Les fondations, quois... Mais cela ne l'empêchait pas, comme les autres, de souffrir, de récriminer, de haïr la guerre, de vouloir rentrer voir ses parents, d'être las...
Quelques mots là-dessus de Jean :
17 juin 1915, à ses parents :
13 octobre 15, à son père :"[...] Ce qu'elle contient d'ennui cette cagna ! Ce qu'elle dit de jeunesse perdue (**) ! Mais avec une gaie résignation, il est vrai !"
9 mai 1916, à sa soeur :"[...] La guerre est laide tout le temps."
Quelques jours avant, à son père :"[...] Je te remercie de m'avoir affectueusement rappeler mes 21 ans, auxquels j'avais oublié de penser. Majeur ? Homme libre responsable. Non, servitude militaire, armé d'une pénible et piètre expérience qui n'est pas celle de la vie."
Amicalement,"[...] Pour moi, je porte à mon métier moins d'intérêt que jamais. Je souffre du vide moral que quelques lectures au galop ne comblent pas, du stupide de l'affaire et de l'obligation constante à être meurtrier. Je te parle franchement, mon papa, de la stupidité d'être occis... comme à un vieil ami. Cependanr, je cotinuerai à faire mon travail et à m'offrir tout au danger à l'occasion."
Stéphan
(*) J. Pottecher, "Lettres d'un fils", Emile Paul, 1926 et de son père, M. Pottecher : "Un d'eux, nommé Jean", J. Snell, 1926.
(**) Cela rappelle bougrement les quelques lignes de J. Meyer concluant sa préface à "La Guerre, mon vieux..." ainsi: "La guerre mon vieux, c'est notre jeunesse ensevelie et secrète."