Bonjour à tous,
• Le Matin, n° 12.164, Lundi 18 juin 1917,
p. 2, en rubrique « Sur mer ».
« Le torpillage du " Sequana "
Encore une fois les marins du commerce ont donné une preuve admirable de leur courage
Nous avons relaté la perte du paquebot Sequana de la Compagnie Sud-Atlantique, torpillé dans les parages de l’île d'Yeu par un sous-marin ennemi, alors qu’il revenait de Buenos-Aires. Voici quelques détails sur ce torpillage qui montrent, encore une fois, quel courage et quel sang-froid nos marins du commerce savent témoigner dans les circonstances tragiques.
Le Sequana avait à son bord 100 hommes d'équipage, 166 passagers, dont 70 femmes et enfants, et 400 tirailleurs, embarqués à Dakar. Dès son départ de la côte d'Afrique, des exercice de mise au poste d'é-vacuation avaient été exécutés à bord. Aussi lorsque, le 8 juin à 2 heures du matin, le paquebot fut frappé à tribord par une torpille, aucune panique ne se produisit, bien que tout le monde eût été ré-veillé en sursaut par un choc et une explosion formidables. Chacun se rendit à son poste et l'évacua-tion du bâtiment s'accomplit avec ordre et méthode. Les femmes et les enfants furent descendus les premiers dans les embarcations.
Le commandant Prudent [Lire : « Prudenti »] s'est conduit d'une façon admirable. Il ne pouvait songer à échouer son navire sur l'île car la machine était déjà pleine d'eau. Il demeura résolu sur la passerelle et, lorsque le sous-marin émergea, après le torpillage à l'arrière du Sequana, le commandant fit ouvrir le feu sur lui. Trois coups de canon furent tirés. Il quitta le bord le dernier, alors que l'eau atteignait le pont supérieur. Englouti par le remous du navire qui s'enfonçait rapidement, il fut heureusement re-cueilli par un radeau.
Avec le commandant était resté à bord le contrôleur des services maritimes postaux Béretti, qui mal-gré la hauteur de l’eau qui atteignait le premier pont, alla prendre ses deux sacs de valeurs déclarées pour les remettre à des matelots déjà embarqués dans le canot numéro 2.
On essaya de lancer des radeaux à la mer. Le troisième radeau sur lequel se trouvait le contrôleur Bé-retti fut aspiré par les remous de la mer et s'engloutit. Quoique blessé aux jambes, le fonctionnaire des postes put s'accrocher à une planche et s'y maintenir jusqu'à ce qu'on le sauvât. Le docteur Désirat et le deuxième capitaine Étienne rivalisèrent de sang-froid dans le lancement des radeaux. L'officier mécanicien Plachot ne quitta la chambre des machines que lorsqu'elle fut envahie par les eaux.
Tous les passagers, sauf deux, ont pu atterrir à l’île d'Yeu, sur les canots du navire. Ceux qui avaient pris place sur les radeaux sont restés pendant huit heures en mer et ont été recueillis par des chalu-tiers de Port-Breton.
190 Sénégalais ont péri dans cette catastrophe. »
• Le Temps, n° 20.435, Lundi 18 juin 1917,
p. 2, en rubrique « Sur mer ».
« Le torpillage du " Sequana "
Voici dans quelles circonstances s’est produit le torpillage du paquebot Sequana, de la Compagnie Sud-Atlantique, qui a coûté la vie à 190 personnes.
Le navire, suivant les instructions reçues, était passé, dans la nuit du 7 au 8 du courant, devant l'es-tuaire de la Gironde, se dirigeant vers le Nord. Il devait, à un certain moment, revenir en arrière, en suivant une route sans doute sillonnée de patrouilleurs, pour gagner Bordeaux.
A son passage devant l'île d’Yeu, un sous-marin, dont rien n'avait pu révéler la présence, lui lança une torpille qui, l'atteignant dans sa partie centrale, pénétra dans les soutes, où l'eau, par de larges brè-ches, s'engouffra bientôt, pour, de là, envahir les chambres des machines et provoquer la perte rapide du bâtiment.
Pourtant, l'énergie et le sang-froid du commandant Prudent [Lire : « Prudenti »] et de l'équipage avaient permis de mettre à la mer les embarcations, où s'étaient entassés une bonne partie des passa-gers et du personnel du bord. Les 35 femmes que portait la Sequana et une trentaine d'enfants furent sauvés.
La Sequana avait à son bord 100 hommes d'équipage, 166 passagers, dont 70 femmes et enfants, et 400 tirailleurs embarqués à Dakar. Dès son départ de la côte d'Afrique, des exercices de mise au poste d'évacuation avaient été exécutés à bord. Aussi lorsque, le 2 juin, à 2 heures du matin, le paquebot fut frappé à tribord par une torpille, aucune panique ne se produisit, bien que tout le monde eût été ré-veillé en sursaut par un choc et une explosion formidables. Chacun se rendit à son poste et l'évacuation du bâtiment s'accomplit avec ordre et méthode. Les femmes et les enfants furent descendus les pre-miers dans les embarcations.
Le commandant Prudent resta à bord avec le contrôleur des services maritimes postaux Béretti, qui, malgré la hauteur de l'eau qui atteignait le premier pont, alla prendre ses deux sacs de valeurs dé-clarées pour les remettre à des matelots déjà embarqués dans le canot numéro 2.
La plupart des survivants ont été hospitalisés à Saint-Nazaire et, de là, ont gagné par groupes Bor-deaux. Nous en avons vu plusieurs qui tous s'accordent à louer la belle et courageuse attitude du commandant et de ses matelots.
La Sequana, ex-City-of-Corinta, était un navire en acier construit à Belfast en 1908. Sa longueur était de 131 mètres et sa largeur de 14. Il avait 8 mètres de creux. Son déplacement brut était de 5.567 tonneaux et ses machines développaient une force de 3.500 chevaux. Il desservait la ligne de Bordeaux ~ La Plata. »
• Le Temps, n° 20.437, Mercredi 20 juin 1917,
p. 1, en rubrique « Sur mer ».
« Le torpillage du " Sequana " et la censure
La Petite Gironde et d'autres journaux de Bordeaux protestent contre la censure bordelaise et la censure centrale, qui ont empêché tout dernièrement la publication de tout récit sur le torpillage de la Sequana, alors que Le Temps et les journaux de Paris ont pu donner d'amples détails sur les circons-tances dans lesquelles s'est produit le torpillage du paquebot de la Compagnie Sud-Atlantique.
" Le remède, dit la Petite Gironde, est à la portée de la censure centrale. C'est d'avoir assez de con-fiance en ses représentants locaux pour assurer Ie contrôle libre dans la province libre. Ce serait la première réforme de décentralisation, en attendant les autres. Il est peut-être excessif, surtout à pro-pos de la Sequana, d'attribuer aux eaux lustrales de la Seine une vertu purificatrice, qu'elles n'ont ja-mais, hélas ! possédée. " »