Bonjour,
Ayant eu un peu de temps disponible, je me suis intéressé à ce secteur qui, comme l'écrit Frédéric Radet, reste un secteur (secteur Heurias) peu connu.
Voici la succession des unités qui l'ont occupé, aménagé, tenu, du 22 février 1916 au 15 décembre 1916. En gardant à l'esprit qu'il s'agit d'un secteur de première ligne, en contre-pente, hâtivement aménagé, souvent bouleversé.

carte tirée du livre « Verdun » de JH Lefèvre, pages 360-361
en rouge, l'avance extrême en juillet. La tranchée des Caurette est à la charnière de tous les mouvements de l'année 1916.
25 février : Le
85e RI (31e Brigade) occupe la ferme d’Haudromont et tente d’endiguer l’avancée ennemie sur Louvemont.
26 février : Ecrasé par le nombre des assaillants, le 85e recule à la lisière du bois au sud de la ferme. Le 85e RI a perdu plus de 900 hommes en 2 jours.
27 février : Le
8e RI (2e DI, 4e Brigade) relève le 85e RI et combat à la lisière sud du bois de sapin, au sud de la ferme d’Haudromont, perdant beaucoup d’hommes par balles : les pertes s’élèvent à 584 hommes. Le lendemain, aux mêmes emplacements, le 8e RI perd encore plus de 300 hommes.
29 février : Pétain demande la défense « à tout prix » de la ligne comprenant Haudromont.
1er mars : le
146e RI relève le 8e RI et commence des travaux : « les travaux d’organisation de la position se poursuivent dans la mesure du possible, les outils sont rares et le matériel fait complètement défaut ». Dans les jours qui suivent, les reconnaissances indiquent que la ligne allemande est à moins de 80 m, et que l’adversaire se retranche également et pose un premier réseau de fils de fer.
9 mars : le 146e RI arrête une attaque, préparée par minenwerfer de gros calibre.
10 mars : Le
151e RI (42e DI) relève le 146e RI et nous livre une première carte :
« le régiment a pris un secteur de fin de combat ou tout est à organiser, les tranchées ne sont qu’ébauchées (de 60 à 80 centimètres par endroits) »
12 mars : le 151e RI pose les premiers fils de fer et amorce une tranchée de soutien. Chaque journée de travaux donnera son lot de tués et blessés. Le JMO en donne la liste nominative.
16 mars : « toues les tranchées sont à profil normal, la tranchée de soutien est creusée. Tout le front de 1ère ligne est garni sur toute sa longueur d’un réseau de fil de fer barbelé dont l’épaisseur varie de 5 à 15 mètres »
18 mars : « les premières lignes qui jusque-là n’avaient encore été soumises à aucun tir de l’artillerie ennemie commencent à subir un tir précis de 77 et de 105 »
29 mars : Le
116e RI (22e DI, 33e CA) relève le 151e RI.
« le sous-secteur d’Haudromont laissé par le 151e RI est en bonne voie d’organisation, il existe une bonne 1ère ligne avec défenses accessoires, la ligne de soutien et la 1ère ligne de la position n°1 sont bien creusées, mais il reste néanmoins dans l’ensemble du secteur de sérieux travaux à effectuer tant au point de vue tranchée que défenses accessoires, boyaux de communication et abris ». Les travaux des jours suivants occasionnent des pertes minimes comparées à celles du 151e RI, malgré un bombardement quotidien, mais plus concentré au sud sur le bois Nawé.
17 avril : Après un intense bombardement, l’ennemi prend pris pied dans le boyau Nourisson et la tranchée Balfourier (mais aussi Canodt, Renaud, Bousquin), et de là lance des grenades dans la carrière. Le boyau Rémy est complètement nivelé.
18 avril : les Allemands construisent une tranchée perpendiculaire à la tranchée Nourisson. Le 116e RI reçoit l’ordre de progresser à la grenade dans la tranchée des Caurettes, et réussit à reprendre 15 mètres dans la tranchée Balfourier, où elle reçoit des obus français. La carrière d’Haudromont doit être évacuée, le JMO du 116 contient de longs rapports pour justifier ce recul malgré l’ordre de « tenir à tout prix ». L’une des compagnies n’a plus que 4 hommes.
21 avril : Une attaque du 116e , renforcée par la 12e cie du
117e RI,permet de reprendre les tranchées Moisson et des Caurettes jusqu’au boyau Mercier, boyau Nourisson et une partie du boyau Bablon, ainsi que la carrière, qui est rapidement rendue intenable par les tirs des 2 artilleries.
22 avril : le
30e RI relève le 116e RI, de Haudromont à Thiaumont.
A nouveau « les travaux d’organisation de tranchées et la construction d’abris sont poussés très activement . L’ennemi bombarde d’une façon continue ».
30 avril : Le
416e RI relève le 30e RI. et mentionne un bombardement continu bouleversant les positions. Son JMO donne l’état nominatif de ses pertes quotidiennes.
10 mai : le
30e RI reprend la première ligne.
12 mai : relève du 30e RI par bataillons : 1er par le
107 RI (23e DI, 46e Bde) , 2e par le
69 BCP, 3e par le
361e RI. Le bataillon du 107 attaque le soir même les tranchées Nourisson et Mercier. Le JMO du 107e donne l’état nominatif des pertes.
15 mai : Le
65e BCP (112e Bde) relève les éléments du 107e RI, occupant les premières lignes de tranchée des Caurettes au boyau Rémy. Le JMO du 65e BCP donne ce premier croquis :
A nouveau « les travaux sont poussés activement en particulier amélioration des abris individuels qui sont creusés presque à la hauteur du sol de la tranchée, étroits et profonds, approfondissement des boyaux et tranchées, pose de fil de fer … les travaux sont gênés par le manque de matériel »
21 mai : fin de la relève de la 35e DI par la 56e DI pour l’attaque du 22. (voir aussi 36e DI)
« Mission du 65e BC a/ tenir à tout prix et quoi qu’il arrive le secteur qui lui est confié b/ aider le 69e BC dans la mesure du possible ». Le 69e BCP à droite doit attaquer la tranchée Balfourier.
Second croquis du JMO du 65e BCP :
A midi, le 69e BCP a conquis la tranchée Balfourier, l’après-midi se passe en lutte à la grenade sur tout le secteur des 65e et 69e BCP, les tranchés sont prises sont un bombardement intense, qui dure les jours suivants, surtout sur la tranchée Rémy.
23 mai : Le 350e RI relève des éléments du 69e BCP (boyaux Mercier et Nourisson) et subit des pertes dont le JMO donne l’état nominatif.
Carte du JMO du 350e RI :
JMO 350e RI : « très violent bombardement des Allemands jusque vers 16h30, heure à laquelle ils dirigent une attaque à la grenade vers l’extrémité est de la tranchée des Caurettes … la cie Chapuis, dont la plupart des fusils ont été enfouis ne peut arrêter les Allemands qui pénètrent dans la tranchée de cette cie et progressent vers l’est de la tranchée Balfourier »
24 mai : A 1h du matin, une compagnie du
350e RI relève la 10e cie du 65e RI, sur la partie est de la tranchée des Caurettes. A droite le 350e RI résiste difficilement à la poussée adverse, au soir il ne lui reste plus qu’une douzaine d’hommes dans la tranchée Balfourier. Pour cette première journée d’engagement, le 350e RI a perdu plus de 200 hommes.
25 mai : Des éléments du
326e RI viennent en renfort (tranchée Moisson). La poussée allemande achève de reprendre la tranchée Balfourier, aborde la tranchée des Caurettes, le boyau Rémy est nivelé. (12e CA)
26 mai : La 151e DI mise à disposition du 12e CA. Le 326e RI reprend le boyau Rémy et occupe les tranchée Moisson et Voisin. A sa relève le 28, le 326e RI aura perdu plus de 200 hommes.
27 mai : Le 2e bataillon du
403e RI (151e DI, 301e Brigade) relève le 65 BCP (et le 350e RI le 28 au soir). Le 65e BCP donne un dernier croquis des positions qu’il quitte :
en rouge, les positions du 350e RI (1&2) et 326e RI (3).
un aperçu du terrain dans les mois suivants :
Plan directeur d’octobre :
JMO du 403e RI : « un seul boyau bouleversé conduisant du PC Theilaut ( PC du colonel, ouvrage C3) au 3e bataillon, une piste menait au 2e bataillon. La tranchée des Caurettes existait réellement mais sans défenses accessoires, la tranchée Masson et le boyau Rémy n’existaient que de nom et n’étaient que des trous d’obus juxtaposés où les hommes étaient immobilisés pendant le jour aucune défense accessoire – solution de continuité dans la ligne – aucune communication avec l’arrière »
28 mai – « violent bombardement vers la tombée de la nuit, fusillade, tir de mitrailleuses combats à la grenades dans le secteur du 2e bataillon.
Dès la tombée de la nuit le régiment commence l’organisation de son secteur et poursuivra avec la plus grande activité jusqu’à son départ… création de la tranchée Masson, boyau Remy, une tranchée de soutien, boyau Lenoth et son prolongement jusqu’à la tranchée des Lisières, création de boyaux reliant les deux lignes, réfection des boyaux de communication avec le bataillon de droite, réfection de l’ouvrage C3 en entier, pose de défenses accessoires en avant de la première ligne, entre la première ligne et la tranchée de soutien, etc. »
30 mai – « pendant toute la journée bombardement systématique et continu qui démolit les organisations et cause des pertes assez importantes. »
3 juin – « combats à la grenades au bord du ravin de la Goulette, nos patrouilles envoyées en avant de la tranchée Rémy sont accueillies par une vive fusillade ».
Au 10 juin, le JMO du GBD de la 21e DI, mis à disposition, précise que les inhumations des corps rapportés se font au cimetière Bevaux, sous la direction d’un officier d’état civil du GBD, qui ouvre un carnet du champ de bataille.
13 juin –Les
120e BCP et
106e BCP relèvent le 403e RI qui note fièrement que « tous nos morts furent ramenés en arrière des premières lignes pour y être enterrés, grâce au dévouement des brancardiers (près du PC M6, le 410 a enterré 117 des siens, chacun a sa tombe et son croquis) ».
120e BCP :

carte AFGG
15 juin – « les tranchées et boyaux, constamment bouleversés par un bombardement de gros calibre, rendent leur occupation très pénible »
« pas de fil de fer, aucun obstacle en avant des lignes. Le bataillon est en alerte constante et reçoit de l’ennemi des feux de front et de flanc »
18 juin – « l’artillerie bombarde incessamment nos tranchées avec 105 et 150… la plupart des boyaux sont démolis, en particulier dans le secteur de la 2e cie où la tranchée est nivelée sur une longueur de 100 mètres »
20 juin – « les Allemands bombardent violemment nos lignes, spécialement les tranchées Rémy et Masson, causant des pertes sérieuses (10 tués, 16 blessés) »
23 juin « jusqu’à 7 heures, le marmitage augmente sans cesse, devient d’une intensité inouïe, des obus de gros calibre sillonnent l’espace, on dirait de véritables tramways aériens … en raison de l’attaque allemande le bataillon a été constamment en état d’alerte et soumis à un très violent bombardement, en particulier les deux sections de mitrailleuses, placées dans le ravin de la Dame, aux deux extrémités du boyau Lenoth … un obus de gros calibre tombe sur un abri à la bifurcation des boyaux Lenoth et Douaumont nous causant des pertes cruelles » suit d’ailleurs une rare critique de l’EM …
24 juin – « très grande activité allemande qui arrose abondamment les tranchée le Mantec, Voisin, Lenoth »
25 juin « bombardement habituel par 105 et 150 »
26 juin «l’artillerie allemande continue le bombardement systématique de nos lignes et démolit nos travaux dès qu’ils sont entrepris »
1er juillet « bombardement lent et continu de nos tranchées et boyaux dont beaucoup sont bouleversés »
5 juillet : le
58e RI relève le 120 BCP. Le 58e RI note que « l’organisation défensive du bois d’Haudromont est tout à fait embryonnaire, pas d’abris, pas d’éléments de tir, des tranchées de 1 mètre de profondeur seulement, aucune circulation ou communication avec l’arrière n’est possible pendant le jour ». La tranchée des Caurettes n’est mentionnée qu’au 20 juillet : « assez grande activité de l’artillerie allemande. Toutes les tranchées du sous-secteur d’Haudromont, sauf la tranchée des Caurettes,sont complètement nivelées parles obus de 210 »
27 juillet : « tir de démolition peu nourri sur la tranchée des Caurettes. »
2 août : « bombardement violent du bois d’Haudromont »
14 août : « le sous secteur d’Haudromont reçoit de nombreuses torpilles de gros calibre »
16 août : le
11e RI relève le 58e RI et entreprend des travaux de réfection.
20 août : « bombardement habituel. Continuation des travaux, notamment des abris et des boyaux à Haudromont »
25 août : « bombardement intense notamment sur le 1er bataillon (Haudromont) »
30 septembre : « des travaux importants sont commencés dans le quartier d’Haudromont avec l’aide de 80 travailleurs du 20e et de 120 hommes du 207e (approfondissement de la tranchée Rémy, des boyaux de Louvemont, continuation du boyau Lenoth pour rejoindre la partie de ce boyau déjà faite dans le quartier de Nawé) »
8 octobre : Le
4e RI (pas de JMO) relève le 11e RI.
17 octobre : Le
82e RI relève le 4e RI et prépare les lignes d’attaque.
24 octobre – Le
20e RI vient occuper le quartier Heurias, de la côte du Poivre à la tranchée des Caurettes. Le 82e RI quitte le secteur ; le
11e RI (33e DI, prêté à la 36e DI) vient occuper les 1ères lignes sauf la tranchée des Caurettes, pour attaquer les carrières. « dans la matinée du 24, le régiment (11e RI) rassemblé dans l’étroit espace des tranchées de départ, subit un violent bombardement qui lui causa des pertes très sensibles ». L’attaque est un succès, le 11e RI reconquiert les tranchées Nourisson, Balfourier et la carrière, le 20e restant dans la tranchée des Caurettes, en soutien.
Dans les jours qui suivent, le 20e RI note quelques bombardements violents « sur la croupe de Haudromont ».
25 novembre : Le
12e RI relève le 11e RI, sa 1ere compagnie dans la tranchée des Caurettes, faisant partie du quartier Heurias. Le 12e RI va préparer les positions pour l’attaque du 15 décembre.
27 novembre : « notre artillerie lourde bombarde les positions ennemies de la butte d’Haudraumont. L’artillerie ennemie fait un vive riposte sur le secteur de droite (tranchée des Caurettes) »
28 novembre : « l’ennemi effectue un violent tir de destruction sur nos nouveaux travaux qu’il a repéré. Tirs de 150 et de 210 sur les boyaux de Louvemont – ravins de Heurias et de la Goulette »
1er décembre : « a partir de 12h vif bombardement de nos positions de droite par l’artillerie lourde ennemie »
2 décembre : « bombardement violent de nos nouveaux travaux par l’artillerie lourde ennemie »
3 décembre : « nos positions de droite sont violemment bombardées (tranchées Rinck et Castaing- des Caurettes et boyaux de Louvemont, Blaincy et ravin de la Goulette). Le bombardement devient particulièrement intense à partir de 14h jusqu’à la nuit (obus de 150 – 210 et grosses torpilles) »
4 décembre : « à partir de 11h grande activité des artilleries. L’ennemi exécute des tirs de réglage et envoie des rafales d’obus de gros calibre (150 et 210) sur nos positions »
14 décembre : relève du 12e RI par le
RICM (quartier Heurias)
15 décembre : Le RICM atteint Louvemont vers 11h.
Après l'offensive de décembre 16, le secteur d’Haudromont ne sort pas complètement de l’histoire : les carrières et ravins sont aménagées et souvent bombardées – jusqu’en 1918, notamment par des obus toxiques.
Reste maintenant a éplucher les JMO des GBD se Services de santé de chaque division, corps d'armée, pour comprendre le traitement des corps en premières lignes.
Bonnes recherches,
Régis