Maintenant Ne me quitte plus d'une semelle, surveille tes défilements, sois furtif .
nous entrons dans Souain par les boyaux. nous sommes à moins de 300 mètres des tranchées ennemies.
Au-delà des murs, Ils ont de sacrées fines gachettes .
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Souain est incrusté au centre d' une cuvette baignée par le ruisseau de la Ain.
Il y a quelques mois, c'était un charme de village champenois .
Ils n'ont pas trainé, les boches! Pour nous en chasser, Ils ont démonté le village et l'église à coups de 210.
Bah! On ne doit pas le faire nous-mêmes:
On y récupère de bonnes poutres anciennes et des moellons pour nos guitounes de première ligne...
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...et des horloges champenoises pour tuer le temps...
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"l' heure dans les tranchées de 1è ligne, horloge réparée par les poilus."
vers la gauche,tu vois les hautes boursouflures de craie blanche sur la crête,
juste au-dessus des barricades ? ce sont les épitaphes de l'ancien moulin de Souain.
Tu en as sûrement entendu parler dans l'Illustration.
Nos obus l'ont moulu en farine pendant des mois. Nos mines du mois de mars l'ont éparpillé en miettes
sur plus de 100 mètres en largeur et 20 mètres en hauteur..
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Vers la droite, si le clocher de l'église existait encore, tu pourrais y observer les fortins ennemis du bois Sabot,
notre deuxième objectif ordinaire. Au-delà, ce sont les villages des Hurlus,Tahure, Massiges ...
Ces villages là, tu peux me croire, on les a fondus dans un sacré creuset d'enfer.
Je peux t'assurer que dans quelques mois, au rythme où çà va, ils se seront liquéfiés dans le sol.
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Perthes-les-Hurlus, aout 1915, photo de saint Marc.
Cà va? tu me suis? Tu as de la chance, c'est calme aujourd'hui !
On ne racontera pas grand chose dans le communiqué de presse de demain.
Marchons vers ce fameux Bois Sabot.Tu vas y rencontrer nos amis de l'infanterie
que nos batteries sont quotidiennement chargées de protéger.
Ah! voici les "Cellerier" du 247è , les Trompe-la-Mort de l'artillerie artisanale.
Pour inventer un mortier pareil, le capitaine Cellerier, il devait connaitre personnellement monsieur Viollet-Leduc.
Ceci dit sans le moquer,et nécessité de la guerre moderne faisant loi,
il y avait carence et urgence d'un bon lance-pierre !.
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[mg]
mesimages/9767/oudin116.jpg[/img] tu as vu les sacs de protection? la salve est aussi malsaine pour nos artificiers que pour les fâcheux d'en face.
Quand çà se passe bien, les bordées de nos Cellerier sont plus efficaces que nos rafales de 75
grâce à leur tir courbe et à la petite distance des objectifs, de quelques dizaines à quelques centaines de mètres.
Mais dans la minute qui suit, par mesure de représailles , nos gars se ramassent les bombes-retour des Minenwerfers boches
plus perfectionnées, à l' effet de souffle tout simplement terrifiant .
le coup de poing d'une Walkyrie !.
ce que j'en pense? Il est grand temps que nos ingénieurs modernisent cet engin médiéval et malsain .
en attendant , pas bon d'être les voisins de ces alchimistes-là...
Ah! voici l'entrée de la nouvelle sape:
Ici, les criards ne sont pas les bienvenus. parlons bas!
les oreilles de l'ennemi sont à moins de 60 mètres.
les braves taupiers du 225è d'infanterie donnent un coup de main aux sapeurs pour extraire
la craie du tunnel et l'épandre discrètement aux alentours.
Une grosse affaire est en préparation pour les semaines qui viennent.
Bientôt, Quand les géomètres jugerontque le tunnel est creusé dans le bon axe,
à la bonne distance et à la bonne profondeur,
juste sous la tranchée boche à 50 mètres, les artificiers rempliront les fourneaux de
quelques centaines de kilogs de mélinite.
Et Boum!
En attendant , Chuut!
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verso de la photo:" L'entrée du cheminement conduit à un fourneau de mine.
Le talus est protégé par des sacs à terre,
au-dessus, les réseaux de fils de fer, à droite, la continuation de la tranchée,
à gauche , l'ami officier du 225è, en conversation avec mon officier,
le sous-lieutenant Beguin,qui m'accompagne en observation.
Sur le linteau, tu peux lire, inscrit à la craie: "honneur aux combattants"
photo prise le 20 juin 1915. En face, le moulin de Souain."