Bonjour à toutes et à tous,
Bonjour Alain,
Les GC nous ont laissé une grande leçon de courage et d'humanisme. Chapeau!
Cordialement.
Jean RIOTTE.
Les Gueules Cassées.
Re: Les Gueules Cassées.
Bonsoir a tous, merci Alain, oui ils vivaient et parfois heureusement gaiement, mais surtout entre eux, il faut une préparation une formation pour affronter ce handicape, trouver le regard et les mots adaptés,la bonne volonté ne suffit pas ! chacun de nous a connu cela, le regard oui le regard c'est cela l'humain et sa normalité,pourtant les plus belles choses sont internes ,cela veux dire cachées, et pour les voir il faut s'approcher ! ils étaient prisonnier d'une apparence bien pire qu'une prison, j'écris cela juste pour essayer de comprendre leurs souffrances, mais j'en suis incapable ! bien cordialement , Jean-Louis.
Dites le a tous, " Il ne fait pas bon mourir".
- marcel clement
- Messages : 1862
- Inscription : mar. janv. 08, 2008 1:00 am
Re: Les Gueules Cassées.
Bonsoir à tous,
Je me permets de vous présenter une petite et bien partielle étude sur le parcours du blessé de la face.
Le parcours du blessé de la face :
11 à 14 % des blessés de la grande guerre sont des blessés de la face.
10 000 à 15 000 de ceux-ci ont été des grands blessés.
La modernisation de l’armement, éclats d’obus, shrapnells, grenades à fragmentation, grande vitesse des balles autant d’éléments qui ont été plus destructeurs que pendant les guerres antérieures. La proximité et la relative immobilité des combattants enterrés face à face, quelques fois à seulement une vingtaine de mètres les uns des autres, dans leurs tranchées,tout cela a contribué à augmenter la gravité et l’importance des lésions des blessés de la face ainsi que leur nombre.
Le brancardier :
Le premier contact du blessé de la face était le brancardier qui devait le transporter au poste de secours et lui appliquer le premier pansement.
Sophie Delaporte rapporte dans son livre ce récit d’un brancardier :
« Il est mort, Mais cet autre non. Et c’est bien pis. Comment un éclat d’obus seul a pu faire une telle blessure ! Oh cachez cette face hideuse, cachez là. Je détourne les yeux, mais j’ai vu et je n’oublierai pas, dussé-je vivre cent ans. J’ai vu un homme qui à la place du visage avait un trou sanglant. Plus de nez, plus de joues ; tout cela avait disparu, mais une large cavité au fond de laquelle bougent les organes de l’arrière-gorge. Plus d’yeux mais des lambeaux de paupières qui pendent dans le vide. Cachez ce masque d’horreur ……et cet autre au profil de fouine dont le maxillaire inférieur a été emporté ... »
Pourtant ce brancardier emploie des termes médicaux et il devait sûrement être un jeune étudiant en médecine. Terrible et dangereux travail que celui de brancardier sur le front.
On peut penser que devant l’horreur de ces blessures de nombreux blessés de la face n’ont été relevés que très tardivement, ou même laissés pour mort.
Cela a été le cas d’Albert JUGON qui sera l’un des pères fondateurs des G. C.
Ayant eu la moitié de la figure emportée, un œil crevé, les maxillaires fracassés, il reçut l’absolution et demanda à être emporté en dernier.
Ceci nous permet aussi de remarquer dès maintenant la différence importante entre l’aspect abominable de la blessure et son taux de mortalité. Car les blessés de la face avaient souvent de grandes chances de survivre. Les deux complications immédiates les plus redoutables étaient l’hémorragie ( artère linguale ) ou l’étouffement par obstruction des voies aériennes.( rupture des attaches de la langue , chute d’un corps étranger dans la trachée.). Au début du conflit, nombre de blessés de la face arrivent à l’arrière avec une trachéotomie et aucun trachéotomisé ne survécut . Puis,la prise en charge et le transport s’améliorèrent.
Par contre, les retards dans le transport et dans l’application des premiers soins avaient comme conséquences toute une série de complications secondaires qui seront d’autant plus longues et difficiles à traiter que le délai initial sera plus long.
Au poste de secours :
C’est la phase nettoyage, désinfection, premier véritable pansement.Au début les chirurgiens et les médecins ont eu tendance à vouloir enlever les lambeaux, à débrider, drainer, régulariser puis sur la demande de leurs confrères de l’arrière spécialisés dans ce type de chirurgie reconstructrice, il leur a été demandé d’en faire le moins possible, d’être le plus conservateur possible pour ne pas compromettre la future reconstruction.
La aussi, du moins au début, nombre de blessés de la face furent mis de côté et placés avec les cas désespérés et donc évacués très tardivement.
Sophie Delaporte rappelle que le Docteur Tuffier rapporte que sur un échantillon de 20 blessés de la face, le délai moyen entre la date de la blessure et l’arrivée à l’ambulance était de 42 jours.
A l’ambulance :
Ce n’est qu’en 1918 que les ambulances furent renforcées par du personnel spécialisé en chirurgie maxillo-faciale.
Pour les mutilations faciales, l’infection est la règle compliquée par des écoulements salivaires importants. Il fallait donc laver, irriguer ces blessures, changer toutes les deux heures environ les pansements car les plaies faciales se réinfectent facilement.
Par contre aucun cas de gangrène gazeuse n’a jamais été observé pour aucun de ces blessés. Ceci étant dû à la qualité de la vascularisation de la face et au fait que ces blessures étaient largement ouvertes.
Vers le 12 ème jour les tissus avaient tendance à se cicatriser mais devenait durs et cassants en formant des travées fibreuses qui nécessitait l’intervention des masseurs de l’époque.
Souvent des cicatrices vicieuses se constituaient et retardaient considérablement la guérison et la récupération de la mastication.
Le centre spécialisé de l’arrière :
Enfin notre malheureux piou-piou arrive au centre spécialisé de l’arrière.
Ce n’est qu’à partir de 1916 que furent vraiment opérationnels ces centres spécialisés.
La chirurgie restauratrice procéda par étapes successives et progressa lentement car il fallait innover et trouver de nouveaux moyens pour traiter ce type de blessés.
Les deux complications fonctionnelles les plus redoutables étaient la pseudarthrose, absence de consolidation des fractures des mâchoires et la constriction des mâchoires, une forme de contraction permanente des muscles. Les deux rendaient la mastication et une alimentation normale impossible.
Petit à petit, les chirurgiens firent de remarquables progrès et la mise au point de la greffe ostéopériostique de Dr Delagenière fut certainement le plus notable. En simplifiant on peut dire qu’elle consiste à prélever un morceau d’os ( greffon ) sur le tibia du patient pour servir à reconstituer les mâchoires.
Les techniques de greffe cutanées évoluèrent aussi jusqu’à la remarquable autoplastie de Defourmantel. ( auto-greffe )
Mais beaucoup de ces malheureux gardaient des séquelles fonctionnelles et esthétiques et bien sur psychologiques très importantes.
Les blessés qui présentaient des mutilations faciales non-réparables ou totales devaient porter des prothèses, des postiches, des masques et certains continuèrent à dissimuler toute leur vie leur mutilation par des pansements. Ceux-ci étaient certes très visibles mais parfois préférables à une prothèse qui comme le faisait remarquer un des médecins spécialistes de l’époque « ajoute le ridicule à l’horreur »
Les blessés de la face étaient soumis à des traitements à répétition et à de très nombreuses interventions. La reconstruction d’un visage demandait en moyenne deux ans de traitement et parfois jusqu'à quatre ans et plus.
Puis venait la difficile ou impossible réinsertion dans la famille ou dans la société.
Conclusion :
Cinq mutilés de la face furent placés près de la table ou devait être signé le traité de Versailles. Il s'agissait d'impressionner les plénipotentiaires et l'effet escompté fut obtenu. L'assemblée connut un moment de très vive émotion. Le Tigre lui même tint à venir leur serrer la main et leur dit " Vous étiez dans un mauvais coin, cela se voit" Des larmes coulaient alors de ses yeux que l'on disait froids et insensibles...
Ce court texte n’est qu’un petit résumé présentant le parcours du blessé de la face depuis le champ de bataille jusqu’au centre spécialisé.
Il est forcément partiel et très incomplet et bien d’autres aspects sont à étudier dans ce domaine.
Bibliographie :
SOPHIE DELAPORTE Gueules Cassées, les blessés de la face de la grande guerre. Editions France- Loisirs
Dr .Ch. LENORMANT Chirurgie de la tête et du cou. Paris, Masson, 1919.
Je me permets de vous présenter une petite et bien partielle étude sur le parcours du blessé de la face.
Le parcours du blessé de la face :
11 à 14 % des blessés de la grande guerre sont des blessés de la face.
10 000 à 15 000 de ceux-ci ont été des grands blessés.
La modernisation de l’armement, éclats d’obus, shrapnells, grenades à fragmentation, grande vitesse des balles autant d’éléments qui ont été plus destructeurs que pendant les guerres antérieures. La proximité et la relative immobilité des combattants enterrés face à face, quelques fois à seulement une vingtaine de mètres les uns des autres, dans leurs tranchées,tout cela a contribué à augmenter la gravité et l’importance des lésions des blessés de la face ainsi que leur nombre.
Le brancardier :
Le premier contact du blessé de la face était le brancardier qui devait le transporter au poste de secours et lui appliquer le premier pansement.
Sophie Delaporte rapporte dans son livre ce récit d’un brancardier :
« Il est mort, Mais cet autre non. Et c’est bien pis. Comment un éclat d’obus seul a pu faire une telle blessure ! Oh cachez cette face hideuse, cachez là. Je détourne les yeux, mais j’ai vu et je n’oublierai pas, dussé-je vivre cent ans. J’ai vu un homme qui à la place du visage avait un trou sanglant. Plus de nez, plus de joues ; tout cela avait disparu, mais une large cavité au fond de laquelle bougent les organes de l’arrière-gorge. Plus d’yeux mais des lambeaux de paupières qui pendent dans le vide. Cachez ce masque d’horreur ……et cet autre au profil de fouine dont le maxillaire inférieur a été emporté ... »
Pourtant ce brancardier emploie des termes médicaux et il devait sûrement être un jeune étudiant en médecine. Terrible et dangereux travail que celui de brancardier sur le front.
On peut penser que devant l’horreur de ces blessures de nombreux blessés de la face n’ont été relevés que très tardivement, ou même laissés pour mort.
Cela a été le cas d’Albert JUGON qui sera l’un des pères fondateurs des G. C.
Ayant eu la moitié de la figure emportée, un œil crevé, les maxillaires fracassés, il reçut l’absolution et demanda à être emporté en dernier.
Ceci nous permet aussi de remarquer dès maintenant la différence importante entre l’aspect abominable de la blessure et son taux de mortalité. Car les blessés de la face avaient souvent de grandes chances de survivre. Les deux complications immédiates les plus redoutables étaient l’hémorragie ( artère linguale ) ou l’étouffement par obstruction des voies aériennes.( rupture des attaches de la langue , chute d’un corps étranger dans la trachée.). Au début du conflit, nombre de blessés de la face arrivent à l’arrière avec une trachéotomie et aucun trachéotomisé ne survécut . Puis,la prise en charge et le transport s’améliorèrent.
Par contre, les retards dans le transport et dans l’application des premiers soins avaient comme conséquences toute une série de complications secondaires qui seront d’autant plus longues et difficiles à traiter que le délai initial sera plus long.
Au poste de secours :
C’est la phase nettoyage, désinfection, premier véritable pansement.Au début les chirurgiens et les médecins ont eu tendance à vouloir enlever les lambeaux, à débrider, drainer, régulariser puis sur la demande de leurs confrères de l’arrière spécialisés dans ce type de chirurgie reconstructrice, il leur a été demandé d’en faire le moins possible, d’être le plus conservateur possible pour ne pas compromettre la future reconstruction.
La aussi, du moins au début, nombre de blessés de la face furent mis de côté et placés avec les cas désespérés et donc évacués très tardivement.
Sophie Delaporte rappelle que le Docteur Tuffier rapporte que sur un échantillon de 20 blessés de la face, le délai moyen entre la date de la blessure et l’arrivée à l’ambulance était de 42 jours.
A l’ambulance :
Ce n’est qu’en 1918 que les ambulances furent renforcées par du personnel spécialisé en chirurgie maxillo-faciale.
Pour les mutilations faciales, l’infection est la règle compliquée par des écoulements salivaires importants. Il fallait donc laver, irriguer ces blessures, changer toutes les deux heures environ les pansements car les plaies faciales se réinfectent facilement.
Par contre aucun cas de gangrène gazeuse n’a jamais été observé pour aucun de ces blessés. Ceci étant dû à la qualité de la vascularisation de la face et au fait que ces blessures étaient largement ouvertes.
Vers le 12 ème jour les tissus avaient tendance à se cicatriser mais devenait durs et cassants en formant des travées fibreuses qui nécessitait l’intervention des masseurs de l’époque.
Souvent des cicatrices vicieuses se constituaient et retardaient considérablement la guérison et la récupération de la mastication.
Le centre spécialisé de l’arrière :
Enfin notre malheureux piou-piou arrive au centre spécialisé de l’arrière.
Ce n’est qu’à partir de 1916 que furent vraiment opérationnels ces centres spécialisés.
La chirurgie restauratrice procéda par étapes successives et progressa lentement car il fallait innover et trouver de nouveaux moyens pour traiter ce type de blessés.
Les deux complications fonctionnelles les plus redoutables étaient la pseudarthrose, absence de consolidation des fractures des mâchoires et la constriction des mâchoires, une forme de contraction permanente des muscles. Les deux rendaient la mastication et une alimentation normale impossible.
Petit à petit, les chirurgiens firent de remarquables progrès et la mise au point de la greffe ostéopériostique de Dr Delagenière fut certainement le plus notable. En simplifiant on peut dire qu’elle consiste à prélever un morceau d’os ( greffon ) sur le tibia du patient pour servir à reconstituer les mâchoires.
Les techniques de greffe cutanées évoluèrent aussi jusqu’à la remarquable autoplastie de Defourmantel. ( auto-greffe )
Mais beaucoup de ces malheureux gardaient des séquelles fonctionnelles et esthétiques et bien sur psychologiques très importantes.
Les blessés qui présentaient des mutilations faciales non-réparables ou totales devaient porter des prothèses, des postiches, des masques et certains continuèrent à dissimuler toute leur vie leur mutilation par des pansements. Ceux-ci étaient certes très visibles mais parfois préférables à une prothèse qui comme le faisait remarquer un des médecins spécialistes de l’époque « ajoute le ridicule à l’horreur »
Les blessés de la face étaient soumis à des traitements à répétition et à de très nombreuses interventions. La reconstruction d’un visage demandait en moyenne deux ans de traitement et parfois jusqu'à quatre ans et plus.
Puis venait la difficile ou impossible réinsertion dans la famille ou dans la société.
Conclusion :
Cinq mutilés de la face furent placés près de la table ou devait être signé le traité de Versailles. Il s'agissait d'impressionner les plénipotentiaires et l'effet escompté fut obtenu. L'assemblée connut un moment de très vive émotion. Le Tigre lui même tint à venir leur serrer la main et leur dit " Vous étiez dans un mauvais coin, cela se voit" Des larmes coulaient alors de ses yeux que l'on disait froids et insensibles...
Ce court texte n’est qu’un petit résumé présentant le parcours du blessé de la face depuis le champ de bataille jusqu’au centre spécialisé.
Il est forcément partiel et très incomplet et bien d’autres aspects sont à étudier dans ce domaine.
Bibliographie :
SOPHIE DELAPORTE Gueules Cassées, les blessés de la face de la grande guerre. Editions France- Loisirs
Dr .Ch. LENORMANT Chirurgie de la tête et du cou. Paris, Masson, 1919.
Re: Les Gueules Cassées.
bonsoir à tous et à toutes
merci pour toutes ces précisions
Comme l écrivait si bien Mireille , je n ose imaginer les soufffrances physique de tous ces hommes.
Peut etre pourrait on y associer celles des civils , ainsi au domaine du coudon réside encore une femme blessée au visage à l age de 4 ans durant le conflit .Connait on le nombre de " gueules cassées civiles"?
PS :J e vais essayer de me procurer un petit livre où les gueules cassées du Coudon livrent leur témoignage à des écrivains
A trés bientot
amicalement
corinne
merci pour toutes ces précisions
Comme l écrivait si bien Mireille , je n ose imaginer les soufffrances physique de tous ces hommes.
Peut etre pourrait on y associer celles des civils , ainsi au domaine du coudon réside encore une femme blessée au visage à l age de 4 ans durant le conflit .Connait on le nombre de " gueules cassées civiles"?
PS :J e vais essayer de me procurer un petit livre où les gueules cassées du Coudon livrent leur témoignage à des écrivains
A trés bientot
amicalement
corinne
corinne
- marcel clement
- Messages : 1862
- Inscription : mar. janv. 08, 2008 1:00 am
Re: Les Gueules Cassées.
Bonjour à tous,
Bonjour Corinne,
Je n'ai pas du tout de renseignements sur les G.C. civiles." Une femme blessée au visage à 4 ans ! ", et oui j'ai le tort d'oublier que dans ce conflit il y a eu aussi des victimes civiles...
Voilà un petit livre qui devait effectivement nous permettre de continuer à travailler ce fil. Merci à vous.
Un autre lien :http://www.memorial-de-verdun.fr/pdf/ce ... a_face.pdf
Un article du Docteur F.X. LONG sur les blessés de la face.
Amicalement,
Alain M C
Bonjour Corinne,
Je n'ai pas du tout de renseignements sur les G.C. civiles." Une femme blessée au visage à 4 ans ! ", et oui j'ai le tort d'oublier que dans ce conflit il y a eu aussi des victimes civiles...
Voilà un petit livre qui devait effectivement nous permettre de continuer à travailler ce fil. Merci à vous.
Un autre lien :http://www.memorial-de-verdun.fr/pdf/ce ... a_face.pdf
Un article du Docteur F.X. LONG sur les blessés de la face.
Amicalement,
Alain M C
- laurent provost
- Messages : 1043
- Inscription : lun. juin 11, 2007 2:00 am
Re: Les Gueules Cassées.
Bonsoir,
De retour de mes agapes archivistiques je vous communique la notice de Morestin trouvé dans Chanteclair de 1922.

Hippolyte Morestin
1869-1919
Fils d'un médecin de fort de france, à la Martinique, Hipolyte Morestin est né dans cette ville le 1 er novembre 1869; mais c'est à Paris qu'il fit ses études classiques et médicales.
Inscrit à a faculté en 1898 de médecine de paris en 1886, nous le trouvons déjà interne en 1888, c'est à dire , à peine agé de 19 ans, ayant réussi à son premiers concours. Quatre ans plus tard, en 1892 il était prosecteur; docteur en , 1894, avec une thèse sur les opérations qui se pratiquent par la voie sacrée; chef de clinique de Le Dentu.
Élève de Verneui, de Reclus, de Richelot et de le Dentu, il était chef de service à l'hôpital Saint Louis, en 1914, au moment où éclatait la guerre; il n'avait encore publié que de rare travaux, parmi lesquels nous devons noter la description des prolongements de la glande sublinguale qui font hernie à travers les insertions musculaires du Mylo_hyoidien; une pathogénie des grenouillettes sus-hyoidiennes, etc le chapitre consacré aux affectons chirurgicales de la face dans le nouveau traité e chirurgie de Le Dentu et Delbet.
Mais sur le terrain de la chirurgie militaire, Morestin se révélera rapidement un maître incomparable.
Anatomiste impeccable, opérateur d'une grande virtuosité, Morestin avait toujours montré un extrême préoccupation de n'altérer que le moins possible, par son bistouri, l'esthétique du corps humain. C'est ainsi qu'il avait recommandé d'ouvrir les abcès du sein par la voie auxiliaire, et de faire dans l'opération de l'appendicite l'incision dans la partie velue du pubis.
Il était ainsi préparé à devenir le chirurgien des blessés de la face, dont le service lui était bientôt confié au Val de Grâce, et où il a accompli des prodiges de restauration faciales et crânienne, qui lui valurent une notoriété extraordinaire.
Simple infirmier au moment de la mobilisation, Morestin avait été nommé Médecin major de 1er classe , en 1917, au moment où ce grade était conféré de droit à tous les agrégés, et c'est comme tel qu'il fut promu officier de la légion d'honneur.
Après la guerre, il allait obtenir la chaire de médecine opératoire, quand, en quelques jours, il fut emporté par une broncho-pneumonie grippale. Il mourut le 11 février 1919. il avait 50 ans . chanteclair n° 161 janv 1922 p5
Une caricature:

Vous remarquerez la pudeur des dessins des patients, le trait du caricaturiste s'est retenu.
J'ai commencé le relevé de ses travaux a partir du 1 janvier 1915 date a la quelle la collection de bulletin de la société de chirurgie est présente aux archives de l'ap, et comme il n'y a pas de table des matières, je n'ai exploré que l'année 1915 3 volume et le début de 1916.
je vous proposerais la liste dans un document PDF dès que le relevé sera terminé, je pense qu'il me faudra encore une séance.
C'est grâce à ses travaux sur les greffes de cartilage costaux et de graisse qu'il s'est lancé dans la reconstruction faciale.
il ne se passe guère de séance sans présentation de malade a la société, qui sont bien sur photographié.
ll influenca beaucoup le chirurgien britannique Harold Gillies qui était pendant la guerre, attaché au British General Hospital à Rouen.
Il a aussi soigné Al Capone et Sarah Bernhardt. (wikipédia)
Morestin ne travaillait pas dans les formations de l'avant mais de l'arrière (Val de grâce, st Louis), en seconde intention. il écrit d'ailleurs le 27 octobre Les transplantations cartilagineuses dans la chirurgie réparatrice (p 1994-2046 17 fig)
« Au début de la guerre actuelle, j'ai songé plus que jamais à l'opportunité des greffes cartilagineuses dans les difformité faciales, mais il m'a fallu attendre assez longtemps avant d'avoir des blessés dans des conditions voulues, c'est à dire entièrement désinfectés, prêt pour une chirurgie qui doit rester absolument aseptique. Au cours des derniers mois, j'ai eu de nombreuses occasions de faire des opérations réparatrices basée sur l'emploi des transplants cartilagineux et je viens aujourd'hui vous rendre compte de ces interventions et vous présenter la plupart de mes malades. »
il a fait au moins 32 communications à la société durant l'année 1915 !
A bientôt
De retour de mes agapes archivistiques je vous communique la notice de Morestin trouvé dans Chanteclair de 1922.

Hippolyte Morestin
1869-1919
Fils d'un médecin de fort de france, à la Martinique, Hipolyte Morestin est né dans cette ville le 1 er novembre 1869; mais c'est à Paris qu'il fit ses études classiques et médicales.
Inscrit à a faculté en 1898 de médecine de paris en 1886, nous le trouvons déjà interne en 1888, c'est à dire , à peine agé de 19 ans, ayant réussi à son premiers concours. Quatre ans plus tard, en 1892 il était prosecteur; docteur en , 1894, avec une thèse sur les opérations qui se pratiquent par la voie sacrée; chef de clinique de Le Dentu.
Élève de Verneui, de Reclus, de Richelot et de le Dentu, il était chef de service à l'hôpital Saint Louis, en 1914, au moment où éclatait la guerre; il n'avait encore publié que de rare travaux, parmi lesquels nous devons noter la description des prolongements de la glande sublinguale qui font hernie à travers les insertions musculaires du Mylo_hyoidien; une pathogénie des grenouillettes sus-hyoidiennes, etc le chapitre consacré aux affectons chirurgicales de la face dans le nouveau traité e chirurgie de Le Dentu et Delbet.
Mais sur le terrain de la chirurgie militaire, Morestin se révélera rapidement un maître incomparable.
Anatomiste impeccable, opérateur d'une grande virtuosité, Morestin avait toujours montré un extrême préoccupation de n'altérer que le moins possible, par son bistouri, l'esthétique du corps humain. C'est ainsi qu'il avait recommandé d'ouvrir les abcès du sein par la voie auxiliaire, et de faire dans l'opération de l'appendicite l'incision dans la partie velue du pubis.
Il était ainsi préparé à devenir le chirurgien des blessés de la face, dont le service lui était bientôt confié au Val de Grâce, et où il a accompli des prodiges de restauration faciales et crânienne, qui lui valurent une notoriété extraordinaire.
Simple infirmier au moment de la mobilisation, Morestin avait été nommé Médecin major de 1er classe , en 1917, au moment où ce grade était conféré de droit à tous les agrégés, et c'est comme tel qu'il fut promu officier de la légion d'honneur.
Après la guerre, il allait obtenir la chaire de médecine opératoire, quand, en quelques jours, il fut emporté par une broncho-pneumonie grippale. Il mourut le 11 février 1919. il avait 50 ans . chanteclair n° 161 janv 1922 p5
Une caricature:

Vous remarquerez la pudeur des dessins des patients, le trait du caricaturiste s'est retenu.
J'ai commencé le relevé de ses travaux a partir du 1 janvier 1915 date a la quelle la collection de bulletin de la société de chirurgie est présente aux archives de l'ap, et comme il n'y a pas de table des matières, je n'ai exploré que l'année 1915 3 volume et le début de 1916.
je vous proposerais la liste dans un document PDF dès que le relevé sera terminé, je pense qu'il me faudra encore une séance.
C'est grâce à ses travaux sur les greffes de cartilage costaux et de graisse qu'il s'est lancé dans la reconstruction faciale.
il ne se passe guère de séance sans présentation de malade a la société, qui sont bien sur photographié.
ll influenca beaucoup le chirurgien britannique Harold Gillies qui était pendant la guerre, attaché au British General Hospital à Rouen.
Il a aussi soigné Al Capone et Sarah Bernhardt. (wikipédia)
Morestin ne travaillait pas dans les formations de l'avant mais de l'arrière (Val de grâce, st Louis), en seconde intention. il écrit d'ailleurs le 27 octobre Les transplantations cartilagineuses dans la chirurgie réparatrice (p 1994-2046 17 fig)
« Au début de la guerre actuelle, j'ai songé plus que jamais à l'opportunité des greffes cartilagineuses dans les difformité faciales, mais il m'a fallu attendre assez longtemps avant d'avoir des blessés dans des conditions voulues, c'est à dire entièrement désinfectés, prêt pour une chirurgie qui doit rester absolument aseptique. Au cours des derniers mois, j'ai eu de nombreuses occasions de faire des opérations réparatrices basée sur l'emploi des transplants cartilagineux et je viens aujourd'hui vous rendre compte de ces interventions et vous présenter la plupart de mes malades. »
il a fait au moins 32 communications à la société durant l'année 1915 !
A bientôt
- marcel clement
- Messages : 1862
- Inscription : mar. janv. 08, 2008 1:00 am
Re: Les Gueules Cassées.
Bonjour Laurent, bonjour à tous,
Merci beaucoup pour ces informations sur le Docteur Morestin qui a effectivement été un extraordinaire chirurgien. Les transplantations cartilagineuses étaient magnifiquement tolérés ( schématiquement consistent à remplacer la partie osseuse manquante au niveau de la face, par un morceau de cartilage provenant d'une côte) mais elles finissaient par se résorber spontanément et le patient se retrouvait dans son état antérieur. Elles ont cependant redonné espoir et certainement ouvert la voie aux greffes osteopériostiques qui se sont avérées être finalement la meilleure solution.
Je suis impatient de consulter la liste de ses travaux.
Le docteur Morestin était, comme le sont souvent les chirurgiens, un excellent anatomiste et donc un dessinateur de talent et je joins ici deux de ses dessins, empruntés au livre de Sophie DELAPORTE sur les G.C.
Amicalement,
Alain MC

Merci beaucoup pour ces informations sur le Docteur Morestin qui a effectivement été un extraordinaire chirurgien. Les transplantations cartilagineuses étaient magnifiquement tolérés ( schématiquement consistent à remplacer la partie osseuse manquante au niveau de la face, par un morceau de cartilage provenant d'une côte) mais elles finissaient par se résorber spontanément et le patient se retrouvait dans son état antérieur. Elles ont cependant redonné espoir et certainement ouvert la voie aux greffes osteopériostiques qui se sont avérées être finalement la meilleure solution.
Je suis impatient de consulter la liste de ses travaux.
Le docteur Morestin était, comme le sont souvent les chirurgiens, un excellent anatomiste et donc un dessinateur de talent et je joins ici deux de ses dessins, empruntés au livre de Sophie DELAPORTE sur les G.C.
Amicalement,
Alain MC

- Jean RIOTTE
- Messages : 5774
- Inscription : sam. nov. 05, 2005 1:00 am
Re: Les Gueules Cassées.
Bonjour à toutes et à tous,
Merci Corinne...
Merci Alain...
Merci Laurent... pour vos messages particulièrement intéressants et qui rappellent la mémoire de médecins ou d'institution aujourd'hui (presque) complètement oubliés et qui pourtant se sont tant dévoués pour essayer de soulager les blessés de la face.
Bien cordialement.
Jean RIOTTE.
Merci Corinne...
Merci Alain...
Merci Laurent... pour vos messages particulièrement intéressants et qui rappellent la mémoire de médecins ou d'institution aujourd'hui (presque) complètement oubliés et qui pourtant se sont tant dévoués pour essayer de soulager les blessés de la face.
Bien cordialement.
Jean RIOTTE.
- marcel clement
- Messages : 1862
- Inscription : mar. janv. 08, 2008 1:00 am
Re: Les Gueules Cassées.
Bonjour à tous,
Les réflexions d'un chirurgien spécialiste actuel de la question et particulièrement sur la notion de "DÉFIGURATION":
2e journée Guerre et médecine - 7 février 2004 - Paris
" Défigurations
Bernard Devauchelle
Chirurgien, Service de Chirurgie réparatrice et reconstructrice de la face
CHU d’Amiens
Il y a de ces visages mutilés qui sont de véritables champs de bataille : les pièces rapportées
des lambeaux, comme autant de tâches rompant les lignes des rides d’expression, figeant une
face dans un dessin immobile dont on sent bien que s’il s’animait il ne reproduirait au mieux
qu’une grimace, ...
Les pièces rapportées des lambeaux, comme autant de tâches dyschromiques rompant les on-
dulations naturelles du terrain, figeant une terre dans des tas immobiles dont on sent bien que
si le vent les animait il ne ferait bouger, tels des épouvantails, que les arbres morts qui les
surplombent encore, ...
Les cicatrices surlignées des marques des fils trop serrés sur la chair labourée, comme autant
de barbelés ...
Disent avec tristesse les combats qui s’y sont menés.
Défigurations.
Trait d’union entre corps-mémoire des joueurs de Skat d’Otto Dix, que Sophie DELAPORTE
nous avait ici présentés, raides dans leur mécanique, La Transplantation, eau forte du catalo-
gue la Guerre, du même artiste, guidera notre propos.
Pour un chirurgien de la face (le mot chirurgien du visage n’existe pas) (il n’y a que les alle-
mands pour parler de Gesicht Chirurgie), il y a d’abord devoir de mémoire.
Voilà longtemps que l’on réparait la face détruite par le traumatisme, ou amputée par la sen-
tence (les condamnés ont largement servi de terrain d’expérimentation...). Paradoxalement,
avant le début du XXème siècle, la guerre (sauf peut-être pour la chirurgie des membres)
n’est pas pourvoyeuse de grands progrès chirurgicaux. De manière incontestable, la Grande
Guerre, par sa « physiopathologie », si le mot peut ici s’appliquer, va structurer quelques
grandes spécialités chirurgicales.
La chirurgie maxillofaciale en est l’héritière directe. Ce n’est pas le moindre des mérites de
Sophie DELAPORTE de l’avoir démontré dans son ouvrage « Gueules cassées ».
Au delà, et dans un curieux mouvement d’action – réaction, naissait la chirurgie esthétique.
Nous écrivions : « On ne sait guère des relations que nouaient les équipes chirurgicales de ce
côté-ci de l’Atlantique avec les Etats-Unis avant la première guerre mondiale. On sait encore
moins des échanges avec l’Asie. Cristallisant sur un point de l’Europe la rencontre de nombreu-
ses armées venues du monde entier, dotées de leurs propres contingents de médecins et de
chirurgiens – c’est ainsi, par exemple, qu’une personnalité aussi forte que le chirurgien anglais
Harold GILLIES est affecté à une ambulance belge dès 1915, avant de rejoindre le British Ge-
neral Hospital de Rouen – La Grande Guerre réunit dans un curieux brassage les conditions
pour que puisse éclore une chirurgie uniquement dévolue à la disgrâce et à l’embellissement.
Ce n’est pas tant que cette chirurgie n’existait pas auparavant. MILLER, aux Etats-Unis, fait
éditer un ouvrage intitulé « Cosmetic Surgery of the Face » dès 1907. On connaît, en outre, les
premières interventions de JOSEPH a Berlin, dès la fin du XIXème siècle, et son ouvrage
« Handbuch der Kosmetik » paru à Leipzig en 1912, mais la guerre, par l’importance en nom-
bre et en gravité des délabrements faciaux qu’elle remettait entre les mains de chirurgiens à
formation le plus souvent généraliste, a permis à la fois l’éclosion des techniques et des voca-
tions spécialistes. Deux vérités doivent être rappelées : le caractère indissociable de la chirur-
gie réparatrice et de la chirurgie esthétique, car ce sont les mêmes noms de personnes que
l’on retrouvera plus tard liés au développement de la cosmetic surgery ; la spécificité faciale
dans l’une et l’autre de ces chirurgies, sans doute parce qu’un nombre important des « Gueu-
les Cassées » survivaient à leurs blessures, mais aussi parce que la face exposée, mutilée,
visible, est demeurée dans la conscience collective mémoire de guerre constamment rappelée
à notre imagination. » Et plus loin : « La première guerre mondiale a définitivement scellé les
liens qui uniront désormais, à travers les chirurgiens, la chirurgie reconstructrice et la chirurgie
esthétique. Ces liens se traduisent par la réunion en Angleterre des « big four » GILLIES venu
de Nouvelle-Zélande, tout comme Mc INDOE, MOWLEN et KILNER, qui consacrent la chirurgie
plastique comme discipline indépendante. C’est en 1931 que Maurice COELLST ; oto-rhino-
laryngologiste formé à l’école de SEBILEAU en France et de JOSEPH à Berlin, éprouve la néces-
sité de réunir les publications éparpillées de ses collègues en créant la première Revue de Chi-
rurgie Plastique, bientôt relayée en 1935 par la Revue de Chirurgie Structive. Ce magnifique
néologisme, qui résume à lui seul l’esprit de cette spécialité, ne survivra pas aux prémices de
la seconde guerre mondiale et la revue cessera de paraître en 1938.
Dépassant ce simple retour aux sources, ce travail de fidélité dont le champ de recherche est
loin d’être épuisé, et au-delà du rôle de la guerre en tant que pourvoyeuse de « matière pre-
mière » à la voracité chirurgicale, comme du rôle de la médecine comme arme de guerre (ce
sont d’autres sujets...)
Il convient de s’interroger sur la défiguration.
Il y a quatre sortes de défiguration :
• il y a la défiguration malformative où il n’y a pas de deuil du visage passé, mais souf-
france intérieure du sujet qui en est porteur à gommer toute sa vie durant la signature
de sa malformation ;
• Il y a la défiguration tumorale, soit liée à la tumeur elle-même, soit liée à la chirurgie
de la tumeur et paradoxalement il n’y a pas là de priorité à l’esthétique, mais bien plu-
tôt une demande formulée de qualité de vie et donc de priorité à la fonction ;
• Il y a la défiguration de la vieillesse qui concentre et cristallise sur le visage les règles
de la gravité, la perte d’élasticité et du mouvement. On sait tous les efforts faits pour
en pallier les effets ;
Et puis, il y a la défiguration traumatique, celle des Gueules Cassées, où le deuil du visage
passé n’est jamais fait et où la demande de restitutio ad integrum est permanente.
Solidaires les unes des autres, relevant des mêmes compétences chirurgicales, ces défigura-
tions innées ou acquises rejoignent la défiguration imposée par le thérapeute quand il extirpe
la tumeur. Là, guerriers et chirurgiens se rejoignent alors dans leur stratégie, leurs armes
« homéopathiques » (au sens étymologique du terme) et même aujourd’hui leur volonté de
reconstruction.
Il y aurait réfléchir sur ce moment de bascule de l’histoire quand la guerre s’est arrogée un
devoir de réparation, quand la chirurgie d’amputation s’est doublée d’une chirurgie de réhabili-
tation. C’est sans conteste d’un côté comme de l’autre un phénomène nouveau. Le théâtre de
la guerre est devenu le théâtre des opérations extérieures."
Amicalement,
Alain MC
Les réflexions d'un chirurgien spécialiste actuel de la question et particulièrement sur la notion de "DÉFIGURATION":
2e journée Guerre et médecine - 7 février 2004 - Paris
" Défigurations
Bernard Devauchelle
Chirurgien, Service de Chirurgie réparatrice et reconstructrice de la face
CHU d’Amiens
Il y a de ces visages mutilés qui sont de véritables champs de bataille : les pièces rapportées
des lambeaux, comme autant de tâches rompant les lignes des rides d’expression, figeant une
face dans un dessin immobile dont on sent bien que s’il s’animait il ne reproduirait au mieux
qu’une grimace, ...
Les pièces rapportées des lambeaux, comme autant de tâches dyschromiques rompant les on-
dulations naturelles du terrain, figeant une terre dans des tas immobiles dont on sent bien que
si le vent les animait il ne ferait bouger, tels des épouvantails, que les arbres morts qui les
surplombent encore, ...
Les cicatrices surlignées des marques des fils trop serrés sur la chair labourée, comme autant
de barbelés ...
Disent avec tristesse les combats qui s’y sont menés.
Défigurations.
Trait d’union entre corps-mémoire des joueurs de Skat d’Otto Dix, que Sophie DELAPORTE
nous avait ici présentés, raides dans leur mécanique, La Transplantation, eau forte du catalo-
gue la Guerre, du même artiste, guidera notre propos.
Pour un chirurgien de la face (le mot chirurgien du visage n’existe pas) (il n’y a que les alle-
mands pour parler de Gesicht Chirurgie), il y a d’abord devoir de mémoire.
Voilà longtemps que l’on réparait la face détruite par le traumatisme, ou amputée par la sen-
tence (les condamnés ont largement servi de terrain d’expérimentation...). Paradoxalement,
avant le début du XXème siècle, la guerre (sauf peut-être pour la chirurgie des membres)
n’est pas pourvoyeuse de grands progrès chirurgicaux. De manière incontestable, la Grande
Guerre, par sa « physiopathologie », si le mot peut ici s’appliquer, va structurer quelques
grandes spécialités chirurgicales.
La chirurgie maxillofaciale en est l’héritière directe. Ce n’est pas le moindre des mérites de
Sophie DELAPORTE de l’avoir démontré dans son ouvrage « Gueules cassées ».
Au delà, et dans un curieux mouvement d’action – réaction, naissait la chirurgie esthétique.
Nous écrivions : « On ne sait guère des relations que nouaient les équipes chirurgicales de ce
côté-ci de l’Atlantique avec les Etats-Unis avant la première guerre mondiale. On sait encore
moins des échanges avec l’Asie. Cristallisant sur un point de l’Europe la rencontre de nombreu-
ses armées venues du monde entier, dotées de leurs propres contingents de médecins et de
chirurgiens – c’est ainsi, par exemple, qu’une personnalité aussi forte que le chirurgien anglais
Harold GILLIES est affecté à une ambulance belge dès 1915, avant de rejoindre le British Ge-
neral Hospital de Rouen – La Grande Guerre réunit dans un curieux brassage les conditions
pour que puisse éclore une chirurgie uniquement dévolue à la disgrâce et à l’embellissement.
Ce n’est pas tant que cette chirurgie n’existait pas auparavant. MILLER, aux Etats-Unis, fait
éditer un ouvrage intitulé « Cosmetic Surgery of the Face » dès 1907. On connaît, en outre, les
premières interventions de JOSEPH a Berlin, dès la fin du XIXème siècle, et son ouvrage
« Handbuch der Kosmetik » paru à Leipzig en 1912, mais la guerre, par l’importance en nom-
bre et en gravité des délabrements faciaux qu’elle remettait entre les mains de chirurgiens à
formation le plus souvent généraliste, a permis à la fois l’éclosion des techniques et des voca-
tions spécialistes. Deux vérités doivent être rappelées : le caractère indissociable de la chirur-
gie réparatrice et de la chirurgie esthétique, car ce sont les mêmes noms de personnes que
l’on retrouvera plus tard liés au développement de la cosmetic surgery ; la spécificité faciale
dans l’une et l’autre de ces chirurgies, sans doute parce qu’un nombre important des « Gueu-
les Cassées » survivaient à leurs blessures, mais aussi parce que la face exposée, mutilée,
visible, est demeurée dans la conscience collective mémoire de guerre constamment rappelée
à notre imagination. » Et plus loin : « La première guerre mondiale a définitivement scellé les
liens qui uniront désormais, à travers les chirurgiens, la chirurgie reconstructrice et la chirurgie
esthétique. Ces liens se traduisent par la réunion en Angleterre des « big four » GILLIES venu
de Nouvelle-Zélande, tout comme Mc INDOE, MOWLEN et KILNER, qui consacrent la chirurgie
plastique comme discipline indépendante. C’est en 1931 que Maurice COELLST ; oto-rhino-
laryngologiste formé à l’école de SEBILEAU en France et de JOSEPH à Berlin, éprouve la néces-
sité de réunir les publications éparpillées de ses collègues en créant la première Revue de Chi-
rurgie Plastique, bientôt relayée en 1935 par la Revue de Chirurgie Structive. Ce magnifique
néologisme, qui résume à lui seul l’esprit de cette spécialité, ne survivra pas aux prémices de
la seconde guerre mondiale et la revue cessera de paraître en 1938.
Dépassant ce simple retour aux sources, ce travail de fidélité dont le champ de recherche est
loin d’être épuisé, et au-delà du rôle de la guerre en tant que pourvoyeuse de « matière pre-
mière » à la voracité chirurgicale, comme du rôle de la médecine comme arme de guerre (ce
sont d’autres sujets...)
Il convient de s’interroger sur la défiguration.
Il y a quatre sortes de défiguration :
• il y a la défiguration malformative où il n’y a pas de deuil du visage passé, mais souf-
france intérieure du sujet qui en est porteur à gommer toute sa vie durant la signature
de sa malformation ;
• Il y a la défiguration tumorale, soit liée à la tumeur elle-même, soit liée à la chirurgie
de la tumeur et paradoxalement il n’y a pas là de priorité à l’esthétique, mais bien plu-
tôt une demande formulée de qualité de vie et donc de priorité à la fonction ;
• Il y a la défiguration de la vieillesse qui concentre et cristallise sur le visage les règles
de la gravité, la perte d’élasticité et du mouvement. On sait tous les efforts faits pour
en pallier les effets ;
Et puis, il y a la défiguration traumatique, celle des Gueules Cassées, où le deuil du visage
passé n’est jamais fait et où la demande de restitutio ad integrum est permanente.
Solidaires les unes des autres, relevant des mêmes compétences chirurgicales, ces défigura-
tions innées ou acquises rejoignent la défiguration imposée par le thérapeute quand il extirpe
la tumeur. Là, guerriers et chirurgiens se rejoignent alors dans leur stratégie, leurs armes
« homéopathiques » (au sens étymologique du terme) et même aujourd’hui leur volonté de
reconstruction.
Il y aurait réfléchir sur ce moment de bascule de l’histoire quand la guerre s’est arrogée un
devoir de réparation, quand la chirurgie d’amputation s’est doublée d’une chirurgie de réhabili-
tation. C’est sans conteste d’un côté comme de l’autre un phénomène nouveau. Le théâtre de
la guerre est devenu le théâtre des opérations extérieures."
Amicalement,
Alain MC
- mireille salvini
- Messages : 1099
- Inscription : jeu. déc. 15, 2005 1:00 am
Re: Les Gueules Cassées.
bonjour à toutes et à tous,
merci Alain et Laurent pour ces textes et liens si passionnants que je découvre pour la plupart
(un petit coucou particulier à Hervé et à Laurent
)
amicalement,
Mireille
merci Alain et Laurent pour ces textes et liens si passionnants que je découvre pour la plupart

(un petit coucou particulier à Hervé et à Laurent

amicalement,
Mireille