LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Memgam
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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par Memgam »

Bonjour,

Le Léon Gambetta était un croiseur-cuirassé de 11 959 tonnes de déplacement. Il disposait de 3 machines alternatives (une par ligne d'arbre) d'une puissance de 28 500 cv lui permettant une vitesse maximum de 22, 5 noeuds. La vapeur nécessaire était produite par 28 chaudière Niclause brûlant du charbon. La quantité de charbon embarquée était de 2065 t maximum (soit 17 % du poids du navire). Cette quantité de charbon lui permettait de parcourir 6 600 milles à une vitesse de 10 noeuds. Pour mémoire, au moment du torpillage, il était à 6 noeuds et devait reprendre la vitesse de 10 noeuds à quatre heures du matin.
Bien entendu, la consommation de charbon journalière était variable selon la situation du bâtiment. Au mouillage, quelques chaudières étaient allumées pour la production de vapeur destinée à la production d'électricité, au fonctionnement des treuils, des guindeaux des lignes de mouillage et d'autres auxiliaires. A la mer, le nombre de chaudières en service dépendait de la vitesse, toutes étant bien entendues en service à la vitesse maximum, rarement utilisée. Dans des conditions de vitesse de 10 noeuds, pendant 24 heures, la consommation journalière était de l'ordre de 72 tonnes de charbon, ce qui épuisait les soutes en 28 jours. Pour des raisons évidentes de sécurité, de disponibilité pour le combat, la règle était de garder des soutes à moitié remplies, donc, un ravitaillement était nécessaire tous les 14 jours, plus fréquent si on pratiquait des vitesses plus élevées.
Le ravitaillement en chabon pouvait se faire au port, à partir des stocks constitués, le charbon étant amené le long du bord dans des wagons et il fallait ensuite constituer une chaîne humaine pour amener les briquettes au fond des soutes. C'était la "corvée de charbon" à laquelle participait quasiment tout l'équipage, sauf les officiers supérieurs, et qui était suivie d'une sérieuse séance de nettoyage. Sur rade, des mahonnes (chalands) venaient le long du bord et le processus était le même. Sur rade foraine (dépouvue de tout moyen portuaire), le navire charbonnier venait directement accoster le navire à ravitailler. Dès la guerre de 1914-1918, il existait des systèmes de ravitaillement entre navires, par câbles et wagonnets, comme un téléphérique.
Depuis l'avénement de la vapeur, l'approvisionement en combustible est une préoccupation constante pour le commandement. En effet, tout déplacement est conditionné par la consommation du combustible qui est à bord et de la possibilité de se ravitailler dans des dépôts. La stratégie d'emploi des forces navales est directement conditionnée par la question du ravitaillement. En 14-18, toutes les Marines gardaient en tête la guerre russo-japonaise de 1904-1905, et le périple de l'escadre russe de l'amiral Rodjestvensky partant de la mer Baltique le 15 octobre 1904 et arrivant à Tsoushima le 27 mai 1905 pour y être détruite. Ce périple a été durement conditionné par le ravitaillement en charbon, rendu difficile, tant pour des considérations matérielles que politiques, certains pays refusant de ravitailler la flotte.
L'une des premières mesures prises au début de la Grande guerre a été de réquisitionner des navires charbonniers pour l'approvisionnement de la Flotte, particulièrement en Méditerranée où se trouvait le plus grand nombre de navires. Ils prennent du charbon à Cardiff (la meilleure qualité) qu'ils livrent à Bizerte. La capacité de livraison des mines est de 8 000 tonnes par semaine, transportée à Bizerte par une flotte de douze charbonniers affrétés en contrat à la journée. D'autres charbonniers sont réquisitionnés pour constituer une flotte de 25 navires.

Sources : P. Vincent-Bréchignac, Flottes de combat 1929, SEGMC, 1929.
Conway 's, All the world fighting ships, 1860-1905.
Marc Saibène, La marine marchande française, 1914-1918, Marines éditions, 2011.
La corvée de charbon, Cols Bleus n° 1176 du 3 avril 1971.
L.E. Bertin, La Marine moderne, Flammarion, 1920.
A. Reussner, L. Nicolas, La puissance navale dans l'histoire, de 1815 à 1914 ** EMOM, 1963.
Jean Randier, La Royale, * L'éperon et la cuirasse, l'histoire illustrée de la Marine nationale française des débits de la vapeur à la fin de la première guerre mondiale, Editions de la Cité, 1972.

Cordialement.


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Rutilius
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LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé de type Victor-Hugo (1903~1915).

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

« ... le dîner avec la double... » : la double ration de vin, accordée par le commandant en raison de la pénibilité de la tâche.
Dernière modification par Rutilius le dim. avr. 27, 2025 3:08 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par Memgam »

Bonjour,

Source (secondaire) : César Fauxbras, Jean Le Gouin, journal d'un simple matelot de la Grande guerre, L'ancre de marine, 2004, première édition, Flammarion 1932.

Cordialement.

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iroise47
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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par iroise47 »

Bonsoir à vous,
et merci pour ces passionnantes informations.
Est-ce pour économiser le charbon (il me semble qu'il n'en restait que pour 24h) que Sénès baissait la vitesse pendant la nuit ?
Effectivement, un navire en cours d'approvisionnement devait se rendre souvent vulnérable.

Actuellement, si le carburant du réservoir ne m'autorise que 100km ou moins, la voiture me le signale, et je cherche une station-service.

Là, ça me semble plus complexe. Comment faisaient-ils savoir qu'ils avaient besoin d'être réapprovisionnés ?
Dans ce cas précis, quels étaient les ports où ce réapprovisionnement était possible ?

Par ailleurs, on dit que le Léon-Gambetta était près de la côte. A quelle distance exactement ?
Pourquoi n'avaient-ils pas de "gilets collets" ?

Il me semble avoir lu qu'ils étaient 4 croiseurs cuirassés à patrouiller.
Comment s'organisaient ces patrouilles ?

Merci et bonne soirée
Memgam
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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par Memgam »

Bonjour,

A bord d'un navire, le suivi de la consommation de combustible et l'état des soutes est une action permanente du personnel de la machine, qui tient au courant le personnel de navigation. C'est une routine élémentaire et indispensable.
Actuellement, sur une voiture, le conducteur se doit de consulter le niveau de carburant dans le réservoir avant le départ. Suivant sa destination, les conditions de circulation et sa connaissance de sa consommation, en ville, sur route et autoroute, il a une idée de la quantité de carburant nécessaire. Il sera peut-être obligé de faire le plein, avant de partir, pour avoir le maximum d'autonomie ou parce qu'il aura du mal à trouver une station d'essence à un prix convenable (raréfaction des stations, variations de prix). Il est d'autre part inutile de transporter du carburant pour rien puisque cela réduit les performances.
En mission de guerre, on part généralement avec des pleins complets, compte-tenu du caractère aléatoire des conditions que l'on va rencontrer et des réactions plus ou moins prévisibles de l'ennemi. La mission est fixée en fonction du rayon d'action et des points de ravitaillement sont prévus si nécessaire. C'est le travail de la logistique. Pour ravitailler, il faut aller dans des lieux aménagés, les ports et leurs bases navales, avoir des moyens de réapprovisionnement, fixes ou mobiles : dêpots de charbon, navires charbonniers. Le ravitaillement peut se faire en mer, dans des rades abritées, dans des bases provisoires plus ou moins aménagées, voire en pleine mer.
Au début de la Grande guerre, toute l'escadre de Méditerranée commandée par le Vice-amiral Boué de Lapeyrière s'est retrouvée à Malte, base navale britannique très bien équipée, le 12 août 1914. L'une de ses missions, fixées par le pouvoir politique (convention navale de Londres du 6 août) était d'assurer le blocus de la mer Adriatique, pour y bloquer la flotte austro-hongroise, alliée de l'Allemagne.
Le 16 août, l'amiral établit une ligne de surveillance entre le cap d'Otrante (Italie) et la côte Albanaise. Elle est assurée par des croiseurs et des torpilleurs, les cuirassés se tenant plus au sud, prêts à intervenir. L'expérience montre vite que les torpilleurs n'arrivent pas à soutenir l'effort. Le 25 août, les deux tiers sont indisponibles. Le dispositif passe à deux divisions de croiseurs soutenues vingt milles au sud par les cuirassés. Mais eux aussi ont du mal à tenir. On passe alors à une escadre de cuirassés, une de croiseurs et deux escadrilles de torpilleurs dans les parages du canal d'Otrante, un échelon avancé sur la ligne Faro-Cap Leuca, un autre en soutien dans le sud. Il s'agit d'avoir une flotte capable de s'opposer à une sortie de la flotte austro-hongroise. Les bâtiments disponibles se reposent et se réparent à Malte. Mais, pour les Austro-hongrois, la tentation est forte : ils ont une cible à portée de main dans en zone déterminée. Le 21 décembre 1914, un sous-marin torpille le cuirassé Jean-Bart alors que l'Armée navale quitte la ligne et remonte l'Adriatique. Le navire sera réparé à Malte et le dispositif est modifié, déplacé vers le sud, étendu à la mer Ionniene, de Corfou à la pointe sud de l'Italie, avec un partage en quatre secteurs, constamment occupé par un croiseur, les torpilleurs patrouillant les chenaux des îles. les escadres de cuirassés se tiendront à portée, avec un mouillage habituel à Navarin, une escadre à la mer en permanence pour répondre au premier appel des croiseurs. Des informations, en mars 1915, signalent le développement de l'activité sous-marine ennemie, le montage de sous-marins à Pola, venus d'Allemagne par voie ferrée, ce qui amène à déplacer la croisière vers le sud. le 9 mars, les secteurs des croiseurs entre le cap Colonna et la Céphalonie, en évitant les charbonnages réguliers à Dragamesti, sans protection contre les sous-marins. Puis la croisière est portée sur la ligne Zante-Spartivento avec ravitaillement à Navarin. les cuirassés croisent plus au sud, en faisant des mouillages irréguliers à la Sude, dans la baie de Vatika ou à Port Cythion. En avril, la croisière remonte vers le nord, en raison des risques d'une attaque austro-hongroise contre Tarente, pour intimider l'Italie, alors neutre.
"Le 26 avril, la croisière se tient sur la ligne Santa Maria di Leuca - Cap Dukato. Les croiseurs y balaient chacun un secteur de trente milles ; ce sont de l'est à l'ouest : le Victor-Hugo, le Jules Ferry, le Waldeck Rousseau et enfin, à proximité de la côte italienne, le Léon Gambetta portant le pavillon du contre-amiral Sénès. Dans la nuit du 26 au 27 avril, par très beau temps, mer plate et clair de lune, le Léon Gambetta croise à petite vitesse dans son secteur. Depuis minuit, il fait route au nord-est, à une quinzaine de milles de Santa Maria di Leuca. A minuit 40, deux torpilles le frappent à bord, à quelques secondes d'intervalles : la première à la hauteur du compartiment des dynamos, la seconde sous la passerelle ; deux gerbes d'eau jaillissent, dépassent les cheminées et retombent sur le pont. Le bâtiment prend une bande de 15 degrés."

Les machines ne répondent plus, il n'y a pas d'électricité, les antennes de TSF sont tombées, la gîte ne permet pas de mettre les canots à la mer. Il ne reste que la possibilité d'évacuer sans pouvoir prévenir. C'est un canot atteignant Santa Maria di Leuca qui donnera l'alerte, à 8 h 30.
Immédiatement, la croisière est reportée plus au sud. La situation sera modifié le 23 mai 1915 avec l'entrée en guerre de l'Italie qui aura alors la responsabilité en Adriatique et l'Armée navale quittera le secteur, ne laissant que des forces légères et des sous-marins.

N.B. En 1978, un escorteur d'escadre, le Duperré, faisant une sortie de mise au point après carénage à Brest, talonnera dans le raz de Sein à la suite d'une erreur de navigation. Machines noyées, privé de radio, le navire ne pourra signaler sa situation que par moyen optique, au sémaphore de la pointe du raz, à proximité.

"Gambetta n'avait pas reçu de collets de sauvetage. Le premier contingent comprenant 2 240 collets nous est arrivé le 19 avril, sans être annoncé, par le Saint-Louis, et j'ai aussitôt donné l'ordre de les répartir entre les torpilleurs et les sous-marins. 17 134 collets arrivés par Malte par le cargo Egyptian Prince ont été débarqués le 28 avril, 3 000 devaient être expédiés par première occasion aux Dardanelles et le reste en cours de répartition en commençant par les croiseurs. Waldeck Rousseau que j'ai vu hier m'a appris qu'il avait les siens."

Source : La guerre navale racontée par nos amiraux, Tome II, Librairie Schwarz, 1925.
Amiral Salaun, les opérations en Méditerranée sous le commandement du vice-amiral Boué de Lapeyrère (12 août 1914-14 octobre 1915), pages 97 à 106.

Cordialement.



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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par Memgam »

Bonjour,

<<L'auteur entendit à ce sujet des personnes autorisées s'écrier : Qu'avait donc à faire là le Léon Gambetta ? Il est bien certain que, pas plus que les autres croiseurs-cuirassés, il n'aurait dû remplir les fonctions qui, depuis le début de la guerre, lui avaient été attribuées. La question de la croisière à l'entrée de l'Adriatique n'est pas en cause : elle était indispensable pour arrêter la contrebande de guerre et pour signaler la présence de tout navire ennemi qui tenterait de sortir de l'Adriatique ; mais ce n'est pas avec des bâtiments de 13 000 tonnes que cette croisière aurait dû être établie, il eût fallu y affecter des petits croiseurs légers très rapides. Malheureusement, la Marine française ne possédait aucun bâtiment de l'espèce et elle était bien obligée d'utiliser à leur place les seuls croiseurs dont elle disposât. Sans doute, des croiseurs légers auraient auusi bien pu être torpillés que des croiseurs-cuirassés ; mais la perte d'un navire de 3 000 à 4 000 tonnes est moins sensible que celle d'un croiseur de 13 000 tonnes.
Un mois après la perte du Léon Gambetta, l'Italie déclara la guerre à l'Autriche et prit la direction des opérations dans l'Adriatique.
Notre armée navale resta alors en réserve à Malte et Bizerte, prête à appuyer la flotte italienne en cas de besoin. Pendant les neuf mois qu'elle avait passés à l'entrée de l'Adriatique, elle avait accompli sa tâche sans bruit. Et alors les stratégistes d'estaminet, n'entendant jamais parler d'elle, en déduisirent avec une logique implacable qu'elle ne faisait rien. Or, elle avait été tout le temps à la mer, croisant sans relâche ; pendant les premiers mois, elle ne mouillait même pas pour faire du charbon. De toutes les forces navales des Alliés, c'est probablement celle qui, jusqu'à l'intervention de l'Italie, a accumulé le plus grand nombre de jours de navigation. Chargée d'empêcher les bâtiments autrichiens de pénétrer dans la Méditerranée, elle a rempli son rôle avec une telle efficacité que pas un seul navire ne fut inquiété dans la Méditerranée du fait des Autrichiens, que les convois de troupes des Indes, de l'Australie, de la Nouvelle Zélande ont pu arriver en Europe avec autant de sécurité qu'en temps de paix. Sans doute, elle n'a pas accompli d'exploits sensationnels ; elle a été forcée à un genre de guerre qui n'en comportait pas puisque l'ennemi déclinait toute rencontre ; mais la gloire lui eût coûté moins de fatigues et peut-être moins de pertes que la veille constante à laquelle elle a été astreinte. Qui donc, dans cette armée, n'eut préféré une rencontre à la menace constante d'un ennemi invisible contre lequel on ne peut se défendre.>>

Source : Contre-amiral Daveluy, L'action maritime pendant la guerre anti-germanique, tome premier, Challamel, Paris, 1920, pages 229-230.

Cordialement.

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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par Memgam »

Bonjour,

Source : la guerre navale racontée par nos amiraux, opus cité, tome II.

Cordialement.

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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par Memgam »

Bonjour,

<< Le charbonnier.
Depuis le début de la guerre, il assure le service entre Cardiff et l'Armée Navale. Après avoir englouti dans ses flancs des milliers de tonnes de charbon que les transbordeurs déversent dans ses cales par wagons entiers, le cargo chargé à couler bas se hâte vers la pleine mer. Il traverse l'Atlantique, franchit Gibraltar et entre en Méditerranée, surveillant l'horizon, attentif aux signaux de T.S.F. indicateurs de la position des sous-marins. Il touche quelques heures à Bizerte pour prendre des ordres et rallie les forces navales à ravitailler soit en mer Ionienne, soit dans quelque rade, soit à l'abri de quelque île de la côte grecque. A tour de rôle, il accoste des cuirassés, des croiseurs, des torpilleurs qui vident rapidement ses cales ; sa coque s'élève progressivement ; l'hélice montre d'abord l'extrémité de ses pales, puis affleure bientôt jusqu'au moyeu. Le charbonnier n'a plus que le combustible nécessaire pour rallier l'Angleterre, il repart alors pour Cardiff. Rôle obscur, tâche dangereuse et sans gloire, mais rôle essentiel car cette rotation incessante des charbonniers apportait aux navires de guerre l'aliment indispensable à leur existence.>> Capitaine de corvette Carlini.

<< Torpilleur charbonnant dans un port.
Le ravitaillement dans les ports à grand trafic commercial comme Port-Saïd, Alger, Naples, était particulièrement apprécié des équipages car il était en général de règle de livrer le charbon sur le pont des navires. Le charbonnage, si pénible pour les matelots surtout par les fortes chaleurs, était ainsi largement facilité, leur tâche se limitant à l'arrimage des soutes. Cette opération ne manquait pas d'un certain pittoresque, les équipes de débardeurs parmi lesquelles on trouvait quelquefois des femmes, remplissant leurs mannes dans les chalands de charbon, montant à bord par une planche et allant les déverser dans les trous des soutes.>> Capitaine de corvette Carlini.

Source : La guerre navale racontée par nos amiraux, opus cité.

Cordialement.

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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par Memgam »

Bonjour,

"Lapeyrère lui-même s'est écrié un jour : "Ah ! ces croiseurs ! Quel métier ! Ils sont tout le temps dans la gueule du loup ! Je me demande comment ils sont encore en vie !" De cette boutade, trois mots sont restés et, sur la ligne de patrouille, le secteur le plus occidental, celui qui s'appuie à la côte italienne, s'appelle la "Gueule du loup".
Regardez le croiseur qui, ce soir brique ce secteur. A le voir se traîner sur l'eau à petite allure, on pourrait croire que l'ennemi n'a pas de sous-marins.Tenez, la nuit vient et le grand navire réduit encore sa vitesse. Il file à présent six noeuds. S'il cherchait à se faire torpiller il n'agirait pas autrement. L'obscurité le protège, dira-t-on, et jamais encore les sous-marins n'ont attaqué pendant la nuit. D'accord, mais leur a-t-on jusqu'à présent offert de pareilles cibles ? Mais, voyons, le chef de cette division de croiseurs, l'amiral Sénès, ne pourrait-il pas signaler le péril à ceux qui semblent ne plus croire à la l'existence des sous-marins ? Sans doute, mais l'amiral Sénès est toujours l'homme du siège de Tuyen-Quan. Son devoir est d'obéir et il obéira. Si le commandant en chef estime nécessaire cette patrouille tenue chaque nuit au même endroit et à vitesse réduite, il doit avoir ses raisons. Au fait, a-t-il prescrit aux autres croiseurs leur allure de tortue ? Non, mais il leur a fixé Malte comme port de charbonnage et a ordonné de n'y revenir que tous les dix ou douze jours. Ce qui revient à leur dire : "vous ne brûlerez que 100 à 120 tonnes de charbon par 24 heures". Pour ce faire, il faut bien limiter la vitesse à dix noeuds le jour et à six noeuds la nuit.. Prudemment, les croiseurs naviguent en zigzag de l'aube au coucher du soleil. Piètre défense quand on marche si lentement. D'autres précautions vaudraient mieux : vers le 8 avril, l'amiral Sénès a courageusement écrit à Boué de Lapeyrère : "Il me parait indispensable de faire escorter, encadrer les croiseurs par des contre-torpilleurs, ne serait-ce que pour recueillir les équipages des navires qui seront torpillés." Les croiseurs sont restés sans escorte…
…Sur la ligne de croisière avancée, aucun commandant, aucun officier ne s'y trompe. Un des quatre croiseurs est condamné à mort. Lequel ? C'est affaire de hasard. Lorsqu'un sous-marin ennemi descendra, il attaquera le bateau qu'il trouvera dans la gueule du loup. Or chacun y passe à son tour. Le navire torpillé aura la ressource de lancer un S.O.S. Les autres croiseurs ainsi prévenus , quitterons la zone malsaine vers laquelle accourerons nos torpilleurs. Mais ces secours arriveront-ils à temps ?
Le commandement en chef aurait bien dû ordonner aux enfants perdus de l'avant-garde d'émettre à heures fixes et fréquentes, afin que l'on sache s'ils sont encore en vie. Parmi tant d'autres, on a négligé cette précaution là."

Source : Paul Chack, Jean-Jacques Antier, Histoire maritime de la première guerre mondiale, France-Empire, 1992.

"Mes instructions télégraphiques du 20 avril lui disaient en effet :
"Jusqqu'à nouvel ordre, veuillez établir croisières de façon à surveiller très attentivement ligne Leuca-Paxo et plus particulièrement environs Leuca. Une tentative escadre ennemie sur Tarente est possible. Je me tiendrais prêt à intervenir dans ces parages. Informez-moi de tout incident. Accusez réception."

Source : La guerre navale racontée par nos amiraux, opus cité.

Cordialement.

Memgam
iroise47
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Re: LÉON-GAMBETTA — Croiseur cuirassé.

Message par iroise47 »

Bonjour à vous

Je pense avoir plus que des éléments de réponse, mais en même temps, d'autres questions se posent.

Comment interpréter, en effet, "je vous fais mes adieux, vous ne me reverrez plus" de Sénès à Somborn, le 15 mars 1915 ? Pourquoi les recherches portant sur Sénès renvoient-elles le plus souvent à des occurrences en langue anglaise ?

Faut-il voir dans la démission de Boué de Lapeyrère après le torpillage, un aveu d'erreur, voire de culpabilité ?

Par ailleurs, la mère de l'enseigne de vaisseau Pierre Jaillard, Constance Jaillard-Goybet, qui semble avoir un certain tempérament, écrit au ministre de la marine "croyez-vous que les braves qui dorment dans l'Adriatique après neuf mois d'une campagne périlleuse toujours, puis abandonnés (on pourrait le crier bien haut !) à l'heure où il pouvaient devenir la proie facile de l'ennemi qui les guettait depuis si longtemps (...)" dans la lettre où elle demande la croix de guerre pour son fils.

Faut-il conclure de tout cela que la marine en général, et l'escadre de méditerranée en particulier, n'avaient pas les moyens matériels de leur mission, et que, tablant sur une guerre courte, Boué de Lapeyrère n'a pas parfaitement géré la durée ?

Une question plus technique : à quelle distance, en km, étaient-ils de la côte, je trouve des réponses différentes, et j'ai certainement pensé en métrique, alors qu'il s'agissait de milles.
Merci
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