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Bonjour à toutes et tous,
Blanche Maupas, une veuve obstinée (épisode 4: années 1921 à 1924)
Année 1921
* Février: dans ses "Cahiers", la LDH publie un dossier dénonçant l’injustice du tirage au sort appliqué par l’Etat Major pour désigner les coupables / condamnés de Souain.
* 29 Avril : suite à l’intervention du député Jean Jadé (ex-lieutenant du 336è RI, il a fréquenté les tranchées de Souain au moment des faits, il est un témoin direct et fiable) la Chambre des Députés vote une loi, assortie d’un article. Elle permet de saisir la Chambre des mises en accusation de la Cour d’appel,
sans la nécessité d’un fait nouveau. Cette loi est favorable au combat de Blanche.
* 18 Mai : le Ministre de la Guerre invite le Procureur général à déférer rapidement l’affaire Souain à la Chambre des mises en accusation.
* 24 mai :la veuve du caporal Girard (fusillé à Souain) reçoit, à titre posthume, la médaille militaire et la croix de guerre pour son mari. Blanche quant à elle, percevra une pension de veuve, alors que personne n’a encore été réhabilité. Comment interpréter cette contradiction? De nombreuses explications ont été avancées.
* 15 Octobre : l’affaire est renvoyée devant la Chambre criminelle d'e la Cour de cassation qui statuera.
actions de Blanche et de ses partenaires
Les fusillés de Vingré (exécutés en décembre 1914) ont été réhabilités, Blanche a toutes les raisons d’espérer. La LDH continue néanmoins à œuvrer en organisant une série de conférences sur ce qu’elle nomme « les crimes » des Conseils de Guerre.
* Février : le nom de Maupas est inscrit sur le MaM du Chefresne.
Dans l’inconscient collectif un monument "aux morts" possède une connotation quasi «officielle».
A Chefresne, l’acte sciemment posé, est particulièrement chargé de sens : il vise à rétablir le Caporal dans la considération et l’estime publique. Face à la solennité de l'évènement, on se prend à oublier qu'on n'est pas en présence de la Justice/ Institution.
La "justice populaire" ne se construit si facilement en un consensus
durable. A cette époque, il n’était pas aussi aisé qu’actuellement de communiquer et d'organiser des actions consensuelles. La Justice / Institution a longuement persisté dans son obstination à ne pas être "à la hauteur".
On assistera à ce phénomène consensuel de masse à chaque fois que le nom de l’instituteur sera gravé sur une plaque ou sur un MaM. En bonne tacticienne, Blanche ne ratera aucune occasion pour médiatiser l'évènement en invitant les organisations qui la soutiennent.
*Avril : Le nom de Théophile est inscrit sur le MAM du Mesnil-Aubert, la commune où réside son père.
* juin: à Saint Lô, le Mam de l’Ecole Normale n’est pas une mince affaire, il génère oppositions et divisions. Une plaque a été gravée sans le nom de Maupas. Les partisans de l’instituteur ne veulent pas entendre parler d’une inauguration du MaM sans son nom. La hiérarchie académique n’est pas disposée à lâcher prise : pas de réhabilitation, pas de Maupas.
L’Armée est garante du respect des règles, le Gouvernement civil tout autant, cette affaire est une sérieuse épine dans leur pied. Les anciens combattants et leurs Associations sont mobilisés pour défendre les caporaux de Souain. Ces hommes sont particulièrement crédibles, ils ont vécu l'horreur des tranchées. Leur journal a publié des accusations à l’encontre du Général Reveilhac qui commandait la division des 4 caporaux.
* Juillet : Le Ministre de la Guerre recommande au Général de se faire discret en ne répondant pas aux accusations portées à son encontre par le Journal de « l’Union Nationale des Combattants ». Motif avancé par le ministre : «
la notoriété déjà trop grande donnée à cette affaire » (citation)
Année 1922
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26 Mars : la Cour de cassation
rejette la demande en révision du procès des quatre Caporaux.
Actions de Blanche et de ses partenaires.
*Avril : la LDH proteste contre la décision du 26 mars, elle poursuit sa campagne en intensifiant des actions.
* Juin : Blanche est ovationnée à Nantes. Elle instrumentalise son deuil pour accélérer la réhabilitation de son mari, elle sait parler au public, elle est devenue la Veuve des quatre Caporaux.
* Octobre : le Syndicat des Instituteurs constitue un « Comité Départemental Maupas ».
Année 1923
* Janvier: La Ligue des Droits de l’Homme demande au ministre de la Justice de déférer l’affaire à la Cour de cassation afin d'annuler le jugement du 26 mars 1922.
Cette année 1923 est marquée par l’autorisation accordée aux familles d'exhumer et ré-inhumer les corps des poilus.
Actions de Blanche et de ses partenaires
Campagnes de propagande, tournées de conférences se poursuivent.
* Février : Blanche décide de faire exhumer à ses frais, le corps de son mari enterré à Suippes (Marne). Elle souhaite qu’il soit ré-inhumé à Sartilly où elle a été nommée. Contre l’oubli, elle persévère et veut que l’affaire fasse du bruit. Elle écrit :
« Ce sera l’occasion d’une manifestation et de tenir l’opinion publique en haleine » (lettre de Blanche Maupas à la LDH).
* juin : le Conseil municipal de Sartilly autorise à l'unanimité la ré-inhumation du caporal dans le cimetière de la commune.
*Juillet : Blanche écrit :
« la cérémonie promet d’être imposante. Je n’ai rien négligé d’ailleurs pour réveiller les sympathies » (lettre du 30 juillet 1923).
*Août : exhumation de Théophile à Suippes et ré-inhumation à Sartilly.
Celle-ci donne lieu à une cérémonie religieuse suivie d’une autre, grandiose, au cimetière. Associations d’Anciens Combattants, Amicales et Syndicats d’instituteurs, Délégations de la LDH sont présents aux côtés d’une foule d’anonymes. Les discours durent 2 heures, ils sont rassemblés dans une brochure qui est largement diffusée. A cette occasion une carte postale est réalisée, elle sera diffusée par le Comité de réhabilitation. Postures théâtrales pour Blanche et sa fille Jeanne, texte évocateur :"Cher Martyr! Tu seras vengé!". La croix blanche a été rapportée de Suippes.

source photo : archives de la Manche
* Septembre : le Conseil Général de la Manche réclame l’inscription du nom de Maupas sur le MaM de Saint Lô.
* Décembre : Le Conseil municipal de Sartilly autorise Blanche à faire graver le nom de son mari sur le monument aux morts de la commune.
Année 1924
* Mars : le Conseil municipal de Cherbourg vote une réclamation en faveur de la reconnaissance officielle des fusillés de Souain.
Les élus de la République sont de plus en plus nombreux à prendre position. La rigide ligne de conduite du Gouvernement devrait être intenable, elle persistera pourtant pendant 10 ans.
*Juillet : Blanche demande au Conseil municipal de Sartilly l’autorisation d’acheter 4 m2 attenant à la tombe de Théophile. Une souscription nationale sera lancée pour ériger sur cet espace, un monument dédié à la mémoire des quatre fusillés de Souain. L'objectif est d'en faire un lieu de rassemblement.
*octobre : constitution du Comité Lechat qui soutient la sœur du caporal, il est ré-inhumé en Ille et Vilaine, en présence de Blanche Maupas.
cordialement
Brigitte