Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

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Arnaud Carobbi
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par Arnaud Carobbi »

Bonsoir Claude,

Un grand merci pour vos longues précisions sur la majorité des points des points évoqués. Je préfère poser mes questions, expliquer ce qui me gêne plutôt que de laisser passer.
Il va falloir lire plusieurs fois, attentivement, car c'est riche, très riche ; avec les documents et tout et tout. Je ne m'en plaints pas.
Au moins là, nous avons tous les éléments pour nous faire une opinion. Vous defendez votre point de vue, chacun peut se faire son idée, être d'accord ou non, en toute connaissance de cause, sans de voir se triturer l'esprit en se demandant à quoi vous faites allusion. Il faut comprendre tout de même que je n'attends pas ce type d'argumentation pour tous les sujets, sauf à vouloir faire fuir tout le monde !!! Juste quand le sujet ports sur des discussions qui ont déjà fait taper beaucoup de caractères sur les écrans (le 15e Corps, les tirs amis, maintenant Lagarde), autant prévenir.
Pour revenir sur quelques points avant de me retirer de la discussion à pas de loup vu que je n'ai rien à y apporter de plus :

"Je donnais simplement un document qui répondait à une affirmation « un général ne peut avoir donné un tel ordre »" Nous sommes d'accord avec la réponse, mais un exemple suffit-il à faire une généralisation ? Non, évidemment. Et la question essentielle reste bien de savoir s'il a été suivi d'effets. La note de Bernard sur le futur est pertinente également. A part dire que ce général a donné l'ordre, nous n'apprenons rien de plus de ce document seul.

"Les conditions dans lesquelles il a été donné ne changent rien à l'existence physique du document. Je m’efforçais simplement de dire en peu de mots que les circonstances pouvaientaider à comprendre le pourquoi de la chose."
D'accord là encore, mais les circonstances n'étant pas données clairement, je trouve qu'un mise au point était indispensable. Sans forcément revenir en détails sur tout ce qui c'est passé.

"dans une discussion, à peine desuspecter l’autre « de mauvaise foi » il faut bien admettre que cequ’il dit est sérieux… où alors on ne discute pas..."
Je n'ai pas dit que vous étiez de mauvaise foi, je voulais juste que vous précisiez vos idées. Je veux bien discuter, mais si mon interlocuteur parle par sous-entendus, cela devient difficile. Je pense donc que dans ce type de discussion, il faut apporter des faits précis.

"Les conditions dans lesquelles il a été donné ne changent rien à l'existence physique du document." Sur son existence probablement pas, mais sur l'interprétation à lui donner, c'est autre chose.

Chose promise, place à la discussion,
Bien cordialement,
Arnaud
chanteloube
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par chanteloube »

Mais oui Arnaud, la discussion est ouverte et j'y suis habitué, vous imaginez bien que les historiens universitaires ne laissent rien passer surtout lorsqu'on attaque le sujet du 15 Ca toujours ouvert .
Personne d'ailleurs et moi le premier n'a dit que tous les généraux avaient ordonné de tirer sur leurs troupes...

Ce document est évidemment choquant, tant il heurte l'idée que nous nous faisons du commandement, il dit simplement qu'au moins un général a donné cet ordre, rien de plus.... Qu'il ait été suivi d'exécution ou pas, il ne nous renseigne pas sur les généraux, il nous dit qu'à ce moment de la guerre un tel ordre était possible et que l'opinion qu'on a sur cette question est encore du domaine des représentations.

Pour étayer mon propos je changerai de guerre...
Le plan Fortitude est un cas où de façon délibérée on a sacrifié des vies.....
Le débarquement Jubilée, de 42, annulé puis repris, qui coûta beaucoup de vies aux Canadiens n'avait d'autre but que de voir ce qui se passait si l'on procédait ainsi, que de comprendre comment les Allemands réagissaient devant une attaque venue par la mer.
Le poids des pertes a permis au général Eisenhower et à son EM de prévoir que le "grand Débarquement" coûterait si cher en vies humaines qu'il fallait engager le double d'effectifs de ce qui était prévu....
Cordialement
CC
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garnier jean pierre
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par garnier jean pierre »

Bonjour à tous,

Puisqu'on peut causer sur ce fil sur un sujet sensible, sans évanouissement superfétatoire, je vous livre, brut de fonderie, une info contenue dans l'ouvrage d'un historien qui ne fait pas l'unanimité sur le forum mais que j'apprécie personnellement pour sa volonté constante d'associer la situation politique au militaire .
Il nest pas exempt d'erreurs, lui non plus.

Il s'agit de l'infanterie et l'artillerie n'est pas incriminée.



Pierre Miquel dans la bataille de la Marne ( Plon ), évoque la reprise en main de troupes françaises du côté de la ferme Nogeon que l’on dit (à l’état major) rapidement maitrisé sans que l’on sache les conditions.

Rien ne transparait dans les archives.
Toutefois, il précise que l’on peut imaginer les conditions de cette reprise en main avec l’annexe 1805 (AFGG , t.I, 3e vol p317) il concerne un bataillon de chasseurs de la 29e division du 15e corps de la 3e armée Sarrail, daté du 8 septembre : « dans chaque bataillon , une section composée d’hommes choisis sous le commandement d’un officier aura pour mission de tirer sur les fuyards.
Il sera interdit de s’arrêter près des blessés, sauf aux infirmiers et brancardiers.

Fermez le ban.

Cordialement,
Jp
chanteloube
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par chanteloube »

Bonsoir,

Puis je rappeler ici que les chasseurs du 15Ca: 6, 7, 12, 23, 24 ,27,46 ,47 ,52 ,63 ,64 ,67 ,115 ,116 ont eu des pertes probablement comparables aux autres bataillons . Voir YVICK HERNIOU
Nous avons dénombré, pour le moment, dans l'ordre: 1900, 2148, 1525, 1655, 1941, 2526, 485, 694, 679, 622, 964, 899, 810, 527

Moi aussi j'aime bien MIQUEL, il a un souffle étonnant-, même quand il commet quelques bourdes...-cela ne discrédite pas l'ensemble de son travail- et plus particulièrement "le Gâchis des généraux " qui lui a valu bien des ennemis...et des ennuis ! Allez savoir pourquoi?
Bonne soirée
CC
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le begue
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par le begue »

Bonjour à tous,
Puisqu'on peut causer sur ce fil sur un sujet sensible, sans évanouissement superfétatoire [...]
Et il est vrai que c'est bien agréable...

Si je suis "CC" dans l'ensemble de son raisonnement et en particulier lorsqu'il affirme "Je redis ici encore une fois que les « Pièces annexes » en apprennent plus que le JMO.",
Je voudrais juste apporter une précision. J'avais ici même, sur un autre thème (Gal Ganeval), abordé le sujet (assez bas dans le fil) :
pages1418/forum-pages-histoire/ganeval- ... 7131_1.htm

Je souhaite ici apporter la précision suivante :
Le règlement de 1913 n'est pas sorti d'une pochette surprise. Il résulte d'un mouvement qui nait dans les années 1890. Dès cette époque, deux courants s'affrontent au sein même de l'Ecole de Guerre. Pour faire court, le premier regroupe les "sensés, le second les "enflammés". Le règlement de 1913 consacre la victoire des seconds.
En ces temps là, la Grande Muette, et tout particulièrement les officiers, s'exprime librement à travers des ouvrages personnels (l'Edition n'est pas encore en crise !), voire à travers les quotidiens. Les attaques épistolaires sont nominatives, souvent violentes.
Déballés en place publique, leurs arguments sont parfois repris par des hommes politiques et des journalistes qui prennent également position. La stratégie de nos armées n'est donc pas élaborée qu'au sein de l'Ecole. Elle est également discutée, voire controversée, à travers les colonnes des médias.
Les propos du Ltn Antoinat rapportés ici dans l'excellente intervention de CC prennent un autre relief.

Certes, ce n'est qu'un axiome qu'Arnaud me pardonnera, mais si on accepte que les "enflammés" ne voient dans un nouveau conflit que la revanche de Sedan, alors tout s'éclaire. On part à la guerre en pantalon garance, fifres et tambours en tête, baïonnette au canon... Et on livre bataille dans les mêmes conditions, avec les mêmes règles (uniformes aux couleurs nationales), les mêmes armes, la même stratégie.

En août 1914, pour les partisans du règlement de 1913, il ne s'agissait pas de gagner une bataille, mais de laver l'affront.
L'Allemagne ne partage pas cette analyse... Et on comprend mieux les propos de Clémenceau "la guerre est chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires".
Même si Joffre est souvent décrié, voire vilipendé sans vergogne, il est intéressant de savoir qu'il appartenait au premier courant, Nivelle au second.
Je ne marche pas dans les traces de P. Miquel, je n'en possède pas l'étoffe, mais connaitre un peu les hommes et la société de cette époque apporte un éclairage intéressant.
Savoir si oui ou non, ordre a été donné à l'artillerie de tirer sur l'infanterie puis exécuté présente, à mon avis, assez peu d'importance.

Beaucoup plus symptomatique par contre, est l'état de désarroi moral et intellectuel qui pousse un chef à seulement oser envisager cette extrémité, et pire, à l'exprimer.
Combien de chefs sont ainsi moralement détruits entre le 20 août et le 10 novembre 1914 (Bataille des frontière - fin de la dernière offensive du XX° CA)? Quelles en furent les conséquences dans la poursuite du conflit ? C'est presque un sujet de thèse que nous propose là Chanteloube.

Cordialement,
Louis.
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Cuchlainn
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par Cuchlainn »

Bonjour à tous,

Je n'ai pas d'élément à vous apporter, hélas, mais je tenais à remercier l'ensemble des participants de ce fil pour ces échanges d'une telle richesse documentaire. Qu'il s'agisse de la situation à ce moment de la guerre, de l'état d'esprit, et aussi de l'élaboration de la doctrine militaire qui préside à ces combats. Comme tout le monde, j'avais beaucoup entendu charger la mule Grandmaison en me demandant comment ce monsieur avait pu avoir tant d'audience; il est effectivement plus logique de constater qu'il n'est, en quelque sorte, que l'arbre qui cache la forêt.

Unique petite remarque supplémentaire, par rapport à cette distinction entre "sensés" et "enflammés". Dans le JMO du 133e RI (où servait mon AGO au début de la guerre), à la date du 9 août, on peut lire le récit très détaillé, et même haletant d'un combat autour de Cernay, le régiment cherchant à résister à une violente offensive allemande débouchant d'Uffholz. Schématiquement, le régiment fut obligé de se replier, menacé d'être tourné, sa gauche ayant dû évacuer sa position sous les coups de l'artillerie allemande. Son repli fut couvert par l'intervention des mitrailleuses, et ce repli entraîna celui du régiment dont les sections, isolées, dit-on, sur un terrain très compartimenté (relief, hautes vignes) tenaient bon. L'auteur du JMO insiste sans cesse sur la difficulté à mener ce combat, la supériorité ennemie, le caractère impérieux des conséquences ("il est impossible... sont obligés... ne permet pas..." à chaque ligne) et conclut "chacune des unités a fait son devoir" (y compris, donc, les sections qui ont cédé sous pression de l'artillerie !) avant d'exposer les étapes du repli, l'ennemi nombreux débordant complètement l'aile gauche. A la lumière de ce fil, j'ai envie d'interpréter cette répétition obsédante comme la volonté des officiers de couvrir leurs hommes et d'enregistrer pour qui de droit qu'un régiment peut être dans l'obligation de reculer parce que l'ennemi est trop puissant, sans qu'il y ait à aller chercher de la lâcheté dans l'unité ou, solution plus commode encore, chez celle du voisin. Un état d'esprit qui diffère de celui des "enflammés"...

Enfin, je trouve très intéressante la remarque finale de Louis. Faut-il interpréter l'ordre révoltant du Gal Colle comme faisant partie intégrante d'une doctrine (pas forcément exceptionnel, donc), ou comme la conséquence extrême du désarroi, sinon de la panique de cet officier qui ne sait plus quoi faire pour que "ça marche" - parce que rien ne marche comme prévu ?

Cdlt
Cyrille
"Sur un banc étaient rangés quinze ou vingt bonshommes qui avaient bien une douzaine de jambes à eux tous." (Duhamel)
chanteloube
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par chanteloube »

Bonjour le bègue, bonjour cuchlainn,

Avec vos éclairages, la discussion que nous avons prend encore un plus de sens. Je vous propose, si ce n'est déjà fait, de lire l'ouvrage du général Bach, il ouvre les esprits vers d'autres analyses....en particulier sur les luttes intestines au sein du corps des officiers supérieurs qu'on ne peut ramener, comme beaucoup le font, à l'affaire des fiches du général André.
La course aux places c'est à dire aux avantages qui en découlent, fait rage et les coups bas pleuvent. Contrairement à ce qui est souvent dit aussi "la grande muette" , comme vous le dites, est loin d'être silencieuse et les officiers souvent engagés en politique, publiquement ou avec discrétion. D’ailleurs un certain nombre de ces officiers briguent ou brigueront les suffrages du peuple ! (pensons à la bagarre autour de Boulanger)
Le général Bach, dont on peut imaginer qu’il connaît un peu la chose militaire , dérange, voire bouscule, les idées reçues et les représentations. C’est vivifiant…….
Bref, les paramètres à prendre en compte pour comprendre un peu mieux l’armée de 1850 à 1950 sont nombreux et suivant que l’historien privilégie les uns ou les autres l’analyse est un peu différente.
Je dis bien l’analyse…les faits, eux, une fois établis et confirmés sont incontournables.
Sauf erreur de ma part il y a eu une longue suite de ministres généraux et ils n’étaient pas apolitiques, c’est la raison pour laquelle je me révolte quand je lis parfois : c’est la faute au politiques si……
Je lis:
"'Beaucoup plus symptomatique par contre, est l'état de désarroi moral et intellectuel qui pousse un chef à seulement oser envisager cette extrémité, et pire, à l'exprimer.
Combien de chefs sont ainsi moralement détruits entre le 20 août et le 10 novembre 1914 (Bataille des frontière - fin de la dernière offensive du XX° CA)? Quelles en furent les conséquences dans la poursuite du conflit ? C'est presque un sujet de thèse"

Je suis absolument d'accord.

J'ajoute que ce travail a en partie été fait, par les débats des députés et les comités, il reste à terminer, par exemple à réactualiser les discours et pas seulement ceux de Clémenceau.

Cordialement
CC
Alain ORRIERE
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par Alain ORRIERE »

Bonjour Claude Bonjour a tous

Un grand Merci a tous pour la qualité et la pertinence de ces echanges

Claude; dans votre travail de recherche avez-vous observé un lien avec le fameux Carnet B ou est-ce un autre sujet completement différent?

En attendant je vous souhaite de bonnes fetes a tous

Cordialement
ORRIERE Alain

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le begue
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par le begue »

Bonjour à tous,
Bonjour Cyrille,
...j'ai envie d'interpréter cette répétition obsédante comme la volonté des officiers [...] d'enregistrer pour qui de droit qu'un régiment peut être dans l'obligation de reculer [...], sans [...]lâcheté ...
Toute honte bue, j'ai toujours pris soin de me désintéresser de la vague de mise au placard qui a suivi cette première année de conflit, origine de "limoger", "limogeage"...
Mais il est certain, eut égard à notre histoire et de précédents célèbres (Dumouriez après la défaite de Neerwinden, Bazaine et la capitulation de Metz), qu'il convenait de rester, pour le moins, prudent !
Aussi, ai-je l'intime conviction que vous êtes dans le vrai.
CC pourra sans doute nous conforter dans nos prises de positions.

Je vous souhaite un joyeux Noël.

Amicalement,
Louis.
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Jean RIOTTE
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Re: Sujet des "tirs amis".... un général a bien donné l'ordre

Message par Jean RIOTTE »

Bonsoir à toutes et à tous,
Je reprends petit à petit pied parmi vous et c'est pour moi un beau cadeau de Noël, un vrai régal que cette discussion.
Non seulement les échanges sont cordiaux mais le fond est particulièrement riche.
Merci aux participants qui font honneur à notre site que je retrouve avec tellement de plaisir.
Bien cordialement.
Jean RIOTTE.
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