Bonsoir.
Une question simple sur le sujet, quel est la cadence de tir du mitrailleuse allemande ou française en 1914.
Cordialement.
Yves
"Attaques baïonnettes hautes"
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
pour la "st etienne": 800 coups minute. la Mitrailleuses Hotchkiss entre 500 et 600 coups minute. Mitrailleuse Maxime 500 coups minute. Deux mitrailleuses en tir croisés pouvaient stoper l'offensive d'un régiment.Bonsoir.
Une question simple sur le sujet, quel est la cadence de tir du mitrailleuse allemande ou française en 1914.
Cordialement.
Yves
Laurent

Histoire du soldat François Louchart 72ème RI .
Pages du 72e et 272e RI [https://www.facebook.com/laurentsoyer59[/url].
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- Stephan @gosto
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
Bonsoir,
Maintenant, bien évidemment, il y eut des soldats tués d'un coup de baïonnette (de même qu'il y eut de violents corps à corps lors de la guerre en tranchée), mais les statistiques ont toujours montré que cela fut loin d'être fréquents. Mitrailleuses, artillerie, barbelés... fichtre ! elles devaient être longues les Rosalies pour parvenir à saigner le coeur de l'ennemi !!
Amicalement,
Stéphan
Elles furent très nombreuses !!! Mais entendons-nous bien : je ne crois pas que N. Cru nie ces attaques à la baïonnette ! Il savait, et tout le monde sait, que les soldats chargeaient avec une baïonnette au bout du Lebel. Il doute simplement du fait que "l'abordage" fut aussi fréquent que le laissent entendre certains récits. Ainsi, il note que l'on pourrait dire tout aussi bien "attaques en képis", "en molletières", etc... laissant entendre que l'utilisation de la baïonnette comme arme fut somme toute relativement rare et sans grande utilité - notamment devant quelques mitrailleuses bien placées !entièrement d'accord avec vous sur le fait que les attaques à la baïonnette furent bien plus nombreuses que ne le laisse entendre Mr CRU.
Maintenant, bien évidemment, il y eut des soldats tués d'un coup de baïonnette (de même qu'il y eut de violents corps à corps lors de la guerre en tranchée), mais les statistiques ont toujours montré que cela fut loin d'être fréquents. Mitrailleuses, artillerie, barbelés... fichtre ! elles devaient être longues les Rosalies pour parvenir à saigner le coeur de l'ennemi !!

Amicalement,
Stéphan
- terrasson
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
bonsoir Yves bonsoir à tous
la cadence de tir dune arme est le nombre de coups que cette arme peut tirer en une minute (est donc theorique)
la vitesse pratique de tir d'une arme est le nombre de coups que cette arme peut tirer en une minute en incluant les opérations d 'approvisionnement (mise en place des munitions bandes ,chargeurs.. armé)
donc en ce qui concerne la mitrailleuse allemande mg08 la cadence est de 500 coups minute
la mitrailleuse saint etienne la cadence est de 650 coups minutes
cordialement christian terrasson
la cadence de tir dune arme est le nombre de coups que cette arme peut tirer en une minute (est donc theorique)
la vitesse pratique de tir d'une arme est le nombre de coups que cette arme peut tirer en une minute en incluant les opérations d 'approvisionnement (mise en place des munitions bandes ,chargeurs.. armé)
donc en ce qui concerne la mitrailleuse allemande mg08 la cadence est de 500 coups minute
la mitrailleuse saint etienne la cadence est de 650 coups minutes
cordialement christian terrasson
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
Bonsoir à tous, d'accord avec toi Stephan ,je l'entendais bien ainsi,même si 2 % de pertes dues à la baîonnettes sur plusieurs millions, ça compte mais nous sommes loin effectivement des ravages de l'artillerie.Ce qui m'interroge c'est que les Français ont privilégiés en 1912, je crois, les feux de salves d'infanterie, au détriment de la mitrailleuse (simple appui), pour en interdire l'usage réglementaire comme le montre le texte d'Arnaud.Amitiés ,Antoine
- Stephan @gosto
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
Bonsoir Antoine,
Sur le sujet, je ne saurais trop te conseiller la lecture, si ce n'est déjà fait, du livre de M. Goya, "La chair et l'acier. L'invention de la guerre moderne (1914-1918)", Tallandier, 2004. C'est remarquable !
Amicalement,
Stéphan
Sur le sujet, je ne saurais trop te conseiller la lecture, si ce n'est déjà fait, du livre de M. Goya, "La chair et l'acier. L'invention de la guerre moderne (1914-1918)", Tallandier, 2004. C'est remarquable !
Amicalement,
Stéphan
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
Bien reçu Stéphan, en te remerciant, Amitiés, Antoine
- garnier jean pierre
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
Bonjour
Je pense que mourir d'un coup de baïonnette ou à cause de la charge à la baïonnettte, ce n'est pas la même chose.
Le résultat définitif étant le même.
Aux frontières, les Pantalons rouges chargent au clairon parfois un km avant l'impact. (P Miquel parle d'1,5km)
Ils sont anéantis par les mitrailleuses et l'artillerie lourde adverse.
Les mitrailleuses allemandes sont placées devant.
Celles des Français derrière, parce que trop génantes pour la charge.
La doctrine Grandmaison est à l'apogée de sa gloire et quiconque tente de s'y soustraire est considéré comme un lache, au mieux un faible et dans tous les cas voit sa carrière réduite en peau de chagrin.
Lanrezac avait synthétisé cette doctrine par la formule suivante : attaquons comme la lune.
A la Marne (1ere) On tient compte (un peu) de l'hécatombe des frontières en plaçant, quand c'est possible, les mitrailleuses devant.
Il n'empêche que les chasseurs marocains laissent (le 5/9) plus de 1000 des leurs sur le terrain pour une charge à découvert sans support d'artillerie....
Le 6, il y a de la goutte à boire la haut et les pantalons rouges chargent toujours...à découvert dans les plaines briardes.
Les jours suivants aussi.
De mémoire, le quart des pertes de l'armée française aura lieu au cours des quatre mois de guerre en 14.
On charge ou on meurt sur place, telle est la stratègie hautement scientifique des " responsables" militaires de l'époque.
Un peu court, mais la pensée unique avait fait son oeuvre sur les poitrines de nos soldats.
Elle l'avait aussi faite sur celles de certains généraux, avec un beau ruban.
Joffre, dans ses mémoires, donc après coup, tente de prendre ses distances avec cette doctrine...
Alors la Rosalie, pour sûr qu'elle a tué, par procuration.
Cordialement
JP
Je pense que mourir d'un coup de baïonnette ou à cause de la charge à la baïonnettte, ce n'est pas la même chose.
Le résultat définitif étant le même.
Aux frontières, les Pantalons rouges chargent au clairon parfois un km avant l'impact. (P Miquel parle d'1,5km)
Ils sont anéantis par les mitrailleuses et l'artillerie lourde adverse.
Les mitrailleuses allemandes sont placées devant.
Celles des Français derrière, parce que trop génantes pour la charge.
La doctrine Grandmaison est à l'apogée de sa gloire et quiconque tente de s'y soustraire est considéré comme un lache, au mieux un faible et dans tous les cas voit sa carrière réduite en peau de chagrin.
Lanrezac avait synthétisé cette doctrine par la formule suivante : attaquons comme la lune.
A la Marne (1ere) On tient compte (un peu) de l'hécatombe des frontières en plaçant, quand c'est possible, les mitrailleuses devant.
Il n'empêche que les chasseurs marocains laissent (le 5/9) plus de 1000 des leurs sur le terrain pour une charge à découvert sans support d'artillerie....
Le 6, il y a de la goutte à boire la haut et les pantalons rouges chargent toujours...à découvert dans les plaines briardes.
Les jours suivants aussi.
De mémoire, le quart des pertes de l'armée française aura lieu au cours des quatre mois de guerre en 14.
On charge ou on meurt sur place, telle est la stratègie hautement scientifique des " responsables" militaires de l'époque.
Un peu court, mais la pensée unique avait fait son oeuvre sur les poitrines de nos soldats.
Elle l'avait aussi faite sur celles de certains généraux, avec un beau ruban.
Joffre, dans ses mémoires, donc après coup, tente de prendre ses distances avec cette doctrine...
Alors la Rosalie, pour sûr qu'elle a tué, par procuration.
Cordialement
JP
D'ousqu'on vient, on salue que les morts!
La peur. (G chevallier)
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Chemin des dames.
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
Bonjour le forum, bonjour Jean-Pierre, "Nous sommes à quarante mètres de la crête, et l'ennemi qui nous mitraille est toujours invisible. Nous n'avons pas encore tiré un seul coup de fusil ! L'adjudant s'en tient au règlement, qui interdit au chef de section de commander des feux s'il ne distingue pas d'objectif".C'est ce passage qui me hérisse le plus,comme le dit Jean-Pierre de la part de..."responsables"...Pas de mitrailleuse en 1eres lignes, artillerie défaillante.Si la dilution des vagues d'assaut ne s'est amorcé qu'en 1916 on comprend mieux , les chiffres des pertes 1914- 1915, Cordialement, Antoine
- Arnaud Carobbi
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Re: "Attaques baïonnettes hautes"
Bonjour Antoine, bonjour à tous,
Toujours pour illustrer, voici un classique, le témoignage de Genevoix. Aussi dense que celui de Galtier-Boissière, il montre que les choses étaient aussi un peu plus complexe. Il ne s'agit pas d'une charge, mais bien d'une avance avec section qui se couvrent mutuellement, mais toujours cette volonté de tirer sur une cible identifiée.
Maurice GENEVOIX, Ceux de 14.
Bonne lecture.
Dimanche, 6 septembre.
(...) Face à l'Aire, Sommaisne derrière nous, on creuse des tranchées avec les pelles-pioches portatives. Les hommes savent qu'on va se battre : ils activent. En avant et à gauche, vers Pretz-en-Argonne, un bataillon du 5e corps nous couvre. Je vois à la jumelle, sur le toit d'une maison, deux observaoeurs immobiles.
Les tranchées s'ébauchent. On y est abrité à genoux. C'est déjà bien.
Vers neuf heures, le bombardement commence. Les marmites sifflent sans trêve, éclatent sur Pretz, crèvent des toits, abattent des pans de murs. Nous ne sommes pas repérés, nous sommes tranquilles. Mais nous sentons la bataille toute proche, violente, acharnée.
Onze heures : c'est notre tour. Déploiement en tirailleurs tout de suite. Je ne réfléchis pas ; je n'éprouve rien. Seulement, je ne sens plus la fatigue fiévreuse des premiers jours. J'entends la fusillade tout près, des éclatements d'obus encore lointains. Je regarde, avec une curiosité presque détachée, les lignes de tirailleurs bleues et rouges, qui avancent, avancent, comme collées au sol. (...)
« Couchez-vous ! »
Quelques-uns viennent de chanter au-dessus de nous. Le crépitement de la fusillade couvre leur petite voix aiguë, mais je me rends compte qu'en arrière leur chanson se prolonge en s'effilant, très loin.
Nous commençons à progresser. Ça marche, vraiment, d'une façon admirable, avec la même régularité, la même aisance qu'au champ de manoeuvre. Et peu à peu monte en moi une excitation qui m'enlève à moi-même. Je me sens vivre dans tous ces hommes qu'un geste de moi pousse en avant, face aux balles qui volent vers nous, cherchant les poitrines, les fronts, la chair vivante.
On se couche, on se lève d'un saut, on court. Nous sommes en plein sous le feu. Les balles ne chantent plus ; elles passent raide, avec un sifflement bref et colère. Elles ne s'amusent plus ; elles travaillent.
Clac ! Clac ! En voici deux qui viennent de taper à ma gauche, sèchement. Ce bruit me surprend et m'émeut : elles semblent moins dangereuses et mauvaises lorsqu'elles sifflent. Clac ! Des cailloux jaillissent, des mottes de terre sèche, des flocons de poussière : nous sommes vus, et visés. En avant ! Je cours le premier, cherchant le pli de terrain, le talus, le fossé où abriter mes hommes, après le bond, ou simplement la lisière de champ qui les fera moins visibles aux Boches. Un geste du bras droit déclenche la ligne par moitié ; j'entends le martèlement des pas, le froissement des épis que fauche leur course. Pendant qu'ils courent, les camarades restés sur la ligne tirent rapidement, sans fièvre. Et puis, lorsque je lève mon képi, à leur tour ils partent et galopent, tandis qu'autour de moi les lebels crachent leur magasin.
Un cri étouffé à ma gauche ; j'ai le temps de voir l'homme, renversé sur le dos, lancer deux fois ses jambes en avant ; une seconde, tout son corps se raidit ; puis une détente, et ce n'est plus qu'une chose inerte, de la chair morte que le soleil décomposera demain.
En avant ! L'immobilité nous coûterait plus de morts que l'assaut. En avant ! Les hommes tombent nombreux, arrêtés net en plein élan, les uns jetés à terre de toute leur masse, sans un mot, les autres portant les mains, en réflexe, à la place touchée. Ils disent : « Ça y est ! » ou : « J'y suis ! » Souvent un seul mot, bien français. Presque tous, même ceux dont la blessure est légère, pâlissent et changent de visage. Il me semble qu'une seule pensée vit en eux : s'en aller, vite, n'importe où, pourvu que les balles ne sifflent plus. Presque tous aussi me font l'effet d'enfants, des enfants qu'on voudrait consoler, protéger. J'ai envie de leur crier, à ceux de là-bas : « Ne les touchez pas ! Vous n'en avez plus le droit ! Ils ne sont plus des soldats. »
Et je parle à ceux qui passent
« Allons, mon vieux, du courage ! A trente mètres de toi, tu vois, derrière cette petite crête, il n'y a plus de danger... Oui, ton pied te fait mal, il enfle : je sais bien. Mais on te soignera tout à l'heure. N'aie pas peur. »
L'homme, un caporal, s'éloigne à quatre pattes, s'arrête, se retourne avec des yeux de bête traquée, et reprend sa marche de crabe, gauche et tourmentée.
Enfin ! je les vois ! Oh ! à peine. Ils se dissimulent derrière des gerbes qu'ils poussent devant eux mais à présent je sais où ils sont, et les balles qu'on tirera autour de moi trouveront leur but.
La marche en avant reprend, continue, sans flottement. J'ai confiance, je sens que ça va. C'est à ce moment qu'arrive un caporal-fourrier, essoufflé, le visage couvert de sueur
« Mon lieutenant !
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Le commandant m'envoie vous dire que vous vous êtes trop avancés. Le mouvement s'est fait trop vite. Il faut s'arrêter et attendre les ordres. »
J'amène ma section derrière une ondulation légère du terrain, dans un pli vaguement indiqué mais où les balles, quand même, frappent moins. Nous sommes là, couchés, attendant ces ordres qui s'obstinent à ne pas venir. Partout, au-dessus de nous, devant nous, à droite, à gauche, ça siffle, miaule, ronfle, claque. (...)
Les ordres, bon Dieu, les ordres ! Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi nous laisse-t-on là ? Je me lève, décidément. Il faut que je sache ce que font les Boches, où ils sont à présent. Je gravis la pente douce, sautant d'un tas de gerbes à un autre, jusqu'à voir par-dessus la crête : là-bas, à quatre ou cinq cents mètres, il y a des uniformes gris-verdâtre, dont la teinte se confond avec celle des champs. Il me faut toute mon attention pour les discerner. Mais, par deux fois, j'en ai vu qui couraient une seconde.
Presque sur leur ligne, loin à droite, un groupe d'uniformes français autour d'une mitrailleuse qui pétarade à triple vitesse. Je vais placer mes hommes ici ; ça n'est pas loin, et au moins ils tireront.
Comme je redescends, un sifflement d'obus m'entre dans l'oreille : il tombe vers la 8e, dont la ligne se rompt un court espace, puis se renoue presque aussitôt. Un autre sifflement, un autre, un autre : c'est le bombardement. Tout dégringole exactement sur nous.
« Oh !... » Dix hommes ont crié ensemble. Une marmite vient d'éclater dans la section du saint-maixentais. Et lui, je l'ai vu, nettement vu, recevoir l'obus en plein corps. Son képi a volé, un pan de capote, un bras. Il y a par terre une masse informe, blanche et rouge. un corps presque nu, écrabouillé. Les hommes, sans chef, s'éparpillent. (...)
Un grand capitaine maigre, celui le la 5e, me crie que le commandant a donné l'ordre de battre en retraite, que nous n'avons pas été soutenus à temps, que nous sommes seuls, et perdus si nous restons. C'est l'abandon de la partie.
De toutes mes forces, j'essaie de maintenir l'ordre et le calme. Je marche les bras étendus, répétant :
« Ne courez pas ! Ne courez pas ! Suivez-moi ! »
Et je cherche les défilements pour épargner le plus d'homnes possible. J'en ai un qui reçoit une balle derrière le crâne, au moment où il va franchir une clôture en fil de fer ; il tombe sur le fil et reste là, cassé en deux, les pieds à terre, la tête et les bras pendant de l'autre côté.
Les obus nous suivent, marmites et shrapnells. Trois fois, le me suis trouvé en pleine gerbe d'un shrapnell, les balles ,le plomb criblant la terre autour de moi, fêlant des têtes, trouant des pieds ou crevant des gamelles. On va, dans le vacarme et la fumée, apercevant de temps en temps, par une trouée, le village, la rivière sous les arbres. Et toujours, par centaines, les obus nous accompagnent.
(...)
Toujours pour illustrer, voici un classique, le témoignage de Genevoix. Aussi dense que celui de Galtier-Boissière, il montre que les choses étaient aussi un peu plus complexe. Il ne s'agit pas d'une charge, mais bien d'une avance avec section qui se couvrent mutuellement, mais toujours cette volonté de tirer sur une cible identifiée.
Maurice GENEVOIX, Ceux de 14.
Bonne lecture.
Dimanche, 6 septembre.
(...) Face à l'Aire, Sommaisne derrière nous, on creuse des tranchées avec les pelles-pioches portatives. Les hommes savent qu'on va se battre : ils activent. En avant et à gauche, vers Pretz-en-Argonne, un bataillon du 5e corps nous couvre. Je vois à la jumelle, sur le toit d'une maison, deux observaoeurs immobiles.
Les tranchées s'ébauchent. On y est abrité à genoux. C'est déjà bien.
Vers neuf heures, le bombardement commence. Les marmites sifflent sans trêve, éclatent sur Pretz, crèvent des toits, abattent des pans de murs. Nous ne sommes pas repérés, nous sommes tranquilles. Mais nous sentons la bataille toute proche, violente, acharnée.
Onze heures : c'est notre tour. Déploiement en tirailleurs tout de suite. Je ne réfléchis pas ; je n'éprouve rien. Seulement, je ne sens plus la fatigue fiévreuse des premiers jours. J'entends la fusillade tout près, des éclatements d'obus encore lointains. Je regarde, avec une curiosité presque détachée, les lignes de tirailleurs bleues et rouges, qui avancent, avancent, comme collées au sol. (...)
« Couchez-vous ! »
Quelques-uns viennent de chanter au-dessus de nous. Le crépitement de la fusillade couvre leur petite voix aiguë, mais je me rends compte qu'en arrière leur chanson se prolonge en s'effilant, très loin.
Nous commençons à progresser. Ça marche, vraiment, d'une façon admirable, avec la même régularité, la même aisance qu'au champ de manoeuvre. Et peu à peu monte en moi une excitation qui m'enlève à moi-même. Je me sens vivre dans tous ces hommes qu'un geste de moi pousse en avant, face aux balles qui volent vers nous, cherchant les poitrines, les fronts, la chair vivante.
On se couche, on se lève d'un saut, on court. Nous sommes en plein sous le feu. Les balles ne chantent plus ; elles passent raide, avec un sifflement bref et colère. Elles ne s'amusent plus ; elles travaillent.
Clac ! Clac ! En voici deux qui viennent de taper à ma gauche, sèchement. Ce bruit me surprend et m'émeut : elles semblent moins dangereuses et mauvaises lorsqu'elles sifflent. Clac ! Des cailloux jaillissent, des mottes de terre sèche, des flocons de poussière : nous sommes vus, et visés. En avant ! Je cours le premier, cherchant le pli de terrain, le talus, le fossé où abriter mes hommes, après le bond, ou simplement la lisière de champ qui les fera moins visibles aux Boches. Un geste du bras droit déclenche la ligne par moitié ; j'entends le martèlement des pas, le froissement des épis que fauche leur course. Pendant qu'ils courent, les camarades restés sur la ligne tirent rapidement, sans fièvre. Et puis, lorsque je lève mon képi, à leur tour ils partent et galopent, tandis qu'autour de moi les lebels crachent leur magasin.
Un cri étouffé à ma gauche ; j'ai le temps de voir l'homme, renversé sur le dos, lancer deux fois ses jambes en avant ; une seconde, tout son corps se raidit ; puis une détente, et ce n'est plus qu'une chose inerte, de la chair morte que le soleil décomposera demain.
En avant ! L'immobilité nous coûterait plus de morts que l'assaut. En avant ! Les hommes tombent nombreux, arrêtés net en plein élan, les uns jetés à terre de toute leur masse, sans un mot, les autres portant les mains, en réflexe, à la place touchée. Ils disent : « Ça y est ! » ou : « J'y suis ! » Souvent un seul mot, bien français. Presque tous, même ceux dont la blessure est légère, pâlissent et changent de visage. Il me semble qu'une seule pensée vit en eux : s'en aller, vite, n'importe où, pourvu que les balles ne sifflent plus. Presque tous aussi me font l'effet d'enfants, des enfants qu'on voudrait consoler, protéger. J'ai envie de leur crier, à ceux de là-bas : « Ne les touchez pas ! Vous n'en avez plus le droit ! Ils ne sont plus des soldats. »
Et je parle à ceux qui passent
« Allons, mon vieux, du courage ! A trente mètres de toi, tu vois, derrière cette petite crête, il n'y a plus de danger... Oui, ton pied te fait mal, il enfle : je sais bien. Mais on te soignera tout à l'heure. N'aie pas peur. »
L'homme, un caporal, s'éloigne à quatre pattes, s'arrête, se retourne avec des yeux de bête traquée, et reprend sa marche de crabe, gauche et tourmentée.
Enfin ! je les vois ! Oh ! à peine. Ils se dissimulent derrière des gerbes qu'ils poussent devant eux mais à présent je sais où ils sont, et les balles qu'on tirera autour de moi trouveront leur but.
La marche en avant reprend, continue, sans flottement. J'ai confiance, je sens que ça va. C'est à ce moment qu'arrive un caporal-fourrier, essoufflé, le visage couvert de sueur
« Mon lieutenant !
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Le commandant m'envoie vous dire que vous vous êtes trop avancés. Le mouvement s'est fait trop vite. Il faut s'arrêter et attendre les ordres. »
J'amène ma section derrière une ondulation légère du terrain, dans un pli vaguement indiqué mais où les balles, quand même, frappent moins. Nous sommes là, couchés, attendant ces ordres qui s'obstinent à ne pas venir. Partout, au-dessus de nous, devant nous, à droite, à gauche, ça siffle, miaule, ronfle, claque. (...)
Les ordres, bon Dieu, les ordres ! Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi nous laisse-t-on là ? Je me lève, décidément. Il faut que je sache ce que font les Boches, où ils sont à présent. Je gravis la pente douce, sautant d'un tas de gerbes à un autre, jusqu'à voir par-dessus la crête : là-bas, à quatre ou cinq cents mètres, il y a des uniformes gris-verdâtre, dont la teinte se confond avec celle des champs. Il me faut toute mon attention pour les discerner. Mais, par deux fois, j'en ai vu qui couraient une seconde.
Presque sur leur ligne, loin à droite, un groupe d'uniformes français autour d'une mitrailleuse qui pétarade à triple vitesse. Je vais placer mes hommes ici ; ça n'est pas loin, et au moins ils tireront.
Comme je redescends, un sifflement d'obus m'entre dans l'oreille : il tombe vers la 8e, dont la ligne se rompt un court espace, puis se renoue presque aussitôt. Un autre sifflement, un autre, un autre : c'est le bombardement. Tout dégringole exactement sur nous.
« Oh !... » Dix hommes ont crié ensemble. Une marmite vient d'éclater dans la section du saint-maixentais. Et lui, je l'ai vu, nettement vu, recevoir l'obus en plein corps. Son képi a volé, un pan de capote, un bras. Il y a par terre une masse informe, blanche et rouge. un corps presque nu, écrabouillé. Les hommes, sans chef, s'éparpillent. (...)
Un grand capitaine maigre, celui le la 5e, me crie que le commandant a donné l'ordre de battre en retraite, que nous n'avons pas été soutenus à temps, que nous sommes seuls, et perdus si nous restons. C'est l'abandon de la partie.
De toutes mes forces, j'essaie de maintenir l'ordre et le calme. Je marche les bras étendus, répétant :
« Ne courez pas ! Ne courez pas ! Suivez-moi ! »
Et je cherche les défilements pour épargner le plus d'homnes possible. J'en ai un qui reçoit une balle derrière le crâne, au moment où il va franchir une clôture en fil de fer ; il tombe sur le fil et reste là, cassé en deux, les pieds à terre, la tête et les bras pendant de l'autre côté.
Les obus nous suivent, marmites et shrapnells. Trois fois, le me suis trouvé en pleine gerbe d'un shrapnell, les balles ,le plomb criblant la terre autour de moi, fêlant des têtes, trouant des pieds ou crevant des gamelles. On va, dans le vacarme et la fumée, apercevant de temps en temps, par une trouée, le village, la rivière sous les arbres. Et toujours, par centaines, les obus nous accompagnent.
(...)