SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Rutilius
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Rutilius »


Bonsoir à tous,


■ Historique (complément).


― 23 mai 1917 : Repousse l’attaque du sous-marin allemand U-47 (Kapitänleutnant Heinrich Metzger), ce qui lui vaudra le témoignage officiel de satisfaction suivant :


Journal officiel du 10 juillet 1917, p. 5.299.

« Un témoignage officiel de satisfaction est accordé au vapeur Sénégambie pour l’attitude disciplinée et énergique de son équipage lors de l’attaque de ce vapeur par un sous-marin, le 23 mai 1917. »


― 4 août 1917 : Alors qu’il allait de Bordeaux à Nantes avec un chargement de marchandises diverses, se porte au secours du cargo Afrique, de la Compagnie des bateaux à vapeur du Nord, torpillé et avarié la veille par le sous-marin allemand UC-71 (Oberleutnant zur See Reinhold Saltzwedel) au large de Noirmoutier, et alors remorqué vers Saint-Nazaire par le remorqueur Victoire et le patrouilleur Kerdonis.


Rapport de mer du capitaine Le Rolland, commandant la Sénégambie (6 août 1917).


« L’an mil neuf cent dix-sept, le six août, devant Nous, Président du Tribunal de commerce de Nantes, assisté de M. E. Ouvrard, commis greffier, a comparu le sieur Le Rolland, capitaine du vapeur Sénégambie, qui nous a déclaré :

Le navire en parfait état de navigabilité, je suis parti de Bordeaux le 3 août 1917 à 5 h. avec des marchandises à destination de Nantes et le Maroc, le chargement soigneusement arrimé et conformément aux règlements. En descendant la Gironde, la chaîne bâbord de la drosse de gouvernail casse ; mouillé et réparé l’avarie sans autre accident. Arrivé au Verdon à 10 h. 30, mouillé, débarqué le pilote, reçu les instructions de départ du navire arraisonneur, appareillé du Verdon à 14 h. 30 ; effectué un tir d’exercice à la sortie et fait route. La brise fraîchit du N.-O., la mer houleuse, temps à grains occasionnant au navire d’assez fort coups de roulis et tangage. Le 4, à 14 h., rencontré à l’entrée de la Loire le vapeur Afrique de Dunkerque en avaries après torpillage. Ce vapeur entrait en Loire à l’aide d’un patrouilleur qui le remorquait. L’Afrique était abandonné d’une partie de son équipage ; envoyé à bord un quart chauffeur avec un mécanicien et quelques marins pour l’aider à rentrer à Saint-Nazaire. Continué ma route après l’arrivée du remorqueur de Saint-Nazaire. Arrivé sur rade de Saint-Nazaire à 17 h. sans incident, été arraisonné et reçu la libre pratique. Continué sur Nantes où je suis arrivé le même jour à 20 h. En raison du roulis et du tangage éprouvés pendant la traversée, bien que les pompes aient été tenue franches, je fais toutes réserves en cas d’avaries dans le chargement provenant de fortune de mer.

Ont aussi comparu les sieurs Lemercier et Richard faisant partie de l’équipage, lesquels ont juré et affirmé que le présent est sincère et véritable et le capitaine a signé avec les comparants. [Suivent les signatures]

En conséquence, nous avons reçu le présent sous notre seing et celui du commis greffier après lecture. »

Signé : E. Ouvrard et E. Bégarie.

(Archives départementales de Loire-Atlantique, Rapports de navigation des capitaines au long-cours et au cabotage enregistrés par le Tribunal de commerce de Nantes, 16 janv. 1916 ~ 16 déc. 1919, Cote 21 U 77, p. num. 149)


V. également ici —> pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... 1968_1.htm
Bien amicalement à vous,
Daniel.
olivier 12
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

SENEGAMBIE
Autre rencontre avec un sous-marin


1628 t Cie Gle Transatlantique
Traversée Nantes – Casablanca via La Pallice, Le Verdon, Saint Jean de Luz
Capitaine LE ROLLAND François inscrit à Tréguier n° 120
Armement : 1 canon de 90 mm sur affut à pivot central
Muni de la TSF. Ne l’a pas utilisé. Vitesse 10 nœuds sans zigzags.

Rapport de mer du 7 Juin 1917

Quitté Bordeaux le 5 Juin 1917 avec 168 tonnes de marchandises diverses à destination de Nantes et du Maroc. Effectué un tir d’essai de 5 coups au Verdon et un tir d’exercice de 10 coups.
Quitté Le Verdon à 13h30 en convoi pour La Pallice. Arrivé à 21h15.
Quitté La Pallice le 7 Juin à 03h00 en convoi pour Port Haliguen. Quitté le convoi à 16h15 et fait route sur Saint Nazaire. Arraisonné à 18h30 et continué sur Nantes où nous sommes arrivés sans incident à 22h30.
Mer houleuse et forts coups de roulis. Toutes réserves en cas d’avaries dans le chargement provenant de fortune de mer.

Rapport de mer du 28 Juin 1917

Quitté Nantes le 18Juin 1917 à 15h00 avec marchandises diverses pour le Maroc. Parti en convoi de Saint Nazaire pour Saint Jean de Luz. Quitté Saint Jean de Luz le 22 au soir et suivi route donnée par les autorités maritimes. Beau temps, grosse houle d’Ouest.

Le 24, le vent hâle au Nord. Grosse brise. Passé Roca le 25 à midi. Ce même jour à 20h30, aperçu un sous-marin à la position 37°30 N et 09°04 W (nota : à mi-chemin entre cap Sines et Cap Saint Vincent). Changé de route et pris cap au Nord jusqu’à 23h00. Ce sous-marin n’a pas semblé vouloir nous donner la chasse, mais par mesure de sécurité, j’ai continué ma route par le large. Roulis et tangage violent. Reste de la traversée sans incident. Veille très attentive pendant toute la traversée. Arrivé à Casablanca le 28 Juin à midi.

En raison du roulis et tangage toutes réserves sur d’éventuelles avaries.
Signé : Le Rolland Capitaine


Rapport d’enquête

Sous-marin de grande taille avec blockhaus de forme arrondie.

Le capitaine s’est conformé à la manœuvre recommandée, mais il a omis de signaler par TSF la présence du sous-marin. Les raisons qu’il invoque pour cette omission n’ont pas de valeur et son attention a été attirée sur l’importance de ces informations pour la sécurité de la navigation, ainsi que sur le caractère obligatoire de leur transmission.

Le sous-marin aperçu

N’est pas identifié. On pourrait toutefois penser à l’U 39 de Walter Forstmann qui avait coulé l’ISERE deux jours auparavant dans l’Ouest du détroit de Gibraltar et ne reprendra ses patrouilles que fin Juillet. Il est donc possible qu’il ait été en transit vers sa base, à supposer que celle-ci ait été en Allemagne du Nord.

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Yves D
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Yves D »

Bonjour Olivier, bonjour à tous
Je ne sais s'il s'agit de l'U 39, rien n'est mentionné à cette date dans Spindler qui pourrait faire penser à Sénégambie. U 39 appartenait à la flottille de Méditerranée et il est rentré à Cattaro le 1.7
Amts
Yves
www.histomar.net
La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.
olivier 12
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Rapport complet du LV Muselier sur la traversée Oran – Bordeaux et la rencontre du 23 Mai 1917

« J’ai profité du retard du au mauvais temps pour embraquer à Oran une pontée de fûts qui a contribué à donner à SENEGAMBIE l’air le plus honnête.
Quitté Oran le 21 Mai à 18h00 en même temps que 15 bâtiments anglais prenant la direction de Gibraltar. Route sur le cap de Gate vu le 22 au matin pus navigué à quelques milles de la côte d’Espagne, un peu au large du groupe le plus rapide des cargos, prêt à me porter en cas d’attaque auprès du bâtiment menacé.

Dans l’après midi du 22 Mai, reçu avis de la présence d’un sous-marin au large de Spartel. Rentré à Gibraltar le 23 à 01h00. L’officier d’arraisonnement me prévient que la navigation vers l’Ouest est interdite et qu’à cause de l’heure tardive je ne pourrai voir l’officier de route avant le lendemain. Il a l’ordre formel de ne remettre aucune enveloppe de route aux bâtiments allant vers l’Ouest. J’ai décidé de repartir immédiatement et j’ai fait route au S80W avant de mettre le cap sur Saint Vincent. J’ai prévenu l’officier arraisonneur et l’ai prié d’avertir l’officier de route de mon départ.

Le 23 à 09h10 Reçu un « Allo » par 35°15 N et 08°04 W. Mis le cap sur ce point. A 15h00 vu deux patrouilleurs ; je suis arraisonné par l’un d’eux qui me signale de veiller les embarcations. (SENEGAMBIE fait ensuite des routes diverses).

A 19h40, l’homme de vigie signale un vapeur, puis quelque chose sous le soleil. On voit la cheminée et les mâts du vapeur et le sous-marin est à 8 milles de nous environ et fait route pour passer sur l’avant du vapeur. Il paraît faire un signal au vapeur. Donné l’alerte et envoyé « Allo ». Vers 19h50, le vapeur avait changé de route et semblait vouloir fuir le sous-marin. Puis il change à nouveau et vient vers l’Est en direction du sous-marin. Le vapeur avait un pavillon que nous n’avons pu distinguer.

J’ai décidé de passer entre le vapeur et le sous-marin, en attaquant celui-ci et en protégeant la fuite du vapeur par une émission de fumigène. Donné toute la vitesse (9,9 nœuds) cap entre le sous-marin et le vapeur qui a stoppé.
A 20h40, cherché à me rapprocher du sous-marin en ayant les deux pièces de 75 battantes et en venant 5° par 5° sur bâbord. Le sous-marin est à 35° sur bâbord et les pointeurs le voient parfaitement. Il roule fortement et son kiosque émerge à chaque coup de roulis. Je ne peux pas voir les canons sur le pont, mais il est de très grande dimension, 80 à 100 m. La nuit tombe vite et je ne semble pas gagner. Il est impossible de télémétrer.
A 21h00, donné ordre à Monsieur Courcoux de commencer le feu. Mouillé 4 bergers (2 ratés) pour masquer la retraite du vapeur qui reprend sa route avec tous les feux clairs et les deux fanaux de couronnement très visibles. Il est passé à 300 ou 400 m à contrebord et n’avait pas ses embarcations en dehors ce qui m’a fait supposer qu’il était neutre.
Tir commencé avec une hausse de 3500 m avec les deux pièces. Premiers coups à gauche et courts. L’officier de tir fait deux bonds de 400 m et ramène son tir en direction. A 21h05 vu une ou deux lueurs sur le sous-marin. J’ai cru qu’il répondait, mais nous n’avons vu ni gerbe ni point de chute. Tir très lent à cause du roulis, de la mauvaise visibilité et de la gêne que le souffle de la 2e pièce apporte au tir de la 1ère. A partir de la 3e salve le tir est bon en direction et les 4 derniers coups ont encadré le kiosque, l’éclatement masquant entièrement le but. 8 coups tirés.
A 21h10, les pointeurs n’y voyant plus, donné l’ordre de cesser le tir.

Revenu sur tribord pour établir un barrage de mines et un barrage asphyxiant sur la route du sous-marin dans le cas où il aurait voulu continuer la poursuite en se guidant sur les feux de position du vapeur qui n’était masqué que par les deux bergers. Mouillé un 3e berger au vent des premiers et le barrage de mines au vent des fumigènes. Mouillé 5 verdiers dérivants asphyxiants sous le vent des mines, tout en restant moi-même vent debout.

A 21h23 mouillé un autre Verdier en marche très lente. L’émission a duré trois quarts d’heure pendant lesquels SENEGAMBIE était certainement masqué à un bâtiment bas sur l’eau.

A 21h30, le second du navire, moi-même et le QM torpilleur Vidal avons vu une lueur et une gerbe sur tribord arrière. Je pense qu’une mine du chapelet a fonctionné.
Fait route derrière le vapeur, mais comme il me gagnait, j’ai renoncé à le suivre.
L’attaque du sous-marin s’est produite par 35°02 N et 02°15 W.

Fait ensuite route sur Saint Vincent. Doublé Finisterre sans le voir et atterri sur le cap Prior le 26 Mai. Visité sans résultat les baies Santa Maria, Del Narquero et Vivero. Je signale que ce dernier mouillage est un abri parfait pour les sous-marins par vent de NW, W et Sud. Deux goélettes à huniers, plusieurs petits remorqueurs allèges et chalands y étaient au mouillage. Nous n’avons pas été reconnus et le capitaine signalera dans son rapport que nous sommes entrés à Vivero pour réparer une légère avarie de machine. Suivi ensuite la côte d’Espagne jusqu’à Santander et, ayant reçu un « Allo » à l’embouchure de la Loire, fait route d’abord vers l’estuaire de la Gironde. Arrivé à Bordeaux le 29 Mai à 18h00. »

Le LV Muselier demande ensuite l’embarquement du matériel cité par Niala dans un post ci- dessus, ainsi que le remplacement de son équipe spéciale qui a dépassé le temps réglementaire à bord (2 mois).

Il ajoute :

Je tiens à signaler l’excellente tenue de l’équipage de SENEGAMBIE et tout particulièrement de son capitaine, Monsieur Le Rolland, pendant la traversée et pendant l’attaque du 23 Mai. Monsieur Le Rolland a insisté pour que nous embarquions sur SENEGAMBIE après sa première avarie et il a accepté avec joie sa mission et en particulier l’ordre de foncer sur l’ennemi. Je demande pour ce brave officier, qui a fait ses preuves par ailleurs, une récompense exceptionnelle.

Récompenses

Témoignage Officiel de Satisfaction


ROLLAND L. Capitaine au Long Cours Tréguier n° 120

Pour l’activité et l’énergie dont il a fait preuve lors d’une rencontre avec un sous-marin

Vapeur SENEGAMBIE

Pour l’attitude disciplinée et énergique de son équipage lors de l’attaque de ce vapeur par un sous-marin le 23 Mai 1917.

Commentaire


On constate que SENEGAMBIE n’était peut-être pas le navire idéal pour être un navire piège étant donné sa très faible vitesse (9,5 nœuds au maximum).

D’autre part, il mouille apparemment des appareils flottants Verdier qui émettent des gaz toxiques asphyxiants, si je comprends bien ce rapport. Je n’ai trouvé aucun renseignement sur ce type d’arme chimique qu’aurait donc utilisé la marine française…

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olivier
Rutilius
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Rutilius »

.
Bonjour à tous,


Sénégambie ― Cargo charbonnier en acier de 1.628 tx jb et de 1.868 t. pl. Lancé en 1902 par la Société en nom collectif E. de La Brosse & Fouché, La Prairie-au-Duc, Nantes, pour le compte de la société anonyme « Établissements J.-E. Buhan père et fils et A. Tesseire », de Bordeaux (Gironde).

Caractéristiques : longueur, 119,00 m ; largeur, 15,46 m ; machine à pilon à triple expansion ; 3 cylindres ; puissance, 2.800 cv ; une hélice ; 12,6 nœuds.

En 1913, propriété de la société dite « Nouvelle Société commerciale africaine d’exportation et d’importation » (NO.SO.CO.), venue aux droits de la société anonyme « Établissements J.-E. Buhan père et fils et A. Tesseire » à la suite d’une procédure de fusion-absorption. En Juin 1916, cédé à la Compagnie générale transatlantique pour le prix de 1.500.000 fr. (L’Écho d’Alger, n° 1.558, Lundi 19 juin 1916, p. 2, en rubrique « Revue maritime »).

Initialement affecté par cette dernière aux lignes de la côte Est du Canada. Après la déclaration de guerre, utilisé comme transport auxiliaire par l’armée de mer.

[Source partielle. — Marthe BARBANCE : « Histoire de la Compagnie générale transatlantique. Un siècle d’exploitation maritime », préface de Roger Vercel, Art et métiers graphiques, 1955. Annexe : « Flotte de la Compagnie générale transatlantique depuis son origine ».]
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Rutilius »


Bonjour à tous,


■ Historique (complément).


― 13 décembre 1916 : Prévenu par le patron du canot de sauvetage Léon-Dufour de Saint-Pierre-Penmarc’h (Finistère), Yves Joseph KERLOCH, échappe à l’attaque d’un sous-marin.


Annales du sauvetage maritime, 3e et 4e trimestres 1916, p. 109 à 112.


Sortie des canots de sauvetage


Saint-Pierre-Penmarc’h (Finistère).

18 décembre 1916.

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance les renseignements suivants sur la sortie effectuée par le Léon-Dufour mercredi 13 courant.

A 13 heures, nous aperçûmes un sous-marin ennemi arrêtant un vapeur norvégien à 6 milles dans le Sud de Penmarc’h ; à 13 h. 40, il arrêta un 2e vapeur norvégien à 8 milles Sud-Est. Ces deux vapeurs venaient du Sud-Est sur l’Est ; le sous-marin les laissa continuer leur route et disparut en plongée à 13 h. 50. A ce moment, nous aperçûmes deux vapeurs chargés venant du Nord-Ouest faisant route directement sur l’endroit où nous avions aperçu le sous-marin. Nous reconnûmes le premier de ces vapeurs pour être de la Compagnie Générale Transatlantique. Voyant le danger que couraient ces navires d’être coulés, je fis armer le Léon-Dufour pour aller les avertir. Le premier des vapeurs ne se trouvait plus qu’à 6 milles de la pointe. L’opération de lancement ne dura pas plus de 5 minutes et, à 14 heures, le Léon-Dufour était à flot. Vu la distance à parcourir, je craignais que le vapeur ne passât avant l’arrivée du canot sur sa route ; je pris place à bord afin de lui signaler à bras le cas échéant. Mais nous arrivâmes juste à temps pour lui couper la route à 2 milles dans le Sud-Ouest du sémaphore.

Au moyen des signaux à bras, je lui signalai de stopper, puis nous approchâmes à portée de voix. Ayant mis le capitaine au courant de la situation, celui-ci nous demande ce qu’il devait faire. N’ayant pas d’ordres à lui donner, je lui conseillai de longer la côte le plus possible et de passer à terre des îles Glénans. Mais ne connaissant pas très bien les parages, il demanda un pratique pour le guider. Le patron Kerloch (*) s’offrit immédiatement et monta à bord du vapeur. Celui-ci, qui était le Sénégambie de la Compagnie Générale Transatlantique, reprit sa route en rangeant les Étocs. Mais à peine avait-il parcouru un demi-mille que le patron Kerloch aperçut le sous-marin à quelques milles par tribord avant. Devant l’imminence du danger, il conseilla au capitaine de venir se réfugier dans l’anse de la Torche en attendant la nuit et de faire route ensuite le plus près possible de terre tous feux éteints. Le capitaine approuva et le Sénégambie remit le cap au Nord-Ouest, et repassant à nous ranger, il nous mit au courant de la situation. A ce moment arriva le deuxième vapeur, le Wilfred de Trondjheim, chargé de charbon. Nous l’approchâmes à portée de voix et je lui criai de suivre le Sénégambie, ce qu’il fit aussitôt. Notre mission étant terminée, je fis remettre le cap sur Saint-Pierre où nous arrivâmes à 16 h. 30 sans incident. Dans l’intervalle, deux torpilleurs arrivèrent sur les lieux et escortèrent le Sénégambie le long de la côte, mais le Wilfred préféra faire route au large et à la nuit nous le vîmes disparaître à 8 milles dans le Sud-Ouest. Le Sénégambie, escorté par les torpilleurs jusqu’au large de Groix, arriva jeudi soir à Pauillac et vendredi à Bordeaux sans autre incident.

Le patron Kerloch fut vivement remercié et félicité par le capitaine et l’équipage du Sénégambie ainsi que par les représentants de la Compagnie Générale Transatlantique à Bordeaux. Il rentrait chez lui, hier soir, heureux d’avoir préservé d’une destruction à peu près certaine un beau vapeur et une importante cargaison et peut-être de la mort plusieurs personnes. Je suis donc particulièrement heureux de vous signaler la brillante conduite du patron Kerloch et de son vaillant équipage qui n’ont pas hésité un instant à aller au-devant du danger pour faire leur devoir.

Le Secrétaire du Comité,
Jacob Hervé.


A l’occasion de l’intéressante sortie exposée dans le rapport ci-dessus, l’Amiral président a reçu, du Ministre de la Marine, la lettre suivante :


MINISTÈRE DE LA MARINE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

État-major général
Bureau. 1re Section

Le Ministre de la Marine, à Monsieur le Vice-amiral Touchard, Président de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés.

Amiral,

J’ai l’honneur de vous adresser copie du rapport de mer du capitaine du vapeur Sénégambie de la Nouvelle Société Commerciale Africaine. Il m’est agréable de vous signaler l’intelligente initiative du patron de ce canot de sauvetage, grâce auquel le vapeur Sénégambie a été prévenu du voisinage de l’ennemi et a pu s’abriter le long de la côte.

Veuillez agréer, etc…

Pour le Ministre et par son Ordre :
Le Vice-amiral, Chef d’État-major général de la Marine,
De Bon.




Rapport de mer du capitaine Oliveau, commandant le Sénégambie.


Bordeaux, le 15 décembre 1916.

Le 13 décembre, vers 15 heures 30, me trouvant par le travers de Penmarc’h, j’aperçus le canot de sauvetage arborant un grand pavillon noir pour attirer l’attention et le patron me faisait des signaux à bras me disant de stopper.

J’ai stoppé immédiatement ; j’ai appris qu’un sous-marin était aux alentours et que je ne pouvais continuer ma route. J’ai demandé à quelqu’un du canot s’il pouvait me conduire en dedans des Glénans d’où ensuite j’aurais pu continuer ma route.

Le patron s’est offert immédiatement et j’ai mis en route aussitôt.

Quelques instants après, je me trouvais dans le Q.S.-O. de Penmarc’h. Tout à coup, tribord avant, nous apercevons un périscope et tout le remous du sous-marin. J’ai viré de bord aussitôt et je me suis approché sans aucune crainte, le plus près possible, des cailloux des Étocs et des roches de Penmarc’h ayant un pilote pratique avec moi.

Quelques instants après, j’aperçois deux torpilleurs envoyés de Brest pour chasser le sous-marin. J’ai instruit le commandant du torpilleur sur ce que j’avais vu et lui ai demandé de me convoyer jusqu’aux Glénans ; les torpilleurs m’ont conduit jusque dans le S.-O. de Groix. Ce sous-marin était signalé depuis 14 heures par les sémaphores des alentours qui avaient informé Brest.

Je ne saurais trop faire d’éloges du courage remarquable des hommes du canot de sauvetage de Saint-Pierre-Penmarc’h qui ont mis le canot à la mer dans le seul but de me prévenir qu’un sous-marin était aux alentours, au risque d’être coulés eux-mêmes. Sans cet avertissement, le navire, sans aucun doute, aurait été coulé, n’ayant aucun moyen de défense à bord. J’ai dû faire route sur Bordeaux avec mon pilote de Penmarc’h. Je dois signaler également que le patron du canot de sauvetage est embarqué à bord mouillé et sans chaussures.

Le capitaine du Sénégambie,
Oliveau.

________________________________________________________________________________________________________________________________________________

(*) KERLOCH Yves Joseph, né le 21 février 1857 à Kérity en Penmarc’h (Finistère) et décédé le ... à ... (...). Inscrit à Quimper, n° 5.226, port du Guilvinec.

Fils d’Yves Marie KERLOCH, né vers 1814, marin, et de Marie Anne GOUDRÉDRANCHE, née vers 1818, « ménagère » (Registre des actes de naissance de la commune de Penmarc’h, Année 1857, f° 3, acte n° 19).

Par décret du 14 janvier 1922, nommé chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur.

« A dirigé ou pris part dans le canot de sauvetage à 29 sorties au cours desquelles 39 personnes ont été sauvées. » (Base Léonore, Dossier 19800035/0110/13788).
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Memgam »

Bonjour,

"Le vapeur Sénégambie allant de Bordeaux à Kayes s'est échoué sur une roche à Salou à environ 40 milles de Kayes."

Source : La Croix du 11 septembre 1903.

"Le vapeur Sénégambie a été renfloué vendredi et est redescendu à Bakel."

Source : Ouest-Eclair, édition de Rennes, 15 septembre 1903.

N.B. Voir aussi le sujet Sénégambie.

Cordialement.
Memgam
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Memgam »

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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Rutilius »

.
Bonjour à tous,


Par une décision ministérielle du 18 octobre 1917 (J.O. 22 oct. 1917, p. 8.363), le lieutenant de vaisseau Émile Henry Désiré MUSELIER – futur vice-amiral, et futur commandant des Forces maritimes et aériennes de la France libre – fut inscrit d’office à la suite du tableau d’avancement pour le grade de capitaine de corvette dans les termes suivants :

« N’a cessé, depuis le début des hostilités, de se signaler par son énergie et sa bravoure, tant au front qu’au cours des missions spéciales à la mer qui lui ont été confiées. Rend par ses grandes qualités d’intelligence et d’activité les meilleurs services au sous-secrétariat d’État des inventions. »

Il fut promu au choix à ce grade par un décret du 9 juillet 1918 (J.O. 11 juill. 1918, p. 5.975).

Il commanda ensuite l’aviso Scarpe, ce qui lui valut d’être cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O. 15 déc. 1920, p. 20.807) :

« Muselier (Émile-Henry-Désiré), capitaine de corvette, commandant la Scarpe : brillant officier qui s’est distingué par sa valeur et son courage sur différents fronts au cours de la guerre. A organisé habilement la défense d'une position maritime importante et donné fréquemment, sous le feu, le plus bel exemple de bravoure et de dévouement persévérant. »
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
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Re: SENEGAMBIE - Compagnie Générale Transatlantique

Message par Memgam »

Bonjour,

On trouvera au sujet Scarpe, les éléments qui ont valu à Emile Muselier d'être cité à l'ordre de l'armée en 1920.

Cordialement.
Memgam
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