Bonjour à tous,
Attaque du 26 Novembre 1917 par un sous-marin. Rapport du capitaine
Quitté Le Havre le 24 Novembre 1917 à destination du Brésil avec escale à Leixoes. Reçu des instructions de route pour me rendre à Falmouth et attendre la formation du convoi anglais vers Gibraltar.
Au départ du Havre, temps couvert et forte brise d’WSW augmentant rapidement d’intensité. Passé Barfleur à 09h20 avec gros coup de vent d’Ouest. Arrivé en vue de Sainte Catherine le 25 à 06h00 du matin et rencontré un patrouilleur anglais qui me donne l’ordre de rentrer à Portland. Mouillé dans ce port à 14h25. Appareillé à 18h00 pour Falmouth. Passé Start Point à 10 milles à 23h25 et N/S Eddystone à 03h00 du matin le 26, à 14 milles. Aperçu Lizard et les feux de Falmouth presque aussitôt.
A 06h00 du matin, me trouvant par 04° 50’ N et 07°16 W, la nuit étant noire, je suis torpillé par tribord entre la machine et la chaufferie, sans avoir rien aperçu. Arrêt immédiat de la machine et extinction de la lumière. L’ébranlement est si considérable que j’entrevois la possibilité de sombrer en peu de temps.
Envoyé SOS par TSF et donné l’ordre d’amener les canots à 1m au dessus de l’eau. Le jour se faisant sans qu’il y ait le moindre secours en vue, donné l’ordre d’évacuer une partie de l’équipage, craignant de recevoir, comme sur AMIRAL OLRY, une 2e torpille qui aurait fait de nombreuses victimes parmi mes hommes.
Les embarcations devaient se tenir à 100 m par le travers de la passerelle, à portée de voix. Il y avait à flot deux grands canots et la baleinière. Toutes les autres embarcations avaient été brisées par le choc. Je suis resté à bord avec les officiers du pont, l’élève officier pont
(nota : l’officier enquêteur met un point d’exclamation dans la marge), et 2 canonniers.
Ouvert les panneaux de cale et constaté que machine, chaufferie et soutes fixes étaient pleines d’eau. Cales 1, 2, 3, et 5 sèches, et légère entrée d’eau dans la cale 4.
Nous sommes tous montés sur la passerelle haute pour y faire la veille. Les canonniers étaient à leur poste à la pièce avant chargée, sous la direction de Monsieur Bourdas.
A 06h45, aperçu le sillage du périscope du sous-marin à 45° sur l’avant tribord de la passerelle à 1200 m. Ouvert le feu et tiré 5 coups de canon dans la direction du périscope qui disparaît au 5e coup.
Devant cette nouvelle menace, je réunis mes officiers en délibération et il est convenu que pour éviter une nouvelle torpille qui nous eut inévitablement coulés, il y avait lieu de demander des remorqueurs dans l’intérêt du navire et de la cargaison. Dressé procès-verbal de cette délibération.
Aperçu alors des chalutiers se dirigeant vers nous. Fait rallier tout le personnel à bord, sur le gaillard, pour préparer les remorques. Laissé seulement en faction l’élève James Mettler.
C’est alors que la baleinière placée à tribord nous signale le départ et le sillage d’une torpille. Celle-ci passe juste au dessous d’elle et nous ressentons un choc violent sous le gaillard.
(Nota : l’officier enquêteur met un point d’interrogation en face de cette phrase)
A 07h30, les chalutiers arrivent et nous mettons les remorques au ras de l’eau. Je fais porter un halin par la baleinière, mais ils refusent de le prendre. Je redemande alors par TSF des remorqueurs. La sonde accuse une légère entrée d’eau dans la cale 1 et une augmentation du niveau dans la cale 4. Les 3 autres cales restent sèches. Pendant ces pourparlers avec les chalutiers patrouilleurs, l’élève Mettler et le QM canonnier Le Lay signalent à nouveau le sillage du sous-marin par le travers bâbord à 2000 m, se dirigeant perpendiculairement au navire à grande vitesse. Il n’y a pas de périscope, mais une surélévation d’eau décolorée. Je donne l’ordre de tirer sur l’avant du sillage et au 3e coup, ce sillage s’oriente vers l’arrière du navire et s’atténue peu à peu. Le sous-marin paraît prendre de la profondeur.
De 08h30 à 09h30 arrivée de plusieurs patrouilleurs, destroyers, vedettes, remorqueurs, dirigeable et avions. Donné les remorques et fait route sur Falmouth. Durant le trajet, le dirigeable signale encore la présence du sous-marin. Les destroyers réussissent à l’écarter. Entré en dedans du barrage à 11h00. Les remorqueurs nous échouent sur un fond de vase molle.
Arrivé au mouillage, une visite du navire à marée basse a permis de constater une énorme déchirure entre la machine et la chaufferie. La chaudière tribord a été culbutée et est passée dans la machine. La chaudière milieu paraît déplacée. Le bâti de la haute pression est en morceaux et les deux autres bâtis sont fendus. Tout le personnel machine et chaufferie de quart a été tué lors de l’explosion. Il s’agit de :
- Vandenkerckove, 1er chauffeur
- Saliou, graisseur
- Le Bonniec, chauffeur
- Cabillic, chauffeur
- Mazo, chauffeur
- Colcanap, soutier
Le salut du navire est dû à la bonne tenue de l’équipage et en particulier au sang froid des officiers restés avec moi à bord, ainsi qu’aux 2 canonniers Le Lay, et Gourvenec.
Mr. Robert, 2e capitaine de quart au moment du torpillage a organisé le sauvetage en bon ordre. Après évacuation d’une partie de l’équipage, a fait une visite dans toutes les parties du navire pour s’assurer qu’il n’y restait pas de blessés. S’est ultérieurement employé à la visite des cales et à activer la prise des remorqueurs dans les plus brefs délais possibles.
Monsieur Bourdas, 1er lieutenant, s’est activement employé à l’évacuation en bon ordre du navire, et est resté à bord avec le capitaine alors que je croyais le navire en train de sombrer. S’est occupé de la pièce avant et a fait preuve de calme et de sang froid.
Monsieur Maillard, 2e lieutenant, a commandé la mise à l’eau de son embarcation. Est resté à bord avec le capitaine et est allé s’assurer de la fermeture de la porte du tunnel et, aidé par le second mécanicien, en a assuré l’étanchéité. S’est très activement employé pour donner les remorques.
Monsieur Régnier, second mécanicien, est resté à bord avec le capitaine et a rectifié la fermeture de la porte étanche du tunnel. A fait, avec le second capitaine, une visite dans la machine et la chaufferie pour y chercher les blessés. S’est activement employé à la veille et à la prise des remorqueurs.
Monsieur Mettler, élève officier, est resté à bord avec le capitaine et a fait une veille très efficace après l’évacuation par une partie de l’équipage. A signalé à deux reprises le sillage du sous-marin. Cet officier s’était déjà distingué lors du torpillage d’AMIRAL OLRY.
Le QM Le Lay s’est distingué par son sang froid, sa promptitude à exécuter mes ordres. A pris le poste de chef de la pièce avant et, par soin tir, a obligé à deux reprises le sous-marin à renoncer à son attaque.
Le canonnier Gourvenec est resté à bord après l’évacuation et s’est activement occupé de la pièce et a contribué à éloigner le sous-marin.
Mr. Delaugerre, TSF, est resté à son poste et a fait les signaux ordonnés par le capitaine. A fait preuve de calme et de sang froid.
Se sont particulièrement distingués : Kerambrun, maître d’équipage, Le Marchand, sd maître, Allançon, Tanguy, Lavalou, Chevalier, matelots, Kerambrun, Le Tournel, graisseurs, Bougeaut, chauffeur, Livare, soutier, Favreau, Dolou, canonniers, Monod, boulanger. Tous les autres membres d’équipage, officiers et marins, ont conservé un sang froid digne de tout éloge et n’ont évacué le navire que sur ordre du capitaine. Tous sont restés près du navire, prêts à remonter à bord au premier appel du capitaine.
Rapport de l’officier AMBC
Equipage militaire Chef de section QM Le Lay
Pièce avant Dolou, Le Bouteiller et Sauvage
Pièce arrière Gourvenec, Favreau et Henry
Le 26 Novembre 1917 par nuit noire ANGO allait de Portland à Falmouth pour prendre le convoi. A 06h00 du matin, une très forte secousse est ressentie. Les machines stoppent et la lumière s’éteint. Le bâtiment reste droit. Une torpille avait frappé à tribord milieu, dans le compartiment machine.
Vers 07h00, le jour commençant à se lever, les officiers qui se trouvaient sur la passerelle aperçoivent un périscope à tribord avant à 4000m. Le commandant donne l’ordre de tirer avec la pièce avant et 5 coups sont tirés. Des chalutiers qui arrivent engagent le champ de tir et le sous-marin disparaît.
ANGO prend la remorque et fait route sur Falmouth. Vers 07h30, un sillage de périscope est aperçu par le travers tribord, faisant route à contrebord de l’ANGO. Le commandant donne l’ordre d’ouvrir le feu et la pièce arrière tire quelques coups de canon. A ce moment, deux très violentes secousses sont ressenties et le bâtiment en tremble. Mais rien de nouveau ne se produit à bord et ANGO, remorqué, peut gagner Falmouth.
Les rôles étaient affichés dans les postes et les exercices avaient été faits. Bonne organisation de la veille et bonne conduite de l’équipage militaire.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UB 80 du Kptlt Max VIEBEG.
On notera que toutes les victimes dénombrées sur ANGO sont dues à l'attaque du 26 Novembre 1917 et non à celle de 1918.
Cdlt