HYACINTHE-YVONNE Dundee

Rutilius
Messages : 15373
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

HYACINTHE-YVONNE — Dundée — Armement Hyacinthe Cuisiat, Les Sables-d’Olonne.

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

Le 16 décembre 1917 à la Sorbonne, lors d'une cérémonie de remise de « récompenses aux héros de la Marine marchande qui se sont distingués dans la lutte contre les sous-marins », la Ligue maritime fran-çaise décerna sa Grande médaille à l'équipage du dundée Hyacinthe-Yvonne et lui remit un prix de 15.000 fr. (L'Ouest-Éclair — éd. de Caen —, n° 5.614, Lundi 17 déc. 1917, p. 4).

Bien à vous,
Daniel.
Dernière modification par Rutilius le lun. déc. 03, 2018 4:46 pm, modifié 1 fois.
Rutilius
Messages : 15373
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

HYACINTHE-YVONNE — Dundée — Armement Hyacinthe Cuisiat, Les Sables-d’Olonne.

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,

• L'Ouest-Éclair — éd. de Caen — n° 6.438, Vendredi 22 juin 1917, p. 4.

« Cet après-midi, l'amiral Fournier, délégué du ministre de la Marine, a distribué un don de 25.000 francs au vaillant équipage du dundée Hyacinthe-Yvonne, du port des Sables d'Olonne, qui coula [en réalité « endommagea »] un sous-marin allemand. M. Tardif, préfet de Vendée, le sous-préfet et M. Pacaud, député, étaient présents. »
_________________________

Bien amicalement à vous,
Daniel.
Dernière modification par Rutilius le lun. déc. 03, 2018 4:57 pm, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Ar Brav
Messages : 6122
Inscription : mar. avr. 25, 2006 2:00 am

Re: HYACINTHE-YVONNE Dundee

Message par Ar Brav »

Bonjour à tous,

Deux clichés à propos du dundee armé Hyacinte Yvonne et un extrait d'article, parus dans le Miroir du 8 juillet 1917. Merci à Christian (Géraud) de les mettre à la disposition de tous.

La Marine Marchande contre les sous-marins.

Cliché 1 :

Image

Le plus bel instantané d'un pirate.

Depuis que les navires marchands sont armés, ils résistent avec succès aux pirates.


Cordialement,
Franck

(à suivre)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Avatar de l’utilisateur
Ar Brav
Messages : 6122
Inscription : mar. avr. 25, 2006 2:00 am

Re: HYACINTHE-YVONNE Dundee

Message par Ar Brav »

Re,

La Marine Marchande contre les sous-marins.

Cliché 2 :

Les héros du Hyacinte Yvonne.

Image

C'est ainsi que le dundee Hyacinte Yvonne, des Sables d'Olonne, en a envoyé un par le fond. Voici son héroïque équipage auquel l'amiral Fournier (1) a remis une prime de 25 000 francs.
Au milieu (2) le second-maître Cuiziat, patron du dundee. Au-dessus, le sous-marin U-65. La photo a été prise en avril par un passager d'un paquebot espagnol arrêté, puis relâché. On distingue jusqu'aux appareils de T. S. F.


J'ignore si, présenté de cette manière et insidieusement, le Miroir veut faire croire aux lecteurs que le Hyacinthe Yvonne a coulé le sous-marin U-65 avec son canon de 47 mm contre une pièce de 88.
Quoiqu'il en soit, l'U-65 est a cette époque bien loin de ce secteur, car basé à Pola et affecté depuis le 18 novembre 1916 à la Mittelmeer I Flotilla. Il a été sabordé en octobre 1918 lors du retrait des troupes de la zone.
En revanche, ce que le Miroir ne dit pas, est que le Hyacinte Yvonne a été coulé le 18 mars 1917 au large de La Pallice par le sous-marin UC-70 de Werner Fürbringer. Ce qui, évidemment, n'enlève rien au mérite de ces marins, bien au contraire.

Cordialement,
Franck
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
olivier 12
Messages : 4029
Inscription : ven. oct. 12, 2007 2:00 am

Re: HYACINTHE-YVONNE Dundee

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Voici les citations à l'Ordre de l'Armée de l'équipage du HYACINTHE-YVONNE.

CUISAT Hyacinthe

Promu second maître dans sa spécialité. Médaille militaire. Croix de guerre.

" Patron d'un bateau de pêche, a donné un exemple d'énergie et de courage remarquables en luttant contre un sous-marin qu'il a forcé à plonger. A eu son bâtiment coulé des suites de l'engagement."

VICHON Laurent Promu quartier-maître fusilier
MONNERON Auguste
BUTAUD Georges
PETITOT Georges
PHILIBERT Jean

" Embarqués sur un bateau de pêche, ont fait preuve d'énergie et de courage dans la lutte de leur bateau contre un sous-marin".

Note de l'Etat-Major Général du 12 Décembre 1917

Les dépositions aussi nettes que concordantes du capitaine et de l'équipage du HYACINTHE YVONNE à leur débarquement permettaient de croire à la certitude de la destruction du sous-marin. Depuis cette époque, les déclarations officielles et publiques de la propagande allemande ont établi que, malheureusement, à n'en pas douter, le sous-marin avait réussi à rentrer en Allemagne.

La bonne foi du capitaine et de l'équipage du HYACINTHE YVONNE ne saurait être mise en question. En raison des circonstances dans lesquelles le sous-marin a opéré une plongée hâtive, il leur était tout à fait permis de croire qu'ils avait réussi à détruire leur adversaire.

Pareille erreur d'appréciation arrive encore tous les jours aux navires les plus expérimentés en cas de lutte avec un sous-marin.

Cdlt
olivier
alain13
Messages : 1843
Inscription : mer. mai 23, 2007 2:00 am

Re: HYACINTHE-YVONNE Dundee

Message par alain13 »

Bonsoir,

Les marins du Hyacinthe-Yvonne ...

Image

... et les caricatures de cinq d'entre eux.

Image

(L'Illustration)

Pas facile à l'aide des caricatures de mettre des noms sur la photo, excepté pour le patron Cuisat et peut-être pour l'homme de droite qui ne semble pas avoir été caricaturé. :???:

Bonne soirée,
alain
Memgam
Messages : 3648
Inscription : lun. nov. 23, 2009 1:00 am

Re: HYACINTHE-YVONNE Dundee

Message par Memgam »

Bonjour,

"Dundee Hyacinthe-Yvonne, avait télégraphié à Marine-Paris l'administrateur de l'Inscription Maritime des Sables d'Olonne, le 18 mars 1917, patron Cuziat, attaqué aujourd'hui près de Rochebonne par sous-marin, a coulé ce dernier après combat 25 minutes. Stop. Touché à tribord avant près de l'étrave, a coulé lui-même environ dix minutes après le sous-marin. Stop. Equipage complet recueilli par dundee Père Emile."
Aussitôt, la rue Royale avait prescrit au commandant de l'escadrille de patrouille de La Pallice de se rendre aux Sables d'Olonne afin d'enquêter sur cet exploit extraordinaire, de porter les félicitations du ministre et de proposer d'urgence des récompenses.
J'ai pu, écrivait quelques jours plus tard le capitaine de frégate Chopard, commandant la quatrième Escadrille, reconstituer les faits, après avoir interrogé, aux Sables d'Olonne, l'administrateur de l'Inscription Maritime, l'équipage de l'Hyacinthe-Yvonne et les patrons des dundee Père Emile et Petite Désirée qui se trouvaient sur les lieux...Suit le récit du combat.
...La précision des détails donnés par tous les témoins interrogés concluait le commandant Chopard, ne permet guère de douter de l'heureux résultat obtenu. L'équipage a fait preuve du plus beau sang-froid et a montré sa volonté de vaincre. Six hommes, montés sur un petit voilier, se sont trouvés brusquement exposés, à 4 ou 500 mètres, au feu de l'artillerie et de la mousqueterie d'un sous-marin puissant. Ils ont riposté résolument avec leur unique pièce de 47. Leur belle attitude a eu raison de l'ennemi...Je vous ai adressé, par télégramme, mes propositions de récompense.
Dès le reçu de ce télégramme et par même voie en retrour, le patron civil Cuziat était promu d'office second-maître de manoeuvre, décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre. Le matelot fusilier Vichon, seul militaire à bord, était promu quartier-maître et cité à l'ordre de l'Armée..
Cet exploit et les noms des six acteurs paraissaient en gros titres à la une dans tous les journaux.
En transmettant, le 30 mars, le rapport du commandant Chopard, le capitaine de vaisseau Le Bail, chef de Division des Patrouilles de l'Océan, ajoutait :
-Par décision du 25 mars vous avez bien voulu accorder des récompenses aux hommes de l'Hyacinthe-Yvonne, mais, au cas où il serait décidé d'allouer aux équipages des bâtiments ayant contribué à la destruction des primes en argent, suivant le principe qui a conduit à en attribuer pour le dragage de mines, j'attire particulièrement votre attention sur l'opportunité d'en faire bénéficier l'équipage de l'Hyacinthe-Yvonne. Cette mesure aurait un effet moral considérable sur les populations maritimes de la région et permettraient d'obtenir avec plus de facilité l'exécution des mesures que vous préconisez pour la protection des pêcheurs. J'estime en outre que l'engagement de l'Hyacinthe-Yvonne paraît rentrer dans les cas prévus au cours des récentes délibérations du Parlement pour le paiement de primes aux équipages ayant détruit un sous-marin.

Le 20 juin 1917, l'amiral Fournier, assisté du docteur Pacaud, député des Sables d'Olonne, remettait aux marins de l'Hyacinthe-Yvonne une prime de 25 000 francs provenant d'une souscription ouverte par le Journal en faveur des équipages de la Marine marchande.
Le 17 novembre de la même année, M. Rondet Saint, président de la Ligue Maritime, écrivait à l'amiral Lacaze, devenu préfet maritime à Toulon après avoir été ministre de la Marine à l'époque de l'affaire : "Dans une déclaration à la Chambre, vous avez cité l'Hyacinthe-Yvonne comme ayant coulé un sous-marin. Pouvons-nous faire état de cette déclaration pour lui attribuer une prime de 15 000 francs au cours de notre séance solennelle à la Sorbonne le 16 décembre prochain ?"
L'amiral Lacaze ayant transmis cette lettre au chef d'état-major général, l'amiral de Bon répondit au président de la Ligue Maritime le 12 décembre :
-Les dépositions aussi nettes que concordantes, du patron et de l'équipage du Hyacinthe-Yvonne, à leur retour, permettaient de croire à la certitude de destruction du sous-marin.
Depuis cette époque, les déclarations officielles et publiques allemandes ont établi que, malheureusement, à n'en pas douter, le sous-marin a réussi à rentrer en Allemagne.

La bonne foi du patron et de l'équipage de l'Hyacinthe-Yvonne ne saurait être mise en question. En raison des circonstances dans lesquelles le sous-marin a opéré une plongée hative il leur était tout à fait permis de croire qu'ils avaient réussi à détruire leur adversaire. Pareille erreur d'appréciation arrive encore tous les jours aux navires les plus expérimentés en cas de lutte avec un sous-marin.

Néanmoins, pour des raisons politiques et psychologiques évidentes, l'équipage de l'Hyacinthe-Yvonne reçut la Médaille de Vermeil de la Ligue Maritime au cours de la séance solennelle du 16 décembre 1917 et la prime de 15 000 francs fut répartie entre les hommes de son équipage par les soins de l'administrateur de l'Inscription Maritime des Sables d'Olonne.

Extrait de Amiral Lepotier, Bateaux-Pièges, Editions France-Empire, 1964.

Cordialement.
Memgam
Rutilius
Messages : 15373
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

HYACINTHE-YVONNE — Dundée — Armement Hyacinthe Cuisiat, Les Sables-d’Olonne.

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,

• F. YDIER, Secrétaire-trésorier de la Société Olona, Instituteur public : « A la gloire des Marins Sablais et Chaumois. Épisodes de la lutte sous-marine en 1917 ~ 1918 », monographie de 16 p., s.l.n.d.

« II. — "L'Hyacinthe-Yvonne", des Sables-d'Olonne.


A trente milles en mer, du parallèle des Sables-d'Olonne à celui d'Arcachon, et particulièrement sur les côtes de la Vendée, la pêche était devenue dangereuse dès la fin de 1916, par suite de la présence inexpliquée, mais continue, des sous-marins allemands qui s'attaquaient surtout aux navires pêcheurs. Et pourtant, il fallait que travaillât pour vivre la population maritime ; il fallait aussi que, dans un but plus national et patriotique, les trop vieux et les tout-jeunes matelots (1) aidassent au ravitaillement du pays. Devant le danger toujours menaçant, ce n'était donc jamais sans appréhension que nos marins sablais perdaient de vue les jetées, mais ils allaient quand même !... jusqu'au jour enfin où la Marine préconisa, organisa le groupement des flottilles de pêche sous la surveillance de patrouilleurs armés. Ces patrouilleurs furent choisis parmi les bateaux désarmés du plus fort tonnage. C'est ainsi que le port des Sables-d'Olonne allait fournir, dès fin Janvier 1917, trois dundees : l'Armide (39 t. 8), le Diamant (36 t. 86) et l’Hyacinthe-Yvonne (42 t. 60). Ce dernier était destiné à une fin glorieuse.
Le 16 mars 1917, la navigation étant encore interdite, le commandant de la 4e Escadrille de La Pallice ordonna au patron Cuisat, de l'Hyacinthe-Yvonne, de se rendre sur les lieux de pêche ; avec lui sortirent, à la tombée de la nuit, vers la zone de pêche délimitée, quatre autres dundees. Le 18 mars, il n'avait plus autour de lui que deux embarcations : le Père-Émile et la Petite-Désirée, et se trouvait alors à 10 milles environ de Rochebonne, sous l'Ouest ¼ N.- W. des Baleines, et faisait cap au N.- W. A 11 heures ½, l'équipage qui préparait son déjeuner entendit un coup de canon et un obus tomba un peu en avant du bateau. Le patron distingua à ce moment une masse fusiforme, à 500 mètres environ. Impossible de douter ! Le voilà donc ce sous-marin qui venait de couler en deux jours six bateaux pêcheurs inoffensifs
(2).
Le modeste équipage envisage de suite la situation et se comprend d'un regard : vaincre ou sombrer ! Le patron Cuisat démasque vivement sa pièce et se prépare au combat. Un second obus tiré du sous-marin traverse l'étrave où il fait une forte déchirure ; mais la pièce de 47 est prête : elle tire, riposte sans arrêt, rage et atteint plusieurs fois le sous-marin. Ce dernier ne s'émeut pas, se rapproche du dundee à 300 mètres seulement ; le commandant teuton se tient sur le pont et dirige lui-même sur les matelots les feux de mousqueterie. Les balles heureusement sifflent et se logent dans la corne de grande voile de rechange.
Par suite de l'état de la mer, le tir de l'allemand est mal ajusté. Voyant sans doute qu'il ne peut dompter ce rafiau aussi rapidement qu'il le désire, il cherche une position meilleure et tente de se porter à l'arrière de la barque, mais Cuisat veille, comprend la manœuvre, évite et garde l'ennemi à bâbord. Sur le sous-marin maintenant stoppé, avançant sur son erre, la pièce française reprend le tir dès que les haubans d'artimon sont parés. Brusquement, l'allemand cesse le feu et l'équipage regagne l'intérieur où il s'enferme...
Il est inouï de penser que le submersible resta ainsi sous le feu, comme une cible offerte, soit qu'il méprisât les matelots qui s'ingéniaient à lui tenir tête, soit que, sûr de la résistance de sa coque d'acier, il dédaignât les petits obus, soit enfin — ce qui est plus plausible — que la précision du tir français perçât son flanc et brisât un organisme dont la réparation urgente exigeait à l'intérieur la présence du capitaine et de son équipage.
Pendant ce temps, le chef de pièce, animé d'une fière ardeur, tire sans désemparer. Le patron, alternativement, tient la barre ou passe les obus au fusilier, lui disant de sa bonne voix de brave habitué aux dangers de la mer :
" Ne te presse pas, mon gars, prends ton temps, vise bien ! " Il dépêche deux hommes chercher les munitions dans la cale, et deux autres pour essayer de boucher la déchirure de l'étrave. Ceux-ci ne peuvent y réussir, et l'eau entrant à flots, le bateau s'enfonce peu à peu sous les pieds de l'équipage. Tout en tirant sans cesse, il faut préparer et réparer, par des moyens de fortune, le canot du bord disloqué par les éclats d'obus.
L'eau monte maintenant jusqu'à la percinthe ..., bientôt, il faudra se livrer au hasard d'une frêle embarcation devenue une véritable écumoire et laisser là l'ennemi, vivant encore !... Le pointeur vise toujours. Oh ! surprise, est-ce le coup fatal, est-ce la victoire ?... Le sous-marin pique verticalement, reste immobile quatre ou cinq minutes, son arrière hors de l'eau, l'hélice et le gouvernail complètement sortis.
Courage, pointeur, tire toujours malgré l'eau qui envahit, malgré la mort qui t'enlace.
S'enfonçant peu à peu, le sous-marin, alors, disparut !...

— " Encore un par le fond, les gars ; vive la France ! "
Victorieux, Cuisat pensa au salut de son navire et de son équipage. Mettant aussitôt son pavillon en berne, il fit route sur le Père-Émile qui, à cinq cents mètres de lui, assistait impuissant, depuis vingt-cinq minutes, à ce combat inégal.
L'Hyacinthe-Yvonne traversa l'emplacement où l'unterseeboat venait de disparaître : une nappe d'huile, épaisse et nauséabonde, d'une superficie de 300 à 350 mètres, couvrait les flots.
Malgré le vif désir de conduire au port le navire vainqueur, force est à Cuisat d'embarquer son équipage dans le canot, car, dans quelques minutes, l’Hyacinthe-Yvonne va disparaître. Deux hommes vident constamment le canot au moyen de deux casseroles. Le Père-Émile comprenant le danger de ses amis, envoya son embarcation au-devant d'eux et les recueillit, pendant que l'Hyacinthe- Yvonne rejoignait son ennemi dans les profondeurs océaniques. Les Sablais étaient saufs ; ils avaient fait tout leur devoir.
Cette victoire si simple, si belle, eut sa récompense et, le jeudi 29 mars 1917, sur la Cale de la Poissonnerie, le Vice-Amiral, Commandant en chef et Préfet Maritime, lut à l'équipage les magnifiques citations à l'ordre de l'armée et lui remit les récompenses accordées par le Ministre, le 25 du même mois
(3).
Elle est aussi consacrée et fixée pour toujours. La Ville des Sables-d'Olonne honorant les meilleurs de ses fils, acquit en 1920 [un] pastel [...] qui est l'œuvre de M. Charles Fouqueray.

___________________________________________________________________________________________

(1) L'un de ceux-ci, enfant de 16 ans, a été, à cet âge, torpillé trois fois.

(2) Dundee Félicité-Albert, d’Auray, 18 mars, 8 h. 45 ; – dundee Madone, des Sables, 18 mars, 10 h. ; – dundee Entente-Cordiale, 18 mars, 11 h. : – Hyacinthe-Yvonne, des Sables, 18 mars, 11 h. 30 ; – Rémy-Irlanda, – Juliette, – Camille-Émile, des Sables. »

(3) Ces 6 braves furent : Hyacinthe Cuisat, second-maître ; Laurent Vinchon, quartier-maître ; Moneron, Buteaud, Petitot, Philibert, matelots. — J.O. 29 mars 1917. »
___________________________________________________________________________________________

(op. cit., p. 4 et 5)
___________________________________________________________________________________________


Le Pays d’Ouest, Revue mensuelle illustrée de la Région des Charentes et du Poitou, Novembre 1919, p. 23 à 27.
« La Tournée d’Honneur des Pêcheurs Sablais.


Ah ! l’on en parlera longtemps aux Sables d’Olonne, de la tournée d’honneur que le patron Cuisiat et son équipage offrirent aux Boches sur le dundee Hyacinthe-Yvonne par une belle journée de printemps. Elle passa moins facilement, pour sûr, que si elle avait été composée de ce petit vin blanc de nos côtes de l’Ouest qui apporte au cœur des gars plus de gaîté et de hardiesse et aux beaux yeux noirs des Sablaises ce pétillement de tendre lumière dont tout l’être se sent en ébullition.
Depuis quelques jours, le littoral aux longues plages unies et blanches était fréquenté par un hôte que personne n’avait envie de retenir. C’était un sous-marin allemand qui surgissait au large, avec la fâcheuse promptitude d'un vent contraire, à l’arrière des inoffensives barques de pêche et qui les coulait férocement après les avoir brisées comme de simples coquilles de noix. Son commandant, un Prussien balourd qui avait la prétention de mêler l’esprit à ses assassinats, ne manquait jamais d’exiger de ses victimes quelques bouteilles
de vin blanc de Vendée qu’il voulait bien honorer de son estime et qu’il dégustait effrontément sur le théâtre de ses forfaits. Après quoi il plongeait, non sans s'être excusé avec un rire cynique de n’être point en mesure de payer sa tournée.
Il fallait bien essayer de se protéger contre un tel malfaiteur. Malgré tout leur courage, les pêcheurs n’osaient plus sortir. Dam, c’est déjà dur d’avoir à lutter contre les périls de la mer. Mais que peut tenter une malheureuse barque contre la torpille sournoise et meurtrière ? On décida donc de faire escorter les bateaux sablais par des navires armés. Au nombre de ceux-ci se trouvait le Hyacinthe-Yvonne, un dundee ou cotre à tapecul, fin et tenant bien la mer avec sa voilure répartie sur deux mâts.
On le savait en de bonnes mains, car il avait pour patron Hyacinthe Cuisiat, un dur-à-cuire à la rude moustache coupant un visage tanné par le vent, qui connaissait les roches aussi bien que les courants, vu qu’il avait, comme marsouin, brûlé plus d’une cartouche dans les forêts d’Argonne et aux Eparges. Son chef de pièce, le fusilier marin Vichon, large tête imberbe sur une puissante encolure, n’avait non plus rien d’un conscrit, puisqu’il avait congrument canardé les Turcs aux Dardanelles et pris part à la bataille de Tchanak. Quant aux autres gars de l’équipage, Moneron, Buteau, Petitot et Philibert, ils avaient cogné à Dixmude et dans les Flandres comme de vrais
" cols bleus " qu’ils étaient.
Souvent, le soir, après avoir mouillé dans le port et tout en vidant une bouteille, on causait du fameux Boche amateur de vin blanc.

— Ah ! ça, disait Vichon, v'là quéqu’jours qu’il fait plus causer de lui, c’t’oiseau-là.
— Est-ce qu’il n’aimerait plus le pinard ? demandait Buteau.
— Qu’il en veuille ou non, concluait Cuisiat, moi, je lui promets une sacrée tournée si on le rencontre, pour sûr, garçons, ça sera une tournée d’honneur.
Et le Hyacinthe-Yvonne comme un vigilant chien de berger, continuait à faire bonne garde autour du troupeau des légères embarcations aux voiles couleur de rouille ou d’azur. Avec elles, il quitta les Sables, le 16 mars 1917, pour gagner la zone de pêche. Le lendemain, rien ne troubla le calme silencieux de l’Océan. Il faisait un temps superbe qui se continua le jour suivant.
Mais, ce jour-là, 18 mars, au petit-jour, en louvoyant entre l’île d'Yeu et l’île de Ré, on entendit le bruit lointain du canon.

— Tiens, fit-on à bord, v’là le Boche qui prend son vin blanc.
Et ce fut un bref branle-bas de combat. Auprès du dundee, se trouvaient les bateaux de pêche Pierre-Émile et Petite-Désirée sur lesquels on ne se troubla, pas davantage. Comme on dit en Vendée, il n’y avait plus qu'à "espérer".
Soudain, à onze heures et demie, une longue plate-forme émerge à 500 mètres du Hyacinthe-Yvonne et pique droit sur lui !
Le sous-marin !
A peine vient-il d’apparaître qu’il ouvre son capot. Deux marins se glissent sur le pont et pointent une pièce de 100 sur le dundee. Le coup part, un peu court, et atteint assez
légèrement l’avant. Mais les Sablais sont parés pour l’attaque. Cuisiat, qui tient la barre, l’immobilise au moyen d’un raban afin d’éviter les embardées et d’assurer l’équilibre de son bateau. Puis il court aider le pointeur Vichon à dégager la pièce de 47 placée à l’arrière qu’il faut débarrasser des filets dont elle est masquée en façon de camouflage. Sans perdre une
seconde, Vichon, superbe de tranquillité, ouvre le feu. Le patron fait l’office de servant. Les quatre matelots s’occupent des munitions.
De nouveau le sous-marin tire. Gueux de Boche ! cette fois le projectile a atteint le Hyacinthe-Yvonne à tribord, près de l’étrave, occasionnant une farte voie d’eau. Et cette canonnade continue, ininterrompue, impitoyable. Tout en crachant de la sorte, l’Allemand manœuvre de façon à se placer sur l’arrière du dundee afin d’éviter ses coups, car, contraint à battre en retraite, celui-ci ne peut se servir de sa pièce d’avant à cause du gréement. Sur le sous-marin, trois hommes tirent des coups de revolver qui n’atteignent heureusement personne. Mais Cuisiat a compris la manœuvre de son ennemi. Il reprend la barre et, en faisant embarder son bateau, il parvient à élargir le champ du tir de Vichon.
Maintenant le pont du sous-marin est désert. Toutes ses ouvertures se sont closes. Il demeure immobile, prêt à plonger, réduit à la fuite, semble-t-il, par le peu redoutable adversaire dont il se riait. C’est que l’humble dundee continue à répondre coup pour coup avec la plus opiniâtre énergie. Tous ses obus portent et cinq atteignent la partie inférieure du blockhaus. Soudain le pirate dresse en l’air son arrière sur une longueur de 8 mètres en dehors de l’eau et se maintient quelques instants dans cette position presque verticale. Un des Sablais s'écrie :

— Qu’est-ce qu’il lui prend de faire la bouteille comme çà ?
— Apparemment qu’il a soif, gouaille Vichon. V’Ià l’moment d’lui offrir la tournée d’honneur.
Toujours aussi précis dans son pointage, le brave fusilier continue à envoyer chaque coup au but. Le dundee fait eau de plusieurs côtés, sa cale est envahie par le flot qui monte sans
cesse et il ne peut tarder à disparaître. Mais qu’importe ! son équipage n’a d’yeux que pour le sous-marin qui s’est mis à osciller à la façon d’un homme ivre. Tous les efforts sont concentrés vers lui. Il faut qu'on l’ait, cré bon Dieu ! Et, en attendant, on s’amuse comme des fous de la triste mine qu’il fait :

— Encore un coup, vieux bandit ! Pour une tournée d’honneur, ça vaut bien ça.
— Quéqu’tu dis du vin blanc ? Si tu l’aimes pas, demande de la bière.
— Remets-lui ça, Vichon.
— Bravo, mon gars ! Pour mettre dans le mille t’es d’attaque.
— Y aura jamais assez d’pipes pour toi au tir de la foire des Sables.
— Il coule, le fatras, il coule !
Eh oui, ça y est. A moins de 100 mètres, le sous-marin coule à pic. Cuisiat et ses cinq gaillards viennent de remporter une des plus extraordinaires victoires qu’ait jamais contemplé l’Océan. Alors on cesse un peu de rire pour tâcher de sauver sa peau et de ne pas suivre le Boche de l’autre côté de son sac, comme on disait dans la vieille marine. Mais impossible d’aveugler la voie d'eau. Malgré le gros chagrin qu’on en éprouve, — car on aime son bateau comme sa maison — il faut en toute hâte évacuer le Hyacinthe-Yvonne.
On rafistole comme on peu le youyou qui a été très endommagé par les obus et on saute dedans, après avoir mis en berne le pavillon du dundee pour attirer l’attention des pêcheurs voisins. Vers midi et quart, le pauvre bateau s’enfonce tristement, suivi par son patron d’un œil où monte la larme. Adieu, obscur chalutier probe et simplet, qui as triomphé du lâche assassin au mécanisme savant et à l’armement formidable.
Mais l’impression pénible ne dure guère. Les matelots du défunt Hyacinthe-Yvonne exultent si fort de leur merveilleux exploit ! Qu’est-ce que vont dire d’eux les camarades et les jolies filles en jupe courte et petits sabots ? Ils rament de tout leur cœur pour traverser la nappe d’huile de plus de 300 mètres qui marque l’endroit où le sous-marin a disparu. Et l’on est si content, si fier qu’on se sent un besoin irrésistible de chanter. Allons, qui est-ce qui en pousse une ? Tous ensemble. Et c’est au son d’un refrain répété en chœur que nos braves accostent le Pierre-Émile qui les recueille à son bord.
Ils furent cités, tous les six, à l’ordre de l’armée. Et les tournées d’honneur ne leur manquèrent pas plus qu’au Boche auquel le petit blanc d’Ouest ne tournerait plus jamais la tête. Seulement celles qu’ils dégustèrent eurent l’avantage de pouvoir se recommencer.
Dites, les gars du vieux Surcouf, rudes corsaires de la Clarisse, de la Confiance et du Revenant, qui brisiez les mâts de l’ennemi comme des allumettes et allumiez ses navires
comme des pipes, avez-vous souvent fait preuve de plus de bravoure, de sang-froid et de résolution que ces modestes et paisibles pêcheurs de la côte vendéenne ?

Louis SONOLET.
»


Image

____________________________________________________________________________________________


— SONOLET Louis René Joseph, né le 15 novembre 1872 à Bordeaux (Gironde) et décédé le 12 février 1928 à Paris, au 56, rue Notre-Dame-des-Champs (VIe Arr.). Homme de lettres et publiciste. Membre de la Société des gens de lettres, de la Société des auteurs dramatiques, de l’Association des journalistes parisiens et de l’Association des écrivains combattants. Secrétaire de la Société nationale des Beaux-arts. Auteur de pièces de théâtre représentées lors de fêtes données au bénéfice des blessés et mutilés de guerre.


Image

(Base Léonore, Dossier LH/2534/40)

Engagé pour la durée de la guerre au Régiment d’infanterie coloniale du Maroc (Matricule n° 04.612), où, simple soldat, il sert en qualité d’agent de liaison. Trois blessures, deux citations. Collaborateur du journal du front Rigolboche.

□ Chevalier de Légion d’honneur (Arr. 6 déc. 1915, J.O. 9 déc. 1915, p. 8.985 et 8.991).

Image

□ Chevalier du Mérite agricole (D. 23 janv. 1923, J.O. 3 févr. 1923, p. 1.138 et 1.173).
Dernière modification par Rutilius le lun. déc. 03, 2018 5:13 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
Messages : 15373
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

HYACINTHE-YVONNE — Dundée — Armement Hyacinthe Cuisiat, Les Sables-d’Olonne.

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,

Distinctions honorifiques et récompenses


Citations à l’ordre de l’armée

Journal officiel du 29 mars 1917, p. 2.489.

Image


Inscription au tableau spécial de la Médaille militaire

Journal officiel du 29 mars 1917, p. 2.489.

Image


Promotion d’office au grade supérieur

Journal officiel du 29 mars 1917, p. 2.489.

Image
Image

____________________________________________________________________________________________


— CUISIAT Hyacinthe Edmé Laurentin, inscrit au quartier des Sables-d’Olonne, n° 240 [n° 1.634 en 1930]. Médaille d’honneur des marins du commerce (Déc. Min. Mar. mar., 13 juill. 1930 : J.O. 15 août 1930, p. 9.487 et 9.494)

Décédé en Février 1940 à l’âge de 66 ans aux Sables-d’Olonne, au 26, rue Napoléon. Époux d’Yvonne Angeline BESSEAU (La Vendée Républicaine, n° 9.413, Jeudi 13 févr. 1940, p. 2).


— VICHON Laurent Marie, inscrit au quartier d'Audierne, n° 6.468. Médaille militaire (D. 20 nov. 1923, J.O. 4 déc. 1923, p. 11.305 ; Erratum J.O. 5 déc. 1923, p. 11.339).

Image
Dernière modification par Rutilius le lun. déc. 03, 2018 5:36 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
Messages : 15373
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

HYACINTHE-YVONNE — Dundée — Armement Hyacinthe Cuisiat, Les Sables-d’Olonne.

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,

Récompenses accordées aux membres de l’équipage du dundée Père-Émile
pour le sauvetage de l’équipage du dundée Hyacinthe-Yvonne


[Prix Henri Durand (de Blois)]



Journal officiel du 9 mai 1918, p. 4.040.

« Par décision du 18 mars 1918, prise sur l’avis de la section permanente du Conseil supérieur de la Marine, le Ministre de la Marine a accordé des prix Henri Durand (de Blois) aux sauveteurs ci-après désignés :

[ ...]

Image
Dernière modification par Rutilius le lun. déc. 03, 2018 5:45 pm, modifié 1 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Répondre

Revenir à « Navires et équipages »