Bonjour à tous,
ALGOL
Rapport du Lieutenant de Vaisseau Charles MILLOT, commandant ALGOL au Commandant de la Division des Patrouilles de Provence concernant le convoyage du paquebot GENERAL GALLIENI. Janvier 1918
J’ai l’honneur de vous rendre compte des incidents qui ont marqué l’entrée de GENERAL GALLIENI à Marseille le 23 Janvier 1918.
GENERAL GALLIENI avait quitté Philippeville le 21 Janvier en convoi avec VILLE D’ORAN et TAFNA, escorté par ALGOL et EPIEU. La vitesse prévue de 10 nœuds aurait dû nous faire arriver à Marseille le 25 Janvier vers 10h00. Mais avant le départ, j’avais reçu du délégué des routes l’autorisation de détacher GALLIENI du convoi dans la nuit du 22 au 23 et de rallier Marseille à 15 nœuds, au jour le 23. Les deux autres bâtiments restaient avec EPIEU.
Ce mouvement s’effectua sans incident le 22 à 21h00, et à 05h20 nous apercevons la première lueur du Planier dont la portée a été réduite à 15 milles.
A 05h45, aperçu dans l’Est du Planier une haute colonne de flamme provenant d’une explosion, reconnue plus tard comme étant celle de DROME.
A 05h55 recevons deux séries de SOS et GALLIENI me signale en scott « Recevons SOS, demande instructions ». La position donnée dans les SOS étant à 2 ou 3 milles sur l’arrière, je réponds au GALLIENI : « Rentrez à Marseille et faites des zigzags jusqu’au dernier moment ».
A 06h15 reçoit : « SOS 4314 0519 chenal de sécurité Marseille DROME.
A ce moment GALLIENI va entrer dans le chenal de sécurité et ALGOL est à 400 m derrière lui. Dans le but de lui faire faire demi tour et de gagner Toulon, je lui signale en scott : « Suivez-moi » et mets la barre à gauche toute. Le signal est répété plusieurs fois avant d’être compris et, une fois compris, n’est pas immédiatement exécuté. Je le répète en le soulignant d’un coup de sirène et mets cap au Sud.
GALLIENI semble enfin comprendre et vient sur la gauche, mais arrête son embardée cap à l’Ouest, c’est-à-dire sensiblement sur le Planier. Je répète mon signal au scott de tête de mât et, le jour commençant à se faire, fait hisser le signal du code : « SOS. Suivez-moi ». A ce moment, un projecteur s’allume dans le Nord de Gallieni et l’éclaire par brusques saccades.
(C’était le projecteur du D’IBERVILLE).
A 06h25, GALLIENI tire un coup d canon en direction du SE, vient sur la droite et lance une série de SOS : « SOS.SOS.4712.0518.5 milles SE Planier. GENERAL GALLIENI ».
ALGOL qui, son signal « Suivez-moi » battant, avait mis le cap sur Toulon, fait demi tour et se dirige vers le GALLIENI.
A 06h48, GALLIENI, qui fait route en direction de Pomègues, tire encore 3 ou 4 coups de canon dont deux gerbes seulement sont aperçues dans différentes directions. Il lance à nouveau son signal SOS, marche à bonne allure et ne semble aucunement avarié. Il continue sa route sur le château d’If en passant à l’Ouest du chenal de sécurité et stoppe sous Pomègues pour prendre le pilote. Il pénètre ensuite à l’intérieur des filets.
Prévenu par D’IBERVILLE que la passe est minée, je me place sous ses ordres et croise avec lui à l’entrée de Marseille jusqu’au moment où nous recevons l’ordre de rentrer par le chenal Nord.
Aucune trace de sous-marin ou de torpilles n’a été aperçue du bord. Au moment de l’attaque, ALGOL était assez éloigné de GALLIENI par suite de la manœuvre effectuée pour lui faire faire demi-tour et l’entraîner loin de la partie dangereuse du chenal.
A propos du Lieutenant de Vaisseau Charles MILLOT
Cet officier de marine (1880 Vesoul – 1959 Buenos Aires) deviendra par la suite un dessinateur célèbre, peintre officiel de la Marine, sous le pseudonyme de Gervèse. (Voir post de GENEAMAR ci-dessus). Ses cartes postales et dessins humoristiques sur la Marine sont devenus des œuvres cultes.
Un très bel ouvrage a été publié sur lui en 1979 aux éditions de la Cité par Jean Randier
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Randier), en collaboration avec Jacques Schirmann : « Gervèse et la Marine de son temps ».
Jacques Schirmann, Capitaine au Long Cours, Commandant à la Compagnie Maritimes des Chargeurs Réunis, puis capitaine d’armement de cette même compagnie, est le petit neveu et le filleul de Gervèse. Il a aussi publié en 2006, aux éditions du Gerfaut un ouvrage intitulé : « Gervèse : Peintre et marin ».
Voici une autre photo d’ALGOL que Charles Millot a commandé pendant deux années.
Il a fait un dessin de ce sloop armé de 2 canons de 140 mm, que l’on trouve dans ce remarquable ouvrage, en deux parties. C’est un magnifique document sur l’histoire de la marine en raison des détails qu’il nous fournit : le râtelier à cabillots au pied des haubans était bien là, tout comme le nombre de rivets qui maintiennent la fondation du canon, les matelas pare-éclats tout autour de la passerelle, ou encore le tube acoustique flexible reliant le matelot canonnier (près du tube du canon) jusqu’à la passerelle.
Voici Charles Millot vers 1924
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