SAINT MARC - Compagnie Générale Transatlantique

olivier 12
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Re: SAINT MARC - Compagnie Générale Transatlantique

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Complément sur le naufrage du 5 Septembre 1916

Note de l’Etat Major Général au Service de l’Intendance Maritime 8 Septembre 1916

J’ai l’honneur de faire savoir à Monsieur le Commissaire Général Chef du Service Central de l’Intendance Maritime que le vapeur SAINT MARC, se rendant de Corfou à Bizerte, a été coulé le 5 Septembre. L’équipage tout entier a été sauvé et ramené à Bizerte.

Rapport du capitaine

SAINT MARC
Age 3 ans. 12000 tonnes. 6084 tx JB. 120 m long. 15,40 m large. TE avant 3,40 m. TE arrière 5,10m
Aucune réparation depuis la construction.

39 hommes d’équipage tous Européens, sauf 2 Tahitiens. Pas de passagers.

Je soussigné, Emile SALAUN, capitaine du vapeur SAINT MARC du port de Bordeaux, appartenant à la Compagnie Générale Transatlantique, déclare avoir quitté Corfou le 3 Septembre sur lest à destination de Bizerte, conformément aux instructions reçues du commandement de la base navale de Corfou. En dehors du barrage à 18h30, un torpilleur nous convoie pour faire le chenal de sécurité et nous quitte à 19h00. A 20h00, un chalutier nous approche en nous disant qu’il est désigné pour escorter SAINT MARC jusqu’au 4 à 19h30. Notre traversée est normale jusqu’à 10 milles de Spartivento où ISOLA nous quitte à l’heure convenue. Nous continuons la route D. Mer très belle. Petite brise de SW.

Le 5 à 11h00, par 35°50 N et 16°00 E, 25 minutes après avoir aperçu un grand vapeur devant, courant N50E environ, nous nous disposons à changer de route pour gouverner S48W, lorsqu’un sous-marin apparaît subitement par notre travers tribord, à 8 milles environ, et nous coupant la route. C’est l’officier de quart qui a aperçu le premier le sous-marin. J’étais dans la chambre de veille et suis venu immédiatement sur la passerelle. J’ai pris le commandement jusqu’à la fin.
Gouverné aussitôt pour présenter l’arrière, machine à toute allure, pavillon national à mi-drisse au marocain, et les hommes au poste de combat. Tout en donnant ces ordres, je fais disparaître les documents confidentiels. Le sous-marin, apercevant notre manœuvre, change aussitôt sa route et nous prend en chasse. Il nous gagne à vue d’œil, et nous envoie un premier projectile à 11h10 qui tombe à 800 m sur notre arrière. A 11h30, nous ouvrons le feu, mais nos obus ne tombent qu’à mi-distance. Aussitôt, le sous-marin étant en posture convenable, nous couvre de ses projectiles, dont certains éclatent à bord. A midi, voyant la lutte impossible et toute résistance inutile pour nous permettre de sauver le navire, aucun moyen n’étant à notre portée pour appeler à notre secours, ne possédant pas de TSF, je décide de tenter de sauver l’équipage. J’ai consulté les officiers sur l’opportunité de l’abandon. Je fais stopper et donne l’ordre de mettre les embarcations à la mer. Le sous-marin ne cesse de tirer que lorsque les embarcations s’éloignent du bord. Aucune, heureusement ne fut atteinte.
Le pirate s’approche de nous et le commandant m’ordonne d’accoster après nous avoir demandé d’apporter les papiers du bord. Il me reproche vivement d’avoir répondu à son attaque en me déclarant cependant qu’il me laissait libre. Il me remet des lettres soi-disant écrites par 3 capitaines anglais qu’il a à son bord comme prisonniers. Ces lettres étaient destinées à leurs familles. J’ai dû lui remettre le rôle d’équipage, l’acte de francisation et le registre des traversées.

SAINT MARC disparaît dans les flots, coulé à coups de canon, à 14h20, les pirates ayant passé une heure à bord et ayant amené nos signaux. Le sous-marin plongea avant que notre navire ne fut définitivement coulé. Nous mîmes nos embarcations à la voile en faisant route bâbord amures. Ces trois embarcations ont pu amplement donner place à tout l’équipage et le rôle d’abandon a été exactement suivi. Elles étaient armées et approvisionnées régulièrement. Vers 15h30, un chalutier patrouilleur arriva sur les lieux du sinistre et après avoir croisé dans diverses directions il fit route sur nous et nous recueillit vers 17h00. C’était le chalutier SAVOIE.

Je tiens à signaler le calme et le sang froid dont a fait preuve l’Etat Major et tout le personnel en ma circonstance. Tel est mon rapport que je certifie sincère et véritable en me réservant le droit de l’amplifier si besoin est.

Voici la signature du capitaine SALAUN

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Complément au rapport du capitaine Salaun

Comme suite à mon rapport de mer, j’ai à déclarer que le submersible était du type allemand U 16, peint en gris, mais ne portant aucune marque distinctive et sans pavillon national. Les différentes physionomies que j’ai distinguées me paraissaient allemandes.
Le submersible était armé d’une pièce de 120 à 160 mm sur l’avant et d’un 95 ou 100 mm sur l’arrière. Il semblait en parfait état de navigabilité.

Trajets du SAINT MARC et du sous-marin avec commentaires de l’officier enquêteur

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Rapport du Chef d’Etat Major Général, VA de BON, au Ministre 28 Septembre 1916

Le vapeur affrété SAINT MARC, appartenant à la Compagnie Générale Transatlantique a été coulé à coups de canon par un sous-marin à une soixantaine de milles à l’Est de Malte, le 5 Septembre1916.

Le capitaine Salaun, se voyant chassé, tira un coup de canon sur le sous-marin mais, le jugeant trop court, n’insista pas. Il se contenta de fuir pendant une heure durant laquelle le navire aurait été touché deux fois. Il ne paraît pas certain que ce soit par deux projectiles car il ne s’est produit aucun éclat.
Une pareille situation aurait dû éclairer le capitaine Salaun et lui faire apercevoir la possibilité de sauver son navire. Au contraire, ce capitaine n’a pas hésité à se rendre. Il ne dit même pas qu’il ait tenté de mettre son canon hors d’usage.
Ce qui domine dans cette perte du SAINT MARC, c’est, de la part de son capitaine, un sentiment d’indifférence inacceptable, surtout dans les circonstances actuelles. Il convient de signaler cependant qu’aucune panique ne s’est produite dans son équipage.

En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer, en exécution de l’article 87 de la loi du 24 Mars 1852, que le Capitaine au Long Cours Emile SALAUN, Le Conquet n° 10, soit privé de la faculté de commander jusqu’à la fin des hostilités pour le motif suivant :

A fait preuve d’impéritie, d’absence d’énergie et de qualités militaires en abandonnant son bâtiment sans que celui-ci ait subi d’atteinte sérieuse et sans avoir épuisé les moyens de défense dont il disposait.

Réponse de l’Amiral LACAZE


Celui-ci modifie le motif comme suit :

Pour avoir gravement manqué d’énergie et de commandement en abandonnant son bâtiment sans que celui-ci ait subi d’atteinte sérieuse et sans avoir épuisé les moyens de défense dont il disposait.

(Voilà qui confirme les renseignements donnés par les descendants du capitaine Salaun le 23/06/2010. Il y a en réalité deux dossiers séparés aux archives de Vincennes. Il semblerait d’ailleurs que le marin blessé à la main, s’il a bien été soigné dans le sous-marin, n’a pas été gardé prisonnier mais remis dans une embarcation)

Cdlt
olivier
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markab
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Re: SAINT MARC - Compagnie Générale Transatlantique

Message par markab »

Bonjour,

Un communiqué de presse publié par le journal "La Croix" en 1916 :

SAINT MARC La Croix 1916-09-12.jpg
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A bientôt.
Cordialement / Best regards
Marc.

A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
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