Bonsoir à tous
Ouf ! j'en ai fini avec cette traduc. Ci dessous un extrait du livre cité précédemment de Günter Huff qui dans cette partie reprend la chronologie des évènements telle qu'elle figure au KTB. Voici donc la journée du 28 et la matinée du 29 vues depuis l'Emden qui pour la circonstance arborait une 4e cheminée factice de façon à ressembler à un croiseur anglais. A lire avec la carte de l'engagement.
28.10.1914
2.00 h en vue sur tribord avant du phare de Muka Head, il marque l'entrée nord de Pulau Penang. A bord de l'Emden, on effectue les dernières préparations en vue du combat à venir. Le bateau est paré au combat, toutes les chaudières en pression, la cheminée de camouflage est mise à poste. Tout l’équipage est au poste de combat.
3.00 h. Emden fait route sur le port Penang d'abord à 18 nœuds puis plus tard à 17.
4.30 h. la bouée d’accès à l’entrée nord du port est laissée à tribord.
4.50 h., le croiseur se trouve à l’intérieur du port et s'approche du mouillage pour des navires de guerre. – le commandant pose la question : "quels bateaux sont à l'ancre ?" Tous les postes du croiseur sont en alerte.
5.04 h., une heure avant le lever du soleil, malgré l'obscurité encore régnante et les bancs de brouillard se trouvant sur l'eau à 1200 m sur tribord avant apparaît le feu arrière d'un navire de guerre au mouillage. A 800 m, le bateau peut être identifié comme étant le croiseur russe Shemtschug. A bord du Shemtschug, rien ne bouge. Les veilleurs n'ont pas reconnu les pavillons de combat hissés sur l’Emden.
5.10 h. Emden abat de quatre quarts par bâbord.
5.13 h. il résulte de la nouvelle route suivie une nouvelle abattée de quatre quarts sur tribord pour venir à la distance minimale de lancement de torpille.
5.18 h Le commandant donne l’ordre de lancer une torpille. Lancement à une distance de 350 m d’une torpille qui fait but 11 secondes après. Le croiseur russe est touché sur babord à hauteur de la cheminée arrière. Dans le même temps l'artillerie reçoit l’ordre de feu et tire sur la partie avant du navire russe pour empêcher les équipes installées là d’occuper les pièces d'artillerie. Après avoir passé le croiseur ennemi, le commandant de l’Emden vire de bord sur la route opposée en direction des vapeurs marchands à l'ancre.
5.28 h. L’Emden qui à présent a fait demi-tour repasse devant le Shemtschug à une distance de 650m et lui décoche une nouvelle torpille qui atteint le bateau russe à bâbord sous la passerelle. Dans une violente explosion, le navire se casse en deux. Pendant ces 10 minutes de combat l'Emden est resté à l’intérieur du port. Le commandant décide alors de se tourner vers un nouvel adversaire. C'est le contre torpilleur français D'Iberville mais dans le même temps, on observe à l’entrée nord du port d'autres navires qui dégagent force fumée.
Observant cela, l’Emden quitte la partie étroite du port pour aller à la rencontre du premier bateau qui par suite de la forte réfraction lumineuse qui domine ce matin, est identifié par erreur comme une grande unité. Le croiseur ouvre le feu à une distance de 5000m, l'adversaire réagit en changeant de cap et fait route vers la côte. Il se dévoile alors comme étant le petit vapeur du gouvernement britannique Mirbau sur lequel le croiseur règle son tir. Mais comme beaucoup de temps s’est déjà écoulé, le commandant décide d'interrompre l'action et l'Emden sort du port en route vers le nord.
6.50 h. environ l’Emden met le cap sur le vapeur anglais Glenturret déjà observé précédemment, cependant il renonce car à…
7.00 h. un autre bâtiment apparaît qui est identifié comme étant un contre-torpilleur
7.30 h L’Emden hisse sa flamme de guerre et ouvre le feu à 4300m. Le contre torpilleur ne répond pas immédiatement à l'ouverture du feu et l'Emden l'attaque à la torpille, puis par un changement de cap sur bâbord, il cherche à s’échapper. Le croiseur allemand peut alors régler son tir et coule le bateau ennemi en peu de temps.
7.44 h. Emden cesse le feu et fait route vers le lieu du naufrage pour sauver les membres de l'équipage du bateau adverse. C'était le contre torpilleur français Mousquet dont 36 hommes de l'équipage sont sauvés par l'Emden. Ensuite, le croiseur remet le cap au large pour se maintenir à bonne distance du contre torpilleur français, Fronde qui l’a pris en chasse et tente évidemment de venir au contact. L’Emden porte alors sa vitesse à 21 noeuds.
10.00 h. L’Emden cap à l’ouest peut échapper à son poursuivant à la faveur d’un grain.
11.00 h. Le temps s’améliore à nouveau et l’Emden met le cap sur la route Singapour-Rangoon où il espère rencontrer un vapeur sur lequel il pourrait remettre les marins prisonniers du Mousquet.
16.00 h., la route des vapeurs est atteinte et remontée jusqu'à 22.00 h. cap au nord mais sans succès.
22.00 h. mis le cap à l’ouest de façon à passer dans la nuit du 29 octobre le canal de Sombrero et de là gagner l’archipel de Nicobar
Dans la nuit du 29, deux français grièvement blessés décèdent et sont immergés avec les honneurs militaires.
"Quand leurs corps furent immergés, le Capitaine von Müller qui avait fait aligner toute l’équipage pour ces funérailles solennelles, tenait une allocution en français. Dans son discours, il rendait hommage aux Français, parlant de braves camarades"(rapporté par un marin allemand)
Cdlt
Yves
MOUSQUET - Contre-torpilleur
Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
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La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.
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Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Bonjour à tous, bonjour Yves,
Très intéressant récit, qui recoupe tout à fait celui de Farrère et Chack.
Une petite correction à ce que j'ai précédemment écrit : les deux hommes décédés sur l'Emden sont les matelots Barbaroux et Stéphan, et non pas l'enseigne Carissan.
Ils furent immergés devant leurs camarades prisonniers et tous les officiers allemands en grande tenue. Parmi eux le lieutenant de vaisseau prince de Hohenzollern, neveu du Kaiser. Les cercueils étaient recouverts du pavillon français et von Müller déclara en français :"Nous prions pour ces braves, morts des blessures reçues dans un glorieux combat". Puis il fit mettre en berne le pavillon allemand.
Plus tard, un marin alsacien de l'Emden vint trouver les prisonniers et leur déclara : " le commandant va vous remettre au premier cargo rencontré, mais il faut que vous promettiez de ne plus porter les armes pendant la durée de la guerre". Et sur une vague rumeur des prisonniers ajouta aussitôt : "ça va, ça va, c'est parfait...".
C'est le cargo NEWBURN qui fut arraisonné et les prisonniers y furent transférés. Von Müller donna l'ordre à son commandant de débarquer au plus vite l'enseigne Carissan à Sabang : " Allez-y à vitesse maximum car l'officier a besoin d'être hospitalisé d'urgence".
L'enseigne Carissan, qui avait refusé d'être soigné avant ses hommes blessés, décèdera dans le petit hôpital de Sabang, tenu par les Hollandais.
Sabang, dans l'ile de Pulo Weh, de l'ancien royaume d'Achem, est une petite rade paradisiaque, très bien abritée. C'est aujourd'hui une base navale indonésienne.
Mais c'est aussi un lieu bien connu de la marine française, car c'est là que Suffren vint mettre au repos et faire hiverner son escadre en 1782-83, pendant la campagne des Indes.
Voici la côte de Pulo Weh aux environs de Sabang, paysage typique de cette région

Pour revenir sur la fin de l'Emden, le combat avec le SYDNEY, commandant Glossop, dura 1h40. Von Müller parvint in extremis à échouer son bâtiment réduit à l'état d'épave, sur l'ile Keeling du nord, sauvant ainsi une partie de son équipage. Deux cents marins et onze officiers seront recueillis par le SYDNEY, et parmi eux von Müller qui a survécu. Glossop envoya son propre canot pour le récupérer, le dernier, et il sera reçu sur le SYDNEY avec autant d'honneurs que s'il avait été un camarade victorieux.
Voici la carte de ce combat
Enfin, le commando débarqué dans l'ile du sud, un pâté de récifs coralliens, se composait de 46 hommes sous les ordres du second de l'EMDEN, le capitaine von Mücke.
Ayant assisté impuissants à la destruction de l'EMDEN, ils vont s'emparer d'une petite goélette en piteux état, l'AYESHA, et parviendront à gagner, sans vivres et presque sans eau mais avec sextant, montre et éphémérides nautiques, le port de Padang où se trouvaient 4 cargos allemands. Après de difficiles palabres avec les Hollandais (neutres) ils vont s'emparer d'un vieux charbonnier du Lloyd, le CHOISING, et atteindre en 24 jours Hodeiddah, au Yemen. La colonne allemande aura toutes les peines du monde à remonter toute la côte arabique de mer Rouge, tantôt sur des boutres, tantôt à dos de chameaux, souvent harcelée par les bédouins. Elle atteindra finalement Djeddah, puis El Ula sur la voie ferrée du Hedjaz, qui la conduira jusqu'à Alep. Ils arriveront à Constantinople le 23 Mai 1915, six mois et demi après la destruction de l'EMDEN, et rentreront donc libres en Allemagne.
Voilà une odyssée qui pourrait faire un beau sujet de film !
Cdlt
Olivier
Très intéressant récit, qui recoupe tout à fait celui de Farrère et Chack.
Une petite correction à ce que j'ai précédemment écrit : les deux hommes décédés sur l'Emden sont les matelots Barbaroux et Stéphan, et non pas l'enseigne Carissan.
Ils furent immergés devant leurs camarades prisonniers et tous les officiers allemands en grande tenue. Parmi eux le lieutenant de vaisseau prince de Hohenzollern, neveu du Kaiser. Les cercueils étaient recouverts du pavillon français et von Müller déclara en français :"Nous prions pour ces braves, morts des blessures reçues dans un glorieux combat". Puis il fit mettre en berne le pavillon allemand.
Plus tard, un marin alsacien de l'Emden vint trouver les prisonniers et leur déclara : " le commandant va vous remettre au premier cargo rencontré, mais il faut que vous promettiez de ne plus porter les armes pendant la durée de la guerre". Et sur une vague rumeur des prisonniers ajouta aussitôt : "ça va, ça va, c'est parfait...".
C'est le cargo NEWBURN qui fut arraisonné et les prisonniers y furent transférés. Von Müller donna l'ordre à son commandant de débarquer au plus vite l'enseigne Carissan à Sabang : " Allez-y à vitesse maximum car l'officier a besoin d'être hospitalisé d'urgence".
L'enseigne Carissan, qui avait refusé d'être soigné avant ses hommes blessés, décèdera dans le petit hôpital de Sabang, tenu par les Hollandais.
Sabang, dans l'ile de Pulo Weh, de l'ancien royaume d'Achem, est une petite rade paradisiaque, très bien abritée. C'est aujourd'hui une base navale indonésienne.
Mais c'est aussi un lieu bien connu de la marine française, car c'est là que Suffren vint mettre au repos et faire hiverner son escadre en 1782-83, pendant la campagne des Indes.
Voici la côte de Pulo Weh aux environs de Sabang, paysage typique de cette région

Pour revenir sur la fin de l'Emden, le combat avec le SYDNEY, commandant Glossop, dura 1h40. Von Müller parvint in extremis à échouer son bâtiment réduit à l'état d'épave, sur l'ile Keeling du nord, sauvant ainsi une partie de son équipage. Deux cents marins et onze officiers seront recueillis par le SYDNEY, et parmi eux von Müller qui a survécu. Glossop envoya son propre canot pour le récupérer, le dernier, et il sera reçu sur le SYDNEY avec autant d'honneurs que s'il avait été un camarade victorieux.
Voici la carte de ce combat
Enfin, le commando débarqué dans l'ile du sud, un pâté de récifs coralliens, se composait de 46 hommes sous les ordres du second de l'EMDEN, le capitaine von Mücke.
Ayant assisté impuissants à la destruction de l'EMDEN, ils vont s'emparer d'une petite goélette en piteux état, l'AYESHA, et parviendront à gagner, sans vivres et presque sans eau mais avec sextant, montre et éphémérides nautiques, le port de Padang où se trouvaient 4 cargos allemands. Après de difficiles palabres avec les Hollandais (neutres) ils vont s'emparer d'un vieux charbonnier du Lloyd, le CHOISING, et atteindre en 24 jours Hodeiddah, au Yemen. La colonne allemande aura toutes les peines du monde à remonter toute la côte arabique de mer Rouge, tantôt sur des boutres, tantôt à dos de chameaux, souvent harcelée par les bédouins. Elle atteindra finalement Djeddah, puis El Ula sur la voie ferrée du Hedjaz, qui la conduira jusqu'à Alep. Ils arriveront à Constantinople le 23 Mai 1915, six mois et demi après la destruction de l'EMDEN, et rentreront donc libres en Allemagne.
Voilà une odyssée qui pourrait faire un beau sujet de film !
Cdlt
Olivier
olivier
Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Bonjour à tous,
Yves, Olivier, merci pour ces passionnants commentaires. A défaut de film, le périple des rescapés de l’Emden sous le commandement de von Mücke a fait l’objet d’un téléfilm, ou plutôt d’un docu-fiction diffusé il y a peu à la télévision (sur Arte ou la chaine Histoire sur le satellite, je ne sais plus).
Le capitaine von Müller, commandant de l’Emden :
Le capitaine von Mücke :
Le capitaine von Mücke à son retour à Constantinople après son odyssée :
L’épave de l’Emden :
Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus également, voir sur ce site bien connu, pour la bibliographie sur le sujet, c’est ici.
Cordialement,
Franck
Yves, Olivier, merci pour ces passionnants commentaires. A défaut de film, le périple des rescapés de l’Emden sous le commandement de von Mücke a fait l’objet d’un téléfilm, ou plutôt d’un docu-fiction diffusé il y a peu à la télévision (sur Arte ou la chaine Histoire sur le satellite, je ne sais plus).
Le capitaine von Müller, commandant de l’Emden :
Le capitaine von Mücke :
Le capitaine von Mücke à son retour à Constantinople après son odyssée :
L’épave de l’Emden :
Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus également, voir sur ce site bien connu, pour la bibliographie sur le sujet, c’est ici.
Cordialement,
Franck
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Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
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Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Bonjour à tous
Ce téléfilm documentaire auquel tu fais référence Franck est dans le commerce et je me le suis procuré récemment. Malheureusement pour beaucoup, il est en allemand et n'est pas sous-titré. C'est un double DVD qui sous le titre "Unter Kaiserlicher Flagge" réunit l'histoire du retour des marins de l'Emden via l'Arabie, véritable épopée c'est sûr.
Titre du film : Die Karawane der Matrosen
et un second DVD consacré à la fin du Dresden dans les eaux chiliennes, épisode final de la bataille de Coronel. A bord du Dresden et le docu tourne autour de ce personnage central, se trouvait le jeune Oberleutnant Canaris
Titre : Hetzjagd vor Kap Horn
une production Lichtblik Film ISBN 979-3-939504-63-4
Personnellement je le noterais 4 *
Ces deux docu ont été diffusés cet hiver sur Arte mais je n'ai jamais pu en trouver une version à la vente en français.
Ce DVD est proposé chez Amazon.de à cette adresse :
http://www.amazon.de/s/ref=nb_ss_w/303- ... .y=9&Go=Go
Cdlt
Yves
Ce téléfilm documentaire auquel tu fais référence Franck est dans le commerce et je me le suis procuré récemment. Malheureusement pour beaucoup, il est en allemand et n'est pas sous-titré. C'est un double DVD qui sous le titre "Unter Kaiserlicher Flagge" réunit l'histoire du retour des marins de l'Emden via l'Arabie, véritable épopée c'est sûr.
Titre du film : Die Karawane der Matrosen
et un second DVD consacré à la fin du Dresden dans les eaux chiliennes, épisode final de la bataille de Coronel. A bord du Dresden et le docu tourne autour de ce personnage central, se trouvait le jeune Oberleutnant Canaris
Titre : Hetzjagd vor Kap Horn
une production Lichtblik Film ISBN 979-3-939504-63-4
Personnellement je le noterais 4 *
Ces deux docu ont été diffusés cet hiver sur Arte mais je n'ai jamais pu en trouver une version à la vente en français.
Ce DVD est proposé chez Amazon.de à cette adresse :
http://www.amazon.de/s/ref=nb_ss_w/303- ... .y=9&Go=Go
Cdlt
Yves
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La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.
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Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Bonjour à tous
Rectification :
J'ai mentionné plus haut le matelot Pierre Marie RAULT du MOUSQUET; c'est bien le 28/10 (et non le 21 -faute de frappe) qu'il est porté disparu lors de la destruction de son bâtiment.
Cordialement,
G/ CL
Rectification :
J'ai mentionné plus haut le matelot Pierre Marie RAULT du MOUSQUET; c'est bien le 28/10 (et non le 21 -faute de frappe) qu'il est porté disparu lors de la destruction de son bâtiment.
Cordialement,
G/ CL
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Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Bonsoir à tous,
Ayant relu "Combats et batailles sur mer", voici un petit complément au KTB de l'EMDEN sur l'affaire de Penang. Il s'agit de son action dans le port, telle qu'elle fut interprétée par les équipages des navires français.
Il faut dire que malgré le temps de guerre, le port de Penang était resté parfaitement éclairé, et les feux d'approches étaient allumés, notamment celui de Muka Head et celui du fort Cornwallis, au grand dépit des commandants français. C'était une invitation à entrer. Il est certain que sans feux, von Müller y aurait sans doute regardé à deux fois avant de se lancer sur cette zone de hauts-fonds (à l'époque, pas de radars...)
Le croiseur russe Shemtschug (ou Yemtchug), 3000t, 334 hommes d'équipage, 8 canons de 120, venait d'arriver au mouillage pour réviser ses machines. Depuis le début de la guerre, c'était la première escale accueillante et les marins russes en avaient profité comme ils savent le faire. Les permissionnaires avaient, en fait, ramassé une cuite d'anthologie et les marins français racontaient comment, du quai, on les jetait dans les canots comme des colis.
Le commandant était à terre avec sa femme qui le suivait partout, tantôt sur des cargos, tantôt sur le croiseur lui-même.
Quand l'EMDEN arriva sur la rade, dans la brumasse, les veilleurs du PISTOLET le prirent pour le croiseur anglais YARMOUTH, ceux de l'IBERVILLE pour le croiseur japonais CHIKUMA.
Quand la première torpille fut lancée et que retentit la première salve, beaucoup pensèrent que c'était le russe qui tirait. On n'avait vu que des lueurs, et de la fumée, stagnant sur l'eau, masquait la zone. L'autre semblait indemne.
"Les Russes sont encore saouls; heureusement, ils tirent mal, même à bout portant", dit le commandant du PISTOLET à son second. "C'est une méprise des Russes" pensa celui de l'IBERVILLE qui voyait mal la scène, étant en partie masqué par un cargo.
Mais la deuxième salve et l'explosion du russe levèrent définitivement le doute sur l'agresseur. Pourtant, là encore, l'EMDEN ne fut pas identifié et les premiers messages radio entre le PISTOLET et l'IBERVILLE citent le SCHARNHORST, avec quatre cheminées et un pavillon amiral.
Si le PISTOLET était à 30mn d'appareillage, les deux autres navires étaient à deux heures. Ils ont eu une chance énorme que von Müller ne poursuive pas son carnage dans le port, trompé par la forte réfraction lumineuse qui dans cette région provoque des sortes de mirages; les petits navires peuvent apparaître plus importants qu'ils ne sont; il préféra se retourner vers le large croyant y apercevoir un gros navire de guerre.
En conclusion, le conseil de guerre qui se réunit en Août 1915 à Vladivostock condamna le commandant russe à la dégradation militaire et à trois ans et demi d'emprisonnement.
On lui reprocha tout d'abord d'avoir emmené sa femme qui prenait place à son bord et le suivait de port en port sur des navires marchands.
A Penang, il n'avait pris aucune précaution. Commandant et cinq officiers descendus à terre en même temps. Tous les feux clairs comme en temps de paix, et fanaux de mouillage allumés et à poste. Aucun service de quart ou de veille organisé. Treize chaudières éteintes sur seize. Torpilles déchargées. Projectiles d'artillerie en soute, et clé des soutes accrochées à un clou quelconque, impossible à trouver... Equipage endormi sur le pont.
En un mot, on n'était pas prêt à recevoir l'EMDEN!
Mais ce malheureux navire russe a probablement sauvé les Français d'un désastre.
Voici la carte de l'action sur Penang

Cdlt
Olivier
Ayant relu "Combats et batailles sur mer", voici un petit complément au KTB de l'EMDEN sur l'affaire de Penang. Il s'agit de son action dans le port, telle qu'elle fut interprétée par les équipages des navires français.
Il faut dire que malgré le temps de guerre, le port de Penang était resté parfaitement éclairé, et les feux d'approches étaient allumés, notamment celui de Muka Head et celui du fort Cornwallis, au grand dépit des commandants français. C'était une invitation à entrer. Il est certain que sans feux, von Müller y aurait sans doute regardé à deux fois avant de se lancer sur cette zone de hauts-fonds (à l'époque, pas de radars...)
Le croiseur russe Shemtschug (ou Yemtchug), 3000t, 334 hommes d'équipage, 8 canons de 120, venait d'arriver au mouillage pour réviser ses machines. Depuis le début de la guerre, c'était la première escale accueillante et les marins russes en avaient profité comme ils savent le faire. Les permissionnaires avaient, en fait, ramassé une cuite d'anthologie et les marins français racontaient comment, du quai, on les jetait dans les canots comme des colis.
Le commandant était à terre avec sa femme qui le suivait partout, tantôt sur des cargos, tantôt sur le croiseur lui-même.
Quand l'EMDEN arriva sur la rade, dans la brumasse, les veilleurs du PISTOLET le prirent pour le croiseur anglais YARMOUTH, ceux de l'IBERVILLE pour le croiseur japonais CHIKUMA.
Quand la première torpille fut lancée et que retentit la première salve, beaucoup pensèrent que c'était le russe qui tirait. On n'avait vu que des lueurs, et de la fumée, stagnant sur l'eau, masquait la zone. L'autre semblait indemne.
"Les Russes sont encore saouls; heureusement, ils tirent mal, même à bout portant", dit le commandant du PISTOLET à son second. "C'est une méprise des Russes" pensa celui de l'IBERVILLE qui voyait mal la scène, étant en partie masqué par un cargo.
Mais la deuxième salve et l'explosion du russe levèrent définitivement le doute sur l'agresseur. Pourtant, là encore, l'EMDEN ne fut pas identifié et les premiers messages radio entre le PISTOLET et l'IBERVILLE citent le SCHARNHORST, avec quatre cheminées et un pavillon amiral.
Si le PISTOLET était à 30mn d'appareillage, les deux autres navires étaient à deux heures. Ils ont eu une chance énorme que von Müller ne poursuive pas son carnage dans le port, trompé par la forte réfraction lumineuse qui dans cette région provoque des sortes de mirages; les petits navires peuvent apparaître plus importants qu'ils ne sont; il préféra se retourner vers le large croyant y apercevoir un gros navire de guerre.
En conclusion, le conseil de guerre qui se réunit en Août 1915 à Vladivostock condamna le commandant russe à la dégradation militaire et à trois ans et demi d'emprisonnement.
On lui reprocha tout d'abord d'avoir emmené sa femme qui prenait place à son bord et le suivait de port en port sur des navires marchands.
A Penang, il n'avait pris aucune précaution. Commandant et cinq officiers descendus à terre en même temps. Tous les feux clairs comme en temps de paix, et fanaux de mouillage allumés et à poste. Aucun service de quart ou de veille organisé. Treize chaudières éteintes sur seize. Torpilles déchargées. Projectiles d'artillerie en soute, et clé des soutes accrochées à un clou quelconque, impossible à trouver... Equipage endormi sur le pont.
En un mot, on n'était pas prêt à recevoir l'EMDEN!
Mais ce malheureux navire russe a probablement sauvé les Français d'un désastre.
Voici la carte de l'action sur Penang

Cdlt
Olivier
olivier
Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Très intéressante cette narration alliée, elle complète bien ce que l'Emden a vécu de son côté. Ainsi, nous avons maintenant une vue d'ensemble de l'action et en effet, le prix payé lors de cette incursion du croiseur aurait pu être singulièrement plus élevé.
Cdlt
Yves
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La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.
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- Inscription : ven. oct. 12, 2007 2:00 am
Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Une petite différence entre le KTB de l'EMDEN et le récit allié : c'est le PISTOLET, et non pas le FRONDE, qui a pu appareiller et prendre en chasse le croiseur. Le FRONDE était amarré à l'appontement, chaudières éteintes.
Ce qui est tragique, c'est que par suite de la confusion, aucun message radio n'a été envoyé au MOUSQUET. En effet, quand l'EMDEN a tiré sur le MIRBEAU (apparemment navire de servitude du port) tout le monde a cru que c'était le MOUSQUET qui était envoyé par le fond.
Or celui-ci était toujours à flots et, averti, aurait fort bien pu ne pas se laisser surprendre.
Cdlt
Olivier
Ce qui est tragique, c'est que par suite de la confusion, aucun message radio n'a été envoyé au MOUSQUET. En effet, quand l'EMDEN a tiré sur le MIRBEAU (apparemment navire de servitude du port) tout le monde a cru que c'était le MOUSQUET qui était envoyé par le fond.
Or celui-ci était toujours à flots et, averti, aurait fort bien pu ne pas se laisser surprendre.
Cdlt
Olivier
olivier
Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Merci pour la précision supplémentaire.
Yves
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- colphotmil
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- Inscription : mar. mai 08, 2007 2:00 am
Re: MOUSQUET - Contre-torpilleur
Bonjour Mesdames et Messieurs!
Merci à tous pour ces trés intéressantes précisions.
Voici encore le"MOUSQUET",avant Guerre:


Cordialement.
Georges.
Merci à tous pour ces trés intéressantes précisions.
Voici encore le"MOUSQUET",avant Guerre:


Cordialement.
Georges.
Collectionne les photos Militaires originales(pas de copies!)tous formats,France et Etranger,1870-1939 voire 45.