Bonjour à tous,
Rencontre avec un sous-marin le 11 Février 1917
Rapport du capitaine
Le 11 Février 1917 à 17h10, par 38°28 N et 09°51 E, le canonnier Bessi, de service au canon de l’arrière me signale que l’on aperçoit quelque chose d’anormal à un quart sur tribord arrière. Je reconnais aussitôt un sous-marin en surface faisant route sur nous à toute allure. Il ouvre le feu à environ 5 milles.
Lancé signal SOS par TSF, donné latitude et longitude, et mis aux postes de combat. Le sous-marin tire d’abord trop court, mais son tir devient plus précis et bon en direction. Les obus tombent à 150 m du navire.
Je donne l’ordre de tirer avec une hausse à 6000 m, mais les obus tombent trop courts d’au moins 300 met le sous-marin se rapproche. Son tir devient plus précis, mais il reste toujours hors de notre portée.
La vigie du mât avant me signale alors une canonnière sur bâbord avant. A 18h00, apercevant la canonnière, le sous-marin plonge et disparaît.
Sang froid parfait de l’équipage. Canonniers à leurs pièces, aidés par les matelots qui rivalisent de zèle pour l’approvisionnement. Service anti-incendie organisé par le 2e capitaine. Le 1er lieutenant se tient à la passerelle et observe aux jumelles le sous-marin et le résultat du tir. Le 2e lieutenant donne les distances (mesure au sextant) qui sont toujours trop élevées pour notre 90. Le médecin se tient prêt à soigner d’éventuels blessés. Le chef mécanicien, les officiers mécaniciens et les chauffeurs activent les feux dans la machine.
Un passager, Monsieur Legrand, Enseigne de Vaisseau de 1ère classe, canonnier, offre ses services et prend la direction de la pièce.
Constaté l’insuffisance de nos canons de 90 mm. Le sous-marin possède un canon de portée supérieure, au moins un 105 de marine qui lui a permis d’ouvrir le feu à 9000 m.
Sans l’arrivée de la canonnière, le sous-marin aurait atteint rapidement une partie vitale du navire.
A signaler la bonne veille du canonnier Bessi qui a vu le sous-marin alors qu’il était à peine perceptible à l’horizon, permettant d’augmenter aussitôt la vitesse.
Arrivé à Marseille le 13 Février 1917.
Voici une photo d'AMIRAL OLRY arrivant à Marseille le 3 Janvier 1917, en provenance de Salonique qu'il avait quitté le 27 Décembre. C'est donc probablement au voyage suivant, au cours d'une traversée identique, qu'il a été attaqué par un sous-marin.
Rapport de l’officier enquêteur
AMIRAL OLRY, Chargeurs Réunis, ravitailleur de l’armée d’Orient, a quitté Milo le 7 Février pour Marseille sous les ordres du capitaine Jean Guibert, CLC, inscrit à Binic.
Le 11 Février 1917 à 17h10, par 38°28 N et 09°51 E, il a été attaqué à 9000 m par un sous-marin. A 18h00, à 13 milles au NW de la position primitive, le sous-marin abandonne la poursuite sous la menace d’une canonnière.
Temps clair. Forte brise de NW. Mer grosse.
AMIRAL OLRY a tiré 10 coups de canon en 50 minutes. Canon de 90 mm modèle 1881 sur affut à galets de 12 et d’une portée maximum de 6200 m.
11 Passagers tous militaires, dont 1 Anglais. 2 Enseignes de Vaisseau de 1ère classe :
- Monsieur Legrand, provenant du fort de Mitra à Salonique et allant en permission
- Monsieur Augé, du chalutier MARIE ROSE, rentrant en France pour convalescence.
Monsieur Legrand a pris la direction du tir avec l’accord du commandant.
Attitude parfaite de l’équipage et particulièrement du fusilier breveté Bessi.
Conclusion
Le commandant Guibert a fait ses preuves depuis longtemps. Il a montré une fois de plus autant de sang froid que d’intelligence et d’esprit de décision.
Il a toutefois eut tort de franchir la limite sud de la zone de nuit de Spartivento à 16h45 alors que la nuit ne tombait qu’à 18h15. C’est une règle rigoureusement impérative qui a fait l’objet d’une dépêche de la 4e section le 25 Janvier.
Excellente attitude de l’équipage. A remarquer surtout celles du matelot canonnier, fusilier breveté, Bessi et de l’Enseigne de Vaisseau Legrand.
Récompenses
Témoignage officiel de satisfaction du Ministre
EV1 LEGRAND du fort de Mikra à Salonique
Le 11 Février 1917, pendant l’engagement de l’AMIRAL OLRY avec un sous-marin, a rempli volontairement, avec sang froid et coup d’œil, les fonctions de directeur de tir.
BESSI Joseph Matelot de 1ère classe fusilier
Veille particulièrement attentive et intelligente qui a permis à l’AMIRAL OLRY de prendre une grande distance devant le sous-marin et de rester hors de la portée effective de ses canons.
Sous-marin attaquant
C’était très certainement l’U 35 du KL Lothar von Arnauld de la Périère.
Les précisions apportées par le capitaine Guibert sont d’ailleurs fort intéressantes. Nous avons enfin une position précise que l’on peut comparer avec celle donnée par le capitaine du CAROL Ier, tôt le matin du même jour.
Si CAROL Ier a bien vu ce sous-marin on pourrait retracer sa route comme suit :
A midi le 10, U 35 est dans le nord de Pantelleria. A 03h00 le 11, (04h00 heure allemande) il se trouve à peu près entre Talbot Shoal et Sharki Bank, puisque le capitaine de ce cargo se situe approximativement à 40 milles de la côte, sans toutefois préciser si c’est la côte de Sicile ou de Tunisie ; mais cette position le met à égale distance des deux côtes. C’est alors qu’il fait surface à proximité de CAROL Ier. Le capitaine Mireau est assez affirmatif sur cette masse sombre, toute proche, qui glisse entre deux lames et sur laquelle les vagues déferlent ; il y a de plus un beau clair de lune.
A midi, U 35 est dans l’ouest de Marettimo. On peut estimer qu’il s’en trouve à environ 60 milles. Enfin, à 17h10, il est à la position précise donnée par AMIRAL OLRY, c'est-à-dire à 45 milles au SqSE du cap Carbonara, et il canonne le paquebot.
Entre 03h00 et 17h10 il aura fait une route moyenne au NW et parcouru environ 60 milles. Cela donne une vitesse de 4 à 5 nœuds ce qui est plausible par mauvais temps.
L’attaque au canon doit pouvoir se vérifier avec le KTB…
Cdlt