Rebonjour,
OUI le cas Bersot fait partie des cas non documentés mais il est bien connu par ailleurs. Un certain nombre de divisions ont "perdu" les dossiers de justice militaire pour mille et une raisons... ce n'est pas pour autant qu'il faut en déduire que s'y trouvaient des cas sensibles.....Mais la liste des trous est connue.... je ne la connais pas en détails mais Prisme doit avoir une idée....
Cordialement.
CC
Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
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- IM Louis Jean
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Re: Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
Bonsoir à toutes et à tous,
Dès qu'une pièce manque, qu'un document n'est pas mis en ligne certains y voient automatiquement une volonté maligne, délibérée.
Il ne s'agit pas de dire que cela n'est jamais arrivé ou n'arrive jamais, mais c'est tout de même un peu trop systématique.
Lucien Bersot a été réhabilité le juillet 1922 par un arrêt de la cour de cassation :
<< CASS. 13 juill. 1922
(Cons. de guerre du 60e régiment d'infanterie, 12 févr. 1915).
DÉLIT MILITAIRE, REFUS D'OBÉIR A UN ORDRE EN PRÉSENCE DE L'ENNEMI, REFUS PAR UN SOLDAT D'ACCEPTER UN PANTALON, RÉCLAMATION COLLECTIVE, CONDAMNATION A MORT, LOI DU 29 AVRIL 1921, CASSATION DU JUGEMENT, DOMMAGES-INTÉRÊTS.
Un soldat qui, faisant partie, pendant l'hiver de 1915, d'une unité combattante, n'avait qu'un pantalon de toile blanc, dit "salopette", qui en a à plusieurs reprises réclamé un autre sans qu'il put lui être fourni, et a refusé de prendre celui qui lui était offert, et qu il prétendait malpropre, en formulant son refus devant le commandant de compagnie, ne tombe pas sous le coup de l'art. 218, C. just. milit.., aux termes duquel est puni de mort tout militaire qui refuse d'obéir, lorsqu'il est
commandé pour marcher contre l'ennemi ou pour tout autre service commandé par son chef, en présence de l'ennemi.
Alors d'ailleurs qu'une punition de huit jours de prison lui ayant été infligée d'abord, il n'a pas pris part à la réclamation collective que huit de ses camarades ont adressée au commandant de compagnie pour protester contre cette punition, laquelle a été considérée comme une mutinerie, et a entraîné la comparution de deux de ceux qui y avaient participé devant un conseil de guerre sous l'inculpation d'outrage à supérieurs pendant le service.
• Le jugement du conseil de guerre, qui a prononcé contre le soldat une condamnation à mort suivie d'exécution, doit donc être cassé, dans l’intérêt du condamné, par application de l'art. 20 de la loi d'amnistie du 29 avril 1921.
El il y a lieu de condamner l'État à payer à la veuve et à la fille de ce soldat des dommages et intérêts.
(Bersot). >>
source Pandectes françaises périodiques : Recueil mensuel de jurisprudence et de législation sur Gallica.
Comme vous je souhaite pouvoir consulter le dossier complet mais afin de le comparer à la fiche wikipedia!
Par ailleurs, le général Bach, assisté d'une équipe de haut niveau, a inventorié, classé, organisé les dossiers des condamnés à mort pour les mettre à la disposition des chercheurs :
<< L’officier chargé de la conservation des archives de justice militaire m’ayant fait part de la nécessité de changer de cartons les archives des conseils de guerre, je décidais de profiter de ce remue ménage de grande ampleur pour faire constituer en parallèle une base de données électroniques recueillant le maximum d’informations sur les condamnés à mort et fusillés de 14-18 en vue d’établissement de travaux statistiques. Ce travail fastidieux, dirigé scientifiquement par moi-même, a duré plus de deux ans et a été effectué par de jeunes appelés historiens, en service national à Vincennes. En parallèle, un des plus talentueux, agrégé en histoire, Sébastien Ottavi, mettait au point pour les chercheurs un guide des sources traitant de répression militaire face aux fautes contre la discipline.
Le Service historique disposait alors d’une première approche quantitative mais aussi qualitative sur l’application de la justice militaire aux armées.
Dégagé de mes obligations professionnelles en 2000, je me consacrais alors à la mise au clair des découvertes faites dans les archives >>
source CRID - général Bach
Où est le tabou?
Vous allez peut-être me dire que vous posiez simplement une question. Mais quand elle fermée comme la vôtre cela ressemble plus au procédé d'affirmation masquée, utilisé souvent (de même que les points de suspensions) pour affirmer sans le dire.
Je vais vous le faire :
n'y aurait-il pas derrière des arrières-pensées autres qu'historiques ?
la question pourrait vouloir dire autre chose.........
Cordialement
Étienne
Les thèses complotistes ont la vie dure!Sujet toujours tabou ?
Dès qu'une pièce manque, qu'un document n'est pas mis en ligne certains y voient automatiquement une volonté maligne, délibérée.
Il ne s'agit pas de dire que cela n'est jamais arrivé ou n'arrive jamais, mais c'est tout de même un peu trop systématique.
Lucien Bersot a été réhabilité le juillet 1922 par un arrêt de la cour de cassation :
<< CASS. 13 juill. 1922
(Cons. de guerre du 60e régiment d'infanterie, 12 févr. 1915).
DÉLIT MILITAIRE, REFUS D'OBÉIR A UN ORDRE EN PRÉSENCE DE L'ENNEMI, REFUS PAR UN SOLDAT D'ACCEPTER UN PANTALON, RÉCLAMATION COLLECTIVE, CONDAMNATION A MORT, LOI DU 29 AVRIL 1921, CASSATION DU JUGEMENT, DOMMAGES-INTÉRÊTS.
Un soldat qui, faisant partie, pendant l'hiver de 1915, d'une unité combattante, n'avait qu'un pantalon de toile blanc, dit "salopette", qui en a à plusieurs reprises réclamé un autre sans qu'il put lui être fourni, et a refusé de prendre celui qui lui était offert, et qu il prétendait malpropre, en formulant son refus devant le commandant de compagnie, ne tombe pas sous le coup de l'art. 218, C. just. milit.., aux termes duquel est puni de mort tout militaire qui refuse d'obéir, lorsqu'il est
commandé pour marcher contre l'ennemi ou pour tout autre service commandé par son chef, en présence de l'ennemi.
Alors d'ailleurs qu'une punition de huit jours de prison lui ayant été infligée d'abord, il n'a pas pris part à la réclamation collective que huit de ses camarades ont adressée au commandant de compagnie pour protester contre cette punition, laquelle a été considérée comme une mutinerie, et a entraîné la comparution de deux de ceux qui y avaient participé devant un conseil de guerre sous l'inculpation d'outrage à supérieurs pendant le service.
• Le jugement du conseil de guerre, qui a prononcé contre le soldat une condamnation à mort suivie d'exécution, doit donc être cassé, dans l’intérêt du condamné, par application de l'art. 20 de la loi d'amnistie du 29 avril 1921.
El il y a lieu de condamner l'État à payer à la veuve et à la fille de ce soldat des dommages et intérêts.
(Bersot). >>
source Pandectes françaises périodiques : Recueil mensuel de jurisprudence et de législation sur Gallica.
Comme vous je souhaite pouvoir consulter le dossier complet mais afin de le comparer à la fiche wikipedia!
Par ailleurs, le général Bach, assisté d'une équipe de haut niveau, a inventorié, classé, organisé les dossiers des condamnés à mort pour les mettre à la disposition des chercheurs :
<< L’officier chargé de la conservation des archives de justice militaire m’ayant fait part de la nécessité de changer de cartons les archives des conseils de guerre, je décidais de profiter de ce remue ménage de grande ampleur pour faire constituer en parallèle une base de données électroniques recueillant le maximum d’informations sur les condamnés à mort et fusillés de 14-18 en vue d’établissement de travaux statistiques. Ce travail fastidieux, dirigé scientifiquement par moi-même, a duré plus de deux ans et a été effectué par de jeunes appelés historiens, en service national à Vincennes. En parallèle, un des plus talentueux, agrégé en histoire, Sébastien Ottavi, mettait au point pour les chercheurs un guide des sources traitant de répression militaire face aux fautes contre la discipline.
Le Service historique disposait alors d’une première approche quantitative mais aussi qualitative sur l’application de la justice militaire aux armées.
Dégagé de mes obligations professionnelles en 2000, je me consacrais alors à la mise au clair des découvertes faites dans les archives >>
source CRID - général Bach
Où est le tabou?
Vous allez peut-être me dire que vous posiez simplement une question. Mais quand elle fermée comme la vôtre cela ressemble plus au procédé d'affirmation masquée, utilisé souvent (de même que les points de suspensions) pour affirmer sans le dire.
Je vais vous le faire :
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la question pourrait vouloir dire autre chose.........
Cordialement
Étienne
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
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Re: Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
bonjour à toutes et tous,
Je découvre, pas à pas, (je ne suis probablement pas la seule) la complexité du chemin emprunté par ceux qui font des recherches solides concernant les "fusillés pour l'exemple".
à tous ceux qui, comme "Prisme", d'autres, en amont, ou encore ceux qui font des recherches parallèles, bref à tous ceux qui se lancent dans cette croisade d'envergure et sans fin, je tire mon chapeau.
Par conséquent, en vous lisant, je m'instruis : je n'ai rien à vous apporter si ce n'est ce petit témoignage.
L'entreprise est visiblement ardue, les avis contradictoires peuvent déranger, il arrive qu'ils le fassent, néanmoins, ils permettent de débroussailler et d'avancer.
Je tiens à ajouter ceci : grâce à une bonne observation, de la part des contributeurs, des principes fondateurs du forum, les choses ne "partent pas en sucette", les écrits gardent ainsi intérêt et crédibilité.
Bien à vous tou(te)s et merci de vos contributions
Brigitte B.
Je découvre, pas à pas, (je ne suis probablement pas la seule) la complexité du chemin emprunté par ceux qui font des recherches solides concernant les "fusillés pour l'exemple".


Par conséquent, en vous lisant, je m'instruis : je n'ai rien à vous apporter si ce n'est ce petit témoignage.
L'entreprise est visiblement ardue, les avis contradictoires peuvent déranger, il arrive qu'ils le fassent, néanmoins, ils permettent de débroussailler et d'avancer.
Je tiens à ajouter ceci : grâce à une bonne observation, de la part des contributeurs, des principes fondateurs du forum, les choses ne "partent pas en sucette", les écrits gardent ainsi intérêt et crédibilité.
Bien à vous tou(te)s et merci de vos contributions

Brigitte B.
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Re: Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
Bonsoir à toutes et à tous,
Il n'y a plus de "théses complotistes" nulle part en ce qui concerne ce sujet, en tout cas pour Bersot si souvent commenté et connu dans le moindre détail depuis longtemps.
Qu'il soit absent des documents mis en ligne est un peu surprenant mais bon..... il doit bien y avoir une raison
peut-être a-t-il était volé par les descendant de l'irascible officier ( je plaisante) Auroux non?
Plus sérieusement la mise en ligne permet aux citoyens de se rendre compte que la justice militaire qui était rendue en leur nom, avait été totalement libérée des freins que les législateurs y avaient appliqués à la suite des horreurs commises pendant la commune ( 1300 Versaillais et Parisiens exécutés par la Commune et entre 20 000 et 30 000 par les Versaillais), par le pouvoir politique. Messimy puis Millerand, totalement paniqués par la défaite des armées françaises ont encouragé, voire exigé, une justice sommaire que les militaires eux aussi paniqués par la découverte que la stratégie de "l'attaque à outrance" était en échec, réclamaient. La constatation qu'ils risquaient d'être débordés par des troupes en déroute et des mouvements de panique justifiant, à leurs yeux, des pratiques expéditives. Comme on pouvait le craindre des esprits agités se sont laissé aller à des excès qu'il faut bien constater aujourd'hui.
Sucettes ou pas tabous ou pas, politique ou pas la question n'est plus là .............. Quel travail en perspective....
ça avance dans tous les coins.....on peut, partout, parler de ce sujet sans arrière-pensées.
A bientôt
Il n'y a plus de "théses complotistes" nulle part en ce qui concerne ce sujet, en tout cas pour Bersot si souvent commenté et connu dans le moindre détail depuis longtemps.
Qu'il soit absent des documents mis en ligne est un peu surprenant mais bon..... il doit bien y avoir une raison
peut-être a-t-il était volé par les descendant de l'irascible officier ( je plaisante) Auroux non?
Plus sérieusement la mise en ligne permet aux citoyens de se rendre compte que la justice militaire qui était rendue en leur nom, avait été totalement libérée des freins que les législateurs y avaient appliqués à la suite des horreurs commises pendant la commune ( 1300 Versaillais et Parisiens exécutés par la Commune et entre 20 000 et 30 000 par les Versaillais), par le pouvoir politique. Messimy puis Millerand, totalement paniqués par la défaite des armées françaises ont encouragé, voire exigé, une justice sommaire que les militaires eux aussi paniqués par la découverte que la stratégie de "l'attaque à outrance" était en échec, réclamaient. La constatation qu'ils risquaient d'être débordés par des troupes en déroute et des mouvements de panique justifiant, à leurs yeux, des pratiques expéditives. Comme on pouvait le craindre des esprits agités se sont laissé aller à des excès qu'il faut bien constater aujourd'hui.
Sucettes ou pas tabous ou pas, politique ou pas la question n'est plus là .............. Quel travail en perspective....
ça avance dans tous les coins.....on peut, partout, parler de ce sujet sans arrière-pensées.
A bientôt
- IM Louis Jean
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Re: Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
Re
Cela part en sucette quand ça sort de l'Histoire pour entrer dans d'autres considérations. Poser la question du tabou c'est mettre en cause la probité du SHD de 2014!
Quand on connaît le travail remarquable du général Bach qui a mis à disposition des chercheurs dossiers et outils pour travailler sur les cas de condamnation à mort, c'est à dire les mettre à disposition des citoyens par l’intermédiaire des chercheurs et qu'on pose la question du tabou, on sort de l'Histoire.
Pour éviter tout procès d'intention je précise que j'ai participé au sujet sur les fusillés en signalant un cas transcris dans un JMO (entre autres), et que j'ai soutenu sur ce forum le travail de "Prisme".
Enfin, je dirai que le sujet ouvert par chanteloube ne me heurte en rien, au contraire.
Cordialement
Étienne

Cela part en sucette quand ça sort de l'Histoire pour entrer dans d'autres considérations. Poser la question du tabou c'est mettre en cause la probité du SHD de 2014!
Quand on connaît le travail remarquable du général Bach qui a mis à disposition des chercheurs dossiers et outils pour travailler sur les cas de condamnation à mort, c'est à dire les mettre à disposition des citoyens par l’intermédiaire des chercheurs et qu'on pose la question du tabou, on sort de l'Histoire.
Pour éviter tout procès d'intention je précise que j'ai participé au sujet sur les fusillés en signalant un cas transcris dans un JMO (entre autres), et que j'ai soutenu sur ce forum le travail de "Prisme".
Enfin, je dirai que le sujet ouvert par chanteloube ne me heurte en rien, au contraire.
Cordialement
Étienne
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Fusillés par la France... Fusillés pour l'exemple...
Bonsoir à tous,
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□ Alors, « documentons », pour reprendre à dessein cet anglicisme parfaitement inapproprié en la ma-tière ! En droit, en effet, il est d'usage de « prouver », de « démontrer » ou encore d' « établir »...
Et rappelons une fois de plus que la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne prononçait en aucun cas la « réhabilitation » d'un soldat qu'elle disculpait, mais, après l'avoir expressément acquitté de l’ac-cusation retenue par le Conseil de guerre à son égard, se bornait à « décharger de cette condamnation la mémoire [de l'intéressé] ».
Et rappelons une fois de plus que la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne prononçait en aucun cas la « réhabilitation » d'un soldat qu'elle disculpait, mais, après l'avoir expressément acquitté de l’ac-cusation retenue par le Conseil de guerre à son égard, se bornait à « décharger de cette condamnation la mémoire [de l'intéressé] ».
Lucien Jean-Baptiste BERSOT
Né le 7 juin 1881 à Authoison (Haute-Saône), mort le 13 février 1915 à Fontenoy (Aisne), « tué à l’en-nemi » — indique d’abord fort singulièrement sa fiche S.G.A. « Mémoire des hommes », — puis « (fusillé réhabilité) ». Soldat de 2e classe au 60e Régiment d’infanterie, matricule n° 03.675 au corps, classe 1901, n° 968 au recrutement de Besançon (Acte transcrit à Besançon, le 1er juin 1915).
L'arrêt de révision
• Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juillet 1922, Bersot ― MM. André Bouloche, faisant fonction de président ; Duval, rapporteur ; Wattinne, avocat général ; Hersant, avocat (in Recueil Dalloz périodique 1922, Première partie : Cour de cassation, p. 228).
« LA COUR. ― Vu l’article 20 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921 ; ― Au fond : Attendu que Bersot a été inculpé pour refus d’obéissance et traduit devant la conseil de guerre spécial du 60e régiment d’in-fanterie ; que la question suivante a été posée au conseil : " Bersot (Lucien), soldat à la 8e compagnie du 60e régiment d’infanterie, s’est-il rendu coupable d’avoir, le 11 février 1915, à Fontenoy, refusé d’obéir à un ordre donné par son chef, en présence de l’ennemi ? " ; que sur la réponse affirmative faite à cette question, Bersot a été condamné à la peine de mort par jugement du 12 février 1915, et passé par les armes le lendemain matin, 13 février ; ― Attendu que le jugement du 12 février 1915 a été, par arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, du 14 septembre 1916, cassé, mais seulement dans l’intérêt de la loi, par le motif que le lieutenant Auroux, qui a signé l’ordre de mise en jugement, a présidé le conseil de guerre, prenant ainsi part au jugement de l’affaire dont il avait précédemment connu comme administrateur ; ― Attendu que la chambre criminelle de la Cour de cassation est présentement saisie d’une demande de réformation du jugement du 12 février 1915, dans les termes de l’article 20 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921 ; ― Attendu qu’il résulte de l’enquête à laquelle il a été procédé que Bersot, qui n’avait, au cours de l’hiver 1915, qu’un pantalon de toile blanc, dit " salopette ", en avait, à plusieurs reprises, réclamé un autre qui n’avait pu lui être fourni ; que le sergent-fourrier Boisson, en ayant récupéré un dans un cantonnement, le proposa à Bersot le 11 février, mais que celui-ci le refusa comme malpropre ; que, sur le refus persistant par Bersot de le prendre, et après lecture à celui-ci du Code de justice militaire, le sergent-fourrier en référa au commandant de la compagnie ; que celui-ci enjoignit à Bersot de prendre la pantalon et de le net-toyer, mais que Bersot renouvela son refus, en suite de quoi le lieutenant André infligea à Bersot une punition de huit jours de prison pour refus d’obéissance ; ― Attendu qu’à la nouvelle de la punition infligée à Bersot, huit de ses camarades ont adressé au lieutenant André une réclamation collective, qui a été considérée comme une mutinerie et qui a entraîné la comparution de deux d’entre eux, Cottet-Dumoulin et Mohu, devant le même conseil de guerre, sous l’inculpation d’outrage à supérieur pendant le service ; mais qu’il résulte de l’enquête que Bersot, loin d’être, comme il a été prétendu, l’instigateur de cette demande, contraire au règlement, y est resté complètement étranger ; ― At-tendu que tous les témoignages, recueillis au cours de l’enquête, sont unanimes pour établir que Bersot était un brave soldat, courageux, aimé et estimé de ses camarades ; ― Attendu que, dans les circonstances ci-dessus relatées, l’injonction adressée à Bersot par le lieutenant André ne peut être considérée comme ayant constitué comme un ordre de service donné pour l’accomplissement d’un de-voir militaire en présence de l’ennemi, au sens de l’article 218, § 1er, du Code de justice militaire ; que le fait retenu à la charge de Bersot n’a point présenté les caractères constitutifs de ladite infrac-tion ; que, par suite, c’est à tort qu’il a été déclaré coupable ;
Par ces motifs, réforme, dans l’intérêt du condamné, le jugement du conseil de guerre spécial du 60e régiment d’infanterie, en date du 12 février 1915 ; déclare que Bersot est et demeure acquitté de l’ accusation du crime retenu à sa charge ; ordonne l’affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l’article 446 du Code d’instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ; ordonne égale-ment que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres du conseil de guerre spé-cial du 60e régiment d’infanterie, et que mention en sera faite en marge du jugement réformé ; ― Et statuant sur les conclusions à fin de dommages-intérêts, …dit que la réparation doit être fixée : en ce qui concerne la veuve Bersot, femme Frère, à l’allocation d’une somme de 5.000 fr ; en ce qui concer-ne Marie-Louise Léontine Bersot, à l’allocation d’une somme de 15.000 fr, dont l’emploi devra être fait en rentes sur l’État français, immatriculées au nom de ladite mineure. »
« LA COUR. ― Vu l’article 20 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921 ; ― Au fond : Attendu que Bersot a été inculpé pour refus d’obéissance et traduit devant la conseil de guerre spécial du 60e régiment d’in-fanterie ; que la question suivante a été posée au conseil : " Bersot (Lucien), soldat à la 8e compagnie du 60e régiment d’infanterie, s’est-il rendu coupable d’avoir, le 11 février 1915, à Fontenoy, refusé d’obéir à un ordre donné par son chef, en présence de l’ennemi ? " ; que sur la réponse affirmative faite à cette question, Bersot a été condamné à la peine de mort par jugement du 12 février 1915, et passé par les armes le lendemain matin, 13 février ; ― Attendu que le jugement du 12 février 1915 a été, par arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, du 14 septembre 1916, cassé, mais seulement dans l’intérêt de la loi, par le motif que le lieutenant Auroux, qui a signé l’ordre de mise en jugement, a présidé le conseil de guerre, prenant ainsi part au jugement de l’affaire dont il avait précédemment connu comme administrateur ; ― Attendu que la chambre criminelle de la Cour de cassation est présentement saisie d’une demande de réformation du jugement du 12 février 1915, dans les termes de l’article 20 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921 ; ― Attendu qu’il résulte de l’enquête à laquelle il a été procédé que Bersot, qui n’avait, au cours de l’hiver 1915, qu’un pantalon de toile blanc, dit " salopette ", en avait, à plusieurs reprises, réclamé un autre qui n’avait pu lui être fourni ; que le sergent-fourrier Boisson, en ayant récupéré un dans un cantonnement, le proposa à Bersot le 11 février, mais que celui-ci le refusa comme malpropre ; que, sur le refus persistant par Bersot de le prendre, et après lecture à celui-ci du Code de justice militaire, le sergent-fourrier en référa au commandant de la compagnie ; que celui-ci enjoignit à Bersot de prendre la pantalon et de le net-toyer, mais que Bersot renouvela son refus, en suite de quoi le lieutenant André infligea à Bersot une punition de huit jours de prison pour refus d’obéissance ; ― Attendu qu’à la nouvelle de la punition infligée à Bersot, huit de ses camarades ont adressé au lieutenant André une réclamation collective, qui a été considérée comme une mutinerie et qui a entraîné la comparution de deux d’entre eux, Cottet-Dumoulin et Mohu, devant le même conseil de guerre, sous l’inculpation d’outrage à supérieur pendant le service ; mais qu’il résulte de l’enquête que Bersot, loin d’être, comme il a été prétendu, l’instigateur de cette demande, contraire au règlement, y est resté complètement étranger ; ― At-tendu que tous les témoignages, recueillis au cours de l’enquête, sont unanimes pour établir que Bersot était un brave soldat, courageux, aimé et estimé de ses camarades ; ― Attendu que, dans les circonstances ci-dessus relatées, l’injonction adressée à Bersot par le lieutenant André ne peut être considérée comme ayant constitué comme un ordre de service donné pour l’accomplissement d’un de-voir militaire en présence de l’ennemi, au sens de l’article 218, § 1er, du Code de justice militaire ; que le fait retenu à la charge de Bersot n’a point présenté les caractères constitutifs de ladite infrac-tion ; que, par suite, c’est à tort qu’il a été déclaré coupable ;
Par ces motifs, réforme, dans l’intérêt du condamné, le jugement du conseil de guerre spécial du 60e régiment d’infanterie, en date du 12 février 1915 ; déclare que Bersot est et demeure acquitté de l’ accusation du crime retenu à sa charge ; ordonne l’affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l’article 446 du Code d’instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ; ordonne égale-ment que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres du conseil de guerre spé-cial du 60e régiment d’infanterie, et que mention en sera faite en marge du jugement réformé ; ― Et statuant sur les conclusions à fin de dommages-intérêts, …dit que la réparation doit être fixée : en ce qui concerne la veuve Bersot, femme Frère, à l’allocation d’une somme de 5.000 fr ; en ce qui concer-ne Marie-Louise Léontine Bersot, à l’allocation d’une somme de 15.000 fr, dont l’emploi devra être fait en rentes sur l’État français, immatriculées au nom de ladite mineure. »
_________________________________________________________________________________________
Résumé et notes publiés avec l’arrêt au Recueil Dalloz
« Le fait par un militaire en présence de l’ennemi de refuser comme malpropre un vêtement que son chef lui ordonnait de prendre et de nettoyer ne constitue pas le crime de refus d’obéissance à un ordre de service (C. just. milit., art. 218) (1) ;
Par suite, le jugement du conseil de guerre condamnant ce militaire à la peine de mort doit être cassé dans l’intérêt du condamné, et des dommages-intérêts peuvent être alloués à sa veuve et à son enfant mineur (C. instr. crim., art. 446 ; L. 29 avr. 1921, art. 20) (2).
_______________________________________________________________________________________
(1) Il est certain que l’article 218 du Code de justice militaire pour l’armée de terre (D.P. 57. 4. 115-126) ne s’appliquait pas au fait dont l’inculpé s’était rendu coupable. L’article 218 ne punit de mort en effet que le refus, par un militaire, d’obéir, quand il est commandé, " pour marcher contre l’ennemi ", ou pour " tout autre service ordonné par son chef en présence de l’ennemi ou de rebelles armés ". En l’ espèce, l’inculpé n’avait refusé ni de marcher contre l’ennemi ni d’exécuter un service commandé (V. Rép. prat., v° Justice militaire, n°s 303 et suiv. ; Augier et Le Poitevin, Traité théorique et pratique de droit pénal militaire, v° Refus d’obéissance, n°s 4 et 5).
(2) Il y a là application de l’article 20 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921 (D.P. 1921 4. 33), qui a ouvert un recours en révision spécial contre les décisions rendues, au cours de la guerre, par les juri-dictions dite d’exception : cours martiales et conseils de guerre spéciaux institués en exécution du décret du 6 septembre 1914 (D.P. 1914. 4. 101.).
_________________________________________________________________________________________Par suite, le jugement du conseil de guerre condamnant ce militaire à la peine de mort doit être cassé dans l’intérêt du condamné, et des dommages-intérêts peuvent être alloués à sa veuve et à son enfant mineur (C. instr. crim., art. 446 ; L. 29 avr. 1921, art. 20) (2).
_______________________________________________________________________________________
(1) Il est certain que l’article 218 du Code de justice militaire pour l’armée de terre (D.P. 57. 4. 115-126) ne s’appliquait pas au fait dont l’inculpé s’était rendu coupable. L’article 218 ne punit de mort en effet que le refus, par un militaire, d’obéir, quand il est commandé, " pour marcher contre l’ennemi ", ou pour " tout autre service ordonné par son chef en présence de l’ennemi ou de rebelles armés ". En l’ espèce, l’inculpé n’avait refusé ni de marcher contre l’ennemi ni d’exécuter un service commandé (V. Rép. prat., v° Justice militaire, n°s 303 et suiv. ; Augier et Le Poitevin, Traité théorique et pratique de droit pénal militaire, v° Refus d’obéissance, n°s 4 et 5).
(2) Il y a là application de l’article 20 de la loi d’amnistie du 29 avril 1921 (D.P. 1921 4. 33), qui a ouvert un recours en révision spécial contre les décisions rendues, au cours de la guerre, par les juri-dictions dite d’exception : cours martiales et conseils de guerre spéciaux institués en exécution du décret du 6 septembre 1914 (D.P. 1914. 4. 101.).
Revue de presse
• Le Figaro, n°195, Vendredi 14 juillet 1922,
p. 2, en rubrique « Gazette des Tribunaux ».
« Réhabilitation
p. 2, en rubrique « Gazette des Tribunaux ».
« Réhabilitation
La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de réhabiliter le soldat Bersot, du 60e régiment d’infanterie, qui, le 12 février 1915, à Fontenoy (Aisne), avait été fusillé pour mutinerie en présence de l’ennemi. A la suite d’une punition de huit jours de prison, les camarades de Bersot avaient protesté et présenté une revendication collective, qui avait été, par le Conseil de guerre, qualifié[e] à tort de mutinerie. La veuve de Bersot a obtenu 5.000 francs de dommages-intérêts et sa fille 15.000.
Georges Claretie. »
Georges Claretie. »
• L’Humanité, n° 6.684, Vendredi 14 juillet 1922, p. 1.
« UN BEAU SUJET DE MÉDITATION POUR LA FÊTE NATIONALE
Bersot avait été fusillé. On le "réhabilite".
LES OFFICIERS ASSASSINS ONT OBTENU DE L’AVANCEMENT
« UN BEAU SUJET DE MÉDITATION POUR LA FÊTE NATIONALE
Bersot avait été fusillé. On le "réhabilite".
LES OFFICIERS ASSASSINS ONT OBTENU DE L’AVANCEMENT
La société bourgeoise, qui a le cynisme de faire défendre ses privilèges par ses exploités, accumule les abus et les crimes. Il suffit qu’un voyou ait la manche et le képi ornés de passementerie pour avoir le droit de vie et de mort sur le troupeau encaserné. La dignité humaine, au nom de la sacro-sainte discipline, est piétinée. " Tu obéiras comme un cadavre ", telle est la discipline des jésuites. Telle est aussi celle des armées impérialistes.
Le cas de Lucien Bersot, du 60e régiment d’infanterie, illustre tragiquement cette impitoyable règle, honte de la civilisation.
Lucien Bersot, réclamait depuis longtemps un pantalon rouge à son sergent-fourrier. En vain.
En février 1915, revenant d’une attaque, Bersot renouvela sa demande auprès de son fourrier. Celui-ci finit par trouver un pantalon, qu’il fit remettre à Bersot.
Or, ce pantalon, qui avait appartenu à un mort, était maculé de sang. Le soldat tué, pendant sa courte agonie, avait en outre souillé ce vêtement déjà taché de son sang.
Lucien Bersot, on le conçoit aisément, et quiconque en eût fait autant à sa place, refusa de revêtir un pantalon aussi malpropre.
Une discussion s’engagea entre le soldat Lucien Bersot, qui avait raison, et son sergent-fourrier, qui avait tort. Mais il paraît que les galons rendent infaillibles les pires brutes.
Sur ces entrefaites, le lieutenant André arriva. Comment un homme, simple fantassin, ose discuter l’ordre d’un sergent ! Depuis quand la chair à canon peut-elle se permettre de prétendre à l’hygiène ? Sans l’ombre d’une hésitation, le mufle à deux galons somma Bersot d’accepter le pantalon souillé. Bersot ne pouvait décemment s’incliner devant cet ordre odieusement inhumain. Il opposa un nouveau refus.
Le lieutenant André, immonde brute, infligea huit jours de prison à Bersot.
Bersot accomplissait sa punition, et les choses en seraient peut-être restées là, si les amis de Bersot, justement indignés, n’avaient élevé une protestation collective.
L’incident arriva à la connaissance du colonel du régiment, le colonel Auroux (un nom qu’il faudra retenir). Celui-ci voulut lui donner de l’importance et faire un exemple mémorable. Il réunit en hâte une cour martiale.
Le régiment n’était pas en ligne, mais il était " alerté ". Cela suffit aux officiers pour leur permettre de qualifier l’acte de Lucien Bersot de " refus d’obéissance en présence de l’ennemi ".
Jusqu’à la dernière minute, Bersot ne pouvait croire à ce châtiment. Son agonie fut effroyable. L’infortuné pensait à sa femme, à la fillette adorée qu’il ne reverrait plus.
Après cet abominable assassinat, ses camarades élevèrent une véhémente protestation. Affolés, les officiers criminels réprimèrent sans mesure. Un des protestataires fut même condamné aux travaux publics !
Dès septembre 1918, la Cour de cassation cassa, pour vice de forme, la honteuse sentence de la cour martiale.
Hier, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déchargé la mémoire de Bersot de la condamnation prononcée contre lui.
Elle accorde en outre 5.000 francs à la veuve et 15.000 francs à la fille mineure de Lucien Bersot.
Mais celui-ci est bien mort. Et ses assassins ne sont pas inquiétés ! En passant devant sa tombe, ils peuvent même, selon un exemple illustre, se permettre de rire.
Et qui sait ? peut-être ont-ils obtenu de l’avancement !
Honte ? honte au militarisme qui rend possibles d’aussi atroces forfaits. »
Le cas de Lucien Bersot, du 60e régiment d’infanterie, illustre tragiquement cette impitoyable règle, honte de la civilisation.
Lucien Bersot, réclamait depuis longtemps un pantalon rouge à son sergent-fourrier. En vain.
En février 1915, revenant d’une attaque, Bersot renouvela sa demande auprès de son fourrier. Celui-ci finit par trouver un pantalon, qu’il fit remettre à Bersot.
Or, ce pantalon, qui avait appartenu à un mort, était maculé de sang. Le soldat tué, pendant sa courte agonie, avait en outre souillé ce vêtement déjà taché de son sang.
Lucien Bersot, on le conçoit aisément, et quiconque en eût fait autant à sa place, refusa de revêtir un pantalon aussi malpropre.
Une discussion s’engagea entre le soldat Lucien Bersot, qui avait raison, et son sergent-fourrier, qui avait tort. Mais il paraît que les galons rendent infaillibles les pires brutes.
Sur ces entrefaites, le lieutenant André arriva. Comment un homme, simple fantassin, ose discuter l’ordre d’un sergent ! Depuis quand la chair à canon peut-elle se permettre de prétendre à l’hygiène ? Sans l’ombre d’une hésitation, le mufle à deux galons somma Bersot d’accepter le pantalon souillé. Bersot ne pouvait décemment s’incliner devant cet ordre odieusement inhumain. Il opposa un nouveau refus.
Le lieutenant André, immonde brute, infligea huit jours de prison à Bersot.
Bersot accomplissait sa punition, et les choses en seraient peut-être restées là, si les amis de Bersot, justement indignés, n’avaient élevé une protestation collective.
L’incident arriva à la connaissance du colonel du régiment, le colonel Auroux (un nom qu’il faudra retenir). Celui-ci voulut lui donner de l’importance et faire un exemple mémorable. Il réunit en hâte une cour martiale.
Le régiment n’était pas en ligne, mais il était " alerté ". Cela suffit aux officiers pour leur permettre de qualifier l’acte de Lucien Bersot de " refus d’obéissance en présence de l’ennemi ".
Jusqu’à la dernière minute, Bersot ne pouvait croire à ce châtiment. Son agonie fut effroyable. L’infortuné pensait à sa femme, à la fillette adorée qu’il ne reverrait plus.
Après cet abominable assassinat, ses camarades élevèrent une véhémente protestation. Affolés, les officiers criminels réprimèrent sans mesure. Un des protestataires fut même condamné aux travaux publics !
Dès septembre 1918, la Cour de cassation cassa, pour vice de forme, la honteuse sentence de la cour martiale.
Hier, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déchargé la mémoire de Bersot de la condamnation prononcée contre lui.
Elle accorde en outre 5.000 francs à la veuve et 15.000 francs à la fille mineure de Lucien Bersot.
Mais celui-ci est bien mort. Et ses assassins ne sont pas inquiétés ! En passant devant sa tombe, ils peuvent même, selon un exemple illustre, se permettre de rire.
Et qui sait ? peut-être ont-ils obtenu de l’avancement !
Honte ? honte au militarisme qui rend possibles d’aussi atroces forfaits. »
L’Ouest-Éclair ― éd. de Caen ―, n° 7.558, Vendredi 14 juillet 1922, p. 2.
« LE SOLDAT BERSOT, DU 60e R.I., AVAIT A TORT ÉTÉ CONDAMNÉ A MORT
La Cour de Cassation l’a proclamé hier
« LE SOLDAT BERSOT, DU 60e R.I., AVAIT A TORT ÉTÉ CONDAMNÉ A MORT
La Cour de Cassation l’a proclamé hier
PARIS, 13 juillet. ― La Chambre criminelle de la Cour de Cassation vient de rendre son arrêt dans l’affaire du soldat fusillé Bersot.
On se souvient que le soldat Lucien Bersot, du 60 e régiment d’infanterie, avait été condamné à mort par le Conseil de guerre du 60e régiment d’infanterie, se tenant à Fontenoy (Aisne), pour refus d’obéissance en présence de l’ennemi, le 12 février 1915. Il fut fusillé le lendemain.
Le refus d’obéissance de Bersot était le suivant : ayant besoin d’un pantalon et l’ayant réclamé à plusieurs reprises, Bersot reçut du sergent-fourrier Boisson, un pantalon taché de sang et de boue qu’il refusa d’accepter, malgré l’ordre qui lui en fut donné.
Bersot fut alors puni de huit jours de prison par le lieutenant André.
Estimant cette punition injustifiée, plusieurs camarades de Bersot firent une réclamation collective qui leur valut également de la prison.
Mais le colonel Auroux, commandant le régiment, attribua à ces incidents l’importance d’une mutinerie.
Le régiment, quoique n’étant pas en ligne, était en effet alerté.
Le colonel Auroux déféra donc Lucien Bersot devant le Conseil de guerre spécial qui prononça la peine de mort. Un des camarades de Bersot, qui avait protesté en sa faveur, fut condamné aux travaux publics.
Ajoutons que par un arrêt du mois de septembre 1918, la Cour de Cassation avait déjà annulé le jugement pour vice de forme.
Cet après-midi, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a prononcé la réformation de l’arrêt du Conseil de guerre spécial de Fontenoy, qui, le 12 février 1915, avait condamné à mort Lucien Bersot. Elle a déchargé sa mémoire des condamnations prononcées contre lui par ce Conseil de guerre et a accordé 50.000 francs [sic] de dommages-intérêts à la veuve de Bersot, Mme Frère, et 15.000 francs de dommages-intérêts à la fille mineure de Lucien Bersot. »
On se souvient que le soldat Lucien Bersot, du 60 e régiment d’infanterie, avait été condamné à mort par le Conseil de guerre du 60e régiment d’infanterie, se tenant à Fontenoy (Aisne), pour refus d’obéissance en présence de l’ennemi, le 12 février 1915. Il fut fusillé le lendemain.
Le refus d’obéissance de Bersot était le suivant : ayant besoin d’un pantalon et l’ayant réclamé à plusieurs reprises, Bersot reçut du sergent-fourrier Boisson, un pantalon taché de sang et de boue qu’il refusa d’accepter, malgré l’ordre qui lui en fut donné.
Bersot fut alors puni de huit jours de prison par le lieutenant André.
Estimant cette punition injustifiée, plusieurs camarades de Bersot firent une réclamation collective qui leur valut également de la prison.
Mais le colonel Auroux, commandant le régiment, attribua à ces incidents l’importance d’une mutinerie.
Le régiment, quoique n’étant pas en ligne, était en effet alerté.
Le colonel Auroux déféra donc Lucien Bersot devant le Conseil de guerre spécial qui prononça la peine de mort. Un des camarades de Bersot, qui avait protesté en sa faveur, fut condamné aux travaux publics.
Ajoutons que par un arrêt du mois de septembre 1918, la Cour de Cassation avait déjà annulé le jugement pour vice de forme.
Cet après-midi, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a prononcé la réformation de l’arrêt du Conseil de guerre spécial de Fontenoy, qui, le 12 février 1915, avait condamné à mort Lucien Bersot. Elle a déchargé sa mémoire des condamnations prononcées contre lui par ce Conseil de guerre et a accordé 50.000 francs [sic] de dommages-intérêts à la veuve de Bersot, Mme Frère, et 15.000 francs de dommages-intérêts à la fille mineure de Lucien Bersot. »
Le Temps, n° 22.259, Samedi 15 juillet 1922,
p. 4, en rubrique « Tribunaux ».
p. 4, en rubrique « Tribunaux ».
« Les réhabilitations posthumes. ― La chambre criminelle de la Cour de cassation vient d’en prononcer une nouvelle, celle du soldat Lucien Benot [sic], du 60e régiment d’infanterie, condamné à mort le 12 février 1915 par un conseil de guerre spécial siégeant à Fontenoy, dans l’Aisne, et fusillé le lendemain. Louis Benot [sic] avait été reconnu coupable de mutinerie devant l’ennemi. A la suite d’une punition de huit jours de prison que venait de lui infliger un sous-officier, ses camarades avaient pris, par une protestation collective, fait et cause pour lui, et cette protestation avait été qualifiée, mais à tort, de mutinerie.
La Cour de cassation qui, déjà, pour vice de forme, avait annulé le jugement de 1915, vient de décharger la mémoire de Lucien Benot [sic] de la condamnation prononcée contre lui, et a accordé à sa veuve, 5.000 fr. à titre de dommages-intérêts et 15.000 fr. à sa fille mineure. »
La Cour de cassation qui, déjà, pour vice de forme, avait annulé le jugement de 1915, vient de décharger la mémoire de Lucien Benot [sic] de la condamnation prononcée contre lui, et a accordé à sa veuve, 5.000 fr. à titre de dommages-intérêts et 15.000 fr. à sa fille mineure. »
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
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- Messages : 1547
- Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am
Re: Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
Bonjour,
C'est parfait.
Dans le monde de la recherche, documenter, vous le savez bien, signifie simplement que le cas étudié est "entouré" de documents divers, de citations, de sources, de références bibliographiques etc..... vous voyez que la formulation simplifie l'échange.
Une fois documenté, le chercheur, en droit comme ailleurs, comme vous le faites si justement remarquer, tente de prouver, tente de démontrer, tente d'établir......
sauf que dans les cas qui nous occupent, la justice, après avoir prouvé, démontré et établi....juge et condamne........mais ....elle est rattrapée des années plus tard par des gens qui reprennent les affaires et tentent de prouver, tentent de démontrer, tentent d’établir que les précédents juges qui avaient montré, démontré, établi et….. jugé s’étaient trompés…….
Dure leçon à méditer lorsqu’il s’agit de la peine de mort …….une mort donnée par un peloton dont les survivants se disent, 20 ans plus tard, qu’on leur a fait faire une bien terrible chose. Il y a dans les dossiers la lettre déchirante d’un prêtre qui dit à une maman qu’il sait que son fils n’était pas coupable mais qu’il a réussi à lui faire comprendre, à lui, que sa mort serait un exemple.
Vous avez raison, la réhabilitation ( un acte symbolique) c'est, par exemple, lorsque l'officier commandant la brigade de gendarmerie, représentant le gouvernement, est venu, à Six Fours, présenter, publiquement, les excuses du Président de la République à la famille de ODDE
A bientôt
CC
C'est parfait.
Dans le monde de la recherche, documenter, vous le savez bien, signifie simplement que le cas étudié est "entouré" de documents divers, de citations, de sources, de références bibliographiques etc..... vous voyez que la formulation simplifie l'échange.
Une fois documenté, le chercheur, en droit comme ailleurs, comme vous le faites si justement remarquer, tente de prouver, tente de démontrer, tente d'établir......
sauf que dans les cas qui nous occupent, la justice, après avoir prouvé, démontré et établi....juge et condamne........mais ....elle est rattrapée des années plus tard par des gens qui reprennent les affaires et tentent de prouver, tentent de démontrer, tentent d’établir que les précédents juges qui avaient montré, démontré, établi et….. jugé s’étaient trompés…….
Dure leçon à méditer lorsqu’il s’agit de la peine de mort …….une mort donnée par un peloton dont les survivants se disent, 20 ans plus tard, qu’on leur a fait faire une bien terrible chose. Il y a dans les dossiers la lettre déchirante d’un prêtre qui dit à une maman qu’il sait que son fils n’était pas coupable mais qu’il a réussi à lui faire comprendre, à lui, que sa mort serait un exemple.
Vous avez raison, la réhabilitation ( un acte symbolique) c'est, par exemple, lorsque l'officier commandant la brigade de gendarmerie, représentant le gouvernement, est venu, à Six Fours, présenter, publiquement, les excuses du Président de la République à la famille de ODDE
A bientôt
CC
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- Inscription : dim. nov. 18, 2007 1:00 am
Re: Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
Bonjour à tous
Un certain nombre de divisions ont "perdu" les dossiers de justice militaire
Le pourcentage de dossiers de fusillés manquants généralement annoncé était d'environ 20%. Pour les fusillés classés par le prisme dans la catégorie "armées", nous avons dénombré 108 dossiers manquants soit environ 16% sachant qu'une partie non négligeable de ces soldats n'apparait ni dans le livre de Frédéric Mathieu, ni dans la mise en ligne de MDH
Cordialement
yves
Un certain nombre de divisions ont "perdu" les dossiers de justice militaire
Le pourcentage de dossiers de fusillés manquants généralement annoncé était d'environ 20%. Pour les fusillés classés par le prisme dans la catégorie "armées", nous avons dénombré 108 dossiers manquants soit environ 16% sachant qu'une partie non négligeable de ces soldats n'apparait ni dans le livre de Frédéric Mathieu, ni dans la mise en ligne de MDH
Cordialement
yves
-
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- Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am
Re: Fusillés par la France....Fusillés pour l'exemple...
re
Quelles sont exactement les sources de F. Mathieu?
a-t-il pu avoir accés à autre chose que le fichier de NMPLF dont certains disposaient?
CChttps://forum.pages14-18.com/
Quelles sont exactement les sources de F. Mathieu?
a-t-il pu avoir accés à autre chose que le fichier de NMPLF dont certains disposaient?
CChttps://forum.pages14-18.com/
Fusillés par la France... Fusillés pour l'exemple...
Bonsoir à tous,
□ S’agissant des recours en révision formés sur le fondement de l’article 20 de la loi du 29 avril 1921 relative à l’amnistie (J.O. 1er mai 1921, p. 5.288 – Bull. des Lois 1921, n° 296, p. 1.796, Texte n° 19.170), soit par le conjoint, soit par les ascendants ou descendants des condamnés, il est possible que certains dossiers furent conservés par le greffe de la Cour de cassation, sans être retournés au Ministère de la Guerre à l’issue des débats. Ce qui expliquerait qu’ils sont aujourd’hui absents des archives de Mi-nistère de la Défense, tel celui de l’affaire Bersot, deuxième affaire jugée selon cette procédure spé-ciale.
Aux termes du quatrième alinéa de l’article 20 précité, la Chambre des mises en accusation de la Haute juridiction, à laquelle incombait le soin de statuer sur l’admission des demandes, était, en effet, saisie par le procureur général du « dossier de la procédure ». A l’évidence, il ne pouvait s’agir que de l’en-semble des pièces originales des affaires jugées par les conseils de guerre spéciaux institués par le dé-cret du 6 septembre 1914, et non de simple copies, d’autant qu’à cette époque, les moyens de repro-duction étaient quasi-inexistants.
On relèvera d’ailleurs à ce propos que certains dossiers se rapportant à des affaires examinés par la Cour de cassation antérieurement à la parution de la loi du 29 avril 1921 sont totalement vides. Tel est le cas de celui du canonnier pointeur au 48e Régiment d’artillerie Jean Baptiste Eugène BOURET, dont la Haute juridiction fut saisie le 28 juillet 1917, « d’ordre de M. le Garde des sceaux, Ministre de la Justice » : il ne comporte, en effet, que la copie du jugement de condamnation rendu le 7 septembre 1914 par le Conseil de guerre temporaire de la 28e Division d’infanterie, ainsi que celle de l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 2 août 1917 en prononçant la censure. Dans ce cas, le doute est permis. Doit-on supposer que le dossier de procédure fut simplement conservé par le greffe de la Cour de cassation, en raison du caractère exceptionnel de l’affaire ? Ou bien doit-on penser que, retourné au Ministère de la Guerre par ce greffe à l’issue des débats, le dossier en question fut soigneusement expurgé de toutes les pièces sur lesquelles se fondait la décision censurée ?
Aux termes du quatrième alinéa de l’article 20 précité, la Chambre des mises en accusation de la Haute juridiction, à laquelle incombait le soin de statuer sur l’admission des demandes, était, en effet, saisie par le procureur général du « dossier de la procédure ». A l’évidence, il ne pouvait s’agir que de l’en-semble des pièces originales des affaires jugées par les conseils de guerre spéciaux institués par le dé-cret du 6 septembre 1914, et non de simple copies, d’autant qu’à cette époque, les moyens de repro-duction étaient quasi-inexistants.
On relèvera d’ailleurs à ce propos que certains dossiers se rapportant à des affaires examinés par la Cour de cassation antérieurement à la parution de la loi du 29 avril 1921 sont totalement vides. Tel est le cas de celui du canonnier pointeur au 48e Régiment d’artillerie Jean Baptiste Eugène BOURET, dont la Haute juridiction fut saisie le 28 juillet 1917, « d’ordre de M. le Garde des sceaux, Ministre de la Justice » : il ne comporte, en effet, que la copie du jugement de condamnation rendu le 7 septembre 1914 par le Conseil de guerre temporaire de la 28e Division d’infanterie, ainsi que celle de l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 2 août 1917 en prononçant la censure. Dans ce cas, le doute est permis. Doit-on supposer que le dossier de procédure fut simplement conservé par le greffe de la Cour de cassation, en raison du caractère exceptionnel de l’affaire ? Ou bien doit-on penser que, retourné au Ministère de la Guerre par ce greffe à l’issue des débats, le dossier en question fut soigneusement expurgé de toutes les pièces sur lesquelles se fondait la décision censurée ?
Dernière modification par Rutilius le ven. avr. 04, 2025 6:52 pm, modifié 2 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.