Etat des pertes journalières dans les JMO

chanteloube
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par chanteloube »

Bonjour,

J'ajoute une petite chose......vous trouverez parfois des Journaux particuliers tenus par un commandant de compagnie vous y découvrirez un tout petit peu plus d'émotion.


Cordialement CC
chanteloube
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par chanteloube »

rebonjour,

une petite suite qui montre que de l'émotion peut se nicher là où ne l'attend pas:
ce petit extrait est tiré de la reconstitution minutieuse que j'ai pu faire d'une attaque, à partir de tous les éléments que j'ai pu réunir: ce travail particulier est le résultat d'un "exercice" d'étude de documents destiné à montre le fonctionnement d'un bataillon sur une attaque partielle. Il apprend beaucoup de choses....qu'il faut ensuite décrypter.

" Béthincourt 22 décembre 1914 9 h 45:
Colonel commandant la 59ème Brigade à Monsieur le Général commandant la 30° Division à Esnes
En réponse à votre note de service de ce jour, 9 h 20, j’ai l’honneur de vous rendre compte qu’en raison de l’expression employée par le Lieutenant Colonel Tantot pour la forme méthodique que devra revêtir son attaque qui, dit-il " sera lente, il est vrai, mais n’en sera pas moins sûre “ l’heure de 15 h est la plus tardive qu’il semble possible d’adopter en cette saison. Il est vrai qu’aujourd’hui le temps est clair et qu’il convient peut-être d’escompter une rapide arrivée de la nuit pour mettre fin à la crise qui sera déclenchée avec des hommes qu’on ne saurait qualifier de troupes fraîches. Je sais que le Colonel Tantot avec lequel j’ai causé cette nuit, est un grand cœur et qu’il mettra tout en œuvre pour assurer la réussite de l’opération qui lui est confiée mais, il sent et il a cru devoir me signaler loyalement pour que je vous en fasse part, la difficulté de l’entreprise et les aléas qu’elle comporte. Marillier "

Le lieutenant-colonel Tantot, prenant connaissance de la réponse du général Berge à sa lettre du matin transmise par son ami le colonel Marillier, lui écrit à nouveau, un peu désabusé.
" Nous vous remercions bien de vos bonnes paroles. Nous ferons tout ce que nous pourrons et j’espère bien que le 40° RI vous donnera satisfaction. Je serai très heureux, ainsi que vous me le promettez, de connaître l’heure de l’attaque le plus tôt possible afin que je puisse prévenir tous nos hommes en temps voulu car les communications sont très lentes et incertaines. "
En même temps qu'il informait les commandants des bataillons, le lieutenant-colonel avait fait parvenir le détail de ses ordres à l'Etat-major.
Il n'y manque que l'heure de l'attaque.
A 10 h 50 le capitaine Cochet reçoit davantage de précisions :
" Le signal de l’attaque sera donné par le Commandant du 15 ème CA. Il n’a pas fait connaître sous quelle forme, ni l’heure à laquelle il aura lieu. D’autre part les liaisons étant longues et incertaines il pourrait se faire que je ne puisse pas vous prévenir en temps voulu et comme cette attaque sera préparée par un tir violent de toute l’artillerie du Mort-Homme et de la Côte de l’Oie, si ce genre de tir était fait sur les objectifs désignés nous devrions le considérer comme le signal de l’attaque.
Vous devez avoir 4 détachements de génie en arrière de votre bataillon, dont les hommes sont munis de cisailles et d’explosifs pour détruire les réseaux à fil de fer. Pour plus de sûreté je vais écrire au Lieutenant commandant le génie de vous fournir ces détachements. S’il y a des fougasses en avant du Bois Triangulaire et si l’artillerie les fait sauter, il faudra bien entendu profiter de ce moment pour se porter rapidement en avant. Je compte sur vous "

A midi, le colonel Marillier écrit au lieutenant-colonel Tantot.
" Mon cher ami,
Donnez bien toutes vos instructions pour l’attaque. Il est probable qu’elle se déclenchera à 15h. Peut être 14 h 30. Je vous préviendrai dès que possible. Affectueusement.
P.S. Qu’on ne s’inquiète pas au 40° RI des tirs qui seraient exécutés sur 281 à votre gauche pour vous couvrir de ce côté. "


Le lecteur remarquera le ton assez peu militaire de ce courrier qui témoigne d'une façon tout à fait originale de la tension qui précédait les attaques.
Confirmation de l'attaque arrive d’Esnes.
" EM. 3ème Bureau Le Général Commandant la 30 DI
Les dispositions du Lieutenant-colonel Tantot sont approuvées.
L’attaque commence à 15 heures (quinze).

I-Le 40° RI commencera son mouvement en avant dans le courant d’une rafale de 5 minutes que fera l’artillerie.
II-Les dispositions de l’artillerie sont les suivantes. L’A.C frappera surtout les environs de la côte 272 et la lisière S.O. du Bois des Forges. Elle s’efforcera de neutraliser toutes les batteries qui par le nord et par l’ouest peuvent s’opposer à la marche des compagnies d’attaque ou les prendre à revers. Elle enverra quelques projectiles sur les lisières nord du Bois Triangulaire. L’artillerie de campagne se répartira depuis la côte 277 jusqu’au sud du Bois de Forges, frappant les tranchées ennemies. Une masse de 5 batteries formera un faisceau de 850 m de large devant la côte 272 et la lisière ouest du Bois de Forges.
Elle procédera par rafales. Une première de 5 minutes, les autres de 2 minutes espacées d’environ 1/4 h. Tir ralenti entre les rafales. Ces rafales seront dirigées en avant de la colonne. Tout serait facilité si on pouvait avoir une liaison optique avec l’artillerie du Mort-Homme, au moyen d’un appareil installé dans les tranchées de 1 ère ligne (demander le tir d’artillerie par le signal convenu : plusieurs traits successifs).
Poste de cdt à Chattancourt. Contact téléphonique à partir de 14 h 15.
Le colonel Tantot tente une dernière démarche auprès du colonel Marillier pour s'assurer que tout le monde sera prêt :
" Je viens de recevoir les ordres. Les miens partent de 14 h 30. Je crains fort qu’ils n’arrivent trop près de 15 h ou même après 15h. Il serait fort désirable si cela est encore possible de commencer à 15 h 15 au lieu de 15h. "

Mais la machine est en route, elle ne peut plus être arrêtée. Au début de la guerre, des liaisons par téléphone n'étaient pas toujours installées avec les premières lignes.
L'attaque, lancée à l'heure dite, dans les mêmes conditions que les précédentes, Bataillon Cochet à gauche, Bataillon Rey à droite, n'obtient pas de meilleurs résultats. L'artillerie, une fois de plus, n'a su neutraliser les mitrailleuses qui fauchent les sections du 40° RI dès qu'elles débouchent .
A 16 h 20 le Lt-colonel Tantot rend compte au colonel Marillier.
" Une section du bataillon de gauche est arrivée aux réseaux de fil de fer, devant le Bois Triangulaire. Tous les sapeurs porteurs de pétards ont été tués. Ce bataillon va chercher avec les quelques rares cisailles qu’il possède à faire des trouées dans les réseaux.
A 16 h 10 nos pièces de 75 non seulement tiraient trop court mais en étaient même arrivés à tirer sur les tranchées de la compagnie de droite.
Cette compagnie est très éprouvée. Ce bataillon, par suite, a bien pu avancer par sa gauche mais sa droite a été dans l’impossibilité de progresser ".


Vous voyez rien n'est simple ni définitif !

A bientôt
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majolec
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par majolec »

Bonsoir,

Achache : Ai-je une seule fois dans mon message employé les mots "roman", "poésie", "film", "œuvre d'art" ou "info télé" ? Ai-je écrit qu'il fallait "chercher à émouvoir et rien qu'à émouvoir" ? J'ai utilisé les mots "avis" et "sentiment personnel". C'est quand même un peu différent, non ?

De plus, avez-vous lu cette phrase de mon message : Loin de moi l'envie de juger la manière d'écrire de cet officier. Il avait peut-être reçu des ordres pour rester factuel et imperturbable. Mais le résultat est glaçant. Là encore, "résultat" est différent "d'objectif" ou "d'action".

Alors je veux bien qu'on m'oppose un argumentaire, comme l'ont fait gentiment les autres contributeurs -merci à eux ! Mais je n'apprécie pas qu'on me fasse un procès d'intention, qui plus est après une lecture complètement interprétative.

Et j'insiste : il existe, dans les autres JMO que j'ai consultés, un style d'écriture plus personnel, plus "humain" (gros mot pour Achache ?).

Exemple :

JMO du 138e RI - 23.09.1918 - La conduite des deux compagnies d'attaque a été en tous points digne d'éloges. Des actes de courage allant jusqu'à l'héroïsme ont été accomplis.

Il en est des officiers rédacteurs comme des Généraux de Brigade, des éducateurs ou.... des contributeurs de ce forum, je suppose : chacun son style...

Bonne soirée à tous (et tous, ça veut dire, Achache : à vous aussi ;)


Respect, reconnaissance, mémoire.
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michelstl
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par michelstl »

Bonjour majolec

J’acquiesce à votre «sensibilité». Néanmoins, les mots, les termes et manières que vous mentionnez dans votre première intervention sont de semblable gabarit sinon pareils dans la grande majorité des JMO que j’aurai parcouru, et j’en aurai parcouru beaucoup. Façon d’ailleurs se voulant sans détour et relatant les Faits, car un JMO est un rapport de Faits, de marches et d'opérations comme il serait convenu de le percevoir… Je crois tout simplement que c’est ce que Achache voulait dire à sa façon et sans ne vouloir porter atteinte.

Même que pour ma part, le commentaire ou l’opinion n’a pas sa place dans un tel document

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Très cordialement
Michel
Salutations
Michel
Alain 57
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par Alain 57 »

Bonsoir Majolec,
Bonsoir à toutes et à tous,

(Partie du message supprimée)

Rappel de la Charte du forum :
Au vu de la diversité des opinions et des personnalités, il peut arriver d'être heurté par un message ; exprimer son désaccord avec retenue est un fait, mais tout dérapage sera aussitôt sanctionné par un acte de modération. Le Forum n'est pas une arène, les dissensions personnelles se régleront éventuellement par message privé.
Arnaud, modérateur.

Pour en revenir au sujet, il existe effectivement de nombreux JMO où figurent d’interminables listes de blessés, tués et disparus. A titre d’exemple, consultez notamment celui du 85° R.I (1° au 20 août 14, et du 21 au 24 décembre 14)

Cordialement
Alain
chanteloube
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par chanteloube »

Bonsoir,

il se peut que nous n'ayons pas tous la même perception de ce qu'est un règlement....et il se peut aussi que les rédacteurs des jmo aient eu le même problème.

J'ai lu des centaines de JMO et décortiqué de façon informatique et scientifique plusieurs dizaines, je peux affirmer et prouver (exemple à l'appui) que certains rédacteurs mentent de façon régulière, d'autres déforment, d'autres glissent des informations fausses, d'autres enfin laissent passer un fil de sensibilité. Lorsqu'on a la chance de travailler sur une unité dont les pièces annexes ont été conservées -c'est souvent le cas pour la période 14-15- il est facile de montrer de quelle façon le signataire, (pas le rédacteur, les nombreuses reprises ou réécriture totale, voire destructions le prouvent) du JMO, entend qu'il soit rédigé. Ceci est valable à tous les niveaux. Il faut donc se méfier des JMO qui ne sont pas des comptes rendus mais des "reconstructions". Avec un peu d'habitude on a vite compris........
A bientôt.
cc
alain13
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par alain13 »

Bonjour,

Je n'ai pas lu des centaines de JMO, mais mon avis sur leur rédaction se rapproche sur certains points de celui de Chanteloube, notamment pour les régiments d'infanterie.
Retrouver à tout bout de champ des termes comme, "sortent des tranchées avec un élan irrésistible", alors que les fois précédentes on a eu des dizaines voire des centaines de morts, si celà se veut sans détour pour relater les faits, pas tout à fait d'accord. Et dans certains cas pour la réalité des faits, je demande à voir.

Et pour moi l'émotion, çà peut être une journée où la sobriété et la rigueur froide du texte fait croire qu'il ne s'est pas passé grand chose,
pour se terminer par, " tués : 30 "( et souvent beaucoup plus). L'émotion .... çà se commande pas.

Les listes nominatives de morts dans les JMO, je pense que c'est bien, mais lorsqu'il s'agit de centaines (ou de milliers) de morts dans une même journée, difficile !

Cordialement,
alain
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Maurice38
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par Maurice38 »

Bonjour à tous
Le mot de 'reconstruction' est je pense très approprié
J'ai eu l'occasion de lire
Déroulement d'une attaque sur 8 jours par exemple du 26/06/1916 au 3/07/1916, le tableau récapitulatif des pertes de ces 8 jours se trouve entre le 31/06 et le 1/07 avant la fin du déroulement, preuve que ce JMO est une copie des événements reconstruits plus tard
Ceci n'est qu'une appréciation personnelle et n'engage que moi
Cordialement
Maurice
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jefP
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par jefP »



De Majolec le 28.11.2014
Bonjour,

L'officier écrit parfois : "journée calme", "aucun événement à signaler", "relève de tel bataillon qui va cantonner à tel endroit" - quand vous consultez l'effectif, vous constatez que le régiment a perdu une soixantaine de soldats en deux jours... J'ai aussi trouvé cette phrase, écrite le 25 avril 1915, après une violente attaque de nuit de la ligne de front : "Le 1er bataillon et les débris de la 5e Cie retournent dans la matinée à La Harazée et partent à Florent dans la soiré". Cette nuit-là sont morts 4 officiers et 204 soldats.
Bonjour,

Vous soulignez le mot « débris » car sans doute le mot vous a choqué ; je l'ai été la première fois que je l'ai lu dans un JMO concernant des soldats. Ce mot est utilisé de façon récurrente dans les JMO.
Revenons à la définition (le Robert par exemple) :
Débris : de briser ; 1) rare au singulier. Reste (d'un objet brisé, d'une chose en partie détruite) = fragment. Morceau. Des débris de bouteille 2) au pluriel figuratif. Litter. Reste. Les débris d'une armée, ce qui en reste après la bataille.
Ce mot est toujours utilisé dans ce sens et n'a, à mon avis, aucune connotation péjorative ou méprisante. Aujourd'hui aucun officier n'utiliserai le mot dans ce contexte car son sens a "évolué".

Cordialement
jefP
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michelstl
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Re: Etat des pertes journalières dans les JMO

Message par michelstl »

Bonjour

Nous survolons un sujet délicat ... nos points de vue (de tout un chacun) démontrent des hauts et des bas qui se valent selon les milliers de pages, de lignes et de mots que représentent les JMO.
Cette discussion que nous avons pourrait avoir autant de pages que les JMO en ont j'ai l'impression.

.........

Bonjour Alain

Je vous cite (car vous faisiez référence à moi... mais je ne le fais que tout bonnement ... pour les sous entendus)
"sortent des tranchées avec un élan irrésistible", alors que les fois précédentes on a eu des dizaines voire des centaines de morts, si celà se veut sans détour pour relater les faits, pas tout à fait d'accord
«élan irrésistible» / je me cite donc: Même que pour ma part, le commentaire ou l’opinion n’a pas sa place dans un tel document (bien qu'il se manifeste beaucoup)

Je me cite: «Façon d’ailleurs se voulant sans détour et relatant les Faits, car un JMO est un rapport de Faits, de marches et d'opérations comme il serait convenu de le percevoir…»
Qui veux dire: que la «froideur» de rédiger devrait être de mise ... et d'en rajouter; même à la lecture (et oui, des émotions et des manières de valoriser l'héroïsme, se manifestent souvent / et oui... je suis fragilisé moi-même devant le terrible de la guerre et le no matricule devant l'individu, devant l'homme et l'effarant nombre de sacrifiés)
Cette «froideur» n'enlève en rien les sentiments et les vives émotions qu'un rédacteur (et qu'un lecteur) peut ressentir, et qui transparaissent certes et malgré tout. Ce caractère impassible de rédaction n'est pour moi qu'une façon de convenir à relater des faits militaires.

Pour en revenir à
"journée calme", "aucun événement à signaler"... pour ma part j'ai appris à relativiser; que cela ne veut en rien dire qu'il ne se passe rien lors d'une telle journée; des projectiles explosent et des hommes, bien tristement, meurent, bien qu'il ne se soit pas produit d'événements en soi ou (marche, manoeuvre, attaque/offensive en forme, défense ... , positionnement, etc). Comme vient de l'expliquer jefp pour «débris».. plusieurs termes se doivent d'être placer dans le contexte militaire des JMO...


Très cordialement

Michel
Salutations
Michel
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