Il y a 92 ans, le 6 juillet 1915, l'histoire du 28e RI fut marquée par la perte de tous les officiers de la 6e compagnie. Grâce à Stéphan Agosto qui m'a communiqué une présentation de Raymond Chamerot, voici le récit de l'obus du 6 juillet.
Le 6 juillet 1915, le 28e RI occupe les tranchées de La Targette (Artois). Le 2e bataillon est en réserve et le PC de la 6e compagnie est situé près des Ouvrages blancs.
Voici un extrait du JMO du 28e RI :

Une photo de Raymond Chamerot :

Et le récit découvert par Stéphan Agosto où l'on croise deux personnages : le docteur Pierre Meugé et le peintre François Flameng.
Raymond Chamerot, parti lieutenant, et qui presque immédiatement, fut mis à la tête d’une compagnie d’infanterie [la 8e],
a été, jusqu’au sacrifice absolu, cet officier.
Le 14 août 1915, il était cité à l’ordre de l’armée, en ces termes, par le général Hache, commandant le 3e Corps d’Armée :
« Chargé le 26 mai, de conduire sa compagnie à une attaque difficile et dangereuse, a vigoureusement entraîné ses hommes et, malgré un feu violent de mitrailleuses, a réussi à occuper la tranchée adverse.
Tué le 6 juillet, au cours d’un bombardement. A été cité.»

Extrait du JMO du 28e RI (août 1915) : la citation.
Entraîneur d’hommes, donneur d’exemple, il comprit ainsi sa mission.
C’est en le revoyant sous cet aspect, que ses camarades
et ses hommes le pleureront après sa mort.
« Il a fait plus que son devoir, écrira le vaguemestre, à la sœur du capitaine Chamerot ; ses hommes qui l’adoraient,
reconnaissaient ses mérites, ils avaient foi en lui. »
Avoir foi dans le chef : quel magnifique éloge dans la bouche d’un soldat !
N’est-ce pas dire que sa main groupe toutes les énergies en un même faisceau, qu’elle les subordonne à sa volonté,
qu’il n’est chemin qu’il ne suivra, que ses hommes ne suivront, parce qu’ils ont reconnu en lui la supériorité du savoir,
du courage et de l’abnégation ?
La mort du capitaine Chamerot, nous la trouvons racontée dans une page intime d’où se dégage la plus poignante émotion :
c’est une lettre que M. François Flameng adresse à sa fille et que nous nous permettons de reproduire dans sa partie essentielle :
« Ma tendre enfant, le général Hache m’ayant dit que le 28e de ligne rentrerait aujourd’hui dans son cantonnement à l’arrière,
je m’y suis rendu cet après-midi. J’étais tout ému en voyant déboucher dans le village ce régiment que j’aime, où réside un peu de mon cœur et beaucoup de tendresse pour ses braves compagnons…
Quant a passé la 6e Compagnie, elle était conduite par un adjudant [probablement l'adjudant Couillard],
tous les officiers avaient été tués avec Chamerot ; mon cœur s’est serré et j’ai senti les larmes me monter aux yeux…
« …Alors est apparu sur un petit cheval blanc, encapuchonné dans son caoutchouc, le docteur Meugi [lire Meugé], un être exquis, un héros, qui, en me voyant, est bien vite descendu de son bidet, comprenant mon désir de connaître le drame… Il m’a tout conté.
Dans une tranchée de troisième ligne, les officiers de la 6e Compagnie étaient réunis dans un gourbi construit par les Boches ; malheureusement mal orienté, puisque sa défense devait se tourner de notre côté allemand. Meugi était avec eux, à cinq mètres sous terre. Chamerot disait : « Comme on est bien ici ! As-tu des cigarettes ? » Meugi lui répondit :
« Je vais aller les chercher ».
A peine était-il parti, qu’un obus tombe sur le côté du gourbi, y pénètre, s’enfonce à deux mètres dans le sol, éclate et détruit tout. Un sous-officier qui avait vu la scène, arrive pour porter secours à ses chefs, mais il tombe à moitié asphyxié ; un autre essaie sans y parvenir. Alors, à coups de pioche, on démolit le gourbi pour dégager les ensevelis. On les retrouve intacts, sans blessure et sans vie. Ils avaient été foudroyés par des gaz inconnus ; ils semblaient dormir.
« Ils sont enterrés à côté du cimetière d’Ecoivres, entre Saint-Eloy et Bray, à côté du village d’Acq.
Leurs tombes sont fleuries et soignées ; j’irai demain les visiter, leur apporter l’hommage de mon affectueux
et tendre souvenir et de mes profonds regrets. Mais ils resteront toujours vivants dans mon cœur,
comme des héros qui sont morts pour nous défendre et pour sauver la Patrie… »
[…] Par arrêté interministériel en date du 27 avril 1920,
la Croix de chevalier de la Légion d’honneur a été conférée
à la mémoire du capitaine Chamerot.

Le capitaine Chamerot repose dans le cimetière d'Écoivres avec Oscar Frank.
Les corps de Paul Gide et de Joseph Amiot ont dû être rapatriés par les familles.
Remarquez sur la photo l'erreur de grade. Photo : Frédéric Videlaine.

Pour information , le peintre François Flameng avait son fils au 28e RI. Début 1915, Flameng a donc rendu visite à son fils dans les tranchées.

Enfin, je me demande si le docteur Meugé n'est pas le même docteur Meugé, collègue de l'aspirant Laby (voir les carnets de l'aspirants Laby).
J'attends vos réactions, commentaires sur ce récit qui est pour moi l'un des plus remarquables concernant le 28e RI.
Bien à vous
Vincent (qui remercie Stéphan et qui a une pensée pour Frédéric Videlaine, actuellement en soin suite à une opération).