Bonsoir,
La mise en service prématurée des "Tanks" britanniques sur la Somme en septembre 1916 a immédiatement fait mettre à l'étude la question de la "Défense contre les Tanks" (plus tard rebaptisée "Défense contre les Chars d'Assaut" à la demande du général Estienne qui goûtait fort peu les anglicismes).
En effet, il était probable que les allemands mettraient tôt ou tard des chars d'assaut en service et il était nécessaire d'étudier des mesures de défense.
Parmi les études entreprises à l'automne 1916, celles du chef d'escadron Filloux s'imposent du fait de leur réalisme et des possibilités industrielles du moment.
Ce très grand inventeur (dont le chef d’œuvre absolu est le 155 GPF, canon lourd ayant une bonne vingtaine d'années d'avance sur les réalisations contemporaines), longtemps tenu à distance de l'avancement et de la Légion d'Honneur pour avoir tenu en public le bras d'un de ses vieux maîtres ecclésiastiques (une "faute" impardonnable dans les Armées de la République sous le ministère Combes et le général André "officiant" au ministère de la Guerre) s'est attelé au problème de la Défense contre les Tanks et a proposé en décembre 1916:
-la défense par l'artillerie en donnant par des moyens de circonstance un grand champ de tir horizontal au canon de 75 tirant un obus de rupture (le futur "chevalet" Filloux construit en 1917 et utilisé avec succès le 15 juillet 1918).
-la défense par les mines en multipliant leur disposition sur le terrain, sans même que leur capacité de destruction soit grande, le but à atteindre étant de "décheniller" les chars (on disait encore en 1916 les "chaînes des caterpillars").Finalement, les mines seront surtout réalisées en France en employant des bombes d'artillerie de tranchée munies de fusées instantanées qui montreront leur efficacité le 15 juillet 1918 en Champagne avec une capacité d'explosif importante capable de couper en deux les chars de prise britanniques Mark IV employés par les allemands.
-la défense par les grenades: Filloux envisage le lancer de grenades fusantes à la main ou avec des fusils tromblons afin, là encore, de viser la vulnérabilité des chenilles.
-la défense par l'artillerie d’accompagnement en créant un obus de 37 mm perforant et susceptible d'exploser à l'intérieur du char (on sait que cette formule devra être abandonnée dès l'été 1918 car l'épaisseur du blindage des chars allemands type A7V rend les projectiles de 37 mm inefficaces, qu'ils soient tirés par le 37 mm modèle 1916 ou par le canon de 37 mm américain "Bethleem Steel").
-en dernier lieu, le chef d'escadron Filloux propose (en décembre 1916) la Défense par les balles perforantes tirées par un fusil de 13 mm:
Ce fusil aurait les caractéristiques suivantes:
-calibre 13 mm.
-longueur; 1,30 m.
-balle APX du poids de 35 grammes tirée à 950 m/s avec une charge de poudre de 14 grammes environ.
Pour maîtriser le recul de ce "monstre", le chef d'escadron Filloux envisage un lien élastique à ressort ou l'emploi éventuel sur un affût de mitrailleuse.
Le fusil anti-char proposé permettrait de perforer à petite distance au moins 20 mm d'acier et certainement plus.
Le projet a-t-il fait l'objet d'études plus sérieuses ou d'un début de réalisation?Il semble que le général Gossot, Inspecteur des Etudes et Expériences Techniques de l'Artillerie, ait estimé au début de 1917 que la réalisation d'une telle arme pourrait compromettre des fabrications plus urgentes.
Bref, le "Tankgewehr" à la française est resté dans les cartons mais la similitude des études de part et d'autre du front est intéressante à souligner.
Cordialement,
Guy François.
Un "Tankgewehr" à la française?
Re: Un "Tankgewehr" à la française?
Bonsoir Guy,
Si en 1916 et 1917 le Commandant Filloux proposa donc de développer un fusil français de 13 mm antichar, son projet a bien eu une suite.
En 1918, le Lt-Colonel Filloux était bien passé à la réalisation de son projet, mais sur une autre base et en calibre 17 mm. . . . .
Il existe (au moins) six notes au SHD (d'Octobre à Novembre 1918) qui abordent le sujet.
Le canon antichar Filloux de 17 mm était relativement simple de conception dans la mesure ou il s'agissait de monter le canon de 17 mm
sur le canon de 37 mm (dont même la culasse était conservée).
La balle était de type Apx et pesait 100 gr
La vitesse initiale de l'arme était de près de 1000 m/s.
A 1000 m, la vitesse de la balle était encore de 750 m/s.
Ces précisions techniques de la note du Ministère de l'Armement semble prouver que les premiers essais avaient été effetuées.
Notes parlant de ce projet :
Note n° 6435 2/M Ministère de l'Armement et des Fabrications de Guerre du 20 Octobre 1918.
Note n° 33878 GQG/Inspection Générale de l'Artillerie du 24 Octobre 1918
(cette note n'est que citée dans une réponse)
Note n° 13959 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/Artiellerie d'Assaut du 27 Octobre 1918
Note n° 44306 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/EM/1° Bureau du 31 Octobre 1918
Note n° 2575/3 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/EM/3° Bureau du 02 Novembre 1918
Note n° 5392 GQG/EM/Artillerie du 04 Novembre 1918
Note n° 45695 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/EM/3° Bureau du 29 Novembre 1918
Cette dernière note précise que les essais auront lieu à Bourron
(conformément au programme établi par le Ministère de l'Armement et des Fabrications de Guerre).
Il est demande que le char allemand A7V Elfriede, en exposition place de la Concorde,
soit renvoyé au camp de Bourron pour ces essais.
La note du 4 Novembre 1918 demandant que deux exemplaires soient envoyés à Bourron, il
est donc possible qu'au moins deux exemplaires du 17 mm Filloux aient été construits.
Ces 6 notes sont les seuls de ce carton d'archives du SHD abordant ce sujet (référence non notée).
Bonne recherche - Michel
Si en 1916 et 1917 le Commandant Filloux proposa donc de développer un fusil français de 13 mm antichar, son projet a bien eu une suite.
En 1918, le Lt-Colonel Filloux était bien passé à la réalisation de son projet, mais sur une autre base et en calibre 17 mm. . . . .
Il existe (au moins) six notes au SHD (d'Octobre à Novembre 1918) qui abordent le sujet.
Le canon antichar Filloux de 17 mm était relativement simple de conception dans la mesure ou il s'agissait de monter le canon de 17 mm
sur le canon de 37 mm (dont même la culasse était conservée).
La balle était de type Apx et pesait 100 gr
La vitesse initiale de l'arme était de près de 1000 m/s.
A 1000 m, la vitesse de la balle était encore de 750 m/s.
Ces précisions techniques de la note du Ministère de l'Armement semble prouver que les premiers essais avaient été effetuées.
Notes parlant de ce projet :
Note n° 6435 2/M Ministère de l'Armement et des Fabrications de Guerre du 20 Octobre 1918.
Note n° 33878 GQG/Inspection Générale de l'Artillerie du 24 Octobre 1918
(cette note n'est que citée dans une réponse)
Note n° 13959 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/Artiellerie d'Assaut du 27 Octobre 1918
Note n° 44306 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/EM/1° Bureau du 31 Octobre 1918
Note n° 2575/3 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/EM/3° Bureau du 02 Novembre 1918
Note n° 5392 GQG/EM/Artillerie du 04 Novembre 1918
Note n° 45695 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est/EM/3° Bureau du 29 Novembre 1918
Cette dernière note précise que les essais auront lieu à Bourron
(conformément au programme établi par le Ministère de l'Armement et des Fabrications de Guerre).
Il est demande que le char allemand A7V Elfriede, en exposition place de la Concorde,
soit renvoyé au camp de Bourron pour ces essais.
La note du 4 Novembre 1918 demandant que deux exemplaires soient envoyés à Bourron, il
est donc possible qu'au moins deux exemplaires du 17 mm Filloux aient été construits.
Ces 6 notes sont les seuls de ce carton d'archives du SHD abordant ce sujet (référence non notée).
Bonne recherche - Michel
Email - [email protected]
Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Re: Un "Tankgewehr" à la française?
En complément . . .
Sur le forum "Archive MilitariaCollec" :
Une réponse de Philippe Regenstreif (bien connu pour ses livres sur les munitions) de Mai 2006, à propos d'un étui de "18x209" (en fait 17 x 209), trouvé par un membre de ce forum.
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=& ... 82GvRkafiw
Il existe donc un dossier 17 mm Fillioux aux Archives de l'Armement de Châtellerault.
L'essai de cette arme en 17 mm avait aussi été évoquée ici, dans un des sujets sur Elfriede, à propos des essais de tirs de Bourron de la fin 1918.
Bonne recherche - Michel
Sur le forum "Archive MilitariaCollec" :
Une réponse de Philippe Regenstreif (bien connu pour ses livres sur les munitions) de Mai 2006, à propos d'un étui de "18x209" (en fait 17 x 209), trouvé par un membre de ce forum.
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=& ... 82GvRkafiw
Il existe donc un dossier 17 mm Fillioux aux Archives de l'Armement de Châtellerault.
L'essai de cette arme en 17 mm avait aussi été évoquée ici, dans un des sujets sur Elfriede, à propos des essais de tirs de Bourron de la fin 1918.
Bonne recherche - Michel
Email - [email protected]
Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Re: Un "Tankgewehr" à la française?
Bonsoir,
Merci, Michel, pour ces précisions!
Le canon anti-char de 17 mm Filloux est assez bien connu et il existe en effet des dossiers sur les essais de cette arme dans les archives militaires.
En voici d'ailleurs une photographie:

Canon de 17 mm Filloux sur affût de canon de 37 mm.
Par contre, je ne connais pas de dossier ni de schémas relatifs au fusil anti-char de 13 mm, objet des recherches du chef d'escadron Filloux à la fin de 1916.
Malheureusement, il ne semble à peu près plus rien subsister des archives de l'Atelier de Puteaux (APX).Ceci est fort dommage car cet atelier est à la base de la majorité des grandes inventions concernant l'artillerie et l'armement individuel de 1897 à 1918 (et au delà).
Un éminent officier ayant servi avant 1939 à l'APX m'avait affirmé au début des années 1970 (à une époque où les lecteurs du SHD se comptaient journellement sur les doigts d'une seule main!) que les archives de l'APX avaient pris le chemin de l'exode en 1940 à bord d'un convoi automobile, malheureusement détruit au sud de la Loire dans des conditions mal connues.Ceci explique entre autres que les archives concernant la genèse du légendaire canon de 75 mm modèle 1897 sont manquantes car tous les dossiers des premiers essais et études préliminaires du 75 figuraient dans ces archives, perte irréparable pour les chercheurs contemporains!
Cordialement,
Guy François.
Merci, Michel, pour ces précisions!
Le canon anti-char de 17 mm Filloux est assez bien connu et il existe en effet des dossiers sur les essais de cette arme dans les archives militaires.
En voici d'ailleurs une photographie:

Canon de 17 mm Filloux sur affût de canon de 37 mm.
Par contre, je ne connais pas de dossier ni de schémas relatifs au fusil anti-char de 13 mm, objet des recherches du chef d'escadron Filloux à la fin de 1916.
Malheureusement, il ne semble à peu près plus rien subsister des archives de l'Atelier de Puteaux (APX).Ceci est fort dommage car cet atelier est à la base de la majorité des grandes inventions concernant l'artillerie et l'armement individuel de 1897 à 1918 (et au delà).
Un éminent officier ayant servi avant 1939 à l'APX m'avait affirmé au début des années 1970 (à une époque où les lecteurs du SHD se comptaient journellement sur les doigts d'une seule main!) que les archives de l'APX avaient pris le chemin de l'exode en 1940 à bord d'un convoi automobile, malheureusement détruit au sud de la Loire dans des conditions mal connues.Ceci explique entre autres que les archives concernant la genèse du légendaire canon de 75 mm modèle 1897 sont manquantes car tous les dossiers des premiers essais et études préliminaires du 75 figuraient dans ces archives, perte irréparable pour les chercheurs contemporains!
Cordialement,
Guy François.