Re: Artillerie Spéciale - Schneider M1 et Renault FT livrés à l'Italie

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Tanker
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Re: Artillerie Spéciale - Schneider M1 et Renault FT livrés à l'Italie

Message par Tanker »

Les cessions de Chars Schneider et Renault FT à l'Italie durant la guerre 14-18.

Dans les archives militaires françaises, la première mention d'un projet de cession de char à l'Italie,
est une note du Service Automobile au Général, Président de la Commission Franco-italienne.

Dans cette note du 14 Janvier 1917, Le Général Mourret (chef du Service Automobile) répondant
à une demande du 30 Décembre 1916 du Président de la Commission Franco-italienne, annonçait
que le 5 Janvier 1917, Albert Thomas, Ministre de l'Armement et des fabrications de guerre,
avait rencontré à Rome, le Général Dall'Olio, Sous-Secrétaire d’Etat italien des munitions.
Au cours de cet échange, Albert Thomas promit la cession d'un char d'assaut à l'Italie.

Par un courrier du 14 Janvier 1917, du Général Mourret, au président de la Commission Franco-italienne,
le Gouvernement italien était informé qu'il serait désirable d'envoyer en France, un officier, un sous-officier et deux soldats, pour apprendre à piloter le char, le prendre en compte et le rapatrier en Italie.

Le Service Automobile profitait de cette occasion pour demander, à titre de réciprocité, la livraison
d’une camionnette italienne de type Florio, camionnette destinée au transport en montagne.
Cette même note exprime le souhait de la voir livrée au CAMA de Lyon.

Arrivée de l’équipe italienne :

Une note du 7 Février 1917, émanant du 2° Bureau, nous apprend que le Ministère de la Guerre italien
a envoyé en mission, auprès du Ministère de la Guerre français, le Capitaine d'Artillerie Alfrédo Bennicelli
(le Comte Benicelli sera sénateur du 23 Janvier 1934 au 03 Mai 1944) pour étudier la question des automobiles blindées.

Cette note, qui laisse supposer que ce Capitaine a rencontré le Général Estienne est, de fait,
un refus de permettre au Cne Alfrédo Bennicelli de visiter Champlieu !
La raison invoqué dans cette note est que celui-ci a déjà vu, en Zone de l’Intérieur tout ce qui lui était nécessaire . . . .

Une lettre du Général Estienne au Général Commandant en Chef du 8 Février 1917 confirme qu'il n'a jamais vu cet officier et qu'aucune demande de visite de Champlieu ne lui a adressé . . . . La date d'arrivée du Capitaine Bennicelli n'est pas connue. Probablement fin Janvier, et c'est certainement le Général Mourret que cet officier a alors rencontré.

Le Samedi 10 Févier 1917, après une nouvelle demande du Général Italien di Bréganze (chef de la Mission Italienne), le Capitaine Bennicelli est finalement autorisé à passer une journée avec le Général Estienne à Champlieu.

Au vu des jours proposés par le Général Estienne, le Cne Benicelli a dû venir à Champlieu le Jeudi 15 ou
le Lundi 19 Février 1917. Un déjeuner au château d'Orrouy était au menu de cette journée.

Rien dans ces premières correspondances ne permet d’affirmer que l’équipage italien est arrivé en même temps que le Capitaine Benicelli. Celui-ci semble avoir plutôt été un chargé de mission, peut-être aussi chargé de coiffer l’équipage italien.

Ce premier refus d’accès à Champlieu du Capitaine Benicelli montre bien le manque de concertation,
dans cette affaire, entre le Service Automobile et les Armées.
Si le ministre de la Guerre savait qu’il était envisagé de donner un Schneider M1 à l’Italie,
et de former un équipage, cette information était restée dans les cercles de la Zone de l’Intérieur.
La cession de ce char ayant été initié par le ministère d’Albert Thomas, ni le GQG ni l’Artillerie Spéciale
n’étaient dans la boucle.

Visiblement le Capitaine Benicelli, croyant avoir affaire au Général Estienne (alors qu’il était reçu par le Général Mourret) a mis, sans doute, bien involontairement les pieds dans le plat, en demandant à voir Champlieu . . . .

A cette date, aucune opération chars n’ayant eu lieu, le secret sur Champlieu était protégé et toute demande de visite (y compris pour les Français) passait par l’Etat-Major.

L’équipage italien du Schneider M1 cédé à l’Italie :

La date exacte d'arrivée de l'équipage de chars italiens n'est pas connue (du moins dans les archives du SHD), mais une note du 10 Mars 1917 les signalent en stage au Camp de Marly, et prévus pour une visite à l'usine Somua de Saint Ouen, dans laquelle étaient assemblés les chars.

Ces italiens sont probablement arrivés fin Février ou début Mars en France.

Pour des néophytes de la question caterpillar, il fallait tout de même un minimum de formation, et le passage en usine devait être, avant tout, destiné au futur mécanicien de ce char.
Les mécanos et ouvriers de l'Artillerie Spéciale faisaient systématique, pendant leur formation initiale
à Marly et /ou Cercottes, un stage en usine de plusieurs semaines.

Le char donné à l’Italie, dont le numéro n'est pas cité dans les documents français, est perçu par les Italiens au camp de Cercottes le 19 Mars 1917. Chargé sur train au quai d'embarquement de la Foulonnerie, il quitte cette gare le 20 Mars 1917, en direction de l'Italie, via Modane.

Cette note permet de savoir que l'officier italien, chargé de récupérer ce Schneider, était le Capitaine Giuffrida. Le nom des 4 autres membres de l'équipage ne sont pas connus.

Pendant son stage au camp AS de Marly-le-Roi, le Cne Guiffrida logeait dans Paris à l'hôtel Continental
(hotel situé rue de Castiglione).

Lors de la prise en compte du char, le Capitaine Benicelli est aussi cité comme responsable de l’affaire,
mais les ordres pour Cercottes mentionnent l’arrivée du Cne Guiffrida et de 4 Hommes
Rien n'indique que le Cne Benicelli ait aussi fait partie de l'équipe formée à la conduite du char à Marly.

Le Schneider livré à l’Italie devait être équipé :
du sur-blindage monté sur les chars avant le premier engagement d’Avril 1917,
du démarreur électrique,
de l’installation complète d’éclairage électrique (remplaçant les lanternes types train)
des tôles garde-boue protection des barbotins,
des tôles de protection ventrale du moteur et de l’embrayage.

Dans cette configuration le char n’était donc pas équipé de la porte latérale gauche et des réservoirs arrière de carburant. C’est directement la Société Schneider qui expédiera tout ce kit de complément.
L’expédition sera faite à Modane à la fin du mois de Mai 1917. Les lots de rechange et d’outillage R1S et O1S sont fournis avec le char, qui est aussi équipé d’une unité de feu.

Le Capitaine Benicelli souhaitant rentrer au plus vite en Italie, le Schneider sera livré armé, en version M1, avec une unité de feu canon et mitrailleuses et les kits de modification, faute de pouvoir être monté à Cercottes, seront expédiés plus tard, avec les lots de pièces de rechange.
Ces kits de rechanges seront réceptionnés par les italiens à Modane.

Si plusieurs notes parlent de "cession" et si le Sous-secrétaire d'Etat italiens pour les Armes et Munitions
remercie pour cette "gracieuse cession", il semble bien qu'il ait été question de facturer le char à l'Italie . .
C’est en tout en tout cas ce qui est précisé dans une note du 15 Mars 1917, au Président de la commission Franco-Italienne.

Le 16 Mars 1917, la Société Schneider, dans un courrier à Albert Thomas, faisait ressortir les problèmes
de droits industriels qu'induisait, pour Schneider cette cession aux italiens.
Schneider étant déjà en lien d'affaire avec des sociétés italiennes, il était important que l'Italie en soit aussi averti, en particulier, si cette cession devait aboutir dans un projet de production du char par les italiens.

Le Gouvernement italien en sera informé, et le 5 Avril 1917, la Société Schneider était averti de
L’intention italienne de construire des Schneider sous licence.

A ce stade, il est probable que les négociations ont du s’engager avec la société Schneider.
Les italiens auraient envisagé de construire 1500 Schneider.
Les capacités françaises (y compris en matière première) étaient incapables d’absorber un tel contrat,
et le 6 Juin 1917, Albert Thomas proposait au Général Dall’Olio de s’engager sur la voie d’une fabrication
autonome italienne, sous licence française.

Finalement, le 11 Mai 1917, les Italiens demanderont à recevoir 4 Groupes de Schneider à 16 chars,
plus 10 Schneider en rechanges . . .
Le gouvernement français expliquera en retour aux Italiens qu'il n'est pas en mesure de répondre à cette demande.

Le 31 Août 1917, l'Armée italienne demandera, cette fois, que des unités françaises de chars soient envoyées sur le théâtre italiens pour une future offensive de la mi-Septembre 1917. . . . .
Cette demande portait sur 64 chars et les italiens précisaient même qu'ils les souhaitaient sans équipages et avec les munitions pour le 10 Septembre 1917 . . . .

Dans la mesure où les Italiens n’avaient pu « former » que l’embryon d’équipage d’un char,
cette demande à 15 jours d’une offensive était un peu surprenante.
Voir l’équipage italien, formée à Marly, capable de préparer, en si peu de temps et avec un seul char,
plus de soixante équipages de Schneider parait totalement impossible.

Avec un nombre de chars conséquent, les français avaient de grosses difficultés d’instruction,
en particulier à cause des pannes et du manque de disponibilité des chars employés à l’instruction.

En Septembre 1917, l’attaque italienne, dans le secteur de Gorizia (Nord de Trieste) permettait
de conquérir une partie des plateaux de Bainsizza et du Carso.
A cette occasion, le Schneider M1 italien aurait été testé dans le secteur du Carso.

Des photos connues du Schneider livré aux italiens montrent ce char en version standard M1.
Visiblement le sur-blindage n’a jamais été monté . . .

Image

Image

La deuxième photo, avec les chars Fiat 2OOO et 3000, montre bienun Schneider M1 sans sur-blindage.

Dans ces conditions, le char ne pouvait pas résister à la balle 7,92 K des allemands.
Quelle a été le rôle de ce char dans cette offensive, si du moins il y a bien figuré ?

Le 4 Septembre 1917, le GQG français demandait aux Général Estienne d'envoyer en Italie, quelques officiers de l'Artillerie Spéciale pour reconnaître le front Italien et y déterminer les possibilités d'emploi des chars . . .

Le 15 Septembre 1917, le 3° Bureau du GQG étudiait la possibilité d'envoyer deux Groupes de Schneider en Italie, avec leurs équipages, plus deux compagnies de fantassins d'élite et rendait finalement compte que deux Groupes pourraient être prêts seulement les 25 Septembre et 9 Novembre 1917. . . .

Le 19 Novembre 1917 le Général Dall'Olio réitérant sa demande d'envoi d'unité de chars français,
demande à laquelle le GQG français répondra le 20 Novembre 1917 que cela n'était pas possible.

Parallèlement les Italiens s'intéressaient aussi au Renault FT.

Le 14 Octobre 1917, une note de la Commission Franco-italienne du Ministère de l'Armement faisait état
"d'une cession de chars d'assaut Renault au Gouvernement Italien".
Le 23 Octobre 1917 le Ministre de l'Armement et des fabrications de Guerre précisait au chef de la Mission
Militaire Française de Ravitaillement, que "Toute idée de participation de la société Fiat à la construction de chars d'Assaut Renault est écartée".

Le 30 Octobre 1917, une note du Président de la Commission Franco-Italienne, faisait suite à une discussion téléphonique, abordait pour la première fois la cession de char Renault FT à l’Italie . . .

De nouveau en 1918, la livraison de chars à l'Armée italienne est remise sur le tapis.

Le 5 Juin 1918, le Comité Interallié décidait de céder une section de 5 Renault FT à l'Italie, chars à livrer dans le mois. A la mi-Juin 1918, un Renault FT est livré à l'Italie.

Parallèlement, la Sous-Direction de l'Artillerie d'Assaut proposera de fournir 6 chars Renault . . . .

Le 20 Juin 1918, le ministre de la Guerre italien (Vittorio Zupelli) réclame la mise en place d'une compagnie de Renault FT (25 chars).Le Général Foch répondait le 25 Juin 1918 (courrier au Général di Robilant) qu'il était impossible d'envoyer d'unité de chars français en Italie. Une autre note précisant, au passage, que cette quantité de chars ne correspondait à rien dans un cadre d'emploi structuré des chars. . .

Le 9 Juillet 1918, le Ministre de l'Armement et des fabrications de Guerre (Louis Loucheur), répondant au Ministre de la Guerre, donne l'ordre de ne pas envoyer les 6 chars. Il précise, par ailleurs, qu'il négocie avec le gouvernement italien (et Louis Renault) la cession d'une licence du char Renault FT.

Avec l'armistice :

Le 22 Novembre 1918, le Colonel Malvani, Chef de la Sections Munitions et Matériels de Guerre
(Commission Militaire Italienne en France) demandait au Président de la Commission Franco-Italienne,
s’il serait possible à la France de livrer 3 Renault FT et un Renault FT TSF.

Le même Colonel demandait le 27 Novembre 1918 : 25 Renault FT et 3 Renault TSF

A cette nouvelle demande le 3° Bureau du GQG répondait le 11 Décembre 1918, au Ministre de la Guerre,
qu’il était envisageable de livrer 28 char mitrailleurs et canons et qu’un char TSF ne pourrait être livré qu’après la mise en place des exemplaires destinés aux unités françaises . . . .

Comme les Etats-Unis, l’Italie s’orientera vers des études nationales des chars, et produira finalement après-guerre ces propres chars.

La lecture des notes du SHD (cartons 4 N39 - 10 N99 – 16 N1688 – 16 N 2130 et des Archives Nationales
de Pierrefitte-sur-Seine (Fond Albert Thomas 94 AP 16), montre bien la volonté italienne d’acquérir du char
et la pression exercée sur les officiers italiens, présents en France dans les commissions, pour arriver à leurs fins.

De tout évidence, l’industrie française n’aurait pas été en mesure de produire plus et l’Italie n’aurait probablement pas été capable, en 18 mois, de sortir un char opérationnel avant la fin de la guerre.
Le programme 6 tons américains, qui ne produira finalement des chars qu’en 1919 en est un bon exemple . . .
L’industrie américaine a disposé d’un Renault FT, des plans du char et d’ingénieur Renault (Mr Garfield) dès Octobre 1917.

L'histoire de ce Schneider, une fois arrivé à Modane est un grand mystère, du moins de ce côté des Alpes . . . . et il ne semble pas avoir été beaucoup photographié . . . .
Sur Internet le Cne Benicelli est cité comme étant "l'homme du Schneider", ce que contredit les documents français. Si le char a bien été déployé sur le Carso, il semble plus logique que ce soit le Cne Guiffrida qui en ait été le chef de char.

Bonne recherche aux curieux - Michel
Dernière modification par Tanker le dim. nov. 26, 2023 1:00 am, modifié 2 fois.
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Re: Artillerie Spéciale - Schneider M1 et Renault FT livrés à l'Italie

Message par Tanker »

Bonsoir,

Avec la photo d'un lecteur italien du forum Landships, du Schneider Ca1 livré à l'Italie en 1917
est donc identifié. Il s'agit du Schneider n° 61212.

Le schéma de camouflage usine, associé ici au numéro du char, ne laisse plus aucun doute.

http://landships.activeboard.com/t59646 ... -esercito/

Bonne lecture - Michel
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