Bonsoir,
Dans les archives du SHD, un carton (le 16N 2120) contient un dossier appelé "Poésies - Contributions à l'Histoire de l'AS"
On y découvre que, par note de service n° 156688 GQG des Armées du Nord et du Nord-Est /AS du 26 Novembre 1918,
le Général Estienne faisait appel aux bonnes volontés pour participer à la collecte d'informations sur l'AS.
Dans cette courte note, le Général Estienne faisait savoir :
- Que l'Etat-Major de l'Artillerie d'Assaut rassemble les documents nécessaires à l'établissement de l'historique
de l'Arme, du 1° Décembre 1916 au 1° Décembre 1918.
- Qu'il serait très intéressant que cet historique soit complété par quelques articles de combattants, montrant leur vie, leurs impressions,
soit en station, soit à la bataille.
- Qu'il faisait appel à la collaboration de tous les officiers, sous-officiers et canonniers de l'AS pour la rédaction de ce chapitre.
- Qu'il recevrait avec grand plaisir toute proposition d'article en prose ou en vers, en recommandant seulement la briéveté, la sincérité
et une belle tenue littéraire.
Pour terminer, le Général rappelle que le mot "TANK", en particulier, qu'il s'agisse de char français ou étranger, sera rigoureusement proscrit
Ce dossier contient une douzaine de poêmes, arrivés sur le bureau du Général Estienne, par courrier privé ou par la voie hiérarchique du courrier militaire . . .
(Poésie et voie hiérarchique militaire . . . . c'est déjà tout un poème !)
Si une partie de ces poèmes sont dans un style épique et solennelle, il en est d'autres qui sont dans la veine plagiaire et humoristique.
Certains sont déjà célèbres comme la complainte des St Chamond du Lt Chenu ou le Crédo de l'AS 14 du Lt Vignol.
Crédo de l'AS 14
Je crois en Dieu Père Tout Puissant,
Créateur du Ciel et de l'Artillerie d'Assaut,
Et en Chanoine qui crie, son Fils unique
Qui a été conçu du Saint Esprit
Comme tous les Officiers de Cavalerie . . . .
A souffert sous d'Alaincourt,
Est tombé glorieusement à Juvincourt,
Est ressuscité d'entre les morts le 3° jour,
Est revenu à Champlieu,
Le Chef du Groupement Tout Puissant
Forcera les plus malins
A faire de la Gymnastique le matin.
Je crois tout ce que nous dit le Capitaine Lemaire,
A la supériorit des militaires,
A la Toute Puissance du char Schneider,
Aux vertus de la Gymnastique Hébert,
Au pouvoir du Pipermint vert,
A la marque Crucifix pour le Porto,
Enfin tout ce qui constitue l'Artillerie d'Assaut.
Ainsi soit-il
Lt Vignol du Groupe AS 14.
Le Capitaine Maxime Chanoine qui commandait le Groupe AS 6, le 16 Avril 1917 à Juvincourt est blessé au cours de cet engagement.
A son retour à Champlieu, il prend le Commandant du Groupement Schneider n° IV (dont fait partie l'AS 14).
Le Capitaine d'Alaincourt était le Cdt du Centre AS du Trou d'Enfer
Le Capitaine Lemaire est le Commandant du Groupe AS 14.
La gymnastique du matin, pratiquée selon la méthode Hébert, n'était pas la "tasse de thé" de beaucoup de nos Tankers !
Le porto de la marque Crucifix ne semble avoir fait souche dans les annales . . . . Une marque connue à l'époque ?
Le "Pippermint vert" est une liqueur inventée par le prince Emmanuel Goussard IV (XII° siécle).
En 1868, un de ses descendants, Jean Get, décide de protéger la marque baptisée "Pippermint".
Après s'être aussi appelé "Pippermint Get", cette boisson est maintenant connue sous le nom de "Get 27"[/i]
La complainte des St Chamond
(écrite, comme on s'en doute, par un chef de char Schneider . . . . .).
A Marly ce dernier printemps, La 80° Cie du 81° RALT, installée dès l'été 1916 à Marly-le-Roi,
tout doux, tout doux, tout doucement, recevait les nouveau affectés dans l'Artillerie Spéciale.
d'Alaincourt vient en bedonnant,
tout doux, tout doux, tout doucement, Le Capitaine d'Alaincourt était le Cdt du Centre AS du Trou d'Enfer
Il dit :"Faut construire des cagnas",
tout doux, tout doux, tout doucement,
J'attends du bois du Canada,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Puis, sans se creuser les méninges,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Il fusilla des boites de singes,
tout doux, tout doux, tout doucement,
A Saint Chamond pendant ce temps,
tout doux, tout doux, tout doucement,
On construisait des instruments,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Puis un beau soir, ils débarquèrent,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Et du premier coup s'enlisèrent,
définitivement,
Alors on vit v'nir un beau soir,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Des ingénieurs des mécanos,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Ils prirent d'abord des permissions,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Pour s'ach'ter de combinaisons,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Quand ils revinrent un peu flappis,
tout doux, tout doux, tout doucement,
ils déballèrent leurs trousses d'outils,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Ils dirent : "ça vient d'la dynamo",
tout doux, tout doux, tout doucement,
Faites donc venir des types de pipo, "Pipo" : surnom donné aux élèves de polytechnique. Le Général Estienne était polytechnicien.
tout doux, tout doux, tout doucement,
Alors on vit v'nir un beau soir,
tout doux, tout doux, tout doucement,
des ingénieurs des tableaux noirs,
tout doux, tout doux, tout doucement,
L'un dit c'est un extra-courant, Le char Saint Chamond possédait une motorisation mixte complexe (associant moteur thermique
tout doux, tout doux, tout doucement, et électrique), qui nécessitait de bonnes connaissances en électricité pour les pilotes et mécanos.
Qui rentr' par l'pot d'échappement,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Le second fit des équations,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Et trouva de la self-induction,
tout doux, tout doux, tout doucement,
L'troisième dit qu'c'est le voltage,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Qui s'est foutu dans l'ampérage,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Tout ça c'est d'la faute à Ampère,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Et allez donc c'est pas son père,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Mais l'un d'eux qui s'était baissé,
tout doux, tout doux, tout doucement, L'AS avait conservé des termes anglo-saxons concernant le train de roulement de ses chars
Dit "mais c'est le truc qu'a déraillé, dérivés des chassis Holt. Le terme "Tracks" pour désigner la chenille était du language courant.
tout doux, tout doux, tout doucement,
Les mécanos suent à grosses gouttes,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Mais, ça ne s'remt jamais en route,
tout doux, tout doux, tout doucement,
La morale de cet air charmant,
tout doux, tout doux, tout doucement,
J'vais vous la dire, nous avons l'temps,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Vous avez tous appris par coeur,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Que l'mouvement produit d'la chaleur,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Mais l'Saint Chamond victorieusement,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Produit de la chaleur sans mouvement,
tout doux, tout doux, tout doucement,
Lieutenant Charles Chenu du groupe AS 5.
L'obsession
dans les géoles de Champlieu en Octobre 1917
Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes Les équipages de chars avaient une veste de cuir au combat.
Echevé, livide, au milieu des tempêtes,
Thamin se fut enfui de devant l'Opéra, Le Cdt Thamin, affecté AS le 21 Novembre 1916, était le Major du camp AS de Champlieu.
Comme le tombait, la nuit il arriva
A côté de Crépy, dans une grainde plaine.
Les poilus fatigué, canonniers hors d'haleine La proximité de Paris, pour ces centres d'instruction "hors de la guerre"
Lui dirent : "couchons-nous sous la tente et dormons". qu'était Marly-le Roi et Champlieu a été la cause d'une "guerre permanente"
-Thamin ne dormant pas songeait aux Permissions - entre le Commandement et les stagiaires-élèves de tous grades. Toutes les
Ayant levé la tête au fond des cieux funèbres, occasions et tous les moyens étaient bons pour faire le "mur" et aller à Paris.
Il regarda Paris, Clarté dans les ténèbres,
et qui l'éblouissait, dans l'ombre, éperdument :
"Je suis foutu, dit-il, avec un temblement."
Il entoura le camp, en mesura l'espace
Et la consigne fut : Que personne ne passe !
On bâtit trente jours, on bâtit trente nuits. Crépy-en-Valois, était la ligne direct pour Paris. Une garde spécifique pour l'AS
Il allait muet, pâle et frémissants aux bruits. dut être installé en gare pour contrôler les permissionnaires illégaux . . . .
"Arrêtons-nous, dit-il, car le barrage est sur,
Et le piquet solide, et le barbelé dur.
Puis, les crédits vôtés ont, hélas ! une borne !"
Et comme il s'asseyait, il vit dans le ciel mrne,
Paris, éblouissant au fond de l'horizon.
Alors, il tressaillit, en proie au noir frisson :
"Consigné, clama-t-il, et, le doigt sur la bouche,
Tout le monde, au Rapport, le regardait, farouche.
Thamin dit à Michel (frère de ceux qui font Le Cdt Michel, de l'Arme du Génie, demandé par le Général Estienne et arrivé parmi
Dans les Etats-Majors de forte protection) : les premiers à l'AS, fut le constructeur des camps AS de Champlieu, Mailly-Poivres
"Fais venir à Champlieu les vrais fils du désert, et Martigny-les-Bains.
Avec leurs fins chevaux rapides comme l'air,
ils monteront la garde et feront de grand'rondes
Et leur sévérité consternera les Mondes". A sa création, 2 escadrons de Cavalerie, installés à St Sauveur et St Jean-aux-Bois,
Quand il fut certain du service établi : étaient chargés de la surveillance extérieure du Camp de Champlieu.
"Vous n'irez plus là-bas, dit-il l'air réjoui !"
Ils partirent cinquante et, par un prompt renfort,
Ils se virent cinq cent en arrivant au port.
Thamin cria : "Je saurai bien construire une barrière !"
Il fit une prison qu'il construisit en pierre, A Champlieu, la prison, d'abord en bois, fut remplacer par un batiment en brique. C'était
Puis y mit, une garde, un service sévère : le seul batiment construit en dur du camp (il en reste les soubassements dans les ronces).
Mais Paris, tout là-bas, le regardait toujours. A Martigny-les-Bains, la prison du camp aussi en brique, existe toujours.
"Construisons, dit-il une enceinte de tours
Si terrible que rien ne puisse approcher d'elle,
Faisons une géôle avec sa citadelle,
A la porte, une garde empéchera d'entrer".
Et, quand tout fut fini de clore et de murer,
On mis les AS au centre en cellule de pierre;
Et lui restait lugubre et hagard. "O mes frères,
Demanda-t-on aux AS, et la ville lumière,
La voyez-vous toujours ?". Malgré la froide pierre,
Tous les AS orgueilleux, gelés dans leur cachot,
Répondirent moqueurs : "Nous y serons tantôt !".
Il dit " C'est bon, nous leur ferons la Guerre !
Ils connaîtront la peur, une peur salutaire,
Ils ne sortiront plus, ils ne verront plus rien,
On créa des Tickets et Tamin dit : "Cest bien". "Tickets" . . . . probablement dans l'idée du ticket de tour de rôle des Unités,
Un soir, il partit seul, sur la grand'route sombre, partant de Champlieu pour rejoindre leurs différents théâtres d'opérations.
Et comme il arrivait, près de la Gare, dans l'ombre,
Il vit ses AS vainqueurs descendant tous du train :
Paris était en eux et regardait Thamin
Tissier - Etat-Major de la 1° Brigade d'AS.
Et pour terminer et donner une idée des styles plus patriotiques.
Voici les chars d'Assaut
Juin, dix neuf cent dix huit, c'est l'immense ruée !
Du Germain sur Paris, escomptant la percée,
Depuis Mars, en avant, il marche sans arrêt !
Le voici, prêt d'entrée à Villers-Cotterets,
Les Nôtres, bravement, tiennent tête et fond face,
Déciés jusqu'au bout à défendre la place.
Hélas ! Contre la horde énorme d'Allemands
Des vides plus nombreux se creusent dans nos rangs,
La résistance plie, et leur espoir chancelle
Il faudrait du renfort ! Chacun tout bas l'appelle !
Soudain ! Tandis qu'ils luttent en suprême sursaut ;
S'élève un cri joyeux ! "Voici les chars d'Assaut !".
En effet ce sont eux, qui narguant la mitraille !
Nouveau engins de mort s'avancent en bataille,
Crachant le feu, le fer, débordant nos soldats !
Comme ayant l'air de dire : "Allemands ! Halte là !".
Ils sont peu, mais déjà les Huns tremblent, hésitent
Alors que les "Renault" et les "Schneider" crépitent,
Courage les Poilus ! Français sus au Germain,
De la route de gloire ils ouvrent le chemin.
Ce fut un fait glorieux de la Grande Campagne,
Pour nos chars de briser l'assaut de l'Allemagne !
Kaïser ! Ta stratégie et tes grands maréchaux !
Pour vaincre, vous comptiez sans nos petits Renault !
Regardez-les massés, près de la Forêt Noire,
Démarquant sur le Rhin, la ligne de Victoire !
Ils sont là, vigilants, sentinelles d'acier,
Ceux que tu vis bondir comme des sangliers !
Protégeant cette fois notre Alsace-Lorraine !
"On a droit à l'honneur, quand on fut à la peine"
Dans leur langage clair, aujourd'hui superflus,
Ils semblent te crier : "Vous ne passerez plus !".
Canonnier Léon Stolle de la Section de Parc AS 201 du camp de Bourron
(Décembre 1918)
Les autres, peut-être une autre fois . . . . Michel
Artillerie Spéciale - Poètes de l'Arme des chars de la Grande Guerre
Re: Artillerie Spéciale - Poètes de l'Arme des chars de la Grande Guerre
Email - [email protected]
Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
Liens sur les sujets Artillerie Spéciale de "Pages 14-18" :
viewtopic.php?f=34&t=52768
- violette
- Messages : 973
- Inscription : dim. nov. 16, 2008 1:00 am
- Localisation : Finistère/Isère
- Contact :
Re: Artillerie Spéciale - Poètes de l'Arme des chars de la Grande Guerre
Bonjour Michel,
Oh oui, s'il vous plaît, les autres !!!!!
A titre personnel, j'ai une tendresse particulière pour ce St Chamond qui produit la chaleur sans le mouvement mais, à mon avis, cette "Obsession" à la manière de Victor Hugo écrase tout le reste. Grandiose. Je ne m'en remets pas !!!!!
Cordialement,
Violette
Oh oui, s'il vous plaît, les autres !!!!!
A titre personnel, j'ai une tendresse particulière pour ce St Chamond qui produit la chaleur sans le mouvement mais, à mon avis, cette "Obsession" à la manière de Victor Hugo écrase tout le reste. Grandiose. Je ne m'en remets pas !!!!!
Cordialement,
Violette
"Voici que point ton dernier jour - Dépose ici toute espérance - Hélas, comme un fardeau trop lourd"
F Carco in La Bohème et mon coeur
F Carco in La Bohème et mon coeur
Re: Artillerie Spéciale - Poètes de l'Arme des chars de la Grande Guerre
Bonsoir et merci Michel, un petit bout d'Histoire très sympa. Le style est très marqué, mais j'aime bien certains vers...et puis c'est humain donc ça me plait.
Bon faut dire que les tankistes avaient le temps d'écrire avec toutes les pannes
A+ et respect pour ton grand travail
Gilles.
Bon faut dire que les tankistes avaient le temps d'écrire avec toutes les pannes


A+ et respect pour ton grand travail
Gilles.