Artillerie Spéciale - Pilotage du char Saint Chamond

[Tanker]

Bonsoir,

Après la préparation et l'entretien du char Saint Chamond, voici la mise en route et la conduite . . .

Cette lecture permettra de mieux comprendre les chapitres consacrés au cours spécialisés de Chalons, Xonrupt, Marly et Cercottes, cours subis par les candidats à l'Artillerie spéciale et qui sont décrits dans plusieurs récits des anciens des chars comme, par exemple, celui de Charles Maurice Chenu dans du "Képi Rouge au char d'Assaut" (Albin Michel - chapitre XIV page 210 à 212).

Le pilotage du Saint Chamond impliquait de très bonnes connaisances en mécaniques et en électricité.
Cette technicité explique bien le choix d'officiers ou de sous-officiers pour piloter ces engins. Il est évident qu'à l'époque le niveau d'instruction général (ou d'instruction technique) de la majorité des hommes mobilisés était assez éloigné des besoins spécifiques de l'AS.

Il est cependant intéressant de voir que bon nombre de sous-chef de char (ayant finalement aussi acquis cette aptitude à la conduite de ces chars) étaient des brigadiers. La carrière dans l'AS de bon nombre d'entre eux (très souvent nommés sous-officiers et/ou aussi envoyés à Fontainebleau pour passer officier) était d'un excellent niveau.

L'AS possédait aussi bon nombre de techniciens qui, s'ils n'avaient pas la science militaire pour mener ces engins avec succès au combat, étaient à même de les dépanner dans des conditions difficiles ou de pallier à la disparition des membres de l'équipage aptes à ramener le char à bon port.

Il est, pour terminer, bon de rappeler que la motorisation du char Saint Chamond était mixte.
Un moteur thermique alimentait deux génératrices qui alimentaient :
des accumulteurs (parfois baptisés batteries ou piles dans le texte)
et deux moteurs électriques.

Ce sont ces deux moteurs électriques (chacun couplés à un réducteur) qui actionnaient les chenilles.

La mise en route du char pouvait se faire :
- par démarrage du moteur thermique à la manivelle.
- par mise en route des génératrices avec les accus, pour lancer le moteur thermique.

A champlieu, les groupes Saint Chamond disposaient d'un atout jalousé par les Groupes Shneider.
L'alimentation électrique des baraques Adrian étant limité, les Groupes Saint Chamond utilisaient les génératrices de leurs chars pour éclairer leurs locaux. . . . .
Il était en effet nécessaire de garder les accus des chars en pleine charge et les chars tournaient donc régulièrement (à l'arrêt au parking) pour mettre ces acus à niveau.
Rapidement les équipages se sont aperçus que les capacités des génératrice étaient bien supérieurs aux besoins nécessaires à cette charge et le courant supplémentaire était détourné dans les logements des groupes, lors des périodes sans électricité . . . .
Ces coupures étaient apparemment courantes et surtout une bonne partie des baraques Adrian étant en sous-bois, l'éclairage hivernal ne devait pas être terrible.

C'est probablement un jaloux des équipages Schneider qui dénonça cette "magouille" au Général Estienne. Bien entendu, le Général ordonna d'y mettre fin . . .
Un plaidoyé technique de plusieurs page du Capitaine de Frégatte de Perrinelle (Commandant du Groupement X) fut nécessaire pour démontrer que ces détournements faits parl'As 31 et l'As 33, ne grévaient pas le budget essence des Groupes (puisqu'il fallait que les chars rechargent leurs accus). II démontra par ailleurs que le circuit d'éclairage rajouter permettait un fonctionnement optimiser des génératrices . . . .
Il semble bien que les Groupes Saint Chamond aient finalement eu gain de cause. Mais une enquête de commandement fut tout de même diligentée . . . .

Mise en marche du char Saint Chamond :

1° - Lancement par accus :

Opérations effectuées :
1 - Mettre le contact et appuyer sur la manette de réglage de la magnéto pour la maintenir à la position "Retard".
2 - Placer le volant du contacteur dans la position "lancement".
Action produite :
La batterie d'accumulateurs est branchée aux bornes de la génératrice double qui, dans le sens de rotation qu'elle aura comme génératrice
entraine le moteur à essence.
Le circuit est batterie d'accus. Les conducteurs, série (en série), les 2 collecteurs de la génératrice en série retour de la batterie d'accus.

2° - Lancement par trembleurs :

1 - Opérations effectuées :
- Ouvrir le robinet de décompression, y verser de l'essence et tourner faire plusieurs tours à la main.
- Fermer les robinets et tourner à la manivelle deux ou trois tours pour produire la compression.

Action produite :
- Les cylindres se remplissent de gas carburés.

2 - Opérations effectuées :

- Mettre le contact et appuyer d'une manière continue sur le bouton du trembleur en même temps qu'on déplace la manette de réglage
de la magnéto d'un mouvement rapide entre ces deux positions extrémes.

Action produite :
- Le trembleur transforme le courant continu des piles en courant ondulé.
Le courant en passant dans le circuit primaire de la magnéto fait naître dans le secondaire, le courant à haute tension qui donnera
l'étincelle à la bougie en circuit au moment considéré.
Le mouvement donné à la manette de réglage a pour but de fermer le circuit primaire dans le cas ou le rupteur serait ouvert.

3° - Départ :

1 - Opérations effectuées :
- Mettre le levier de changement de marche à la position "Avant".

Action produite :
Ferme au contacteur arrière les touches qui permettent au moteur de marcher sens "Avant".

2 - Opérations effectuées :
- Mettre le volant du combinateur à la position "Petite Vitesse" ou Grande Vitesse"

1° position : Petite vitesse

Appuyer progressivement sur la pédale d'accélérateur.

Action produite :
Les moteurs sont branchés sur la génératrice AV.
Le circuit est : Génératrice AV pôles auxiliaires en parallèle, les 2 moteurs en parallèles, retour à la génératrice.
Les moteurs ne tournent pas, la génératrice ne débitant aucun courant.
La génératrice est calculée de telle sorte qu'elle ne peut s'exciter sans le "compoundage" (les inducteurs séries sont hors circuit)
et du ralenti du moteur à essence (8 octanes environ).
La pédale d'accélérateur agissant sur la boite de marche en même temps que sur le carburateur établit les circuits suivants :

1° - Position intermédiaire - La batterie d'accus est accroché aux bornes de la génératrice par l'intermédiaire d'un relai :
- Circuit du relai : Génératrice - solénoïde du relai - génératrice
- Circuit Batterie : Génératrice - résistance de charge - accus - génératrice

2° - Position extrême - Le compoundage est mis en circuit - le moteur d'essence est à sa vitesse de régime (1200 tours).
La génératrice s'excite rapidement et débite sur les moteurs

- Circuit génératrice moteurs : génératrice - inducteurs auxilliaires en parallèles - inducteurs série en parallèles -
moteurs en parallèles - génératrice.

- Circuit Relai : Génératrice - Résistance du relai* - Relai - Génératrice
* On intercale une résistance parce que l'effort au maintien du relai collé est inférieur à l'effort d'accrochage.

Le voltage de la génératrice passant de 0 à 200, la vitesse des moteurs passe progressivement de 0 à 1200 tours.
La batterie d'accus se charge.

2° position : Grande vitesse :

Opérations effectuées :
Mettre le volant du combinateur à la position "Grande Vitesse"

Action produite :
Les deux génératrices avant et arrière sont en série. La pédale d'accélérateur étant levée le circuit est :
- Générateur AR - générateur AV - poles auxiliaires en série - moteurs en parallèles - retour à la génératrice AR.
Les génératrices ne débitent pas les mêmes raisons qu'en Petite Vitesse
(circuit relai : moteurs au ralenti, compoundage hors circuit).
En appuyant sur la pédale d'accélérateur, les mêmes phénomènes se produisent qu'en Petite Vitesse.

1° - Position intermédiaire (de la position Grande Vitesse). La batterie d'accus s'enclanche
- Circuit du relai : Génératrice - solénoïde du relai - génératrice
- Circuit Batterie : Génératrice - résistance de charge - accus - génératrice

2° - Position extrême (de la position Grande Vitesse).
Le compoundage est mis en circuit, le moteur à essence est à sa vitesse de régime,
les deux génératrices s'excitent et débitent sur les moteurs.

- Circuit génératrice moteurs : Génératrice AR - Génératrice AV - poles auxilliaires en série
- poles série en série - moteurs en parallèles - génératrice.ar
- Circuit du relai : Génératrice - solénoïde du relai - génératrice
- Circuit Batterie : Génératrice - résistance de charge - accus - génératrice.

La batterie d'accus se charge. Le voltage de la ligne passant progressivement de 0 à 400 (montage en série),
la vitesse des moteurs croit progressivement de 0 à 1800 tours.
Ce mouvement fait dériver dans un shunt variable une partie du courant passant dans le compoundage : le voltage baisse et la vitesse
des moteurs ralentit ce qui permet un effort plus grand (le travail fourni par le moteur à essence reste toujours le même).

3° - Marche arrière :

1 - Opérations effectuées : Mettre le levier de marche dans la position arrière.

Action produite : Le jeu de touches du combinateur inverse le courant dans les induits des moteurs (il s'agit des 2 moteurs electriques)

4° - Conduite :

Virages à droite :

Position 1
Opérations effectuées : Tourner le volant à droite d'un demi-tour.
Action produite : Le jeu des touches du combinateur permet la déviation par un shunt d'une partie du courant
passant dans les inducteurs séries du moteur de gauche. La vitesse de ce moteur augmente.
Position 2
Opérations effectuées : Tourner le volant d'un tour à droite.
Action produite : Une résistance est mise en série sur le circuit du moteur à droite. La vitesse de ce moteur diminue

Position 3
Opérations effectuées : Tourner le volant d'un tour et demi à droite.
Action produite : Le moteur à droite est :
1° - isolé du circuit principal.
2° - mis en court circuit sur lui-même et sur une partie de son circuit d'excitation.

Ce moteur entrainé par le char fonctionne en génératrice, débite du courant et par conséquent freine.
Le circuit d'excitation alimente par le moteur tournant en génératrice étant opposé au circuit d'excitation alimenté par la génératrice,
le courant débité par le moteur est faible et le feinage plus énergique.

Position 4
Opérations effectuées : Tourner le volant deux tour et à droite.
Action produite : Le moteur à droite est :
1° - isolé du circuit principal.
2° - mis en court circuit sur ses bornes.

Entrainé par le char, il fonctionne en génératrice, débite du courant et par freine. Le circuit total d'excitation étant entièrement
alimenté par le courant de la génératrice, le flux efficace est intense, donc le courant débité élevé et le freinage énergique.

Virages à gauche :

Les mêmes mouvements à gauche dans les 4 positions aboutissent au même résultats dans les virages à gauche.


Freinage :

Généralités - Les connexions restent établis entre les génératrices et les moteurs, mais de façon différentes par rapport à la marche avant.
Les moteurs entrainés par le char fonctionnant en génératrices débitent du courant dans la ligne et par conséquent peinent.
Le moteur à essence étant au ralenti, les génératrices ne débitent aucun courant et ne doivent être considérés au début
du freinage que comme de simples conducteurs dans le circuit général.


1° - Mettre le volant du combinateur dans la position ER.

Action produite :
Les deux génératrices et leurs inducteurs série sont montés en série sur le circuit des moteurs.
Les branchements des bornes externes des génératrices à la ligne sont inversés,
les connexions des inducteurs série aux bornes de la génératrice inversées également.

2° - Mettre le levier de changement de marche dans la position AR.

Action produite :
Les connexions aux portes-balais des moteurs sont croisées.
Les moteurs tournant en génératrices dans le même sens qu'au moteurs fourniront donc dans le circuit général
un courant de même sens que celui qui circulait dans la position marche avant.

3° - Mettre la manette de la boite de marche dans la fonction moteur plus vite.
Appuyer sur la pédale d'accélérateur jusqu'à mi-course (position avant l'accéléré du moteur)

Action produite :
Les inducteurs série des génératrice sont court-circuités par le shunt de la boite de marche.
Le circuit du courant débité par les moteurs est donc par rapport à la marche avant :
- Dans la ligne - de même sens.
- Dans les génératrices - de sens contraire.
- Dans le shunt et les inducteurs série - de même sens.

Les inducteurs série des génératrices étant court circuités et le moteur à essence tournant au ralenti, les 2 génératrices
ne peuvent s'exciter et ne servent bien que comme conducteurs dans le circuit général. Le freinage est très énergique.


4° - Diminuer le freinage
Ramener progressivement la manette dans le sens moins vite et appuyer sur la pédale d'accélérateur.

Action produite :
Les inducteurs série des génératrices progressivement parcourus par le courant total des moteurs et le moteur à essence accélère.
Les génératrices s'exécutent et produisent un courant qui sera de même sens qu'en marche avant dans leurs induits
mais de sens contraire dans la ligne puisque les branchements génératrices / lignes sont croisés.
Ce courant viendra se mettre en opposition de celui fourni par les moteurs et diminuera le freinage.

Le mieux, pour bien saisir toutes les finesses de ce pilotage, serait d'aller se mettre en poste pilote dans le Saint Chamond du musée de Saumur . . . . !

Finalement un vrai métier que de conduire ce char ! Il ne faut pas non plus oublier que le chef de char dirigeait aussi le combat par des fentes d'observations de 5 mm d'épaisseur !
Sur toute la durée de la guerre de nombreux rapports (Général Estienne, Cdt de Groupement ou de Groupe) mentionnent le manque d'expérience ou d'heure de conduite de beaucoup de pilotes(et ceci sans aucune restriction de grade).

Bonne conduite - Michel

pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/A ... _720_1.htm

pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/A ... _724_1.htm

pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/A ... _732_1.htm