Artillerie Spéciale - Etat du programme chars français au 1° Janvier 1918

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Tanker
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Artillerie Spéciale - Etat du programme chars français au 1° Janvier 1918

Message par Tanker »

Bonsoir,

Dans son paragraphe sur le char britannique "Mark V étoile" en service dans l'armée française, Antoine Misner (char français.net) introduit le sujet par une petite phrase qui ne me semble pas totalement appropriée :

" Au début de l'année 1918, la France manque de chars !"

Au début de l'année 1918, l'armée française ne manque absolument pas de chars !

La livraison des chars Schneider et Saint Chamond n'est pas encore terminée, et à cette date, les combats de 1917 n'ont que très peu entamé le potentiel char de l'Artillerie Spéciale.

Si une quarantaine de Schneider ont bien été perdus en Avril 1917 (Juvincourt et le Mont Cornillet), les pertes en chars, dans les combats du Chemin des Dames du 23 Octobre 1917, sont insignifiantes.
Concernant les Saint Chamond, seuls les Groupes AS 31 et 33 ont été (très partiellement) engagés. Le potentiel de chars lourds français modèle Saint Chamond est donc intact au début de cette année 1918.

Le projet initial pour l'Artillerie Spéciale prévoyait la mise en service de 40 Groupes de chars (20 Groupes Saint Chamond et 20 Groupes Schneider) équipés chacun de 20 chars.
Les circonstances ont finalement amené à la mise en place d'une organisation moins importante qui a permis de disposer, jusqu'à la fin de la guerre, d'une bonne disponibilité de ces deux types de chars. (et ce en dépit du problème récurent des pièces de rechanges).

Si 17 Groupes de chars Schneider ont bien été déployés, il s'agissait d'abord de Groupes à 16 chars. Avec l'organisation des Groupes à 3 Batteries de 1918, le nombre de chars par Groupe s'est réduit à 15 chars (avec 3 chars de réserves).

Au premier Janvier 1918 les Groupes de chars moyens Schneider disposaient donc de 255 chars opérationnels.

Une cinquantaine de chars Schneider avaient été mis hors de combat en 1917.
C'est donc presque une centaine de chars qui restaient encore disponible (ou employés à l'instruction) en plus de ces chars déployés en unité.

Pour en finir avec le char Schneider, si le dernier Groupe déployé est arrivé le 13 Mai 1917 à Champlieu, les derniers chars Schneider sortis neufs d'usine ont été livrés en Août 1918.
Au 1 Janvier 1918, il restait 40 chars Schneider à livrer aux Armées . . . .

Si au 6 Octobre 1918, le Général Estienne reconnaissait que ce modèle de char était très usé, 150 chars Schneider restaient encore potentiellement utilisables. (Note Grand Quartier Général des Armées du Nord et du Nord-Est/Artillerie d'Assaut n° 12693 du 6/10/1918)

Concernant le char Saint Chamond, le premier emploi réellement important de ce type de char a eu lieu à Méry le 11 Juin 1918.
Si 17 Groupes de Schneider ont été constitués, ce ne sont finalement que 12 Groupes de Saint Chamond qui ont été constitués.

Le besoin en chars Saint Chamond opérationnels (pour des Groupes à 3 Batteries de 4 chars et 3 chars de réserve) était donc de 180 chars.

A la demande du Général Estienne, et devant les problèmes initiaux de ce char, 48 chars des premiers Saint Chamond construits ont été des versions dépannages non armées.

Le potentiel chars lourds Saint Chamond, disponible au 1 Janvier 1918, est donc intact.

150 chars de ce type sont donc disponibles (ou employés à l'instruction).
En Janvier 1918, uniquement 200 Saint Chamond avaient été livrés aux Armées et les quelques derniers exemplaires ont été livrés aux Armées en Septembre 1918 . . . . .

Si le Groupe AS 31 de Saint Chamond a été constitué en Novembre 1916, les Groupes de saint Chamond AS 40 et AS 41 ont été constitués à Cercottes le 1 Janvier 1918 et sont arrivés à Champlieu les 6 et 20 Février 1918.

Au premier Janvier 1918, l'Armée française ne manquait donc pas de chars, et le programme char léger était en retard mais très bien engagé.

Une composante semblait cependant effectivement faire défaut : il s'agissait du "nouveau" programme char lourd.

Dès Septembre 1916, la plupart des intervenants concernés par la mise en place de cette nouvelle arme, avaient parfaitement intégré le fait qu'il serait nécessaire de développer plusieurs types de chars.
Tant pour le Général Mourret (Chef du Service Automobile) que pour le Général Estienne (tout nouveau Chef de l'AS), il était parfait clair que le char moyen Schneider et le char lourd Saint Chamond ne rempliraient pas toutes les missions que cette nouvelle arme allait avoir à mettre en oeuvre. Dans une note du 25 Janvier 1917, le 3° Bureau du GQG proposaient aussi la mise en service de ces trois types de char.

A cette date :

- le Général Estienne avait déjà eu ses premières discussions avec Louis Renault sur le développement d'un char léger au mois de Juillet 1916 (suite à une rencontre inopinée à l'hotel Claridge).
La première demande du Général Estienne concernant le char léger date de Novembre 1916 (Note n° 117/A GQG des Armées/Artillerie d'Assaut du 27 Novembre 1916, et le char Renault est largement évoqué le 17 Décembre 1916 lors de la première réunion du Comité d'AS.

- Le char de commandement Schneider CA 2 était évoqué par le Général en Chef dans une note du 16 Octobre 1916, et le Général Joffre demandait que 50 exemplaires soient construits, sur les spécifications du Général Estienne. L'étude de ce char est lancé par le Général Mourret dès le 17 Octobre 1916 (Note n° 30568 SA/3 du 17 Octobre 1916).
Le Prototype du Schneider CA 2 de Commandement finira finalement au fort du trou d'enfer de Marly (en Mai 1917) comme char d'instruction. Rapidement le Général Estienne avait estimé que le char Renault remplirait parfaitement cet emploi.
Les Tableaux d'Effectifs Guerre des Unités d'AS ont d'ailleurs de suite intégré le Renault FT comme char de Commandement dans toutes les unités de chars.

Le lancement du programme de char lourd FCM (en coopération avec Renault pour la motorisation) date de la même époque.

En Décembre 1916, les plans complets du char FCM (avec canon de 105 mm sous tourelle) avaient déjà été transmis au comité d'AS, la maquette en bois échelle 1/1 était prête dès le 16 Janvier 1917 (et déjà présentée au Comité d'AS).
A la 3° réunion du Comité d'AS, la société FCM estimait (sans doute un peu présomptueusement) pouvoir sortir les premiers chars lourds pour Avril 1917 (PV de la 3° réunion du Comité d'AS du 17 Janvier 1917).

De fait, le programme char lourd pris rapidement beaucoup de retard. Renault avait été incapable de fournir à temps la motoriation de 200 chevaux prévus et l'approvisionnement en plaque de blindage était un réel problème. Les productions Schneider et Saint Chamond absorbaient le gros de la production de blindage, et il fallu se tourner vers les Britanniques et la récupération de plaques de blindage, initialement prévues, pour des cuirassés de la Marine (comme le futur porte-avion Bearn d'après-guerre).

Ce sont ces retards du programme (dont débouchera en 1920 sur le char lourd FCM 2C) et l'échec du programme Liberty (le char Mark VIII) qui conduiront le Commandement à envisager la commande de chars britanniques de type Mark.
Dans cette affaire, les Britanniques n'oubliaient pas leurs intérêts puisqu'il demandait en échange 1500 Renault FT . . . .

Les doutes du Commandement, sur la réalisation, dans les délais, du programme char lourd français se sont manifestés au dernier trimestre 1917. Les premiers essais officiels du prototype char FCM n'ont eu lieu qu'en Décembre 1917. Ce programme proposait en fait 3 solutions de chars lourds (char de 32, 45 et 62 tonnes) dérivés de ce prototype et il était évident que rien n'aboutirait avant la fin de 1918.

C'est dans ce contexte que la proposition Britannique de fournir à la France des chars de types Mark a été faite le 3 Décembre 1917.
Les Britanniques proposaient pour Avril 1918 200 chars Mark IV ou 200 Mark V pour Octobre 1918 . Le Général Estienne, parfaitement au fait du programme char des Britanniques refusa le Mark IV et proposa d'attendre l'arrivée des Mark V (voir des Mark V étoile).

C'est donc ce refus de se voir livrer un char moins performant qui aboutit a une livraison tardive des Mark V étoile à la France, livraison dont l'Artillerie Spéciale aurait finalement pu se passer . . . .

Si l'arrêt de la guerre en Novembre 1918 a permis de vérifier que la gamme initiale de chars français (Schneider, Saint Chamond et Renault FT) avait assez parfaitement répondu au besoin, il est évident qu'une poursuite de la guerre (et l'offensive envisagée du printemps 1919) aurait rendu incontournable l'emploi des Mark V livrés par les Britanniques.
Au printemps 1919, les Français n'auraient alors pas disposé d'autres chars lourds que les chars Mark V et il est vraisemblable que le programme Renault FT aurait aussi été accéléré pour fournir aux Divisions d'Infanterie un appui char encore plus conséquent.

Au 1° Novembre 1918 les premières unités françaises de chars Mark étaient opérationnelles au camp de Bourron. Elles auraient probablement été engagées dans l'offensive ajournée par l'Armistice du 11 Novembre 1918.

Très Bonne Année 2010 - Michel
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