Bonjour,
"Comme les autres voiliers, Crillon fut mis au service du pays pendant la guerre de 1914 et affecté au transport des blés d'Australie. Les navires partaient sur lest, allaient prendre leurs ordres au cap Borda dans l'île Kangaroo qui couvre l'entrée des golfes Spencer et Saint Vincent et de là étaient envoyés dans les différents ports du continent australien.
Les voiliers, réunis en convoi, attendaient généralement un vent favorable pour s'écarter le plus tôt possible de la zone où opéraient les sous-marins.
C'est dans ces conditions que le 22 avril 1917, le Crillon, capitaine Lechvien sortit de la rivière de Bordeaux en compagnie de douze autres grands voiliers. Appareillant tous ensemble au petit jour de la rade du Verdon, ce fut un spectacle magnifique que la sortie par forte brise de vent d'est de ces trois et quatre mâts faisant route pour le large dans les passes de la Gironde ; on se serait cru reporter à un siècle en arrière, quand les escadres de Louis XVIII exécutaient des manoeuvres d'entraînement.
Sitôt que le convoi eut atteint la bouée d'observation de la passe sud, les pilotes de mer se préparèrent à débarquer, Crillon à ce moment était encadré par le trois-mâts carré Alice au vent et le quatre-mâts norvégien Valérie sous le vent.
Le capitaine Lechvien fit mettre sur le mât ses deux phares arrières pour débarquer son pilote puis fit servir ensuite pour mettre le cap à l'ouest-sud-ouest.
A ce moment, Boieldieu qui devait exécuter la même manoeuvre passa derrière Crillon en portant vent arrière et pensant que Crillon avait plus de vitesse qu'il n'en avait réellement, lofa pour prendre la panne sous le grand phare. L'abordage était inévitable. Le Crillon était très limité dans ses manoeuvres. En laissant porter il abordait Boieldieu par le travers et en lofant il coupait en deux son voisin du vent, le trois-mâts Alice.
la seule chose à faire était donc d'essayer de couper la vitesse.
C'est ce qui fut fait. Malgré cela, le Boieldieu aborda le Crillon par le travers du fronton du gaillard, presque perpendiculairement. Ce dernier navire dut rentre à Bordeaux où il fit 80 000 francs de réparation ; il y fut retenu jusqu'en juin 1917. Boieldieu continua sa route comme précédemment et dut à cet accident d'échapper aux sous-marins."
Source : Louis Lacroix, Les derniers grands voiliers, J. Peyronnet & cie, 1937.
Henri Picard, La fin des cap-horniers, Edito-Vila, 1974. Reproduction du tableau de Roger Chapelet, page 61.
Cordialement.
