Quatre-mâts UNION
Lancé le 12 Septembre 1882 aux chantiers Russel & Co de Greenock (Ecosse).
C’est un quatre-mâts franc, le premier quatre mâts de la Cie Bordes, et le premier à pouvoir charger 3000 tonnes. Il est baptisé UNION pour symboliser l’union d’Antoine-Dominique Bordes et de ses trois fils, qui vont prendre sa suite.
Il est équipé de chaudières. La vapeur permet de manœuvrer les treuils de brassage des vergues, le guindeau, les pompes de cales et les treuils de transfert des marchandises. L’équipage peut donc être réduit à 34 hommes, ce qui est peu pour un navire de cette taille. Il est pris au neuvage par le capitaine Guillaume Le Querhic, né en 1839 à Bréhat et par le second Pierre Engrand, de Gravelines.
Voici l’UNION photographié à Port Talbot en 1906 Source "Cap-Horniers Français de Brigitte et Yvonnick Le Coat Photo L. Gosse.

Le 21 Juin 1911, au cours d’une tempête, il est abordé sur rade d’Iquique par le quatre-mâts Madeleine qui lui arrache le mât d’artimon d’une seule pièce et ouvre un brèche dans la coque, au dessus de la flottaison. Après réparations de fortune, il va rallier Bruges, en Belgique, avec une drome enfoncée dans la dunette en guise de mât d’artimon. C’est alors qu’il sera regréé en quatre-mâts barque.
L’UNION, vu depuis la mâture

Le 7 Septembre 1914, l’UNION quitte Port Talbot avec une cargaison de charbon pour les usines électriques de Buenos Aires, la destination suivante étant Valparaiso.
Le capitaine est Victor GREGOIRE CLC né le 25/02/1881 à Bordeaux inscrit à Bordeaux
Second Eugène JULIEN inscrit à Saint Malo
Lieutenant Yves TANGUY né à Ploubazlanec inscrit à Paimpol
Le 28 Octobre, par 34° S et 52° W, à hauteur de Montevideo, il est arraisonné par le croiseur auxiliaire allemand KRONPRINZ WILHELM.
Voici le récit du capitaine Grégoire
« Un vapeur mit le cap sur nous et, à 2 ou 3 milles je pus distinguer que c’était un paquebot. Il hissa le signal « Mettez en panne » et arbora le pavillon de la Marine de guerre allemande. Il avait du monde paré à ses canons. Avec la faible brise il y avait peu de chances de pouvoir fuir pendant le jour et aucune fumée ne laissait espérer des secours d’un bâtiment français ou allié. Je mis en panne. Une embarcation de ce vapeur, qui était le KRONPRINZ WILHELM, vint à bord avec deux officiers et des hommes armés. Ils demandèrent les papier et me présentèrent une réquisition.
Je protestai, mais les officiers saisirent tous les papiers et je dus leur abandonner le navire. Il autorisèrent l’équipage à prendre ses effets personnels. Mais ils confisquèrent cartes, documents nautiques, livres de navigation. Ils prirent aussi mon sextant et celui des officiers et les longues-vues, propriété personnelle, chose pour laquelle je protestai encore.
Des embarcations vinrent nous prendre et je quittai le navire le dernier, après avoir recommandé à chacun de se munir de sa ceinture de sauvetage.
A bord du KRONPRINZ WILHELM, nous fûmes logés dans des cabines de 2e classe et traités avec humanité et bienveillance.
Notre transbordement terminé, les Allemands prirent leur dispositions pour prendre l’UNION en remorque.
Le 28 Octobre, le commandant du croiseur et l’officier de prise vinrent nous proposer de signer un engagement de ne point prendre les armes contre l’Allemagne et de ne point nous livrer à des actes d’hostilité contre l’Empire germanique, contre notre libération.
Je conseillai aux deux mousses et au matelot Coulombel, âgé de 50 ans, de signer, mais laissai les autres hommes de l’équipage libres d’agir selon leur conscience.
Avec le second, Monsieur Julien, et le cambusier, Monsieur Chatelain, nous sommes restés prisonniers de guerre sur le Kronprinz Wilhelm. »
Le 21 Novembre, le capitaine Grégoire assistera à la capture du voilier ANNE DE BRETAGNE dont l’équipage viendra le rejoindre sur le paquebot. Son récit concernant ce navire sera repris dans la fiche ANNE DE BRETAGNE.
« Le 22 Novembre 1917, alors que l’UNION a été pratiquement vidé de son charbon, l’équipe du croiseur qui se trouvait à bord fait des signaux et abandonne le navire. L’UNION faisait plus d’eau que ses pompes n’arrivaient à en épuiser. Après avoir continué à gîter de plus en plus, il va chavirer et sombrer par environ 27° S et 34° W.
Le KRONPRINZ WILHELM mit deux embarcations à l’eau pour recueillir toute épave pouvant donner des indications sur le navire disparu. Toutes les provisions avaient été transbordées et il ne devait rester que 700 ou 800 tonnes de charbon à bord. »
L’UNION chavire, cliché pris du KRONPRINZ WILHELM (Source "Cap-Horniers Français" de Brigitte et Yvonnick Le Coat Coll. Jürgen Meyer)

Estimant qu’il n’ont plus rien à faire sur le paquebot, leur navire étant par le fond, et ne voulant pas être coulés par des amis sur ce navire ennemi, les trois derniers prisonniers de l’UNION vont signer le document réclamé par les Allemands et vont être libérés. Le SIERRA CORDOBA, navire annexe du KRONPRINZ WILHELM, les débarquera deux jours plus tard à Montevideo. Ils seront rapatriés sur La Pallice par le vapeur ORONSA.
Voici une vue de la vie à bord de l’UNION
O6h00 du matin : le lavage du pont (Source Randier "Hommes et Navires au cap Horn")

et un exemple de gros temps dans les mers du sud (voir historique de ce cliché ci-dessous)

Le navire assaillant : le croiseur auxiliaire KRONPRINZ WILHELM
C’était un magnifique paquebot de la Norddeutscher Lloyd, de 15000 tonnes, lancé en 1901 à Stettin et qui avait assuré la suprématie germanique sur les routes de l’Atlantique nord au début du XXe siècle. Il avait été détenteur du ruban bleu. Mais sa grande vitesse en faisait un gouffre à charbon. Ses soutes pouvaient en contenir 2000 tonnes.
Le voici, photographié à Cherbourg lors d’une escale

Il avait quitté New York en Août 14, juste avant la déclaration de guerre. En l’occurrence, les Américains n’avaient aucunement failli à leur neutralité, car c’est en mer, rejoint par le croiseur KARLSRUHE, qu’il avait été armé en croiseur auxiliaire.
Il avait alors reçu deux canons de 85 mm, des mitrailleuses, des armes de poing, des hommes pour servir ces armes et un nouveau commandant, le capitaine de corvette Paul Thierfelder.
Cet armement fut d’ailleurs interrompu par le croiseur HMS SUFFOLK, et le paquebot ne dut son salut qu’à la fuite, favorisé par sa grande vitesse.
Il parcourut 20 000 milles, contournant le blocus allié par le sud et couvrant un champ opérationnel considérable. Sa croisière en tant que corsaire fut une réussite pour l’Allemagne puisqu’en huit mois il coula 36 cargos et de nombreux voiliers. Ce n’est que la rupture de ses approvisionnements qui força le commandant Thierfelder à rallier New York, déjouant d’ailleurs tous les chasseurs lancés à sa poursuite.
Immobilisé, rebaptisé VON STEUBEN en 1917, il sera démoli à Baltimore en 1924.
Cdlt
Olivier