Bonsoir à tous,
A la page 822 du Tome II de L'Album de la Grande guerre, publié en 1922 par l'Illustration , figurent les clichés suivants se rapportant au torpillage du paquebot mixte Sontay :
Cliché 1 : « Après le torpillage du Sontay, le 16 avril 1917, à midi, l'embarquement des derniers passagers sur les canots. »
Clichés 2 à 4 : « Au milieu des canots, des radeaux et des nageurs, une canonnière française arrive pour recueillir les naufragés du Sontay..»
Clichés 5 et 6 : « Les naufragés se hissent à bord du bâtiment sauveteur. »
Ces documents photographiques furent initialement publiés dans la livraison de l'Illustration de Mai 1917.
Le commentaire général est ainsi rédigé : « Le Sontay se rendait de Marseille à Salonique. Torpillé par grosse mer, il coula en 5 minutes. Néanmoins, sur les 425 personnes présentes à bord, 380 purent être sauvées. Son commandant, l'héroïque lieutenant de vaisseau Jean-Baptiste MAGES, ne voulut pas survivre à ceux qui avaient péri. Il se laissa couler avec son navire. Debout sur la passerelle, quand la mer l'atteignit, il leva sa casquette et cria : " Vive la France ! " ; puis il disparut. »
Le décompte des victimes et des rescapés correspond à celui mentionné par le Commandant VEDEL dans son ouvrage : « Quatre années de guerre sous-marine » (Paris, Plon-Nourrit, 5e éd., 1919, p. 239).
Le même ouvrage transcrit la lettre suivante du quartier-maître GUILLOT, embarqué sur la canonnière La Capricieuse, qui escortait le convoi dont faisait partie le Sontay.
« Depuis deux jours, nous sommes chargés de la protection d'un convoi qui doit rallier Bizerte. Le temps s'est gâté et la mer creuse autour de nous de profonds sillons, où un sous-marin peut facilement se cacher. Aussi veille-t-on jour et nuit, devant, derrière et sur la passerelle, malgré qu'on ait peine à se tenir debout avec le roulis et le tangage. J'étais dans le poste des maîtres, en train de déjeuner – du singe froid, impossible de faire la cuisine – quand un coup de roulis d'une violence inouîe renverse tout, table et convives. C'est un désastre. Le repas est écourté, nous remontons sur le pont, pour permettre à la seconde bordée de descendre déjeuner à son tour, si elle le peut.
A cet instant, retentit le cri : Alerte ! auquel chacun se précipite à son poste de combat. La machine donne toute sa vitesse, les ventillateurs des chaufferies ronflent éperdument, le navire tremble comme s'il avait peur. Les lames balayent le pont de l'avant à l'arrière. Et tout le monde cherche l'ennemi. L'ennemi, on ne l'aperçoit nulle part. Ce que l'homme de veille a vu, c'est une gerbe s'élever à l'avant d'un des bâtiments du convoi (le Sontay). Son arrière s'est soulevé, comme celui d'un canard qui fouille au fond d'une mare, et l'infortuné navire file dans l'eau avec la rapidité d'une flèche, disparu en moins de cinq minutes. Un bouillonnement d'écume, une nappe de débris, quelques embarcations, voilà tout ce qu'il laisse derrière lui.
A toute vitesse, nous nous précipitons sur le lieu du sinistre, pour procéder au sauvetage, qui n'est rien moins qu'aisé, en raison de l'état de la mer. A droite et à gauche, des hommes accrochés aux épaves appellent désespérément : ― Sauvez-moi ! Sauvez-moi ! ― Nos embarcations sont mises à l'eau. A grand peine, elles ramassent et nous ramènent des naufragés qu'il faut hisser à bord comme des sacs de farine, en leur passant un bout de filin sous les bras. A une vingtaine de mètres de nous, un malheureux nous lance un appel navrant : ― Je coule ! au secours ! par pitié ! ― une amarre lui est jetée à plusieurs reprises, mais il n'ose pas lâcher le bout de planche auquel il se cramponne pour la prendre. Une embarcation s'approche enfin de lui, et, comme elle va le recueillir, une lame le recouvre, et on ne le revoit plus. J'en ai pleuré. Nos hommes sont à demi nus dans l'embarcation, qui est aux trois quarts remplie d'eau. Il fait un froid intense, et à chaque instant elle menace de sombrer, mais ils n'y font même pas attention. Ce sont d'anciens pêcheurs, accoutumés à toutes les misères de la la mer. Ils vont et viennent, nous rapportant les rescapés, dont plusieurs sont blessés, ou à moitié morts de froid. Lorsque c'est terminé, nous remettons en marche pour regagner le port le plus proche, qui est Malte.
Quand nous arrivons, il y a trois jours que personne n'a dormi. Nous accostons un navire-hôpital, où l'on embarque les rescapés du Sontay. Puis, vite oublieux des mauvais moments passés, le marin fait la toilette du bâtiment, la sienne ensuite, et descend à terre. Une tournée générale des cafés, suivie d'une promenade en voiture, et le voilà prêt à recommencer » (op. cit., p. 240 à 242).