Bonjour à tous,
MECANICIEN DONZEL
Attaque par sous-marin et naufrage le 3 Juin 1918
Rapport du capitaine
Traversée Yokohama – Bizerte - Marseille
Le 3 Juin 1918 à 04h15, envoyé l’homme de bossoir en vigie au nid de pie AV et le matelot permissionnaire au nid de pie AR.
Le service de veille de nuit était organisé ainsi : 1 homme aux bossoirs avant, 2 hommes à la passerelle inférieure tribord et bâbord, 2 hommes à la passerelle supérieure, 2 hommes dans les nids de pie, 1 homme sur la dunette et le chef de bordée à faire des rondes pour les lumières.
A 04h35, l’homme en vigie signale le sillage d’une torpille à bâbord. Mis aussitôt la barre tribord toute. Quelques secondes après l’explosion se produit par le travers de la soute à charbon et de la cale 3 à bâbord. Toute la partie bâbord de la passerelle s’effondre, ainsi que la chambre des cartes. Le navire donne immédiatement de la bande à tribord. Fait stopper les machines par le transmetteur d’ordres et par le porte-voix. Mis aux postes d’abandon. A 04h50, les embarcations s’écartent du navire et à 05h05, voyant que le navire ne s’enfonce que très lentement, remontons à bord avec le 2e capitaine et 11 hommes pour aller chercher les instructions qu’il m’a été impossible de prendre, le secrétaire étant brisé et la cabine inondée.
Préparé une remorque que le convoyeur prendra pour nous conduire à Asinara si le navire peut flotter. Sondé les cales 1, 2, 4 et 5, toutes franches. La remorque est prise par un chalutier, mais une explosion se produit entre la cale 4 et la machine. J’en attribue la cause à la pression de l’eau sur la cloison étanche de la machine, la machine et la chaufferie étant pleines d’eau. La sonde accuse 1,5 m et la cale 2 se remplit. Je fais dire au chalutier de larguer la remorque car le navire va couler. Il s’enfonce rapidement et je donne l’ordre au 2e capitaine et aux hommes de quitter le bord. Je prends place dans l’embarcation après que tout le monde ait été reconnu. Il était 06h40. Le navire pique du nez et disparaît complètement.
Je signale les hommes revenus à bord : Moretti, Léandri, Trenca, Calendini, Allegrini, Le Gouar, Caire, Nomdedeu, Chaillet, le 2e capitaine Gires et le 1er lieutenant Serafino et le 2e lieutenant Razimbaud. Les officiers ont bien conduit leurs embarcations.
A 07h00, tout l’équipage a été recueilli par le chalutier MARGUERITE MARIE. Resté sur les lieux pour prendre les deux embarcations sur le pont. Position du torpillage 40°45 N 06°39 E. Faisions route au N24W. Le sous-marin n’a pas été vu.
Nous transportions cuivre, étain, manganèse, huile de ricin et petits pois secs + valise diplomatique de Yokohama.
Le bâtiment n’était pas armé car Port Saïd ne possédait plus aucun canon. Bizerte a donné l’ordre de partir sans armement car le Ministère n’avait pas répondu à la demande faite d’armer les deux japonais.
Voici une photo de la tentative de remorquage.
Rapport d’escorte de l’ALCYON. Commandant LEROY
Quitté Bizerte le 1er Juin à 14h00 pour Marseille. ALCYON II avait reçu les ordres suivants : chef d’escorte et, en cas d’attaque, si le sillage du sous-marin est visible, lancer les grenades à 100 m sur l’avant de la pointe du sillage. Si rien n’est visible, lancer néanmoins les grenades entre la position probable du sous-marin et la route du convoi. Par conséquent, par rapport au reste du convoi, tous les chalutiers doivent passer du bord où s’est produit le torpillage et se lancer sur la route que le sous-marin doit faire pour rattraper le convoi. Les derniers chalutiers arrivés lancent les grenades entre les dernières explosions et le convoi. Si le bateau coule, un seul chalutier reste pour recueillir les naufragés. Si le bateau peut être sauvé, restent les deux chalutiers du bord du torpillage.
Voici la formation du convoi.
Sous-marin et sillage de torpille invisibles. Appelé aux postes de combat et route à toute vitesse pour chercher le sous-marin. Aucune trace aperçue.
Fait route pour protéger les 3 vapeurs de droite qui font route NE. Reçu l’ordre de faire réintégrer MECANICIEN DONZEL par son équipage et que celui-ci remette en route si sa machine n’est pas envahie. Dans le cas contraire, MARGUERITE MARIE prendra la remorque et ALCYON II escortera. Je tourne autour de MECANICIEN DONZEL dont MARGERITE MARIE prend la remorque.
A 06h30, MECANICIEN DONZEL sombre. MARGUERITE MARIE sauve tout l’équipage. Le convoi se reforme et fait route vers le Nord. Je fais route à toute vitesse pour rallier le convoi que je rallie à 21h00. Entré à Marseille le 4 Juin à 05h00.
Rapport d’escorte d’ALOUETTE II.
Les ordres reçus de la Direction des routes et les ordres que j’avais donnés comme chef d’escorte tant aux bâtiments du convoi qu’aux chalutiers d’escorte et à SENTINELLE placé en éclaireur avec un ballon captif sont joints à mon rapport.
Distance des escorteurs au convoi devait varier entre 400 et 700 m. Le convoi s’est très bien tenu en formation très serrée, depuis le départ de Bizerte. Le créneau entre DONZEL et THONG SAMUD était particulièrement étroit.
Le 3 Juin à 04h40 MECANICIEN DONZEL est torpillé par bâbord. La formation était la suivante :
Schéma 1
COLOBARIA et THONG SAMUD légèrement sur l’avant de leur poste. Le sous-marin qui a touché DONZEL est donc passé dans le créneau DONZEL-THONG SAMUD.
DONZEL a vu la torpille à quelques mètres du bord, a mis à droite toute sans résultat, mais n’a pas eu le temps de faire les signaux réglementaires. Suivant mes ordres COLOBARIA, THONG SAMUD et TUNSTAL auraient dû continuer leur route et les trois bateaux de la 2e ligne venir sur tribord. Au contraire, THONG SAMUD et ASIA MARU sont venus sur bâbord et le groupe TUNSTAL, ROSEWOOD et GUETARY sur tribord. COLOBARIA a continué sa route.
Schéma 2
SAINT JEAN a protégé la fuite du groupe de gauche en lançant 3 grenades. MARGUERITE MARIE a protégé le groupe de droite en lançant 2 grenades. ALCYON n’a rien lancé, attendant à tort mes ordres. SENTINELLE a rallié dès le torpillage, cherchant avec son ballon et son poste d’écoute, mais ne trouvant rien et ne lançant pas de grenades.
Je suis passé sur l’arrière d’ASIA MARU qui venu sur la gauche me coupe la route, et j’ai lancé 4 grenades Guiraud (dont 3 ont raté, malgré une visite faite 6 jours plus tôt) entre la position estimée du sous-marin et la route de fuite du groupe de droite. La 1ère grenade, la seule qui a explosé, a été lancée sur un remous suspect. Je reviens ensuite sur ALCYON qui me suit et lui donne l’ordre de rallier MARGUERITE MARIE et de faire réembarquer le personnel sur MECANICIEN DONZEL qui flotte avec une assiette horizontale. Je signale à SENTINELLE de rallier le groupe de droite. Les deux groupes étant protégés, je reviens sur DONZEL et donne l’ordre à MARGUERITE MARIE de le remorquer jusqu’à Ajaccio puisque la machine est envahie par l’eau, ou de l’échouer à Asinara. Le torpillage a eu lieu à 130 milles d’Ajaccio et 180 milles de Marseille.
Quand je rallie le DONZEL, le capitaine, qui semble avoir abandonné à la hâte, s’est rapproché de son bateau, mais n’est pas encore remonté à bord tandis que plusieurs de ses hommes y sont déjà revenus.
Je rejoins le reste du convoi dont les deux groupes sont rassemblés. Je place le GUETHARY comme guide au poste du DONZEL et nous nous éloignons en forçant l’allure (8 nœuds). Je place SENTINELLE sur l’arrière avec mission de veiller si le sous-marin tentait de nous rattraper. Je me place à tribord et laisse SAINT JEAN à bâbord. Entre 15h00 et 18h00, FRONDE et OPINIÂTRE renforcent notre escorte. A 22h30, nous entrons dans le chenal de sécurité de Marseille.
Après une heure de remorquage MECANICIEN DONZEL avait coulé. L’attaque s’est produite par un calme presque absolu, au tout petit jour. Aucun indice n’a permis de trouver le sous-marin.
Rapport du 1er maître BERNARD, commandant SENTINELLE
Le Lundi 3 Juin à 04h40, par 40°45 N et 06°39 E, étant à, 4 milles en avant du convoi, j’ai aperçu une gerbe d’eau couvrir le milieu du vapeur MECANICIEN DONZEL. Jugeant que ce navire venait d’être torpillé, j’ai immédiatement viré de bord et fait route pour me rendre sur les lieux. Les embarcations, au nombre de 4 quittaient le navire qui s’enfonçait dans une position normale.
A l’aide du ballon captif et du poste d’écoute, je me suis livré à des recherches dans l’Est du navire torpillé. Rien aperçu.
A 05h20, sur ordre du chef d’escorte, j’ai fait route sur le groupe n° 3 du convoi, dérouté vers le NE.
Rapport du 1er maître de manœuvre X. commandant MARGUERITE MARIE
Celui-ci reprend tous les ordres donnés par le chef d’escorte, conformes à ceux énoncés ci-dessus. Il poursuit :
Le 3 Juin à 04h48, j’aperçus une forte colonne d’eau et de fumée noire au dessus de MECANICIEN DONZEL qui était en 1ère ligne, 2 côté tribord du convoi. Le soleil n’était pas levé et le jour commençait à poindre. La position du sous-marin n’a pu être établie à cause de l’éloignement. Machine en avant toute et équipage au poste de combat. Fait route pour me placer et lancer des grenades entre MECANICIEN DONZEL et les vapeurs venant sur tribord. Lancé 2 grenades au point présumé du sous-marin. Tous les chalutiers continuent à protéger la fuite du convoi. Resté sur les lieux pour sauver l’équipage et prendre le navire en remorque pour l’emmener vers Ajaccio ou l’échouer à Asinara.
MECANICIEN DONZEL conserve sa stabilité avec une légère bande sur bâbord et légèrement immergé. Le 2e capitaine et une partie de l’équipage se trouvant à bord, ils nous passent la remorque. Quand elle est tournée, je manœuvre pour faire éviter le bâtiment. Peu de temps après, le commandant de MECANICIEN DONZEL nous prévient que la cale 2 se remplit. Le vapeur continue à s’immerger lentement, mais nous continuons le remorquage. Vers 06h40, l’eau arrivant au niveau des écubiers, le commandant et son équipage évacuent le vapeur. Je largue la remorque et m’écarte. A 06h48, MECANICIEN DONZEL s’engloutit par l’avant. Je recueille le commandant et le reste de son équipage. Je ramène les embarcations restantes et fais route à toute vitesse pour rejoindre le convoi.
Tous les vapeurs qui étaient à tribord du navire torpillé et sur son arrière sont venus en grand sur tribord. Ceux qui étaient à bâbord sont venus sur bâbord en marquant leur manœuvre par des coups de sifflet.
Ni aperçu ni vu sillage de la torpille ou du sous-marin. Sauvé tout l’équipage et les passagers.
Rapport du 1er maître de manœuvre GUIRIEE, commandant SAINT JEAN.
Formation du convoi.
Convoi en ligne de front dans l’ordre indiqué ci-dessus.
Le 3 Juin à 04h30, à 77 milles au N80W du cap Caccia (Sardaigne), MECANICIEN DONZEL est torpillé. Remarqué par la fumée de l’explosion qu’il venait d’être touché. Sillage et périscope du sous-marin invisibles. Au moment du torpillage nous venions de terminer notre lacet vers COLOBARIA et avions commencé une abattée de 2 quarts sur la gauche, à 350 m de COLOBARIA. Mis la barre pour me porter au plus vite sur la position supposée du sous-marin, entre le bâtiment torpillé et les 3 bâtiments du convoi COLOBARIA, THONG SAMUD et ASIA MARU qui font une abattée de 5 quarts sur la gauche, l’autre partie du convoi abattant sur la droite.
Voici la manœuvre :
Quand je relevai le bâtiment torpillé au S70E à 900 m, mis cap au N20W et commencé lancement de 3 grenades à 1 minute d’intervalle. Réglées à 25 m, elles ont toutes explosé. Continué vers les bâtiments de gauche en me tenant sur leur droite. Parcouru 2 milles à cette route et ordonné de se reformer avec la partie du convoi ayant fui sur la droite qui reprenait sa route au N24W. Pris poste à gauche du convoi reformé. Chef d’escorte sur la droite et GUETARY en guide. Continué sur Marseille. Fait le chenal dragué sur le flanc gauche de la ligne de file. Amarré au vieux port le 4 Juin à 05h50.
Déposition du 2e capitaine Léon GINES
Pris le quart à 04h00, en relève du 1er lieutenant. Nuit claire. Masse des navires du convoi se distinguait. Hommes de veille à leur poste et commandant sur la passerelle.
A 04h15, envoyé l’homme de bossoir CAIRE prendre son poste dans le nid de pie avant et le QM permissionnaire FOUCHER dans le nid de pie arrière. A 04h35, l’homme de la hune signale le sillage d’une torpille sur bâbord. La torpille se distingue bien, dirigée perpendiculairement au navire par le travers. Le commandant fait mettre la barre toute à droite et quelques secondes après, une explosion se produit par le travers de la soute à charbon. La partie bâbord de la passerelle s’effondre. Stoppé les machines et mis au poste d’abandon sur ordre du commandant à 04h50.
Je fais amener les embarcations de tribord et m’assure qu’il ne reste personne, ni sur l’avant ni sur l’’arrière du navire. Sur l’affirmation des hommes que tous les postes ont été évacués, embarqué dans le canot 1 que je commandais. Le 4 avait poussé et les canots bâbord étaient amenés. Le navire s’enfonçait lentement. Débordé et tenu sur les avirons à 30 m du bord. Le commandant, le 2e lieutenant et un chauffeur arabe apparaissent alors sur le pont. J’accoste le navire et les fais embarquer. Quand les 4 canots sont réunis, constaté que tout l’équipage et les passagers étaient présents.
MARGUERITE MARIE s’approche et, le navire semblant ne plus s’enfoncer, le capitaine du chalutier me dit qu’il va le prendre en remorque. Fait monter l’équipage sur MARGUERITE MARIE et avec quelques hommes de bonne volonté retourné sur le DONZEL pour disposer les remorques. Le commandant m’y précède pour prendre les documents secrets. Cale 3, soute à charbon et machine sont pleines d’eau. Cales 1, 2, 4 et 5 sont sèches. La remorque disposée, le chalutier déhale le navire. Une explosion se fait entendre derrière la cloison étanche cale 4-machine qui vient de céder. Le niveau de l’eau dépasse en hauteur le panneau du faux pont 3. L’eau envahit le spardeck et les cales 1 et 2. DONZEL s’enfonce rapidement et je quitte le navire avec les volontaires à 06h40. A 07h00, MECANICIEN DONZEL pique du nez et disparaît.
J’ai eu quelques difficultés avec l’équipage car il y avait quelques hommes d’assez mauvaise tête. C’était un équipage qu’on avait envoyé de Marseille pour reprendre le navire au Japon.
Déposition du 1er lieutenant RAZIMBAUD
De quart jusqu’à 00h00, je dormais dans ma couchette quand je suis brusquement réveillé. Un bruit d’eau tombant en grande quantité ne me laisse aucun doute sur la cause de mon réveil. Je sors et entend crier « Aux postes d’abandon ». Une poussière épaisse sort du panneau de la soute à charbon. Mon embarcation est pleine d’eau, remplie par la gerbe d’eau consécutive à l’explosion. Je me rends sur la passerelle où se trouve le commandant. Il faut sauver les papiers et au milieu d’un fouillis de cartes, carnets, règles …etc, je finis par trouver les ordres particuliers du convoi de Bizerte et je mets ce précieux document dans ma poche. Je veux prendre dans le secrétaire du commandant les documents secrets et les papiers du navire, mais la poignée du tiroir me reste dans les mains. Je ne peux que prendre le rôle d’équipage et le registre des traversées qui étaient chez moi avec mon gilet de sauvetage…(Le 1er lieutenant donne alors quelques renseignements assez futiles, voulant montrer qu’il s’occupe bien des papiers)
Le navire flotte mais on voit que l’enfoncement, s’il est très lent, est constant. A 05h50, la remorque est frappée et nous constatons que l’enfoncement continue. Il ne fait pas de doute que ce ne sera pas très long.
A 06h40, le commandant quitte le bateau en dernier, la remorque est larguée et on se tient à 150 m de notre malheureux navire qui disparaît. Il coule à 07h00 sans qu’il y ait de grand remous.
A 07h30, la chalutier hisse mon canot et remet en marche, cap sur Marseille. Son capitaine et son équipage nous traitent en frères de la mer et partagent effets et vivres avec nous. Dans l’après midi, je remets de l’ordre dans les papiers sauvés et remets les papiers confidentiels au commandant.
En général, l’équipage a été très mauvais et indiscipliné.
Déposition du lieutenant SERAFINO Jean
J’ai quitté mon quart à 04h00 laissant le commandant et le second capitaine sur la passerelle. Je suis rentré dans ma cabine pour me reposer lorsqu’entre04h00 et 05h00 je fus réveillé par une explosion formidable. Le temps de prendre ma ceinture de sauvetage et de la mettre, je suis monté sur la passerelle et j’ai croisé le 2e capitaine qui se rendait à son poste d’abandon. Je suis alors allé au moins et j’ai trouvé ma chaloupe reposant à moitié sur le spardeck. L’explosion avait eu lieu juste en dessous et un éclat de torpille l’avait crevée et avait cassé le bras avant du bossoir. Aidé du maître d’équipage, et avec une barre de cabestan, nous l’avons fait glisser au dehors pour l’amener. Ses caissons à air n’ayant pas été touchés, bien que remplie d’eau, elle flottait. J’ai embarqué avec l’armement et nous nous sommes écartés du navire.
J’ai rallié l’embarcation n° 1 où j’ai trouvé le commandant. Le navire s’enfonçait lentement et le commandant ayant manifesté l’intention de retourner à bord, je l’ai suivi et nous avons accosté le navire. Le commandant m’a fait passer quelques documents. J’avais aussi les états de comptabilité que j’ai emportés sur le chalutier qui nous accostait pour prendre une remorque. Il voulait nous conduire jusqu’à Asinara si le bateau continuait à flotter. Le commandant nous prévint que la cale 2 se remplissait d’eau et qu’il fallait abandonner l’espoir de sauver le navire. Il ordonna de larguer la remorque. En effet, le bateau s’enfonçait à vue d’œil. A 06h45, la remorque fut larguée par le chalutier et à 07h00 le navire piquait du nez et disparaissait.
Déposition du chef mécanicien Gustave GILLARD
En ce qui concerne les officiers mécaniciens, je n’ai que des louanges à leur adresser. Leur service a toujours été impeccable et il ont montré beaucoup de bonne volonté.
Les 3 premiers chauffeurs ont toujours fait preuve d’un bon esprit, et j’étais content des trois graisseurs et des six alimenteurs.
En revanche, dans le personnel des chauffeurs et soutiers, il régnait un esprit frondeur et indiscipliné. J’ai eu de nombreuses difficultés avec eux et j’ai dû adresser des demandes de punitions au commandant.
Déposition du 3e mécanicien Yvan ESTANG
Etant de quart vers 04h30 et me trouvant dans la machine, une formidable explosion ébranla le navire dans son entier et une trombe d’eau s’abattit par les claires-voies dans la machine. Une fumée opaque obscurcit l’atmosphère. Pas d doute, nous étions torpillés. Nous nous sommes précipités sur les commandes des vannes de vapeur des machines pour les fermer et au même instant nous avons reçu l’ordre de stopper par le transmetteur d’ordre de la passerelle. Nous avons exécuté l’ordre en fermant les registres et en ramenant les mises en train sur stop. Les hommes qui étaient dans la chaufferie ont évacué ce compartiment où l’eau entrait à flots. Nous étant assurés que les machines étaient stoppées, le 1er chauffeur et moi-même avons évacué la machine. Comme nous arrivions en haut des échelles, l’eau a envahi la machine et a provoqué l’extinction d la lumière. Deux minutes après, jetant un coup d’œil, j’ai vu l’eau au dessus des cylindres de la machine. Je suis parti rejoindre mon poste d’évacuation.
Je n’avais pas de consignes du chef mécanicien concernant la mise en route des moyens d’épuisement en cas d’accident. Je n’ai pas essayé de mettre les pompes d’assèchement en route. Il aurait été impossible de le faire car le temps faisait défaut.
Je me suis assuré qu’il n’y avait plus personne dans la machine avant de la quitter.
Question : Avez-vous vu le chef mécanicien à la sortie de la machine et lui avez-vous rendu compte ?
Réponse : Non, je ne l’ai pas vu, et je n’ai pas cherché à le voir.
Rapport de la commission d’enquête
MECANICIEN DONZEL avait quitté Yokohama le 1er Mars à destination de Marseille. Ce bâtiment neuf, livré par les chantiers japonais, faisait son premier voyage. Son équipage était allé le chercher à Yokohama et il n’était pas armé. Arrivé à Port Saïd le 10 Mai, le capitaine demandé des canons, mais il lui fut répondu qu’il n’y en avait pas de disponible et il fut dirigé sur Bizerte le 17 Mai dans un convoi anglais. Il y arriva le 28 Mai.
Les autorités de Bizerte auraient voulu l’armer, ainsi que deux autres bateaux japonais et un américain, mais l’autorisation ne vint pas de Paris et, ne pouvant retenir plus longtemps ces quatre navires qui avaient des cargaisons importantes, ils les mirent dans un convoi escorté par 5 chalutiers, à destination de Marseille. C’est la version donnée par le capitaine, mais que MECANICIEN DONZEL ait été armé ou non, cela n’aurait eu aucune influence sur l’issue de l’évènement.
(Nota : on sent que les autorités maritimes cherchent à se défausser de toute responsabilité dans cette mauvaise organisation et ces négligences…)
MECANICIEN DONZEL était chargé de 2000 tonnes de cuivre et de plus de 5000 tonnes d’étain et de pois secs.
La commission reprend ensuite tout le déroulement des faits et conclut :
- Les deux portes à guillotine situées entre la soute à charbon sont restées ouvertes et aucune tentative n’a été faite pour les fermer sous prétexte que le charbon aurait empêché leur fermeture.
- Le personnel mécanicien a stoppé la machine avant d’en avoir reçu l’ordre de la passerelle. Il a quitté chaufferie et machine, et l’eau a gagné quelques minutes après. En arrivant à la porte de la machine, le chef mécanicien l’a trouvée déjà évacuée, avec de l’eau à hauteur des cylindres.
- A 04h50, tout le navire était évacué, mais continuait à flotter.
- MECANICIEN DONZEL n’avait pas d’armement et ce fait est regrettable vu l’importance du navire et de sa cargaison.
- Bien que les ordres du chef d’escorte n’aient pas été exécutés par les navires du convoi, les manœuvres des escorteurs ont été judicieusement conçues et bien exécutées.
- MECANICIEN DONZEL a été trop rapidement évacué par son équipage qui a plutôt pensé à sa sécurité personnelle qu’à son bâtiment. Le personnel mécanicien notamment a manqué de sang froid. Si l’équipage était resté à bord pendant les deux heures qui ont suivi le torpillage les manœuvres de remorquage auraient été facilitées et le bâtiment peut-être sauvé.
- On aurait aussi pu sauver la valise diplomatique de Yokohama.
- Il n’y avait rien à faire contre l’envahissement de l’eau puisque les pompes d’épuisement avaient été submergées des l’explosion. De toute façon, le capitaine n’a donné aucun ordre les concernant car il semble en avoir ignoré l’existence.
- La commission a pu remarquer que le capitaine connaissait fort mal son navire, qui était neuf. Il ne tenait pas en main son équipage qui, du reste semble avoir été fort mal recruté.
- Elle reconnaît néanmoins que le capitaine de MECANICIEN DONZEL a essayé d’atténuer son erreur commise en abandonnant prématurément son navire en remontant aussitôt à bord sur ordre du chef d’escorte, et en faisant tous ses efforts pour assurer le remorquage. Dans ces conditions, elle ne propose aucune sanction, mais aucune récompense non plus.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UB 49 du Kptlt Hans von MELLENTHIN.
Voici ce sous-marin photographié le 25 Juillet 1917
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