Bonjour à tous,
Un complément sur le naufrage du PAMPA
Navire équipé d’un canon de 90 mm à l’avant et d’un canon de 90 mm à l’arrière
Environ 3000 tonnes de marchandises.
Rapport du capitaine Joseph GOY
Parti de Malte en convoi le 26 Août 1918 à 13h00. Zigzags pendant toute la nuit. Nuit très claire avec lune très brillante. Excellente visibilité et les bâtiments maintiennent facilement leurs distances. PAMPA est en 2e ligne à gauche, à découvert de ce côté.
Le 27 Août à 03h30, par 36°05 N et 18°00 E, le navire reçoit une torpille par bâbord avant, à hauteur de la soute à charbon.
Averti le télégraphiste d’envoyer un SOS, donné signal réglementaire (12 coups) au sifflet, stoppé les machines, mais celle de bâbord, endommagée, ne stoppe pas. Le navire, qui avait pris une forte bande sur tribord, se redresse et s’enfonce lentement. Donné l’ordre d’évacuation. Chacun se rend à son poste et les opérations se déroulent avec sang froid. Les embarcations ne sont amenées qu’après les radeaux. La destruction des cabines ne permet pas de retrouver, dans les débris, les papiers du bord.
Après m’être assuré que personne ne reste plus à bord, j’embarque avec Monsieur Maistre, 1er lieutenant, dans le canot n° 1. Beaucoup de passagers s’étaient, au premier moment, jetés à la mer. Le canot n° 4 monté par les matelots Le Quéré et Scogaumiglio, et le canot n° 6 commandé par Monsieur Fourcade, 2e lieutenant, parcourent la mer et recueillent ceux qui surnagent. Ils les conduisent à bord du sloop ASPHODEL. Le canot 4 embarque tout entier (passagers et équipage) sur le sloop, tandis que le 6 ne débarque que les passagers et revient aux ordres. Je débarque du canot 1 et passe dans le youyou afin de rester plus facilement auprès de l’épave. Le commissaire du bord, Monsieur Capponi, vient avec moi et nous pensons essayer de remonter à bord du PAMPA. Mais le bâtiment s’enfonce, s’incline et coule à 04h20. Il s’enfonce droit par l’arrière et disparaît l’avant haut J’ordonne à tout le monde de rejoindre le chalutier, car ASPHODEL est reparti escorter le convoi. Je ramène deux radeaux jusqu’au chalutier, avec le youyou.
Je tiens à féliciter l’état-major et chacun des hommes de mon équipage qui dans ce sinistre ont fait preuve du plus grand sang froid. Je tiens à féliciter Monsieur Dominique, 2e mécanicien qui, après avoir stoppé le moteur tribord, a tenté jusqu’au bout de stopper celui de bâbord. Je signale aussi le chef mécanicien qui est redescendu dans la machine pour tenter de fermer le régulateur, mais sans y parvenir, messieurs Maistre et Fourcade, lieutenants, le commissaire monsieur Capponi, le matelot Faure qui est resté tranquillement aux garants du canot 1 en attendant les ordres, le capitaine d’armes Benigui qui a beaucoup aidé dans l’embarcation n°4, ainsi que les canonniers Le Corff, Nono, Campuguo, Salentracci et le timonier Pousard, qui sont restés jusqu’à la fin sous mes ordres dans le youyou.
Rapport du 2e capitaine Jean MATTEI
Le 27 Août, j’étais de quart sur la passerelle lorsqu’une torpille frappa le navire à bâbord, à hauteur de la soute à charbon. Le choc a été à un tel point formidable que la boiserie de la chambre de veille a volé en éclat. Le commandant, après s’être rendu compte de la gravité de la situation, a donné l’ordre d’évacuation. Les radeaux ont été mis à la mer et méthodiquement éloignés du bord dès qu’ils avaient chargé le nombre de passagers désignés par les postes d’abandon. On a ensuite amené les canots contenant l’équipage et quelques passagers militaires. L’abandon du navire s’est effectué dans le calme le plus parfait et sans aucun incident.
Rapport du 2e mécanicien Matthieu DOMINIQUE
J’étais de quart dans la machine lorsqu’un choc et une explosion formidable se sont produits sur bâbord. PAMPA a pris une forte gîte sur tribord, puis a repris peu à peu sa position. Les tôles du parquet de manœuvre se sont soulevées et l’eau a commencé à envahir le compartiment. Par la claire-voie, une avalanche d’eau, de charbon, bris de verre est tombée avec fracas, éclipsant totalement la lumière, mais sans blesser personne. Les transmetteurs d’ordres ont indiqué « Stoppez la machine ». J’ai donné l’ordre au personnel d’évacuer le compartiment et j’ai stoppé tribord. Mais ce fut en vain pour la machine bâbord car le clapet de la soupape avait du se coincer, ou la transmission s’était faussée sous l’effet du choc. L’eau montant rapidement, j’ai gagné l’échelle d’accès au pont et j’ai rencontré le chef mécanicien auquel j’ai rendu compte de la situation. Nous sommes redescendus dans la machine pour tenter encore de stopper bâbord, mais n’avons pu atteindre le parquet de manœuvre qui était déjà sous l’eau. Finalement, la machine bâbord a stoppé d’elle-même quand l’eau est entrée dans la chaufferie.
Un ordre parfait régnait sur le pont et nous sommes allés rendre compte au commandant.
Rapport de l’officier enquêteur
Il signale :
PAMPA faisait partie du convoi anglais ASPHODEL. En première ligne avaient été placés SAINT VINCENT (nota : SAO VICENTE), DANUBE, MADEIRA et PARALOS ; en deuxième ligne PAMPA et HARDEN.
PAMPA avait été mis en 2e ligne car il transportait des troupes et elle paraissait moins dangereuse.
Le convoi avait quitté le chenal de Comino le 25 Août à 13h00.
Nuit très claire et lune brillante. Le camouflage de PAMPA était récent. La peinture était encore brillante et les couleurs ressortaient par leur contraste. Les escorteurs DOCTEUR LEE et LOCH LEE faisaient une abondante fumée et il est probable que le sous-marin a aperçu le convoi à grande distance.
La torpille est venue de 45° sur l’arrière et a frappé dans la soute à charbon bâbord avant. L’eau a envahi la chaufferie, puis le compartiment machine qui communiquait avec la chaufferie par une porte ouverte et non étanche. Les portes étanches des deux tunnels et celles entre la chaufferie et la cale 2 étaient fermées et le commandant estime qu’elles ont tenu. C’est ce qui a permis au navire de rester à flot pendant une heure, malgré ses 3000 tonnes de marchandises.
Evacuation dans de bonnes conditions, avec ordre et discipline. Rien ne pouvait sauver le navire. Le commandant a accompli son devoir.
Récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
GOY Joseph Capitaine
Commandant son bâtiment depuis quatre ans dans des zones dangereuses a montré de réelles qualités militaires en inculquant à son équipage un haut sentiment de devoir et de discipline qui a permis le sauvetage des passagers lors du torpillage de son bâtiment.
Citation à l’Ordre de la Division
FAURE Louis Matelot
A montré un esprit de discipline et d’abnégation tel qu’il est resté au garant de son embarcation sans l’amener, attendant les ordres, alors que ce canot était le seul restant sous les bossoirs.
Citation à l’Ordre de la Brigade
DOMINIQUE Matthieu 2e mécanicien inscrit à Marseille
Après avoir stoppé la machine tribord, a essayé de stopper la machine bâbord bien que l’eau ait déjà envahi le compartiment
Témoignage Officiel de Satisfaction
FOURCADE Joseph Lieutenant
CAPPONI Jean Commissaire
Après avoir débarqué à bord d’un escorteur les passagers qu’ils avaient sauvés, ont refusé de s’y réfugier eux même et sont retournés aux ordres du capitaine pour continuer à coopérer au sauvetage.
Cdlt